Cours de François Nicolas à l’ENS (Ulm) 2005-2006 : Wagner, une musique encore à
venir ? Analyse de Parsifal |
Mardi, 17 h 30 - 19 h 30
Ens (45, rue d’Ulm) - salle S. Weil
Si le XXème siècle a soustrait la création musicale à l’influence directe de Wagner – à l’exception notable de la musique de film –, des compositeurs comme Stockhausen, Boulez, Boucourechliev ont cependant, au crépuscule du sérialisme, réactivé la problématique wagnérienne pour y déceler de nouvelles possibilités en matière de vaste Forme musicale, de nouveau thématisme et de grande œuvre ouverte.
À différents titres, l’œuvre musicale de Wagner retrouverait-elle aujourd’hui un avenir possible ? Peut-elle stimuler une conception renouvelée de la variation musicale (dépassant la polarité altération/identification), de la pluralité des entités musicales (débordant le jeu classique des dualités), du développement musical (association plutôt que Durchführung), d’une dialectique musicale apte à se nourrir d’une intension poétique, etc. ?
Cette réouverture musicienne du « dossier Wagner » se déploiera autour d’une analyse renouvelée de Parsifal.
1. 11 octobre 2005 – Parsifal : quels enjeux aujourd’hui ?
(format pdf : cours1.pdf)
2. 8 novembre 2005 – Écouter Parsifal à partir de son moment-faveur
(format pdf : 2.pdf)
3. 22 novembre 2005 – La structure globale : musicale (Alfred Lorenz) / théâtrale (Wieland Wagner)
(format pdf : 3.pdf)
4. 6 décembre 2005 – De quelques moments relayant l’écoute de Parsifal
(format pdf : 4.pdf)
5. 10 janvier 2006 – Théorie « néphologique » du réseau des leitmotive
(format pdf : 5.pdf et annexe 5.2.pdf)
6. 24 janvier 2006 – Les moments du sublime dans Parsifal.
(format pdf : 6.pdf et annexe 6.2.pdf)
7.
21 février 2006 -
Généalogie ascendante : le moment-Parsifal dans l’Œuvre de Wagner
(format pdf : 7.pdf et annexes 7.2.pdf et 7.3.pdf)
8.
7 mars 2006 -
Généalogie descendante (1) : Debussy
(format pdf : 8.pdf)
9. 21 mars 2006 - Généalogie descendante (2) : la musique de film
(format pdf : 9.pdf et annexe 9.2.pdf)
Denis Lévy : Wagner et la musique de film
10. 25 avril 2006 – La « mélodie infinie » comme synthèse musicale par modulation
(format pdf : 10.pdf et annexe 10.2.pdf)
11. 1 mai 2006 (New York) - Généalogie descendante (3) : Schoenberg
(format pdf : 11.pdf)
12. 6 mai 2006 (Journée « Parsifal, une œuvre pour notre temps ? ») – Écoutez Parsifal !
(format pdf : 12.pdf et annexe 12.2.pdf)
13. 30 mai 2006 – Bilan général (Qui est Kundry ?)
(format pdf : 13.pdf et annexe 13.2.pdf)
14. 6 juin 2006 – Six questions : compléments et précisions
(format pdf : 14.pdf et annexe 14.2.pdf)
Documentation analytique
· Le réseau des leitmotive de Parsifal (format pdf : reseau.pdf)
Journée Parsifal (Ens, 6 mai 2006)
www.diffusion.ens.fr/index.php?res=cycles&idcycle=282
·
François Nicolas, « Écoutez Parsifal
! »
(format pdf : 12.pdf et annexe 12.2.pdf)
Vidéo :
www.diffusion.ens.fr/index.php?res=conf&idconf=1246
·
Isabelle Vodoz,
« De Parzival à Parsifal »
(format pdf : Vodoz.pdf)
Vidéo :
www.diffusion.ens.fr/index.php?res=conf&idconf=1247
·
Alain Badiou,
« Quel
est le vrai sujet de Parsifal ? »
(format pdf : Badiou.pdf)
Vidéo :
www.diffusion.ens.fr/index.php?res=conf&idconf=1248
·
Slavoj Zizek,
« Parsifal, une pièce du théâtre
didactique brechtien »
Vidéo :
www.diffusion.ens.fr/index.php?res=conf&idconf=1249
·
Denis Lévy, « Autour du Parsifal de Syberberg »
(format pdf : Levy.pdf)
Vidéo :
www.diffusion.ens.fr/index.php?res=conf&idconf=1250
·
Discussion D. Lévy, F.
Nicolas & S. Zizek
Vidéo :
www.diffusion.ens.fr/index.php?res=conf&idconf=1340
Plan
1. 11 octobre 2005
Parsifal :
quels enjeux aujourd’hui ?
(fichier au format pdf : cours1.pdf)
Ce premier cours s’attachera à déployer l’hypothèse de travail
suivante : si le XX° siècle musical fut essentiellement « sans
Wagner » (on affinera ce diagnostic), l’après XX° siècle ne saurait plus
l’être, sans perte.
• Quelle
perte et pourquoi une telle perte ?
• Que
voudrait dire aujourd’hui
« penser la musique avec Wagner » ?
• Comment
s’y employer ?
On soutiendra pour cela une seconde hypothèse : renouer avec Wagner (opération qu’on distinguera
soigneusement d’un « retourner à Wagner ») peut passer par Parsifal plutôt que par Tristan (opéra préféré des musiciens, à
l’exception notable de Debussy), Les Maîtres chanteurs (opéra-clef dans toute
« politisation » de son œuvre) ou le Ring (généralement privilégié par les
philosophes et les hommes de théâtre).
Exhausser ainsi Parsifal se fera du point de la musique (il ne s’agit donc nullement
d’entériner un supposé destin religieux du XXI° siècle) sous l’hypothèse
suivante (la troisième) : Parsifal met en œuvre et résout (selon une modalité tout à fait
singulière qu’il nous faudra examiner en détail) des tensions musicales
majeures susceptibles d’intéresser le musicien d’aujourd’hui.
Clarifier ces enjeux proprement musicaux passera d’abord par un
diagnostic posé sur ce qui du XX° siècle musical fait exception au « sans
Wagner » relevé précédemment :
- un certain « retour à Wagner » qui a accompagné le
vaste tournant pris par le sérialisme au cours des années 60 : on
privilégiera ici le travail de Boulez et de Boucourechliev ;
- une référence constante à Wagner qui a nourri la musique
accompagnant le nouvel art du XX° siècle (le cinéma) : la musique de
film ; on s’intéressera ici au travail d’Hans Eisler.
On esquissera ensuite la voie musicienne d’une ressaisie des
grandes catégories wagnériennes :
- le réseau des leitmotive
qu’il s’agira de concevoir dynamiquement, un peu comme la science des nuages a
su les distinguer, au XIX° siècle, moins par leurs formes (aspects statiques)
que par leur aptitude variée à se transformer (intensions…) ;
- la modulation comme indexant
dans cette musique non seulement les tournants tonaux traditionnels (sens
musical de la modulation)
mais plus singulièrement l’aptitude d’un flux sonore d’être modulé (au sens
acoustique du terme, distinguant ondes porteuse et modulante) par un autre flux ;
- la mélodie « sans
fin » (plutôt qu’infinie) comme ligne sismographique traversant et enregistrant les
différents courants à l’œuvre ;
- le « drame » comme
nom donné à cette aptitude de la pensée musicale d’être modulée par une pensée poétique « bien
formée » (c’est-à-dire en particulier allitérée) : une musique
« dramatique » s’avérera ainsi une musique poétiquement modulable (ou voie de la « synthèse des
arts » par modulations d’amplitude – intonations… — et de fréquences –
rythmes… -).
On esquissera alors un programme de travail visant à renouveler la
conception musicale des points suivants :
• Comment
la problématique traditionnelle de variation et de développement s’élargit-elle ainsi à de nouveaux
possibles ?
• Quel
sens nouveau est ici donné au principe d’ouverture de la Forme musicale ?
• De
quelle manière Wagner trace-t-il ainsi la voie d’une autonomie musicale qui, sachant se déployer en
« modulation » étroite avec une pensée poétique, se tient à distance
de toute autarcie ?
• À
ce titre le destin cinématographique de Wagner au XX° siècle n’apparaît-il pas
comme un destin certes naturel, mais trop naturel pour ne pas demeurer aveugle
à ce qui profile ainsi un possible à venir pour la musique ?
Au total, l’enjeu de ce cours – réinterroger, grâce à une écoute renouvelée de Parsifal, de quoi Wagner peut-il être aujourd’hui le nom ? – apparaîtra consonner avec l’enjeu même du livret de cet opéra : Parsifal parviendra-t-il à réactiver une nomination moribonde via une nouvelle écoute réverbérante (Mit-leid : com-passion) de l’intension subjective constitutive du collectif de Montsalvat ? Soit un destin anti-Tractatus de Parsifal : inventera-t-il une nouvelle énonciation contre l’impératif — hérité — de se taire ? « Qui est le Graal ? – On ne peut le dire ; mais si le sort pour lui te désigne, son message te parviendra. Et vois ! »
2. 8 novembre 2005
Écouter Parsifal à partir du leitmotiv dit « de la plainte » ?
(format pdf : 2.pdf)
Thèses
Thèse
1 : Écouter Parsifal
suppose l’émergence d’un moment-faveur [voir Théorie de l’écoute musicale, cours de 2003-2004 *].
Hypothèse
a. Dans Parsifal le moment-faveur intervient au cœur de la scène dite « de la
transformation » (milieu de l’acte I) quand le leitmotiv L5 (dit « de la plainte du Sauveur » **) vient
la déchirer.
Thèse
2 : Écouter Parsifal de
part en part (4 h !) nécessite l’articulation d’un tel moment-faveur
à d’autres points d’appui ultérieurs (qui ne sont ni la reprise du
moment-faveur, ni l’irruption d’autres moments-faveurs) : appelons-les des
moments-relais.
Hypothèse
b. Deux moments-relais (au moins) interviennent dans les deux derniers
actes :
·
dans le chœur (à douze
voix écrites) des Filles-Fleurs (première partie de l’acte II),
·
dans le prélude (cordes
solos) de l’acte III.
Axiomes
(néphologiques) : il y a
des nuées, mais il n’existe pas « une » nuée : « un » nuage
procède d’un découpage dans le multiple des nuées.
Axiome
I : « un » leitmotiv est tel « un » nuage :
un ensemble de variations autour d’une même idée jamais canoniquement exposée.
Axiome
II : « un » leitmotiv, tel « un » nuage, n’est
intelligible que par « son » économie dans le réseau dynamique des
leitmotive.
Tâches :
·
Qu’en est-il de la
singularité de L5, de sa tension
propre (intension), de son profil
interne (inspect), de ses
différents aspects ?
·
Qu’en est-il de sa
dynamique en situation :
-
dans le réseau des 36 leitmotive ***,
-
dans ses 41 occurrences,
-
dans les 62 « périodes poético-musicales » qu’A. Lorenz distingue
(1933) dans Parsifal ?
Comme
on le voit, avec Wagner, le quantitatif importe et il convient donc de savoir
aussi « décompter ».
·
Qu’en est-il, plus
généralement, de la généalogie wagnérienne de L5 ?
Généalogie
musicale de Parsifal
Hypothèse
c. L’apparentement de L5 au fameux motif du désir inaugurant Tristan (par l’élan, le chromatisme, le célébrissime accord,
la matrice polyphonique, la plasticité harmonico-tonale…) suggère, compte tenu
de l’importance stratégique de L5
dans Parsifal (hypothèse a),
d’entendre aussi Parsifal comme
réflexion de Tristan.
Enjeu
Tout
ceci nous incitera à réévaluer le partage convenu entre un Tristan chromatique et un Parsifal diatonique et modal, et par là de réinterroger un XX°
siècle musical classiquement disposé selon 2 (+1) généalogies : celles de
Schoenberg (Tristan), de Debussy (Parsifal) et de Scriabine (contournement musical de Wagner).
Que
l’on retrouve ici l’Allemagne, la France et la Russie fera résonner des échos
inattendus de l’axiome adornien : « L’art a besoin de quelque
chose qui lui est hétérogène pour devenir art. »
* Voir
www.entretemps.asso.fr/Nicolas/Ecoute
** Un
état parmi d’autres de L5 :
*** Pour
une présentation du réseau des leitmotive, voir :
www.entretemps.asso.fr/Wagner/Parsifal/36leitmotive.htm
3. 22 novembre 2005
(format pdf : 3.pdf)
4. 6 décembre 2005
De quelques moments relayant l’écoute de Parsifal
(format pdf : 4.pdf)
Comment l’écoute de Parsifal, mise en branle par la brèche du moment-faveur (milieu de
l’acte I), est-elle préparée par une pré-écoute d’une part, et réimpulsée par des moments-relais d’autre part ?
On analysera pour cela quatre moments privilégiés de Parsifal :
· le
prélude de l’acte I, constitutif de lsa pré-écoute ;
· les
trois moments-relais
suivants :
le
« ballet » des Filles-fleurs (Acte II.437-736)
Le
prélude de l’acte III
La
« musique de la transformation » (Acte III.804-862)
L’enjeu de ces analyses sera le suivant :
1) Quel type de pré-écoute le prélude configure-t-il ?
On insistera ici sur quatre choses :
· l’entrelacement
leitmotivique (L1-L2-L3) constitutif d’une « base génératrice » du
réseau complet,
· le
jeu d’une modalisation (phrygienne) de la tonalité (L1/L1 bis).,
· la
généricité instrumentale de l’orchestration,
· la
disposition singulière d’un point d’écoute immergé dans l’entrelacement du
leitmotiv avec et de sa réverbération sonore(I.5/I.8/I.9-13/I.14-19) (là où l’espace
devient temps…).,
2) Comment les moments-relais renouvellent-ils l’écoute à
l’œuvre ?
On soutiendra :
· que
l’épisode des Filles-fleurs l’irrigue d’une mobilité constrastante, d’une dynamique « innocente » constituant un
tiers terme (ou élément neutre) par rapport aux statiques « tourmentées » qui
s’opposent dans Parsifal ;
· que
le prélude de l’acte III renouvelle le déchirement à l’œuvre lors du
moment-faveur grâce au jeu d’un nouveau leitmotiv (L30), apparenté mais non
déductible de celui qui structure le moment-faveur (L5),intensifie une
dimension rétroactive
du point d’écoute, attachée à cette impression d’« étrange
familiarité » qui traverse toute l’œuvre ;
· que
la « musique de la transformation » (acte III), faisant
« reprise » symétrique de la « scène de la transformation »
(acte I), renouvelle le déchirement à l’œuvre lors du moment-faveur grâce au jeu d’un nouveau
leitmotiv, apparenté
mais non affilié à
celui qui structure le moment-faveur.
3) Au total il apparaîtra que la série de tous ces moments
privilégiés fibre une ligne d’écoute d’une
tonalité subjective singulière, thématisant l’intension propre de Parsifal : une attention à la fois rétroactive
(intime) et réverbérante (extime), nouée en ce qu’on proposera d’appeler un
point d’écoute au futur antérieur.
Ceci raisonnera
en une compréhension possible du moment-Parsifal (au sein de l’Œuvre de Wagner) et de la
configuration-Wagner
(au sein de l’histoire de la musique) : comme intrication tout à fait singulière
d’un crépuscule et d’une aurore…
5. 10 janvier 2006
Théorie « néphologique » du réseau des leitmotive
(format pdf : 5.pdf et annexe 5.2.pdf)
« Un mythe se compose de l’ensemble de ses variantes. » Claude Lévi-Strauss
« Où est le
leitmotif, dans la partition, dans notre perception ? […] Comme un ensemble d’apparitions
tantôt fugaces et tantôt insistantes. […]. Le leitmotif n’apparaît pas comme un
objet mais comme l’ensemble de ses métamorphoses. » André Boucourechliev
Fiction théorique
On exposera d’abord les raisons nous conduisant à réfuter
l’hypothèse de travail (cours n°3) selon laquelle la logique de Parsifal serait
de type mytho-logique.
On avancera alors une nouvelle hypothèse : la
logique leitmotivique pourrait-elle être mieux pénétrée en supposant qu’elle
est de type népho-logique (logique des nuages) ? Pour ceci, faisons comme
si le réseau des leitmotive était
homologue à celui des nuées peuplant l’atmosphère (« L’instrumentation
de Parsifal sera très différente de
celle du Ring : comme des couches de nuages, qui se divisent et se
reforment […], quelque chose de semblable à des couches de brouillard qui se
séparent et se rassemblent à nouveau. » Richard Wagner) et voyons si la théorie des nuages (néphologie) peut nous orienter dans la mise en évidence des
propriétés structurales du réseau des leitmotive dans Parsifal.
Axiomatique népho-logique
1) C’est la dynamique des forces qui explique la statique des formes : une forme est le résultat d’une formation (plutôt
qu’une formation n’est une transition entre deux formes).
2) Une forme
s’obtient pas découpage dans un multiple (« les nuées ») qui n’est pas une pluralité d’unités préalables : l’un procède du multiple
(par découpage), non l’inverse.
3) On peut, à partir de là, construire une base, de
taille très réduite (3 pour les nuages : cumulus, nimbus, stratus), générant la variété extrême des formes.
4) Sur cette base, il est légitime de classer le monde
infini et perpétuellement mobile des formes en un petit nombre (quelques
dizaines) exhaustif de variétés (31 pour les nuées).
On entreprendra de mettre le réseau des leitmotive dans
Parsifal à l’épreuve de cette
axiomatique.
La distinction de cinq principes dynamiques (d’ordre
tonal, rythmique, polyphonique, orchestral et schématique) aptes à saisir la
variété des intensions à l’œuvre
nous conduira à cartographier les 36 aspects (variétés) de leitmotive selon une base de 4 leitmotive (genres) génératrice de 7 espèces.
On
en déduira quelques propriétés des situations musicales mettant en jeu ce nœud
de forces et ce réseau de formes.
Documentation
Le
réseau des 36 leitmotive (et leurs « codes-barres » codifiant la
succession de leurs occurrences au cours des 3 actes) :
·
www.entretemps.asso.fr/Wagner/Parsifal/reseau.htm
·
www.entretemps.asso.fr/Wagner/Parsifal/reseau.pdf
6. 24 janvier 2006
Les moments du sublime dans Parsifal
(format pdf : 6.pdf et annexe 6.2.pdf)
Ce cours sur Parsifal dégage progressivement le principe de ce qu’on propose
d’appeler une Moment-analyse :
une analyse de l’opéra comme constellation de moments (de natures très diverses).
À ce titre, on a déjà examiné le moment-faveur (2°
cours) et ses moments-relais (4° cours), le moment de départ de l’œuvre et
bientôt le moment de sa fin. Seront prochainement abordés les moments
singuliers que constituent les trois grands monologues (de Gurnemanz,
d’Amfortas et de Klingsor) et les deux confrontations Klingsor-Kundry et
Parsifal-Kundry.
On propose ce mardi (6° cours) d’examiner s’il y a dans
Parsifal ce qu’on appelera
« un moment du sublime » : non pas tant un moment sublime mais
un moment structuré autour de la question du sublime.
Pour cela, on entendra par sublime non le concept philosophique homonyme (dont on rappellera
les grandes scansions, Kant et Schiller en particulier) mais une catégorie
musicienne qu’on caractérisera ainsi : est musicalement sublime le geste qui outrepasse le beau par la soustraction
improbable d’un pas de côté plutôt que par un saut qualitatif faisant
culmination prévisible d’une accumulation quantitative. Le sublime musical
tiendrait ainsi à une scission affirmative entre une prolongation et un retrait
latéral.
On se demandera à ce titre ce qu’il en est de deux
moments : le climax de tout l’opéra quand, au milieu de l’acte II,
Parsifal se souvient de l’enjeu subjectif de toute cette affaire (le désastre Amfortas) contre une mémoire nostalgique déployée par Kundry
(surgissement d’un grand silence par retrait du tutti) et surtout le moment
concluant le second acte de Parsifal,
au point précis où Parsifal se saisit de la lance jetée par Klingsor, lorsque
la musique, loin de s’exacerber, se rétracte au fil de la harpe autour des
trompettes et trombones.
On analysera ces moments avant d’en comparer quelques
interprétations magistrales (Pierre Boulez, Armin Jordan, Kent Nagano).
On discernera sur cette base la contribution de ces
moments à la Moment-analyse de
l’œuvre.
7. 21 février 2006
Généalogie ascendante : le moment-Parsifal dans l’Œuvre de Wagner
(format pdf : 7.pdf et annexes 7.2.pdf et 7.3.pdf)
On soutiendra que le drame essentiel de Parsifal - par-delà les anecdotes - se noue autour
de la question suivante : comment réactiver un processus subjectif ensablé
et moribond, ayant égaré sa dynamique fondatrice suite à un désastre intervenu
lors de sa transmission, désastre produit d’un renoncement et d’un
détournement, d’un abandon (Amfortas) et d’un accaparement en simulacre
(Klingsor) ?
On interprètera à ce titre Titurel (l’inaugurateur de la
séquence), Amfortas (l’interrupteur infidèle), Klingsor (le virtuose du
semblant, le jouisseur impuissant des pouvoirs du simulacre), Gürnemanz (le
chroniqueur de la séquence) et Parsifal (la relève subjective) comme des
« personnages conceptuels » (à l’image de ceux que Nietzsche forge au
même moment pour son Zarathoustra).
On écartera ce faisant les interprétations habituelles de Parsifal comme aventure initiatrice
(Chailley !), mythologique (Lévi-Strauss), chrétienne (Nietzsche), et même
schopenhaurienne (on précisera pour ce faire la fonction subjective exacte de
la « compassion » dans cet opéra).
Laissant provisoirement de côté la difficile question :
« mais qui est exactement Kundry ? », on proposera de lire, en
ce sujet-Parsifal, la
matrice d’aventures subjectives aussi différentes que celles du communisme (à
l’époque de son semblant kroutchevien) ou du Carmel (au siècle de Jean de la
Croix et Thérèse d’Avila), tout aussi bien que celles, musicales cette fois, du
sérialisme et/ou du thématisme (à la fin du XX° siècle) et surtout de l’opéra…
à l’époque précisément de Richard Wagner.
Autant dire que l’opéra Parsifal sera ainsi compris comme traitant, de
l’intérieur même de son geste, la question de sa propre généalogie, question
qu’on formulera ainsi : de quoi Parsifal est-il (et veut-il être) le moment musical
singulier dans l’œuvre même de Richard Wagner ? À quel titre Parsifal peut-il être compris comme la déclaration
et l’effectuation d’une relève musicale ? De quel processus musical
ensablé, moribond, désastreusement détourné de son intension véritable Parsifal serait-il alors la relève et la
réactivation ?
On resituera, pour ce faire, Parsifal dans la généalogie wagnérienne des
tentatives successives pour régénérer l’opéra en le fondant sur une synthèse
(nommée « drame ») de la musique, de la poésie et du théâtre.
On s’appuiera ce faisant sur les analyses du livre de Jack M.
Stein Richard Wagner & the synthesis of the arts (1960) qui soutient l’existence de deux
tournants (et conséquemment de trois séquences) dans l’œuvre musicale et
théorique de Wagner – contre l’hypothèse plus usuelle d’une seule et vaste
période (voir par exemple le récent livre d’Éric Dufour sur l’esthétique
musicale de Nietzsche) -.
On engagera alors un examen minutieux de la catégorie même de synthèse, pour tirer musicalement parti de raisonances avec des significations tant
acoustiques (synthèse sonore par modulations…) que philosophiques (Kant, mais
aussi les trois « synthèses » de Deleuze) de ce mot.
Cette compréhension de la généalogie ascendante de Parsifal conduira à dégager quelques hypothèses
concernant une généalogie descendante qu’on examinera ultérieurement.
8. 7 mars 2006
Généalogie
descendante (1) : Debussy
(format pdf : 8.pdf)
Si Wagner à lui tout seul semble constituer un continent musical
séparé (sans extension et prolongement immédiats : à l’égal du continent Bach ?), sa généalogie descendante se joue, dans
un premier temps, selon le faisceau disjoint et divergeant des œuvres de Hugo
Wolf (1860), Claude Debussy (1862), Richard Strauss (1864) et Arnold Schoenberg
(1874) - on écarte ici l’académisme stérile du « wagnérisme »,
incarné (III° République oblige !) par Vincent d’Indy.
Pour entamer l’exploration de cet aval musical, on examinera ce
que Robin Holloway appelle « la conjonction Wagner-Debussy » (Debussy
and Wagner, Eulenburg
Books, Londres, 1979).
Ceci nous conduira à l’interrogation suivante :
si Debussy est bien « le plus wagnérien de tous les
compositeurs » (voir La Damoiselle élue, Pelléas, Le Martyre de St Sébastien et Jeux), quel sens musical donner au fait qu’il
déclare rivaliser avec Wagner
« Wagner, ce vieil empoisonneur, […] le fantôme du vieux
Klingsor »
en lui disputant cette place de Klingsor qu’il lui attribue
« Le plus beau caractère dans Parsifal appartient à Klingsor, […]
merveilleux de haine rancuneuse ; il sait ce que valent les hommes […] ; ce magicien retors, ce vieux
cheval de retour, est non seulement le seul personnage “humain”, mais l’unique
personnage “moral” de ce drame où se proclament des idées […] dont le jeune
Parsifal est le chevalier héroïque et niais »
plutôt qu’en se présentant comme sa relève, donc comme son
Parsifal ?
Si l’on se désintéresse ici de la psychologie du musicien Claude
de France, qu’est-ce que
l’hypothèse d’un tel Debussy, « Klingsor » (et donc corruption) du
continent Wagner, nous
apprend sur l’œuvre et la musique de Debussy ?
Et surtout, qu’est-ce que cette hypothèse nous apprend sur le
moment Wagner comme crépuscule ?
On thématisera pour cela le crépuscule comme instant pariant sur
le jour contre « la disgrâce de la nuit qui engloutit » (René Char), comme moment prophétisant
non ce qui va venir mais ce qui restera de la séquence qu’il s’agit, dans
l’urgence, de parachever (les tâches propres du crépuscule : saturer ce
qui aura été sa lumière propre).
Autant dire qu’il s’agira, à distance des apologies convenues de
l’aurore, d’esquisser un éloge du crépuscule comme moment du futur antérieur,
ce futur antérieur dont l’écoute du Prélude de Parsifal (quatrième cours - 6 décembre 2005) nous a
délivré la matrice proprement musicale.
Finalement, Parsifal, une œuvre pour notre temps ?
9. 21 mars 2006
Généalogie descendante (2) : la musique de film
(format pdf : 9.pdf et annexe 9.2.pdf)
Si
Wagner a bien été une référence constante pour la
musique de film (de Griffith à Eisenstein, de Steiner et Korngold à Herrmann…)
– on remarquera au passage qu’en ce point, Debussy l’accompagne… -, on peut se
demander :
— À quel titre exact Wagner a-t-il été cette
référence marquante ?
— Qu’est-ce qu’une telle référence nous apprend
en retour sur la musique de Wagner ?
Wagner a été une référence centrale pour la musique de cinéma
essentiellement à un triple titre :
·
celui du
leitmotiv, qui identifierait personnages et situations et faciliterait ainsi
auditivement le travail de mémorisation ;
·
celui d’une
synthèse dramatique entre théâtre et musique, où Wagner anticiperait sur le
propre travail synthétique du cinéma ;
·
celui d’une
musique immergeant et enveloppant l’auditeur, qui préfigurerait cette fonction
de la musique de film facilitant l’incorporation du spectateur à l’histoire
projetée sur l’écran.
Il semble par contre que les influences de sa mélodie infinie, de
son art de la transition et de son orchestre invisible soient restées d’ordre
plus métaphorique sans atteindre, comme les trois précédentes, au statut de
quasi-modèle.
On se demandera alors :
·
De quelle
conception de la musique au cinéma cet intérêt pour le leitmotiv
relève-t-il ?
·
Le drame
wagnérien, comme synthèse musique-poème, est-il homogène à ce qui se joue dans
l’intervalle cinématographique entre images et musique ?
·
De quelle
conception exacte du cinéma relève l’idée d’une musique immergeant et
enveloppant son spectateur ?
Pour ce faire, on examinera de plus près deux conceptions (en partie
rivales) de la musique au cinéma : celle (cinématique) d’Eisenstein et
celle (didactique) d’Eisler.
Tout ceci nous renverra alors à cette question, pour nous
décisive : s’il est vrai que la musique de film doit s’entendre sans pouvoir s’écouter, et s’il est vrai que Wagner est un des
principaux « parrains » de la musique de film ainsi comprise, cette
« conjonction Wagner-cinéma » suggèrerait-elle en fin de compte que
la musique wagnérienne elle-même devrait s’entendre plutôt qu’à proprement
parler s’écouter ? Serait-il donc vrai — comme Nietzsche en a instruit le
procès — que cette musique, tel un narcotique ensorcelant son auditeur,
interdirait cette disposition caractéristique de l’écoute où l’oreille
s’attache à la brèche mobile d’un « qui-vive » ?
Finalement, il s’agira donc, via cette généalogie, de nous
demander : peut-on vraiment écouter Wagner ?
On conclura qu’en ce point, il nous revient de prendre appui sur
le cinéma lui-même puisque c’est bien de lui que nous vient, en plein cœur du
XX° siècle, la directive explicite d’écouter la musique de Wagner : on
remarquera en effet que Charlie Chaplin a choisi en 1940 d’achever Le Dictateur - et le discours d’espérance lancé au
monde par le petit barbier juif - sur Pauline Goddard déclarant « Écoutez ! » et laissant se déployer, cette fois
à nu (et non plus en simple accompagnement sonore), le prélude de Lohengrin…
10. 25 avril 2006
La « mélodie infinie » comme synthèse musicale par modulation
(format pdf : 10.pdf et annexe 10.2.pdf)
Quel rôle musical la mélodie « infinie »
joue-t-elle dans l’œuvre de Wagner ? Quel rapport entretient-elle avec
cette « mise ensemble » du poème, du théâtre et de la musique que
Wagner appelle « drame » ?
S’il est vrai que la voix est un opérateur privilégié
de cette « mise ensemble » musicale (à mesure du fait qu’en musique, c’est
bien la même voix qui chante et qui parle), alors cette « mise ensemble » des arts s’avère, chez
Wagner, moins une « totalisation » qu’une synthèse.
Qu’est-ce exactement que cette synthèse wagnérienne des
arts et quel rôle y joue la mélodie « infinie » ?
On soutiendra que la mélodie infinie travaille à une
telle synthèse par modulation, en
une métaphore d’ordre acoustique (synthèse par modulation d’amplitude et de
fréquence) plutôt qu’harmonique (modulation
tonale) : la mélodie infinie peut
être vue comme une onde sans fin, synthèse de différentes ondes aux
matérialités diverses : la matérialité poétique du texte signifiant, la matérialité théâtrale de l’intrigue signifiée, la matérialité musicale de l’évolution harmonico-tonale et des leitmotive…
On analysera, pour ce faire, en détail le long
monologue de Gurnemanz (acte I) comme onde modulée produite par l’empreinte d’une modulante (l’onde orchestrale) sur une porteuse (l’onde du texte). Analyser cette mélodie reviendra à démoduler la modulée que Wagner a composée dans cet ordre :
d’abord la porteuse (le texte),
puis simultanément la modulante (la
particella orchestrale) et la modulée
(la voix).
On soutiendra au total que cette conception de la
« mélodie infinie » permet de la penser non comme une mélodie
ordinaire dont on aurait supprimé la fin (ou dont on diffèrerait
interminablement la conclusion : cette mélodie a bien une fin, qui se
confond simplement avec celle de l’œuvre) mais comme étant une mélodie d’un
type singulier : un mélodie qui porte à tout moment son épaisseur illimitée, faite des
« infinies » résonances qu’elle synthétise.
On conclura sur les enjeux de cette mélodie infinie en matière d’écoute :
1) la synthèse qu’opère cette mélodie infinie sera vue comme une manière (immanente à l’œuvre) d’écouter la musique – s’il est vrai qu’écouter, c’est synthétiser et non pas totaliser… - ;
2) écouter l’œuvre du point de la mélodie infinie qui la traverse de part en part, c’est alors bien s’incorporer à une écoute musicale toujours déjà à l’œuvre ;
3) au total la mélodie infinie trace un fil d’écoute constitutif d’une configuration de moments.
11. 1 mai 2006
(New York) - Généalogie descendante (3) : Schoenberg
(format pdf : 11.pdf)
Par-delà quelques traits communs des personnalités qui les ont
composées, les musiques de Wagner et de Schoenberg sont nettement
dissemblables, comme le sont leurs places dans l’histoire : ainsi Debussy
a vu en Wagner un crépuscule, quand Berg a présenté Schoenberg comme une
aurore.
Comment évaluer les rapports entre un crépuscule-Wagner et une aurore-Schoenberg, et que penser de la nuit musicale qui les
aurait séparés ?
·
Wagner a-t-il
bien été un crépuscule ?
Sans doute, si l’on conçoit un crépuscule comme l’ultime moment où
le jour résiste à la nuit qui menace, non comme un instant de renoncement. Et,
comme on le verra, Wagner, en effet, est un parachèvement prophétique plutôt
qu’un trou noir.
·
Schoenberg
a-t-il bien été cette aurore que déclarait Berg ?
Si son second quatuor à cordes (1908) semble d’autant plus une
aurore que le poème chanté en son quatrième mouvement le déclare, une telle,
aurore effaçant la nuit qui s’achève, est-elle pour autant oublieuse des jours
qui l’ont précédée ? On examinera à ce titre en quoi Schoenberg se
rappelle ici de Wagner et ce qu’il y réactive de sa musique.
·
Enfin quelle
sorte de nuit musicale a séparé le crépuscule-Wagner de l’aurore-Schoenberg ?
Le thème schoenbergien de la « nuit transfigurée »
(1899) nous suggère qu’il s’est agi, à la charnière des 19° et 20° siècles, de
transfigurer la nuit romantique en une nouvelle figure de la nuit, à l’école
d’une différence irréductible des sexes (comme le programme littéraire au
principe de la Verklärte Nacht l’indique très précisément) et non plus de leur fusion (comme dans
Tristan).
Finalement, Schoenberg aura bien été un des avenirs de Wagner,
singulièrement par l’appui compositionnel repris en la voix en vue de déplacer
les frontières musicales et conquérir de nouveaux territoires sonores.
Au total, Schoenberg aura transfiguré le principe que Wagner avait
parachevé et par là transmis aux jours futurs : « la musique ne
pense pas seule. »
12. 6 mai 2006
(Journée « Parsifal, une œuvre pour notre temps ? ») – Écoutez Parsifal !
(format pdf : 12.pdf et annexe 12.2.pdf)
13. 30 mai 2006
Bilan général (Qui est Kundry ?)
(format pdf : 13.pdf et annexe 13.2.pdf)
Si
l’enjeu de Parsifal est la
réactivation d’un processus collectif ensablé (Montsalvat) et sa relève par
l’incorporation d’une innocence générique (Parsifal), son effet paradoxal tient
au salut de Kundry bien plus qu’à celui d’Amfortas. D’où la double question :
1) Comment
le collectif de Montsalvat est-il transformé (relevé ?) de l’acte I à
l’acte III ?
2) Finalement
qui est ici Kundry ?
I. Que penser musicalement de la thèse d’Alain Badiou sur Parsifal selon laquelle son sujet toucherait à la question du
cérémonial, donc à la représentation du collectif comme tel ? (cf. www.diffusion.ens.fr/index.php?res=conf&idconf=1248)
On
articulera cette question au statut dans Parsifal d’une réverbération proprement musicale - celle qui est composée, non pas livrée à l’espace
architectural, et qui affirme : « Maintenant, l’espace devient
temps » -. Cette réverbération,
structurant la pré-écoute de
l’œuvre, opère en effet comme une auto-représentation de la musique.
D’où
un examen de son destin tout au long de l’opéra — tout particulièrement lors de
l’entrée en scène du chœur (homophonique et diatonique) des Chevaliers — et une
analyse des différences musicales entre les trois chœurs de l’opéra (chœurs
masculins des actes I & III, chœur féminin de l’acte II).
II. Wagner a indiqué en 1860 que le sujet de son Parsifal s’était soudainement clarifié quand il a compris que
la servante (des actes I et III) était – devait être – le même personnage que la corruptrice (de
l’acte II). Cette Kundry, synthétisant deux figures restant disjointes dans Tannhäuser (Élisabeth & Vénus), constitue dans Parsifal une énigme : énigme de tessiture (soprano/mezzo),
de diversité vocale (Kundry pleure, chante, crie, parle, gémit, rit…), de
présence dramatique (Kundry, presque tout le temps présente et principale
figure de l’acte II, est souvent invisible dans l’acte I, et presqu’entièrement
muette à l’acte III), d’individualité (Kundry circule « de monde en
monde » et rassemble différents visages féminins de toutes époques).
Pour
éclaircir cette énigme-Kundry, on
examinera ce qu’il en est de la voix en musique.
On
soutiendra qu’en musique la voix ne se conforme pas au modèle
instrumental : elle ne relève pas de la trace d’un corps-à-corps mais d’un tracé au fil d’un souffle traversant un
résonateur.
Ainsi
le rapport de la voix au corps qui la configure s’avère un rapport de disjonction (ne dit-on pas d’une personne qu’elle est un corps mais qu’elle a une voix ?) quand celui d’un son instrumental à
sa base corporelle est de conjonction.
Cette
disjonction vocale s’ajuste dans Parsifal à la disjonction-Kundry
pour l’y constituer en emblème de la vocalité.
On
éclairera en ce point l’enjeu-Kundry
par la notion de « pulsion invocante » avancée par Lacan en 1964, qui
réactive celle de prière : il s’avère dans Parsifal que la véritable prière est une fois de plus l’affaire
de Kundry (acte III), non d’Amfortas (acte I) (« la vraie
prière, celle qui ne sollicite rien », Samuel Beckett).
Au
total ceci fera apparaître Kundry comme figure de l’in-vocation (cette modalité musicale de la subjectivation, en
amont de la diversification des subjectivités effectives), donc comme figure
logique plutôt qu’ontique (à proprement parler, Kundry n’est pas un personnage, n’étant pas un personnage…).
III. Au total, il apparaîtra que Parsifal se déploie dans la triangulation instaurée par la
voix-Kundry (à la fois individuelle
et multiple), le chœur-Chevaliers
(à la fois pluriel et unifié) et la figure-Parsifal. Ainsi Parsifal, Kundry et le collectif constituent
les enjeux véritables du drame quand les quatre personnages stricto sensu —
Titurel, Amfortas, Klingsor et Gurnemanz — en figurent plutôt les opérateurs.
On
conclura le travail de cette année en subsumant Parsifal comme opéra crépusculaire où convergent une résistance (à l’obscurantisme de la musique vocale à effets), un parachèvement (de la synthèse wagnérienne), et une prophétie (l’aurore du XX° siècle – qui se nommera Schoenberg/Debussy – aura
bien pour tâche propre de réinterpréter cette œuvre : voir La Nuit
transfigurée, les Gurrelieder & le second quatuor/Pelléas, Le Martyre de saint Sébastien & Jeux).
14. 6 juin 2006
Six
questions : compléments et précisions
(format pdf : 14.pdf et annexe 14.2.pdf)
–––––
Première
année (2003-2004) : L’intégralité du cours est disponible - en deux polycopiés pour les élèves de l’Ens, - sous forme de deux fichiers (Word 98)
téléchargeables : Huit
cours : Cours.doc
(1,3 Mo) Annexes
(Analyse de six moments-faveurs) : Annexes.doc (2 Mo) |
Deuxième
année (2004-2005) : LES VOIES DE
L’INTELLECTUALITÉ MUSICALE (Rameau –
Wagner – Boulez) L’intégralité du cours est disponible - en un polycopié pour les élèves de l’Ens, - sous forme de quatre fichiers (format pdf)
téléchargeables : |