Généalogie descendante (2) : la musique de film

(4 avril 2006)

 

François Nicolas

 

Résumé

 

Si Wagner a bien été une référence constante pour la musique de film (de Griffith à Eisenstein, de Steiner et Korngold à Herrmann…) – on remarquera au passage qu’en ce point, Debussy l’accompagne… -, on peut se demander :

      À quel titre exact Wagner a-t-il été cette référence marquante ?

      Qu’est-ce qu’une telle référence nous apprend en retour sur la musique de Wagner ?

 

*

 

Wagner a été une référence centrale pour la musique de cinéma essentiellement à un triple titre :

·       celui du leitmotiv, qui identifierait personnages et situations et faciliterait ainsi auditivement le travail de mémorisation ;

·       celui d’une synthèse dramatique entre théâtre et musique, où Wagner anticiperait sur le propre travail synthétique du cinéma ;

·       celui d’une musique immergeant et enveloppant l’auditeur, qui préfigurerait cette fonction de la musique de film facilitant l’incorporation du spectateur à l’histoire projetée sur l’écran.

Il semble par contre que les influences de sa mélodie infinie, de son art de la transition et de son orchestre invisible soient restées d’ordre plus métaphorique sans atteindre, comme les trois précédentes, au statut de quasi-modèle.

 

On se demandera alors :

·       De quelle conception de la musique au cinéma cet intérêt pour le leitmotiv relève-t-il ?

·       Le drame wagnérien, comme synthèse musique-poème, est-il homogène à ce qui se joue dans l’intervalle cinématographique entre images et musique ?

·       De quelle conception exacte du cinéma relève l’idée d’une musique immergeant et enveloppant son spectateur ?

Pour ce faire, on examinera de plus près deux conceptions (en partie rivales) de la musique au cinéma : celle (cinématique) d’Eisenstein et celle (didactique) d’Eisler.

 

*

 

Tout ceci nous renverra alors à cette question, pour nous décisive : s’il est vrai que la musique de film doit s’entendre sans pouvoir s’écouter, et s’il est vrai que Wagner est un des principaux « parrains » de la musique de film ainsi comprise, cette « conjonction Wagner-cinéma » suggèrerait-elle en fin de compte que la musique wagnérienne elle-même devrait s’entendre plutôt qu’à proprement parler s’écouter ? Serait-il donc vrai — comme Nietzsche en a instruit le procès — que cette musique, tel un narcotique ensorcelant son auditeur, interdirait cette disposition caractéristique de l’écoute où l’oreille s’attache à la brèche mobile d’un « qui-vive » ?

Finalement, il s’agira donc, via cette généalogie, de nous demander : peut-on vraiment écouter Wagner ?

 

On conclura qu’en ce point, il nous revient de prendre appui sur le cinéma lui-même puisque c’est bien de lui que nous vient, en plein cœur du XX° siècle, la directive explicite d’écouter la musique de Wagner : on remarquera en effet que Charlie Chaplin a choisi en 1940 d’achever Le Dictateur - et le discours d’espérance lancé au monde par le petit barbier juif - sur Pauline Goddard déclarant « Écoutez ! » et laissant se déployer, cette fois à nu (et non plus en simple accompagnement sonore), le prélude de Lohengrin

 

–––––

 

Parution récente

Introduction

Prolongement de la conjonction Debussy-Wagner

Enjeux

Constat : une connexion Wagner-cinéma

Réalisateurs/compositeurs

Max Steiner

Erich Wolfgang Korngold

Bernard Herrmann

Maurice Jaubert

Luis Buñuel

Alfred Hitchcock

Charlie Chaplin

Théoriciens

Pierre Berthomieu

Michel Chion

Jacques Bourgeois

Rappel

Une conjonction ? 6 (3+3) thèmes

3 métaphoriques

Mélodie infinie

Transition

Orchestre invisible

3 références centrales

Leitmotive ?

Rappel : réseau

Max Steiner

Korngold

Franz Waxman

Bernard Herrmann

Autres

Pierre Berthomieu

Synthèse ?

Musique-océan ?

Atmosphères

Écouter/Entendre/Ne pas remarquer

Brecht

Maurice Jaubert

Plus généralement : la musique au cinéma ?

Pierre Berthomieu

Eisenstein

Le mouvement de l’art

Le film : sa forme / son sens

La 4° dimension au cinéma (1929)

Le fond, la forme et la pratique

Alexandre Nevski (1938)

Remarque : Pasolini

Analyse par Eisenstein

Exemple 1

Exemple 2

Exemple 3

Au total…

Eisler

Son livre

Critique de Eisenstein-Prokofiev

Musique et politique chez lui

Exemples

Bresson : Pickpocket (1959)

Resnais : Muriel (1963)

Syberberg : Parsifal (1982)

Bilan : 3 types de musique au cinéma

Retour sur Wagner ?

Leitmotive

Synthèse

Musique-atmosphère

Remarque 1 : processus subjectif et pas narration

Remarque 2 : conséquences et pas effets

Écouter Parsifal ?

Trois directives

Bibliographie

Programme

Annexe : Alexandre Nevski

 


Parution récente

Parution du gros livre d’Alain Badiou Logiques des mondes (tome 2 de L’être et l’évènement).

Ceci nous intéresse particulièrement, par la place capitale qu’y joue la musique : c’est la première fois que Badiou traite ainsi en détail de musique.

La musique y joue un rôle décisif car elle intervient comme quasi-paradigme en différents moments clefs. Tout particulièrement la musique (et précisément la « musique contemporaine ») est privilégiée comme exemple du concept de sujet (voir la grande scolie clôturant le livre I), si bien que dans ce livre, ce qui prend la forme exemplaire du sujet (Badiou diversifie ce concept d’une nouvelle manière), c’est l’œuvre musicale. Tout ceci est pour nous d’un très grand intérêt.

Il n’est pas fortuit que la musique soit philosophiquement abordée quand il est question d’apparaître et non plus seulement d’être : la musique relève en effet de l’être-là et de l’existence. Ceci peut d’ailleurs nous suggérer que la musique pourrait avoir un dialogue intime avec la logique (telle que conçue dans ce livre) plus encore qu’avec les mathématiques, ou du moins qu’avec la logique, la musique pourrait entrer en rapport sous un autre schème que celui de l’application, si prépondérant dans les rapports mathématiques-musique. Soit : il y aurait plus d’adjonction et moins d’application dans les rapports musique-logique.

            J’envisage de consacrer un an à une théorie de l’écriture musicale qui s’adosserait en détail sur cette Grande Logique. Je tiens en effet, pour utiliser le vocabulaire déployé par Badiou dans ce livre, que la musique forme un monde singulier (le « monde de la musique ») dont le transcendantal (l’opérateur immanent lui assurant consistance d’existence) est l’écriture (le solfège, historiquement constitué à partir du Moyen Âge, et aujourd’hui en crise).

Le très grand intérêt de la philosophie de Badiou est son extrême régime de conséquence : les décisions prises sont ensuite explorées dans leurs conséquences les plus nécessaires et les plus lointaines. C’est ce qui rend à mes yeux sa philosophie si précieuse : si vous disposez vos propres axiomes en raisonance  avec les siens, le suivi de ses propres conséquences vous guide pour tirer au plus loin les conséquences de vos propres décisions de pensée. C’est cela que je voudrais faire dans cette théorie de l’écriture musicale qui serait donc une manière de lire en détail Logiques des mondes en ayant la musique - le monde de la musique - pour cible particulière.

Dois-je ajouter que la très aimable digression qu’Alain Badiou consacre à mon propre travail musical m’incite à entendre ce qu’il écrit page 99 comme un écho particulièrement ajusté à ma subjectivité de compositeur et musicien pensif :

« Le musicien d’aujourd’hui, livré à la solitude de l’intervalle où se dispersent, dans des corps inorganisés et de vaines cérémonies, le vieux monde cohérent de la tonalité ainsi que le dur monde dodécaphonique qui prodigua la vérité du premier, ne peut que répéter héroïquement, dans ses œuvres mêmes : “Je continue, pour penser et porter à leur paradoxal éclat les raisons que j’aurais de ne pas continuer.” ».

Introduction

Prolongement de la conjonction Debussy-Wagner

« Un autre compositeur [que Wagner] a eu une influence également très grande sur la musique de cinéma, et pas toujours là où on l’attendrait : Claude Debussy. » (Chion [1])

Exemple : la rencontre Debussy/David O. Selznick, producteur du film Le Portrait de Jennie (1948) – réalisateur : William Dieterie - , film qui utilise le Prélude à l’après-midi d’un faune et les Nocturnes (« arrangés » - ou plutôt « dérangés » - par Dimitri Tiomkin).

Autres exemples plus loin.

Ainsi Debussy est ici également (du point de vue d’une certaine généalogie au XX° siècle)  « adjoint » à Wagner (cf. cours précédant).

 

Version « chauvine » : si la musique de Wagner a eu cette influence, c’est en fait la musique « française » qui a la primeur des traits ayant marqué le cinéma. Cf. l’invention du leitmotiv viendrait de Berlioz et de sa Symphonie Fantastique (on discutera ce point plus loin). Debussy aurait tout autant influencé le cinéma en matière de sonorités et de couleurs (difficilement réfutable, en effet). Et la première partition musicale spécifique pour le cinéma aurait d’ailleurs été française : cf. Saint-Saëns pour le film L’Assassinat du Duc de Guise (1908).

J’appelle « chauvin » cette manière de voir car il est clair que l’ensemble {Berlioz + Debussy + Saint-Saëns} n’a aucune consistance musicale et relève plutôt d’une conception policière du regroupement puisqu’elle privilégie la simple possession d’une carte d’identité française.

Enjeux

Notre cible : Wagner, pas la musique de film…

Notre méthode et notre plan :

·       constater l’existence d’une généalogie explicite

·       analyser son contenu, sa fibration (d’où 6 thèmes)

·       privilégier 3 thèmes pour détailler le contenu de cette généalogie

·       reprendre le débat Eisenstein/Eisler pour synthétiser les enjeux spécifiques de la musique de film

·       revenir de la musique de film, généalogiquement influencée par Wagner, à la musique de ce dernier

Constat : une connexion Wagner-cinéma

Griffith, Birth of a Nation (1915) : déjà la chevauchée des Walkyries !

Réalisateurs/compositeurs

Quelques références :

Max Steiner

Max Steiner (né en 1888), le plus prolifique des compositeurs d’Hollywood, est le fondateur du genre « musique de cinéma » dès 1932-1933. Cf. sa musique symphonique écrite en 1932 pour « Symphony of Six Million » (de Gregory La Cava). Il compose la musique de King Kong (1933), Autant en emporte le vent, Casablanca

« Steiner invente la musique de cinéma. » [2]

Steiner est aussi le spécialiste du « mickeymousing » c’est-à-dire de la ponctuation musicale imitative. Cf. les Silly Symphonies (1929-1939) de Walt Disney

 

Référence explicite de Steiner à Wagner :

« À la manière wagnérienne, le thème peint le personnage. » [3]

Max Steiner tenait Wagner pour le modèle embryonnaire des compositeurs de film [4] mais son style, « sonore » et musical, ne semble pas wagnérien…

Erich Wolfgang Korngold

Erich Wolfgang Korngold (1897-1957) : carrière à Hollywood de 1934 à 1946

Il a étudié la musique avec Mahler et Strauss. Musicien prodige… [5]

Voir plus loin un exemple de son travail motivique.

Bernard Herrmann

Bernard Herrmann, lui, n’était pas un disciple des procédures motiviques de Korngold [6], à l’exception notable de Citizen Kane (1941).

Il a cependant utilisé la musique de Tristan dans Vertigo (1958)

Maurice Jaubert

Maurice Jaubert a reconnu cette influence pour s’y opposer. Il s’est ainsi élevé contre l’emploi « des moins recommandables des recettes wagnériennes » et « des suavités pseudo-debussystes » (cf. détails plus loin).

Debussy réapparaît bien lié à Wagner par cette généalogie.

Luis Buñuel

L’Âge d’or (1930) : œuvres de Debussy et Wagner (les deux, encore !) ; mais aussi Les Hauts de Hurlevent (1954), avec Tristan.

Alfred Hitchcock

Meurtre (1930, Hitchcock) : prélude de Tristan sur un monologue intérieur.

Charlie Chaplin

Dans Le Dictateur (1940) [7], le dictateur danse avec le ballon sur le prélude de Lohengrin. Mais, quand le barbier juif prononce son discours libérateur, c’est sur la même musique. Et, encore plus frappant, dans la dernière image, quand Paulette Goddard prononce le dernier mot « écoutez ! », c’est toujours sur ce prélude : ainsi le film se termine sur le message d’écouter la musique de Wagner, qui plus est, d’écouter la musique de Lohengrin (rappel : il s’agit du prélude ouvrant l’opéra), sachant que Lohengrin est le fils de Parsifal ! Au total, ce film nous dit : pour entretenir l’espoir contre Hitler, arrachons-lui Wagner et écoutons sa musique…

   

Théoriciens

Pierre Berthomieu

« On est bien obligé de voir en Wagner et Strauss les parrains du symphonisme hollywoodien. » [8]

« Le cinéma est venu rencontrer un état de la musique symphonique. » [9]

Michel Chion

« Le parangon de la réunion haletante des amants […] se trouve déjà dans Tristan, avec le ralenti en moins. » [10]

« Wagner musicien de film ? » [11]

Jacques Bourgeois

« J’appelle musique dramatique par opposition à musique pure une musique qui ne se donne pas d’avance une fin esthétique mais veut exprimer une action dramatique, la soutenir, l’imposer. […] C’est sans doute Richard Wagner qui fut le créateur de la musique dramatique moderne. On a bien essayé, principalement en France, de tuer son influence, mais le Pelléas de Debussy n’est guère qu’un chef d’œuvre inégalé parce qu’inégalable, exemple unique de fusion parfaite entre le verbe et la musique, mais sans portée esthétique parce que sans prolongement possible. […] Ce n’est pas le théâtre mais bien le cinéma qui a recueilli l’héritage esthétique de Wagner. » [12]

« Wagner, le véritable précurseur de la musique de film. » [13]

Les longs récits récapitulatifs : infirmité à laquelle seul le cinéma aurait pu palier (selon Jacques Bourgeois) [14]. Cf. aider Wagner par le cinéma : c’est la thèse de Syberberg pour Parsifal

Rappel

De grands compositeurs ont ponctuellement composé une musique « pour » le cinéma : Schoenberg, Boulez, Dutilleux…

Une conjonction ? 6 (3+3) thèmes

3 métaphoriques

Mélodie infinie

« Tout le travail d’évolution du cinéma a consisté à tenter à « lisser » la continuité du film pour en faire un seul et même mouvement continu, exactement comme des pionniers successifs, de Gluck à Wagner, l’avaient tenté pour l’opéra. » (Chion [15])

Cf. La Corde (Hitchcock) (un seul fil traverse tout le film) ?

Transition

« Transition orchestrale comme Wagner l’a tentée pour plusieurs de ses “changements de tableaux” » (Chion [16])

Contre le montage ?

Orchestre invisible

L’idée d’un orchestre invisible [17] : cf. Wagner, inventeur de l’orchestre acousmatique. Or l’acousmatique est le régime général de la musique au cinéma (a contrario le registre d’exception est appelé « musique diégétique »).

3 références centrales

·       Leitmotive

·       Synthèse

·       Musique-océan

Leitmotive ?

Rappel : réseau

L’importance en matière de leitmotive n’est nullement « le » leitmotiv mais les réseau des leitmotive, leur pluralité.

À ce titre la Symphonie fantastique de Berlioz ne met nullement en jeu un réseau de leitmotive : « l’idée fixe » n’opère évidemment pas comme réseau, mais comme indicateur à l’écart de toute idée de pluralité et même de malléabilité…

Max Steiner

Steiner : Sa logique (cf. King Kong) :

·       au premier plan, des personnages-thèmes (un thème pour Kong, un pour la femme, un pour l’aventurier et son équipe + thèmes secondaires) ;

·       au second plan, une atmosphère-sonorité ;

·       à l’arrière-plan, des rythmes…

Dans Autant en emporte le vent, il y a 10 thèmes principaux.

Korngold

Voir son traitement motivique dans Anthony Adverse :

La suite de l’analyse insiste sur un usage signifiant et séparé de ces leitmotive : s’ils sont bien d’expressions variées, il ne semble guère, par contre, se mixer, interférer les uns sur les autres…

Franz Waxman

« Wagner compose sa partition d’après un certain nombre de motifs conducteurs qui correspondent aux idées-clés du drame. » [18]

J. Bourgeois analyse, dans le troisième acte de la Walkyrie, le face à face Wotan-Brunhilde du point des leitmotive :

« Voici maintenant, à titre de comparaison, la description équivalente d’un passage du film Objective Burma, musique de Franck [Franz !] Waxman, analysé par Lawrence Morton dans Hollywood Quaterly (juillet 1946). [19]

« Voilà une parfaite utilisation des théories musico-dramatiques énoncées par Richard Wagner dans Opéra et Drame. » [20]

À condition de remarquer que Wagner a peu appliqué cette théorie (7° cours), moins en tous les cas que Debussy (8° cours)…

« Chez Wagner, toutefois, l’image est un commentaire, une illustration de la musique, laquelle contient toute l’action. […] Chez Waxman, au contraire, c’est la musique qui est un commentaire de l’image. […]  Il n’y a là rien qu’une nuance et rien n’empêche de saluer Wagner comme le véritable précurseur de la musique de film. » [21]

Je ne m’accorde bien sûr pas à l’idée que chez Wagner la scène illustrerait la musique (renversement brutal de la réduction habituelle).

Notons le caractère de gimmick de ces « leitmotive » où les différences musicales sont à l’évidence d’autant plus marquées que la différenciation proprement musicale est elle-même imprésentée, inactive : de même qu’une étiquette vaut en soi sans avoir besoin, pour désigner, de se différencier d’une autre étiquette, de même un leitmotiv, dans cette logique, opère comme identifiant en soi sans avoir besoin pour signifier de s’être individualisé au gré d’une processus musical.

Bernard Herrmann

« Je ne suis pas un grand adepte du leitmotiv en tant que technique adéquate à la musique de cinéma. » [22]

Autres

George Delerue : 8 thèmes principaux dans Hiroshima mon amour[23]

Jean-Jacques Grunenwald : 2 leitmotive dans Les Dames du Bois de Boulogne[24]

Pierre Berthomieu

« Une des fonctions de la musique est d’aider le spectateur à mémoriser les divers personnages. Pour ce faire, chaque personnage doit avoir un thème musical propre. » [25]

Synthèse ?

« Le cinéma offre, à une échelle jamais atteinte, la possibilité rêvée par un Wagner de pouvoir organiser sur un rythme l’ensemble de la réalité. » (Chion [26])

Synthèse par le rythme…

« Le drame wagnérien tend à se rapprocher […] d’un modèle théâtral et naturaliste, où la musique devient pour une grande part utilitaire. Ce modèle est celui d’une conversation et d’une action avec musique […]. La formule même, autrement dit, du cinéma. » (Chion [27])

Non !

On verra plus loin comment Eisenstein et Eisler thématisent, avec plus d’acuité, le type de synthèse à l’œuvre au cinéma.

Musique-océan ?

Atmosphères

« Les images ont besoin d’une atmosphère musicale pour vivre, c’est-à-dire pour que les spectateurs croient en elles. » (Clouzot [28])

1) La musique apporte une atmosphère.

2) Cette atmosphère est un air de croyance : elle vise à l’identification aux images projetées.

Ainsi la musique de film (qu’elle soit identifiante ou distanciante) vise très précisément le rapport entretenu par le spectateur à l’écran. En un sens, l’image est projetée de l’arrière de la salle sur l’écran quand la musique est projetée dans la salle sur le spectateur. La musique va au devant du spectateur.

Création de « véritables catalogues d’états d’âme ». Cf. le Kinothek, « vaste répertoire de tout le répertoire classique découpé en morceaux commodes et utilisables tels quels pour l’illustration musicale. » [29]

La musique atmosphérise une situation représentée c’est-à-dire l’enveloppe comme monde, lui crée des résonances, la prolonge, l’entoure, lui instaure des voisinages tels que le spectateur se trouve incorporé à ce « lieu »… L’atmosphère, l’impression (de l’impressionnisme) est ce qui compte-pour-un cette situation de l’intérieur d’elle-même.

 [Pierre Schaeffer [30] :]

L’italien Giuseppe Becce publia le premier, à Berlin, sous le nom de Kinothek, un vaste répertoire minuté, étiqueté, de tout le répertoire classique découpé en morceaux commodes et utilisables tels quels pour « l’illustration musicale ». Voici quelques exemples de ses divisions et de ses titres :

 

Ambiance :

    a) Catastrophe (variétés diverses).

    b) Très dramatique (agitato).

    c) Atmosphère solennelle. Mystère de la nature.

 

Action (misterioso) :

    a) Nuit, atmosphère sinistre.

    b) Nuit, atmosphère menaçante.

    c) Folie (agitato).

    d) Magie, apparition.

    e) Péripéties « quelque chose va arriver ».

 

Action (agitato) :

    a) Poursuite, fuite, hâte.

    b) Lutte.

    c) Combat héroïque.

    d) Bataille.

    e) Trouble, inquiétude, terreur.

    f) Foule agitée, tumulte.

    g) Troubles de la nature : orage, tempête, feu.

 

Ambiance (appassionato) :

    a) Désespoir.

    b) Lamentation, passionnée.

    c) Paroxysme de la passion.

    d) Euphorie.

    e) triomphe.

    f) Bacchanale.

« La musique des films de Renoir s’oppose la plupart du temps à la tonalité affective des images. » (Clouzot, 1513)

Cf. s’il s’agit bien, entre images et sons, de contrepoint, alors priorité aux mouvements contraires !

Écouter/Entendre/Ne pas remarquer

Berthomieu : Une bonne musique de film est-elle une musique que l’on ne remarque pas ? Réponse de Max Steiner :

« Si on ne la remarque pas, elle est inutile. » (16)

« L’oreille doit entendre ce que voit l’œil. » (36)

Redondance ?

Autre protagoniste : G. Van Parys [31]

« On doit entendre la musique au cinéma et non point l’écouter » [32]

Brecht

« La musique a submergé nos films. On noie les dialogues sous la musique. Au fond, on ne l’entend plus. Il y a inflation et dévaluation complète de la musique. » [33]

« Si donc la musique peut dire beaucoup de choses, il faut, pour qu’on l’entende, lui laisser la liberté de ne prendre qu’assez rarement la parole. Elle jouera un rôle d’autant plus important qu’on l’emploiera à doses plus faibles. » [34]

« Les musiciens savent peu de chose des effets de la musique. C’est aux aubergistes qu’ils laissent le soin de les étudier. » [35]

Brecht vise ici une étude des effets de la musique diffusée dans un restaurant sur les plats commandés ! Laissons en effet l’esthésique aux aubergistes…

« L’habileté des musiciens  à faire ressortir la logique interne de leurs morceaux et à faire ainsi de la logique elle-même une source particulière de plaisir » [36]

Cf. ce que j’ai dit au début de ce cours sur la place de la logique dans la musique…

Maurice Jaubert

Jaubert [37] : Voir le livre de François Porcile : Maurice Jaubert, musicien populaire ou maudit ? (EFR, 1971)

Jaubert : musique de Zéro de conduite, L’Atalante, Le Quai des Brumes, Drôle de drame, Le Jour se lève

« La musique de film se déroule d’une manière continue, selon un rythme organisé par le temps. En la contraignant à suivre servilement des faits et gestes qui, eux, sont discontinus, n’obéissant pas à un rythme défini, mais à des réactions physiologiques on détruit en elle ce par quoi elle est musique pour la réduire à son élément premier inorganique, le son. » (conférence à  Londres, 10 décembre 1936 [38])

La musique, pour servir, doit rester elle-même…

« Je me suis borné [pour la musique de Quatorze Juillet] à essayer de retrouver très exactement la couleur des orchestres de nos bal populaires. Mais tous mes efforts se sont portés sur l’emploi de cette “matière musicale”. Je crois d’ailleurs que c’est là le vrai rôle du musicien au cinéma. Il doit saisir le rôle de la musique par rapport aux images (commentaires, contrastes, enchaînements) ainsi que le rôle du son non musical et son emploi par rapport à la musique. » (Propos du 27 janvier 1933 [39])

Noter que c’est lui qui, pour une bataille de polochons dans Zéro de conduite (1933), monte une valse où chaque son est à l’envers (extinction-résonance-attaque !). Ainsi « la musique prend un volume étrange, comme aspiré. » [40]

« Nous ne venons pas au cinéma pour entendre de la musique. Nous demandons à celle-ci d’approfondir et de prolonger en nous une impression visuelle. Nous ne lui demandons pas de nous “expliquer” les images, mais de leur ajouter une résonance de nature spécifiquement dissemblable. […]  C’est pourquoi nous croyons à la nécessité pour la musique cinématographique de découvrir son style. » (Londres, 1936) [41] « Le prolongement poétique de la musique » [42]

« Impression », « résonance », « prolongement » : cf. pas de développement, et surtout pas de conséquences…

« Il faut que le film justifie la musique – j’ai horreur de la musique dite d’accompagnement. » (1932 [43])

« Que le musique de film se débarrasse de tous ses éléments subjectifs, que, comme l’image, elle devienne, elle aussi, réaliste. » (Londres, 1936 [44]) « Nous croyons au caractère éminemment réaliste du cinéma. » [45]

« On a vu naître une sorte de langage musico-cinématographique alliant les moins recommandables des recettes wagnériennes […] aux suavités pseudo-debussystes […]. Redoutable pathos. » (Londres, 1936 [46])

Plus généralement : la musique au cinéma ?

« La musique exprime l'appréciation subjective de l'objectivité du film. » Poudovkine

Pierre Berthomieu

« Les grands films sont musicaux et relèvent, consciemment ou non, d’une approche musicale. Qu’ils contiennent ou non de la musique devient secondaire, une fausse question. » [47]

La musique devient clairement une métaphore…

« Les arts martiaux touchent à l’essence musicale du cinéma. » [48]

En raison d’un corps à corps ? Mais ce corps à corps martial n’est précisément pas un corps-accord !

Eisenstein

Rappel : Eisenstein est aussi grand théoricien que grand cinéaste. Cf. intellectualité cinématographique, comme il y a une intellectualité picturale chez un Delacroix…

 

« Pour lui, trois méthodes de synchronisation : naturelle (bruitage), métrique (selon les accents), rythmique (contrepoint de durées). » [49]

Synchronisation : cf. images et sons partagent la même chronologie ce qui ne veut nullement dire qu’ils aient même temps, car le temps n’existe pas mais est une opération. Cf. les opérations tricotant du temps musical ne sont pas forcément de même nature que celles tricotant un temps narratif.

 

Wagner comme Prokofiev ? Cf. caractère imagé de son langage musical (qu’Eisenstein oppose à l’impressionnisme), et donc son caractère cinématique.

Le mouvement de l’art

[2 catégories : imagicité (généralisation cinématographique de l’image) et cinématisme (soit le cinématographique hors du cinéma, comme on parle de musicalité…] [50]

« Chez moi la clarté s’entrelace comme une ligne lumineuse, comme une coulée de blanc, comme un blanc « leitmotiv » pénétrant le lacis coloré du film… (Aussi j’aime Wagner, par exemple, et ses « variations » de motifs immuables évoluant au gré des situations. » [51]

« Bien que ce soit peut-être une marque d’inculture, je dois avouer que la musique, je la vois en premier lieu, pas forcément en fonction d’un « programme », d’une « anecdote » ou d’un « sujet » : mais toujours de manière mobile ou visuelle. Quelque application que je mette à écouter Tchaïkovsky, je ne vois pas sa musique. Ce n’est pas ma faute, mais la sienne, je pense. […] Il en est autrement de Wagner. Ici tout est visibilité (et parfois simple apparence !), tout est perceptible, palpable. Mais y perçoit-on des phénomènes concrets ? Y palpe-t-on la nature ? Ses images sont-elles d’une tangible réalité ? Non. Et ce n’est pas pour rien que Wagner se complaît dans des sujets mythologiques, légendaires, romantiques. On le visualise non en phénomènes naturels, mais en tableaux de somptueux spectacles de théâtre, sous la forme conventionnelle du chanteur ; ou en cédant à l’attrait d’une action scénique qui ne fait que représenter la réalité. C’est vraisemblablement la raison pour laquelle nombreux sont ceux qui, jusqu’à ce jour, « refusent » Wagner. Et pour laquelle Nietzsche le stigmatise des épithètes de bouffon et de cabotin. Chez Prokofiev, il en est autrement encore. » [52]

Noter que pour lui Tchaïkovsky n’est guère visible, quand on soutient volontiers – voir Berthomieu – que le même Tchaïkovsky écrit de la musique de cinéma avant même l’existence du cinéma. C’est parce que pour Eisenstein, la visibilité n’est pas affective mais colorée et de mouvement, non d’atmosphère…

« J’ai moi-même mis en scène la Walkyrie au Bolchoï en 1940. […] Je désirais que la musique wagnérienne puisse enclore le spectateur au sommet le plus pathétique de l’action. Pour ce faire, je voulais disposer le long des couloirs entourant la salle un système de haut-parleurs qui permette à la musique de la « Chevauchée de la Walkyrie » de « fondre » littéralement d’un endroit à l’autre et d’être diffusée à divers moments de divers coins du théâtre avant de résonner et de gronder partout à la fois en apothéose, abandonnant entièrement le spectateur à la puissance sonore de l’orchestre wagnérien. » [53]

Créer un bain sonore, briser le face à face…

« On voit Prokofiev libéré de l’« en général » des impressionnistes, de l’« à peu près » du coup de pinceau ou plutôt de la « tache » de couleur estompée. » [54]

Le film : sa forme / son sens

Christian Bourgois (1976)

« L’art du film sonore est un moyen d’expression aussi exigeant que ses proches parents : l’art musical, ou l’art plastique, arts que le cinéma peut fondre en une puissante synthèse. » [55]

Cf. modèle sur le drame chez Wagner…

La 4° dimension au cinéma (1929)

Nombreuses métaphores musicales : tonique/dominante…

Références à Debussy et Scriabine [56]

Le fond, la forme et la pratique

Résoudre des questions de composition entièrement nouvelles :

« La solution de ce problème consiste à trouver la clé d’un système de mesures communes au fragment-musique et au fragment-image. » [57]

Voir les « communes mesures » (311) qui tiennent alors à la chronologie…

« Prokofiev me remit l’« équivalent musical » exact de l’image visuelle. » [58]

« Création de correspondances audio-visuelles » [59]

Correspondance= raisonance …

« On ne peut trouver de communes mesures entre image et musique au moyen d’éléments étroitement « figuratifs ». Si l’on parle de correspondances et de proportions authentiques et profondes entre la musique et l’image, cela ne peut être fait que par rapport aux relations entre les mouvements fondamentaux de la musique et de l’image, c’est-à-dire entre les éléments de composition et de structure. » [60]

Moins des métaphores (élément contre élément) que des analogies (rapport contre rapport)…

« Nous pouvons déduire une notion simple et pratique d’une méthode de combinaisons audiovisuelles : nous devons savoir comment saisir le mouvement d’un morceau de musique donné, en déterminant son cours (sa ligne ou sa forme), pour nous servir de base dans la composition plastique qui doit correspondre à la musique. » [61]

Cf. passer d’un inspect à un autre…

« La ligne pure – la trajectoire du mouvement – peut être traitée de façons très diverses, autres que linéaires. » [62]

L’inspect !

« Nous ne traitons pas ici du fait du mouvement dans l’œuvre d’art, mais des moyens grâce auxquels ce mouvement prend corps, ce qui caractérise et ce qui distingue l’œuvre des différents peintres. » [63]

Non pas l’aspect (le fait du mouvement dans l’œuvre d’art) mais l’inspect

« Méthode : relier organiquement musique et image à travers le mouvement. » [64]

Alexandre Nevski (1938)

Remarque : Pasolini

Noter que la séquence ouvrant la bataille est reprise dans L’Évangile selon St-Matthieu (1964, Pasolini) : les soldats d’Hérode venant massacrer les enfants sont démarqués des Chevaliers Teutoniques, et la même musique opère, somme toute aussi bien.

s

Analyse par Eisenstein

Eisenstein compare 17 mesures ainsi arrangées (voir annexe) et XII plans (voir annexe : la synchronisation mesures/plans est inscrite dans la partition).

Les correspondances sont ainsi présentées.

                          Exemple 1

Le geste musical des mesures 5 à 8 est ainsi dessinable :

la courbe a-b représente la montée sol-la-si-do-mi b (= ré #) : mes. 5-6

la chute b-c représente la descente double-blanche au début de la mesure 7

la stase c-d représente les ponctuations de ré # (mes. 7-8)

 

Maintenant voici « le graphique du mouvement du regard sur les lignes principales des plans III et IV » :

(cf. nuage du plan III et ligne d’horizon du plan IV)

cqfd ! On constate « une coïncidence absolue entre le mouvement de la musique et le mouvement du regard sur la ligne de la composition plastique ».

 

Eisenstein entreprend ensuite d’expliquer pourquoi la même musique (mes. 1-4) correspond précédemment à des images différentes. Il trouve ici « une correspondance en tonalité » entre les plans I et III… [65]

Noter qu’Eisler, dans sa critique d’A. Nevski, fera comme si Eisenstein n’avait pas vu et pas traité ce point (le fait qu’il y a une même musique sur deux séries différentes de plans) : mauvaise foi ?

                          Exemple 2

Il compare ici les plans VI-VII et les mesures 10-11

La courbe (VI-VII) est similaire à celle de la basse : ré #, mi #, fa x, sol #, si (mes. 10-11)

 

                          Exemple 3

Il compare ici le plan VIII à la mesure 13…

 

                          Au total…

« L’unificateur des deux éléments plastique et musical n’est autre que l’élan d’un « mouvement » qui traverse toute la construction d’un  montage donné. » [66]

On sait que ce montage a parfois été guidé par la musique elle-même [67] : cf. une impression musicale de chute (début de la mesure 10) a conduit Eisenstein à localiser (au montage) le contraste des plans V/VI à cet endroit précis.

« Durant la période de préparation, on ne formule que rarement ces « pourquoi » et ces « comment », qui déterminent le choix de telle correspondance plutôt que de telle autre. Durant cette période, ce choix préliminaire est sublimé, non pas en une estimation logique, comme dans cette analyse faite après coup, mais en action directe. » [68]

« Le plaisir de disserter sur ces « principes » est remis à l’analyse faite après coup – et souvent plusieurs années après que la « fièvre » de « l’acte » créateur se soit apaisée -, c’est à cet acte » que Wagner fait allusion quand [il écrit en 1853] : “Quand on fait, on ne s’explique pas” » [69].

Noter la référence ici à Wagner, mais plutôt ici du point de son intellectualité musicale…

Eisler

Son livre

Adorno & Eisler : Musique de cinéma (Komposition für den Film). Le titre allemand (ni « musique », ni « cinéma » !) indique mieux l’ambition : composition pour le film.

Conditions de réalisation [70] : recherche engagée à l’automne 1942, à l’initiative d’Eisler qui a obtenu une subvention (20 000 $) de la Fondation Rockfeller pour analyser la musique de film.

Adorno, comme de juste, critique la musique qui tente de conférer une « aura » parant le medium du faux clinquant de l’unicité [71]. La musique « auratise » le film !

Quand l’ouvrage, écrit en 1944, sort en 1947 chez Oxford University Press sous le titre Composing for the Films, Adorno renoncer à le signer avec Eisler car Eisler a alors des ennuis avec les autorités américaines comme marxiste (son frère est responsable du Parti Communiste américain et le Maccarthysme est en train de se constituer aux États-Unis), ce qui conduit Adorno à écrire : « je n’avais nulle raison de devenir le martyr d’une cause qui n’était et n’est pas la mienne. Eu égard au scandale, je renonçais à signer le livre avec Eisler. » [72]. Détail aggravant : Adorno estimait (voir lettre à sa mère [73]) que c’est Eisler qui aurait dû renoncer à signer le livre !

Critique de Eisenstein-Prokofiev

Cf. Adorno & Eisler : Musique de cinéma.

Visiblement, la partie la plus aigüe sur la musique au cinéma est de la main d’Eisler : on reconnaît assez aisément la différence de style (cf. écriture assez « lourde » d’Adorno, toujours sur-conceptualisée).

La critique se fait dans la partie intitulée « Contre-exemple » [74]

·       Eisler critique la musique de Prokofiev car elle n’a ici « aucune exigence de composition autonome ». Il s’agit d’une « innocente musique utilitaire que Prokofiev, ce compositeur plein de talent, a écrite pour cette séquence sans se donner le moindre mal ». « La musique suit complètement les clichés les plus éculés de cinéma du bon vieux temps ».

·       Il critique surtout le point de vue d’Eisenstein car il est basé sur l’idée « de ressemblance, non de contraste ». De plus « l’identification des rythmes de la musique et de l’image […] est exclusivement d’ordre métaphorique ». L’analogie ne vaut d’ailleurs qu’entre la séquence cinématographique « et l’image de la notation musicale », ressemblance donc « obtenue au moyen de la fixation graphique de la musique ». Or « le spectateur ne lit pas la partition mais entend la musique ».

·       À quoi bon également « illustrer musicalement des chutes de rochers », ou traduire « des détails statiques de l’image par des notes » !

·       Il remarque de plus que la théorie d’Eisenstein n’est guère ici valide : « le film va de l’avant tandis que la musique fait du surplace ». À d’autres moments « la musique n’a cure » de la nouvelle ambiance de nature à partir du plan VI, etc. Bref, « on tire au canon sur des moineaux »

On va voir quelle haute conception Eisler a de la musique de film…

Musique et politique chez lui

Engagé très tôt (dès 1927) aux côtés des communistes allemands, et s’y étant tenu jusqu’à la fin de ses jours, Eisler est indéniablement le compositeur qui a pratiqué et réfléchi avec le plus d’acuité les rapports que peuvent entretenir musique et politique. Il est vrai que pour lui « politique » signifiait une subjectivité émancipatrice, une pensée sur le qui-vive, nullement une disposition étatique et gestionnaire du lien social.

Pour Eisler, « comment rapporter musique et politique ? » se formulait ainsi : « Comment mettre la musique au service de la cause communiste ? ». Eisler n’était pas à proprement parler militant (il n’a d’ailleurs jamais adhéré formellement au Parti communiste allemand). Son enjeu propre était moins musicien (associer une pratique militante à sa pratique de musicien) que musical : comment composer ce qu’il appelait une « musique appliquée » [75] à la politique communiste de l’époque ? Le livre qu’Eisler a écrit avec Adorno sur la musique de cinéma [76] permet de mieux comprendre ce qu’Eisler entendait par « musique appliquée ».

Il s’agissait, en prolongement de ce que Brecht pratiquait au théâtre, de composer une musique « didactique » ou « distanciée » c’est-à-dire au service des textes politiques qu’elle mobilisait en une conception singulière du « service » en question : non pas un accompagnement affectif des thèmes politiques, non pas la disposition de tonalités musicales favorisant une identification au discours politique mais, tout au contraire, une musique qui soutient à sa manière propre une distance d’avec le texte, qui rehausse d’un écart supplémentaire la pensée politique à l’œuvre dans le texte.

Cette musique didactique peut être caractérisée par un double attribut : elle est au service d’autre chose qu’elle (au service d’une pensée politique, en l’occurrence) tout en n’abdiquant pas de sa qualité propre de musique (de pensée musicale propre).

Eisler détaille tout ceci à propos de la « musique appliquée » cette fois au cinéma. Il soutient conjointement que la musique de cinéma doit être entendue :

« La thèse aux termes de laquelle la musique n’est pas faite pour être entendue doit être combattue. » [77]

« L’exigence sera d’écrire une musique qui, en dépit de l’inattention de l’auditeur, puisse pour l’essentiel être perçue correctement. » [78]

mais qu’elle ne doit pas l’être pour elle-même :

« La musique de cinéma est une musique qu’on n’écoute pas avec attention. Une fois que l’on accepte cela, “tant bien que mal”, comme postulat du travail de composition, […] l’exigence sera […] de produire quelque chose qui ait d’une part une valeur propre et qui puisse d’autre part être compris de manière accessoire, comme en passant. […] Tout ce qu’elle accomplit, la bonne musique de cinéma doit l’accomplir pour ainsi dire visiblement et comme en surface : elle ne doit pas se perdre en elle-même. » [79].

Je thématiserai cette pince propre à la « musique appliquée » en disant qu’elle reste une pensée (musicale) mais qui renonce à sa réflexion propre (ou pensée de sa pensée) pour se mettre au service d’une autre pensée (cinématographique, ou politique). À ce titre, la musique appliquée assure sa qualité musicale propre — elle se refuse à être une simple collection d’effets — mais abandonne sa vocation à l’autonomie c’est-à-dire sa capacité d’affecter d’autres œuvres musicales, de déplacer des questions proprement musicales (par exemple celle du développement dont Eisler remarque qu’il est vain de vouloir le mettre en œuvre dans la musique de cinéma).

Eisler invente ainsi, avec sa « musique appliquée », une musique intermédiaire entre la musique purement culturelle ou fonctionnelle (celle qui n’est plus pensée propre mais répétition d’effets savants) et la musique artistique (celle qui est à la fois pensée en acte et réflexion de cette pensée).

Point tout à fait remarquable : cette « musique appliquée » (qui n’est donc pas purement fonctionnelle quoiqu’elle assume bien d’être au service d’une autre pensée que musicale) sert d’autant plus la pensée politique ou cinématographique qu’elle accompagne qu’elle assure un écart permanent d’avec celle-ci. La logique est la suivante : la distance que la musique appliquée au cinéma (ou à la politique) soutient d’avec le cinéma (ou la politique) contribue à activer la distance interne au cinéma (ou à la politique), ce qui se dit, de manière inversée, ainsi : c’est parce que les pensées cinématographique ou politique sont elles-mêmes des pensées d’un écart qui leur est intérieur que l’écart instauré par la musique d’avec elles peut leur servir. Formellement : la distance entre la musique appliquée et le cinéma (ou la politique) est au service du rehaussement de l’écart intérieur au cinéma (ou à la politique).

Quelle est pour Eisler cette distance intérieure au cinéma que la musique de cinéma doit rehausser ? C’est, pour Eisler, la distance propre au cinéma entre images et sons, distance qu’il épingle exemplairement ainsi :

« Le cinéma parlant est muet lui aussi. Ses personnages ne sont pas des êtres qui parlent, mais des images qui parlent. […] Un film parlant sans musique n’est pas tellement différent d’un film muet, et l’on peut même penser, à bon droit, que plus le mot et l’image sont étroitement liés, plus la contradiction existant entre eux et le mutisme des gens qui, en apparence, parlent, est ressentie avec force. » [80]

Pour Eisler, c’est donc à mesure de ce que la pensée cinématographique se déploie dans la distance maintenue entre images et sons que la musique appliquée au cinéma doit garder sa distance d’avec une simple fonction d’illustration, une simple homologie de mouvements, de tonalités et de climats. Bref cette musique est distanciée et distanciante [81]. Mieux : c’est parce qu’elle se veut distanciée qu’elle peut être distanciante :

« La musique doit être à la fois rapprochée et éloignée du cinéma. […] Éloignée : en ne doublant pas automatiquement, et surtout en ne diminuant pas, par un effet d’ambiance, la distance entre l’image et le spectateur, mais au contraire en faisant ressortir […] le détachement de l’action filmée et de la parole filmée et en empêchant la confusion entre la copie et la réalité. » [82]

Ceci vaut tout autant pour la musique « appliquée » au théâtre (pour autant que le théâtre en question joue lui-même de la distanciation, non de l’identification : voir Brecht) mais également à la politique, pour autant que cette politique joue bien d’une distance intérieure (par exemple entre classes sociales et classes politiques, donc entre déterminations objectives et parti pris subjectifs) c’est-à-dire pour autant que cette politique est bien une pensée émancipatrice, non pas une identification objectivante à une communauté ou une adhésion désubjectivante à une logique étatique.

Eisler, réfléchissant en musicien ce qu’une musique servant la politique doit être, propose ainsi le principe d’une « musique appliquée », qui est vraiment musique quoique de manière non autonome (musique à percevoir et entendre plutôt qu’à proprement parler à écouter), et qui, par l’indépendance de ses mouvements par rapport à ceux du texte politique, rehausse les écarts à l’œuvre dans la pensée politique qu’elle sert. Somme toute si la musique renonce ici à une part de son autonomie de pensée, elle ne fait pas ce sacrifice en vain puisque celui-ci rehausse la puissance de la pensée politique qu’elle sert.

On sait qu’Eisler a constamment maintenu, à côté de cette « musique appliquée », la nécessité de composer une musique dotée de la plénitude de sa puissance artistique, d’une musique pleinement autonome. Il n’y avait donc pas pour lui d’incompatiblité entre l’une ou l’autre forme de musique mais plutôt puissance musicale diversifiée, la musique faisant ainsi d’autant plus la preuve de sa puissance propre qu’elle est capable d’y renoncer pour partie (de s’autolimiter [83]) au profit d’une autre puissance de pensée qu’elle décide de servir.

Exemples

Bresson : Pickpocket (1959)

La musique de Lully orchestre à la toute fin du film le salut de Michel par l’amour de Jeanne.

« Quelque chose illumina sa figure », et la musique illumine alors le film… « Oh Jeanne, pour aller jusqu’à toi, quel drôle de chemin il m’a fallu prendre ! » : le chemin de la musique, drôle de chemin !

La musique indexe ici l’accès à un nouveau monde, à une nouvelle figure subjective : celle du couple amoureux…

Ici la musique accompagne…

Resnais : Muriel (1963)

Générique : musique d’Henze (originale ?). Installe un « qui vive ! » tout en étant de tonalité tranquille. On l’entend et même on peut l’écouter (c’est en effet le générique !). Cela enchaîne aussitôt sur le magasin d’Hélène (Delphine Seyrig) : montage très découpé d’objets, meubles, désormais sans musique. Bizarrement, j’avais gardé le souvenir de la musique d’Henze sur cette scène et non pas sur le générique. J’ai donc superposé deux aspects séparés (la musique sans images, et les images sans musique), sans doute parce que la première annonce les secondes.

2 points remarquables donc :

1) une musique de film qu’on écoute,

2) une écoute qui n’écarte pas des images mais au contraire aiguise l’œil.

En fait cette musique relève de ce que j’appelle « pré-écoute », mais au service d’une attention au film (il ne saurait y avoir de vraie écoute au cinéma, et de moment-faveur spécifiquement musical).

Syberberg : Parsifal (1982)

« Wieland Wagner louchait du côté d’Hollywood, qu’il se représentait comme la solution adéquate à un Wagner d’aujourd’hui. » [84]

« L’erreur de Richard Wagner, faire rêver son Bayreuth d’un Hollywood, devait presque nécessairement le conduire dans les bras du cinéaste Hitler, et à la colère de Nietzsche. Il fallait corriger cela. » [85]

« Il fallait mettre en scène la musique en toute fidélité à son esprit. » [86]

Bilan : 3 types de musique au cinéma

·       la musique qu’on n’écoute ni n’entend : enveloppement sub-conscient ;

·       la musique qu’on entend mais qu’on n’écoute pas : accompagnement ;

·       la musique qu’on écoute : pré-écoute (cf. Muriel)

Retour sur Wagner ?

Leitmotive

L’usage cinématographique des leitmotive comme indicateur est étranger à l’intérêt musical du réseau des leitmotive chez Wagner (cf. 5° cours). Tout le travail du réseau, toute la logique « néphologique » (rappel : la formation y prévaut sur les formes, comme l’individuation prévaut chez Simondon sur les individus) sont ici désactivées.

Synthèse

La question est ici plus intéressante.

On n’a pas encore examine cette question de la synthèse chez Wagner et spécifiquement dans Parsifal (cf. prochain cours).

Les différences, cependant, sont pour moi évidentes :

·       Dans l’opéra, je thématiserai cette synthèse comme modulation (porteuse ou modulante / modulée), donc comme produit entre ondes de natures homogènes.

·       Chez Wagner, la synthèse prend la forme singulière d’une ligne (donc d’une partie et non pas d’une totalisation) qui est la mélodie « sans fin », c’est-à-dire d’un bout à l’autre. Soit une synthèse en fait globale (comme l’est d’ailleurs toute ligne d’écoute !) mais pas pour autant totale (tout n’entre pas dans cette synthèse musicale). Synthèse qu’on pourrait dire « conjonctive ».

·       Dans le cinéma, il n’y a synthèse que pour autant qu’on n’écoute pas la musique. Quand on l’entend, cela marche alors comme synthèse connective (cf. Muriel) ou disjonctive (théorie d’Eisler).

Musique-atmosphère

C’est là - « atmosphère », « impression », « climat affectif » - que le problème est à mon sens le plus grave.

Le point essentiel me semble celui-ci : une musique ainsi conçue n’est pas seulement sans développement (cf. point relevé par Eisler) mais elle est plus généralement sans conséquences immanentes c’est-à-dire musicales.

D’où une musique étale, juxtaposée, radicalement non discursive.

L’inconvénient rédhibitoire est en effet qu’elle ne peut alors s’écouter, et pas seulement parce qu’il y a en même temps des images à regarder : cette musique en concert reste inécoutable ! Elle ne peut s’écouter car il n’y a aucun interstice entre énoncé et énonciation, car il n’y a pas de face à face, et cela en raison du « milieu » créé et de « l’ambiance » instaurée.

D’ailleurs l’enjeu de la musique de film, comme indiqué plus haut, est que le spectateur « croie » à ce qui se passe sur l’écran, non pas soit incorporé (ce qui supposerait qu’il devienne acteur : c’est l’hypothèse a contrario d’Eisler, dont il m’est difficile de juger car je ne connais pas les films pour lesquels il a composé une musique) mais soit immergé. On pourrait dire : il s’agit de constituer une adhésion non de pensée mais d’opinion.

Une conséquence dramatique (pour la musique !) de ce type de « direction de spectateur » est que l’œuvre musicale (si elle existe) tend à s’aligner sur un paradigme naturel. Il me semble en effet qu’il y a deux grands modèles esthético-philosophiques pour l’œuvre :

·       modèle naturel (voir Debussy),

·       modèle subjectif (voir Wagner).

Exemple : la mer peut être représentée comme Mer (élément naturel) ou via la représentation du marin et de son bateau qui agissent sur cette mer, qui se rapportent à cette mer (logique subjective).

Au passage, il me frappe que ce qui fait un marin c’est moins la mer que son bateau : un marin aime plus son bateau qu’il n’aime la mer ; ou encore : un marin n’aime la mer que médiée par son bateau.

Ce n’est ainsi pas du tout pareil de « représenter » les éléments naturels, la campagne, la mer, le vent, le feu… ou de « représenter » un rapport subjectif à ces éléments naturels (une traversée, un combat, une promenade le nez au vent…).

Le terme « impression » semblerait pointer du côté du subjectif mais c’est en fait tout l’inverse, car il pointe du côté d’une naturalité particulière : la naturalité psychologique de l’individu et non pas du côté du subjectif qui est celui des projets, des vouloirs, des décisions, des désirs, des pensées…

Kant, dans sa troisième Critique, dit que pour penser par soi-même il faut penser de manière conséquente [87]. Une musique qui est indifférente aux conséquences proprement musicales de ce qu’elle pose ne saurait être une pensée musicale, donc une œuvre.

Remarque 1 : processus subjectif et pas narration

Le point important, dans le second paradigme (subjectif et non plus naturel), est sa scission en deux nouveaux « modèles » :

·       la figure narrative (la musique raconterait, serait organisée « comme un récit »…) ;

·       la figure processuelle (la musique est un processus subjectif, qui peut être raconté mais dont l’essence n’est nullement d’être un récit).

On comprendra que tout l’enjeu de ce travail sur Parsifal est aussi de restituer à cet opéra sa puissance musicale autonome (mais non autarcique !) à distance d’une simple logique narrative, puissance qui est proprement celle d’un sujet en acte (et non pas le récit de l’action d’un sujet alors non musical).

Remarque 2 : conséquences et pas effets

Dans la musique de film, la musique est soumise à une logique d’effets. La musique y est un moyen, ayant l’effet pour fin. Soit une musique de « la fin justifie les moyens ». Or, l’art musical est radicalement étranger à cette maxime soit-disant pragmatique.

La logique de l’effet dissout le principe même d’une situation musicale, entendu comme lieu de conséquences possibles : une atmosphère n’est pas en soi une situation musicale.

La logique de l’effet dissout ainsi l’idée de discours (cette métaphore du « discours musical » n’implique nullement celle de « langage musical », ni celle de narrativité ou de récit).

Attention : une « musique à effets » n’est pas nécessairement une musique de virtuosité, ni une musique narrative. C’est une musique qui, avec d’autres, interdit l’écoute (et pas seulement qu’on n’écoute pas).

Une musique à effets est alors bâti nécessairement comme collection d’effets : la collection remplace la conséquences ; la collection est la figure de la « suite » qui remplace celle de conséquences.

 

Bref, la problématique de l’effet se substitue à celle de la conséquence ; l’effet tient lieu de conséquence. La musique sort d’elle-même aussitôt que posée puisqu’elle se dilapide en effets au lieu de s’éprouver comme régime singulier de conséquences, à ce titre comme autonomie (comme « loi propre », comme capacité à se doter d’une loi propre, loi qui discipline son cours de manière endogène et non pas règle qui la canalise par une logique d’effets hétérogènes).

Écouter Parsifal ?

Si le cinéma disait vrai sur la musique de Wagner en matière d’atmosphères, d’impressions, de climats, alors cela voudrait dire qu’on ne saurait l’écouter – reproche que beaucoup lui ont fait, à commencer par Nietzsche -.

Est-il vrai que cette musique ne fonctionne que sur un mode de narcotique, par enchantement anesthésiant toute pensée ou cette musique reste-t-elle une proposition de pensée pour la pensée ?

Bref, peut-on écouter Parsifal ou est-on condamné à s’y livrer à une passivité enchanteresse ?

Trois directives

1) Être attentif aux déchirures (cf. moment-faveur & L5, moments « sublimes », cris…) : les interstices qui font qu’on n’est pas comme dans la mer car on voit de temps en temps le sol recouvert par la mer, ou le vide…

2) Être attentif au deux de la voix et de l’orchestre, plus globalement au contrepoint et à la polyphonie (dé-massifier, dé-fusionner la perception) : s’il s’agit de mer, cette mer est agitée de courants souterrains agitant la surface, se retirant pour laisser temporairement la place à nu.

Ces deux directives visent à « désubtancialiser » la musique de Parsifal, à s’y rapporter non comme à un « élément naturel », à un « milieu substantiel » mais comme à un projet musical.

3) Être attentif aux résonances du Prélude c’est-à-dire à une écoute rétroactive : on n’avance pas dans Parsifal comme à la proue d’un bateau mais comme à sa poupe. Être ainsi attentif aux sillages dans Parsifal plus qu’au turbulences de l’étrave… Ce qui importe est moins ce qui arrive ou va arriver que comment ce qui arrive remanie la situation subjective, déplace les subjectivités, affecte les dispositions. Parsifal est bien une musique du crépuscule, mais d’un crépuscule conçu comme le nœud (la synthèse ?) d’une résistance, d’un parachèvement et d’une prophétie.

Bibliographie

(Je dois à l’amicale obligeance de Jean-Loup Bourget l’accès à un certain nombre de ces textes)

·       Pierre Berthomieu : Musique de film (Klincksieck, 2004)

·       American Film Music : William Darby and Jack Du Bois (McFarland, 1990)

·       Olivier Clouzot : La musique de film (La Pléiade)

·       Brecht : Écrits sur le théâtre  (Pléïade)

·       Michel Chion : La musique au cinéma

·       Schaeffer : L’élément non visuel au cinéma (La Revue du cinéma, n°1 à 3, octobre à décembre 1946)

·       Jacques Bourgeois : Musique dramatique et Cinéma (La Revue du cinéma, n°10, février 1948)

·       Eisenstein : Le mouvement de l’art (Cerf, 1986)

·       Eisenstein : Le film : sa forme / son sens (Christian Bourgois (1976)

·       Adorno-Eisler : Musique de cinéma

·       Musique et politique / Hans Eisler, par Albrecht Betz (Le Sycomore (1982)

·       François Porcile : Maurice Jaubert, musicien populaire ou maudit ? (EFR, 1971)

Programme

1.     11 octobre 2005 - Introduction : Parsifal, quels enjeux aujourd’hui ?

2.     8 novembre 2005 - Moment-analyse (1). Écouter Parsifal à partir de son moment-faveur

3.     22 novembre 2005 - La structure globale : musicale (Alfred Lorenz) / théâtrale (Wieland Wagner)

4.     6 décembre 2005 - Moment-analyse (2). De quatre moments relayant l’écoute : Prélude de l’acte I, Filles-fleurs, Prélude de l’acte III, musique de la transformation (acte III)

5.     10 janvier 2006 - Théorie « néphologique » du réseau des leitmotive

6.     24 janvier 2006 - La question du sublime dans Parsifal. Moment-analyse (3) : les moments du sublime

7.     21 février 2006 - Généalogie ascendante : le moment-Parsifal dans l’Œuvre de Wagner

8.     7 mars 2006 - Généalogie descendante (1) : Debussy

9.     4 avril 2006 - Généalogie descendante (2) : la musique de film

10.  25 avril 2006 - Synthèse par modulation dans Parsifal : la mélodie « sans fin » dans Parsifal

11.  1 mai 2006 (New York) - Généalogie descendante (3) : Schoenberg

12.  6 mai 2006 (Journée « Parsifal, une œuvre pour notre temps ? ») – Écoutez Parsifal ! Qui est Kundry ?

13.  16 mai 2006 – Bilan : Écouter Parsifal ?

 

––––––


Annexe : Alexandre Nevski

(partition et plans tels que présentés par Eisenstein et repris par Eisler : ma partition et mon DVD présentent des variantes…)



 

 



[1] La musique au cinéma, 257

[2] Berthomieu, p. 112

[3] Berthomieu, p. 33

[4] American Film Music, p. 15

[5] sonate pour piano à onze ans, jouée par Schnabel ; son chef d’œuvre à 23 ans : en 1920 l’opéra Die tote Stadt

[6] American Film Music p. 365

[7] Cf. Chion, p. 310

[8] p. 62

[9] p. 62

[10] p. 41

[11] p. 255

[12] p. 25

[13] p. 30

[14] Chion, p. 256

[15] p. 46

[16] p. 363

[17] Chion, p. 256

[18] Bourgeois, p. 27

[19] Bourgeois, p. 28

[20] Bourgeois, p. 30

[21] Bourgeois, p. 30

[22] Berthomieu, p. 91

[23] Pléiade, p. 1502

[24] Pléiade, p. 1517

[25] p. 40

[26] p. 91

[27] p. 192

[28] p. 1497

[29] Clouzot, p. 1498

[30] Schaeffer, n°2, p.63

[31] Visiblement un compositeur de musique de film des années (1935à 1960 ?)

[32] Pléiade, p. 1495

[33] Écrits sur le théâtre, p. 717

[34] Écrits sur le théâtre, p. 721

[35] id., p. 722

[36] p. 724

[37] Rappel : meurt à 40 ans seulement, en juin 1940, comme Paul Nizan (voir le beau film Le temps détruit de Pierre Beuchot)

[38] p. 202

[39] p. 203

[40] p. 206

[41] p. 211

[42] p. 220

[43] p. 212

[44] p. 213

[45] p. 224

[46] p. 217-8

[47] p. 144

[48] p. 153

[49] Pléiade, p. 1505

[50] p. 17

[51] p. 53

[52] p. 160-1

[53] p. 135-8

[54] p. 167

[55] p. 12

[56] p. 61

[57] p. 307

[58] p. 308

[59] p. 308

[60] p. 311

[61] p. 313

[62] p. 314

[63] p. 315

[64] p. 317

[65] p. 321

[66] p. 340

[67] p. 322

[68] p. 342

[69] p. 342-3

Pour la citation, voir la correspondance de Wagner avec Liszt, p. 233

[70] cf. la biographie d’Adorno par Stefan Müller-Doohm : page 317…

[71] rappel : l’aura est « l’unique apparition… » ; elle serait donc le trait distinctif d’une unicité prestigieuse.

[72] Biographie, p. 318

[73] p. 319

[74] p. 140…

[75] Voir Albrech Betz : Musique et politique. Hans Eisler, le Sycomore, 1982 : p. 69, 146, 148, 204

[76] Adorno et Eisler : Musique de cinéma, L’Arche, Paris, 1972

[77] op. cit. p. 19

[78] p. 167

[79] p. 167

[80] p. 85-86

[81] Elle se dispose ainsi à l’exact opposé de cette fonction traditionnellement attachée à la musique de film : faire coaguler un ensemble disparate d’images, de discours et de sons…

[82] p. 155-156

[83] Faut-il rappeler l’importance, en politique également, d’une telle capacité à l’autolimitation ? Solidarnocz, par exemple, l’avait amplement rappelé au début des années quatre-vingt…

[84] Cf. son livre sur Parsifal, p. 17

[85] p. 20

[86] p. 18

[87] également penser sans préjugés et penser universellement (en se mettant à la place de tout un chacun).