Écoutez Parsifal !

 

François Nicolas

 

(Ens, Journée Parsifal, 6 mai 2006)

 

 

Présentation de la journée

Cette intervention

Son plan

Ce que n’est pas Parsifal

Ce qu’est Parsifal

Comment écouter Parsifal ?

Conclusion

Ce que n’est pas Parsifal 

Parsifal n’est pas un opéra proto-nazi

Bayreuth

Chaplin

Parsifal n’est pas un opéra crypto-chrétien

La Cène

Le Vendredi Saint

Le rédempteur

Pas de prière

Parsifal n’est pas un opéra d’initiation

Parsifal n’est pas un opéra de renoncement « bouddhiste »

Parsifal n’est pas un opéra obscurantiste

Parsifal n’est pas un opéra mythologique

Ce qu’est Parsifal

Un opéra de la réactivation (d’un processus collectif moribond) par une relève subjective

Interprétation

Trois instances

Grille interprétative

Quelques modalités…

Trois modalités de régénération

Réactivation

Transfiguration

Résurrection

Écouter Parsifal ?

La musique, art de l’écoute

Thèse latérale

Thèses centrales

Plan

Préécoute

Moment-faveur

Moments-relais

Filles-fleurs

Prélude du troisième acte

Musique de la transformation

Plus globalement…

Moments du sublime

Le moment du renversement subjectif

Le moment de la victoire

Autres moments

Fil d’écoute : la mélodie infinie

Drame comme synthèse

Moment-analyse

Réactiver aujourd’hui Parsifal ?

La musique ne pense pas seule

La capacité de la musique à faire synthèse

Le rôle de la voix

Le mélodie infinie

La vraie grandeur

Réactiver, transfigurer, ressusciter Parsifal ?

Annexe : µ-analyse de Parsifal

 

Présentation de la journée

Suite journée-Wagner l’année dernière.

Quadruple thématique : musique, littérature, cinéma, philosophie,

Cette intervention

Présenter les principaux résultats d’un cours.

Détail : sur internet + dossier + polycopié à venir.

Proposition : comment écouter Parsifal

Son plan

Ce que n’est pas Parsifal

Il s’agira d’abord de raturer six méprises : Parsifal n’est ni un opéra proto-nazi, ni un opéra crypto-chrétien, ni un opéra obscurantiste, ni un opéra de renoncement « bouddhiste », ni un opéra d’initiation, ni un opéra mythologique.

Ce qu’est Parsifal

Parsifal est un opéra de la réactivation subjective, par une relève.

Comment écouter Parsifal ?

Conclusion

Je concluerai sur notre rapport musical aujourd’hui à cette réactivation que fut Parsifal : y a-t-il lieu, pour nous musiciens, de réactiver aujourd’hui la problématique de Parsifal ?

Ce que n’est pas Parsifal [1]

Examinons rapidement les six méprises.

Parsifal n’est pas un opéra proto-nazi

D’abord Parsifal n’est pas un opéra proto-nazi. J’ai presque honte d’avoir à le préciser tant ceci devrait aller de soi à qui approche attentivement cette œuvre. Il est absurde de soutenir que Monsalvat préfigurerait Nuremberg.

Je me contenterai ici de rappeler deux faits.

Bayreuth

D’abord Parsifal fut le seul opéra de Wagner à être écarté de Bayreuth par les nazis pendant les années de guerre. Ce fait atteste à tout le moins de l’embarras de Hitler face à cet opéra.

Chaplin

Second fait, plus convaincant : dans son film Le Dictateur de 1939, Charlie Chaplin choisit d’accompagner le discours d’espoir du petit barbier juif par la musique de Wagner en sorte que le dernier mot du film prononcé par Paulette Godard « Écoutez ! » formule très précisément cette directive : « Écoutez la musique de Wagner ! », en l’occurrence le prélude de Lohengrin (dont la musique préfigure d’ailleurs le caractère diaphane de Parsifal [2]). Chaplin nous dit : « Face aux nazis, l’espoir est de ce côté !

Fin du Dictateur

Trait supplémentaire : Chaplin a déjà fait entendre cette même musique de Lohengrin au moment où Hitler danse avec son ballon-globe. Chaplin indique ainsi très clairement qu’il s’agit d’arracher la musique de Wagner aux mains d’Hitler pour y faire entendre cette tonalité d’émancipation que le petit barbier exposera à la fin du film.

Danse du Dictateur

Parsifal n’est pas un opéra crypto-chrétien

Seconde méprise : Parsifal n’est pas un opéra crypto-chrétien.

Ce thème a été orchestré par Nietzsche : il s’agirait dans Parsifal d’apprendre à s’agenouiller en une figure d’obéissance impuissante.

Que le poème de Parsifal s’écarte de la thématique chrétienne saute pourtant aux yeux. Quatre traits en particulier.

La Cène

D’abord la Cène n’est pas la transsubstantiation du pain et du vin en Corps et Sang du Sauveur, mais très précisément l’inverse : la transformation d’un corps et d’un sang en pain et vin pour le collectif ; autant dire qu’il s’agit là d’une incorporation réactivant un processus anémié, et non pas de l’incarnation d’un Messie.

Le Vendredi Saint

La régénération, dans Parsifal, se fait un matin de Vendredi-Saint, jour de deuil pour un chrétien, pour lequel, telle la Carmélite de Bernanos et Poulenc, « il n’y a qu’un matin, celui de Pâques ! ».

Le rédempteur

L’opéra se termine également sur l’énoncé « Rédemption au rédempteur ! », qui n’aurait guère de sens si Parsifal était un Christ. Cet énoncé précise que c’est la rédemption qui fait le rédempteur, non l’inverse – de même que c’est la musique qui fait le musicien, ou la politique le militant, ou l’amour l’amant -, ce qui suffit à tenir Parsifal à distance de toute figure transcendante du rédempteur.

Pas de prière

Dernier point non négligeable : cet opéra est radicalement sans prière. Or l’acte de foi essentiel est la prière. Rien ici de tel, à la seule exception d’une courte évocation par Amfortas.

Si les protagonistes ne sont pas ici des orants (on remarquera, une fois de plus, la différence avec les Carmélites de Bernanos-Poulenc…), c’est bien que cet opéra est sans véritable transcendance.

 

Je m’accorde donc ici au point de vue de Julien Gracq [3] :

« L’œuvre de Wagner se clôt sur un testament poétique que Nietzsche a eu le grand tort de jeter trop légèrement en pâture aux chrétiens, prenant ainsi la grave responsabilité d’égarer les critiques vers un ordre de recherches si visiblement superficiel que la gêne violente que l’on éprouve à entendre encore aujourd’hui parler de “l’acquiescement du maître au mystère chrétien de la rédemption”, alors que l’œuvre de Wagner a toujours si nettement tendu à élargir davantage les orbes de sa recherche souterraine ou, plus exactement, infernale, à elle seule finirait par nous donner à entendre que Parsifal signifie tout autre chose que l’ignominie de l’extrême-onction sur un cadavre d’ailleurs encore trop sensiblement récalcitrant. »

Parsifal n’est pas un opéra d’initiation

Troisième méprise, cette fois entretenue par un musicologue français - Jacques Chailley [4] - : Parsifal n’est pas un opéra d’initiation, comme l’est la Flûte enchantée. Il n’y s’agit pas d’initier un nouveau Tamino au gré d’une série d’épreuves apte à révéler une nature individuelle exceptionnelle.

Parsifal est un innocent : la réactivation viendra donc non d’un savant, ou d’un instruit, mais d’un jeune homme quelconque, sa virginité attestant ici de sa neutralité et de son ouverture. Et l’enjeu du drame ne sera nullement d’instruire ce jeune, ou de révéler quelque nature d’exception mais plutôt d’éveiller sa compassion. Ce qui enchaîne sur la quatrième méprise.

Parsifal n’est pas un opéra de renoncement « bouddhiste »

Parsifal n’a nullement pour enjeu subjectif la conquête de la pitié, si l’on entend par « pitié » ce qu’une tradition philosophique – en particulier spinoziste – nous apprend à concevoir comme passion négative, comme asservissement et de l’objet et du sujet de la pitié.

Or une ambiguïté est entretenue par le terme allemand Mitleid indifféremment traduit par pitié, ou par compassion. Ma thèse est qu’il faut entendre sous ce terme le mot français de compassion, et récuser donc celui de pitié.

Trois arguments en ce point :

·       D’abord l’opposition des deux notions : la pitié est une passion néfaste dont il convient de s’émanciper, la compassion par contre est un affect actif qui désigne la capacité de pâtir-avec, de partager un élan subjectif. La compassion est l’affect du dividu qui s’incorpore à un processus subjectif collectif. La pitié est par contre l’affect de l’individu qui se rehausse en se rapportant à un animal – voir l’épisode du cygne dans l’acte I, un cygne au demeurant venu de Lohengrin -.

·       Ensuite, il faut prendre au sérieux l’équivalence étymologique des termes allemand Mit-leid et com-passion (Mit=avec=cum, leid=peine). On entend bien une même logique de partage d’un affect douloureux.

·       Enfin, j’aime à relever que Richard Wagner lui-même, qualifiant en français son personnage de Parsifal – dans une lettre à Judith Gauthier – a bien recouru à ce terme de compassion, et non à celui de pitié :

« C’est le garçon fou, sans érudition, sans académie, ne comprenant rien que par la compassion, qu’il me faut. » [5]

S’il s’agit donc bien dans Parsifal de compassion, non de pitié - plus exactement : si la compassion pour Amfortas doit se distinguer de la pitié pour le cygne - on devra dire : Parsifal n’est pas un opéra de renoncement bouddhiste. Il n’y s’agit pas de se déposséder de tout désir mais au contraire de réactiver un désir collectif ensablé, moribond, et ce par incorporation d’un corps et d’un sang neuf.

Parsifal n’est pas un opéra obscurantiste

Parsifal n’est pas un opéra de l’obscurantisme.

Nietzsche a livré une première version - philosophique - de cette thèse, en associant obscurantisme et cléricalisme chrétien.

Debussy en a donné une seconde version, cette fois musicale :

« Wagner fut un beau coucher de soleil que l’on a pris pour une aurore. » [6]

Wagner aurait été un crépuscule plutôt qu’une aube, avec ce que ceci sous-entend perfidement d’obscurcissement inéluctable, d’appétit pour la nuit qui vient, de renoncement au jour qui s’achève, de goût pour l’obscurité.

Que penser de ce diagnostic d’un Wagner et singulièrement d’un Parsifal crépusculaire ?

 

Je proposerai de l’entériner :  oui, Wagner, singulièrement dans son Parsifal, relève bien d’un crépuscule non d’une aurore, mais il convient d’interpréter tout autrement ce qu’est subjectivement un crépuscule : un crépuscule, loin d’être un moment de renoncement et d’obscurantisme, est tout au contraire le nœud d’une résistance, d’un parachèvement et d’une prophétie.

René Char nous oriente en ce point :

« pour l'aurore, la disgrâce c'est le jour qui va venir; pour le crépuscule c'est la nuit qui engloutit. » [7]

·       Le crépuscule résiste à la nuit qui vient car celle-ci, pour lui, est une menace, une disgrâce, nullement une délivrance.

·       Le crépuscule parachève le travail du jour qui se termine et non pas l’abandonne en l’état à la nuit.

·       Et c’est à ce titre que le crépuscule prophétise non point en Cassandre – en dénonçant les malheurs qui vont s’attacher à cette nuit qui vient – ni non plus en utopiste – en annonçant « le lendemain qui chantera » - mais en prophétisant ce qui du jour qu’il parachève restera, en nommant au futur antérieur ce qui aujourd’hui aura été fait, bien fait, et sera digne d’être réactivé par les nouveaux jours.

Comme on va y revenir, Parsifal est d’ailleurs disposé dès ses premières mesures sous une telle tonalité musicale du futur antérieur à mesure d’un travail tout à fait particulier sur la réverbération.

Parsifal n’est pas un opéra mythologique

Dernière méprise : Parsifal n’est pas un opéra mythologique. Sa logique propre n’est pas celle d’un mythe au sens précis que lui donne Claude Lévi-Strauss : il n’y s’agit pas de la réduction mytho-logique d’une contradiction entre un terme positif (Monsalvat) et un terme négatif (Klingsor).

En effet, comme Lévi-Strauss nous l’enseigne, en particulier par sa formule canonique du mythe, tout mythe est la réduction d’une contradiction par la médiation d’une nouvelle contradiction, plus atténuée.

La logique du mythe serait ainsi une manière non pas de résoudre dialectiquement une contradiction mais de réduire une fracture par l’invention d’une médiation atténuant le conflit initial.

 

Mytho-logiser le thème Parsifal, cela a été fait dans l’ère moderne, par Julien Gracq dans son Roi pêcheur. Cela passe alors nécessairement par la constitution d’une forte polarité antithétique.

Julien Gracq centre ainsi toute sa pièce autour de la polarité Amfortas/Perceval. Mais Gracq, ce faisant, construit un Perceval fort différent du Parsifal de Wagner. Qu’il suffise pour cela d’indiquer que son Perceval  préfère finalement ne pas relever Amfortas de sa blessure, lequel Amfortas d’ailleurs ne souhaite nullement être guéri, préférant continuer de bénéficier  de l’attention collective que lui vaut sa blessure !

 

Parsifal pourrait-il être un opéra de logique mythique bâti sur une autre polarité que celle d’Amfortas et de Parsifal ?

Wieland Wagner pourrait le suggérer en configurant les polarités Amfortas/Kundry et Titurel/Klingsor :

[Voir sa Croix]

Parsifal devient alors celui qui semble cloué au centre de ces polarités…

 

J’objecterai à cela que la polarité principale de l’opéra me semble constituée par le non-couple Parsifal/Kundry.

 

L’économie générale des actes tend à argumenter ce point :

 

Acte I

Acte II

Acte III

Acte de Gurnemanz

Acte de Kundry

Acte de Parsifal

Kundry est le plus souvent invisible

Kundry est omniprésente

Kundry est le plus souvent muette

Première arrivée de Parsifal

Deuxième arrivée de Parsifal

Troisième arrivée de Parsifal

 

Or cette polarité Parsifal/Kundry ne relève nullement d’une logique mythique à mesure en particulier de ce fait, en bonne partie opaque, que Kundry ne constitue nullement un personnage à part entière au même titre qu’en constituent un Amfortas, Gurnemanz, Klingsor et Parsifal.

Kundry est moins un « personnage » comme les autres que la synthèse disjonctive de deux personnages possibles – Richard Wagner indique très clairement que la révélation de cette synthèse improbable, un jour de 1859, fut pour lui le point d’où tout son drame s’est d’un coup éclairci - : Kundry est la synthèse disjonctive de qui sert (actes I & III ) et de qui corrompt (acte II) les Chevaliers, synthèse disjonctive attestée par ce point frappant : le passage d’une Kundry à l’autre se fait toujours par évanouissement, disparition, conversion donc imprésentée si bien que le synthèse de la disjonction n’est elle-même jamais exposée comme telle.

Je ne m’étends pas plus sur ce point, crucial, que je léguerai volontiers à cette journée sous forme de cette lancinante question : « Mais qui est exactement Kundry ? ».

Ce qu’est Parsifal

Si Parsifal n’est pas tout ceci, qu’est-il ?

Un opéra de la réactivation (d’un processus collectif moribond) par une relève subjective

Je propose d’y voir un opéra de la réactivation (d’un processus collectif moribond) par une relève subjective. Le processus collectif est ensablé, à raison d’un abandon (Amfortas) ayant interrompu sa transmission et d’une usurpation concomitante (Klingsor). L’enjeu de l’opéra devient alors : à quelles conditions précises ce processus moribond peut-il être réactivé ?

Somme toute le livret, ainsi interprété, est limpide. J’en explicite ici le chiffre élémentaire.

Interprétation

·       Le nom propre du processus en jeu, de la conviction originaire est « Graal ».

·       L’origine du processus, c’est le « Seigneur ». Cette origine se perd dans la nuit des temps.

·       L’emblème de cette origine est un calice scellant la source commune des protagonistes.

·       Le témoin de la conviction transmise entre  générations – son drapeau - est constitué d’une lance.

·       Le fondateur de la séquence en cours du processus, c’est Titurel.

·       Le collectif de cette séquence  est constitué d’un ensemble de chevaliers.

·       Le lieu propre de cette séquence se nomme Montsalvat.

·       Son dirigeant actuel est Amfortas.

·       Un protagoniste de cette cause – Klingsor -, croyant faire ainsi ses preuves, s’est castré mais cet acte a précipité son exclusion du collectif. Son impuissance désormais décuple son goût du pouvoir.

·       Le désastre est arrivé quand le responsable du collectif – Amfortas -  déposa son témoin (la lance) pour mieux vaquer à ses affaires individuelles, moment que Klingsor mis à profit pour s’approprier le témoin et bâtir son simulacre : son domaine enchanté.

·       Désormais le processus est subjectivement moribond. Il ne peut être réactivé que par l’incorporation improbable d’un jeune, innocent de toute cette histoire mais à même de le régénérer s’il comprend la peine résultant de cet ensablement (compassion) et, par là, les enjeux subjectifs de toute cette affaire.

·       Cette relève par la jeunesse suffira à défaire les pouvoirs de l’impuissant, ramener la lance et recentrer le processus sur ses enjeux propres, non plus sur ses adversaires.

·       Sur cette base, les principales énigmes du livret prennent facilement sens. Par exemple, le fameux énoncé « Ici le temps devient espace » adressé par Gurnemanz à Parsifal au moment où celui-ci va pour la première fois pénétrer dans le lieu Montsalvat indique qu’en un instant - l’instant d’une petite promenade - le lieu va radicalement changer de nature et que Parsifal va pénétrer dans un nouveau monde, un peu comme l’on change radicalement de monde en accédant à une réunion politique, en pénétrant dans une salle de concert ou en s’allongeant sur une couche amoureuse…

Trois instances

Pour clarifier tout ceci, je propose de distinguer trois instances : l’individu, le dividu et le sujet.

·       L’individu est celui qui n’entre pas en rapport d’incorporation à un sujet.

·       Le dividu c’est l’individu en tant qu’il sait temporairement être incorporé à un sujet : c’est le musicien qui tantôt opère à l’intérieur du monde de la musique, tantôt vaque à ses occupations plus ordinaires ; c’est le militant qui ne l’est pas 24 heures sur 24 ; c’est aussi bien le mathématicien et l’amant. C’est la personne divisée (dividu…) entre son incorporation passagère à un monde de la pensée et sa figure individuelle centré sur ses intérêts.

·       Le sujet, c’est le collectif, acteur de la séquence.

L’enjeu de Parsifal serait alors celui-ci : un individu innocent pourra-t-il à la rencontre du dividu Amfortas compatir en sorte de devenir lui-même dividu apte à s’incorporer au processus et ainsi à le réactiver ?

Reste, en ce point, la difficulté spécifique, déjà évoquée : « Qui est Kundry ? » car celle-ci n’est ni un individu, ni un dividu, ni bien sûr à proprement parler un sujet, ni non plus la synthèse disjonctive de deux dividus : sans doute quelque chose plutôt comme un point de pure subjectivation en tant qu’un tel point est toujours la synthèse disjonctive de deux faces : l’une où le dividu sert le processus subjectif, l’autre où le dividu se corrompt en simple individu, en pur animal attaché à sa survie…

Grille interprétative

Je résumerai tout ceci sous forme du petit tableau suivant :

 

Le processus

Son nom propre

Graal (« Qui est le Graal ? » R102)

Son origine

Le « Seigneur »

Son emblème vivifiant

Un calice

Son objet-témoin

Une lance

La séquence

Son nom propre

Monsalvat

Son fondateur

Titurel

Son lieu

Un château

Son collectif

Des chevaliers

Son dirigeant actuel

Amfortas

Son chroniqueur, en charge de la transmission

Gurnemanz

Son compagnon de route (servante)

Kundry (1)

Son adversaire

Klingsor

Le lieu du simulacre

Le domaine de Klingsor

L’agent corrupteur

Kundry (2)

La relève

Parsifal

Le drame

L’interruption et l’ensablement

Par abandon du témoin - « Il a laissé tomber la lance. » (R44) –, non par arrachement au terme d’une lutte (Amfortas est parti vaquer à ses intérêts individuels

Sa marque

La blessure d’Amfortas, béance d’un corps déchiré entre « intérêts » disjoints

Son effet subjectif

La plainte d’Amfortas (« Aucun de vous ne peut ressentir le tourment qu’éveille en moi la vue de ce qui vous ravit ! » R113)

L’espoir d’une réactivation

Par une relève, s’incorporant au collectif et le régénérant

Son enjeu

Récupérer le témoin comme symbole d’une reprise de la séquence encore en cours (« Il nous faut reprendre la lance » R44)

L’agent de cette relève

Une conscience neuve, innocente (non savante), et vierge (ouverte) (« Le bouclier de l’innocence » R139)

Sa clef subjective

La compassion, ou compréhension de la blessure subjective que cet ensablement signifie pour qui partage la conviction première

Son péril subjectif

Rester enfermé dans ses intérêts d’individu (« J’ai fui vers des exploits puérils ! » R307)

Quelques détails

Le corps et le sang changés en pain et vin

La régénération du corps collectif par retour à la conviction originaire du processus (« Que ce vin fasse en vous sang bouillonnant de vie » R123)

« Ici le temps devient espace »

Ici, on accède en un instant à un lieu véritable.

L’adversaire

Un impuissant par simulacre de fidélité (« Impuissant à tuer en lui la convoitise, il mutila son corps. » R51)

Le cygne

Pitié pour les animaux (humains : individus) mais compassion pour les dividus…

Herzeleide

Emblème de la naturalité de l’individu (c’est la mère qui fait l’animal humain), qui risque de l’engluer dans la nostalgie de ses « intérêts »

L’Arabie

Lieu où mourut le père (Gamuret) et d’où vient le baume apaisant : l’existence d’un ailleurs, dont les ressources importées peuvent servir la cause interne…

Les Filles-fleurs

Le charme innocent des apparences, et du carpe diem

L’arrêt de lance (fin de l’acte II)

Il suffit d’une décision de relève subjective pour dissoudre les « pouvoirs » de l’adversaire, qui s’attachent à la faiblesse subjective du collectif.

« Rédemption au rédempteur » (R367)

Le rédempteur ne l’est pas au titre d’une transcendance : c’est la rédemption qui fait le rédempteur.

 

Quelques modalités…

Cette grille, somme toute relativement abstraite, est facilement transposable dans différentes situations concrètes. Je vous en propose ici quatre exemples : deux empruntés à des figures immédiatement collectives (les Carmélites, dont il a déjà été question, et les communistes : rappelons que Richard Wagner était exactement contemporain de Karl Marx et qu’il s’est lui-même déclaré autour de 1849 en faveur du communisme), et deux exemples propres à la vie musicale.

 

 

Parsifal

Exemples de collectifs

Exemples dans la vie musicale

Religieux :

L’ordre des Carmes

dans l’Espagne de la Contre-Réforme (XVI°)

Politique :

Le communisme

à l’époque de Mao

L’opéra pour Wagner

L’art musical aujourd’hui…

Le processus

Son nom

Graal

Monachisme

Communisme

Le drame

La musique comme art doté d’une écriture

Son origine

Le « Seigneur »

St Antoine / St Benoît

Spartacus / les premiers chrétiens

Sophocle / Shakespeare

Guy d’Arezzo

Son emblème

Le calice

La règle du couvent

Les principes égalitaires

La scène

La partition

Son témoin

La lance

L’habit du moine

 

La baguette du chef

 

La séquence

Son nom

Montsalvat

L’Ordre carmélite

(la séquence carmélitaine du monachisme)

Le marxisme

L’Opéra

La musique « contemporaine »

Son lieu

Le château de Monsalvat

Les couvents du Carmel

Cf. les « lieux politiques »…

Les salles d’opéra

Les salles de concert

Son collectif

Les Chevaliers du Graal

Les Carmélites

Les organisations communistes

Les maisons d’opéra

Les formations instrumentales

Son fondateur

Titurel

Albert de Jérusalem (XIII°), fondateur de l’Ordre

Karl Marx

Gluck

Schoenberg

Son dirigeant

Amfortas

 

Staline

Weber / Rossini

Stockhausen ?

Son adversité propre

Le nom de l’adversaire

Klingsor

Le Père Tostado (provincial) et Felipe Sega (nonce apostolique)

Kroutchev

Meyerbeer

Les post-modernes(Berio depuis 1968 ?)

Le lieu adverse

Le domaine enchanté de Klingsor

Les couvents de Carmes Mitigés (Tolède, où jean de la Croix sera emprisonné en 1577…)

Moscou

Le Kremlin

Paris

 

Ses sbires

Les gardiens du château magique

Les Chaussés ou Mitigés

L’Inquisition

Le PCUS

Les orchestres parisiens

 

La relève

Son agent

Parsifal

Thérèse d’Avila / St Jean de la Croix

D’où les Déchaux

Mao-Tsé-Toung

Wagner

 

Sa marque

L’innocence

La jeunesse de St Jean de la Croix

Pas besoin d’être un savant pour être militant

 

 

Détails

Cérémonie revivifiante

L’office

La réunion, le meeting, la manifestation…

La soirée d’opéra

Le concert

« Ici le temps devient espace »

Ici, on entre dans un couvent, indifférent aux histoires individuelles (à ce titre, on y change de nom)

Ici, on entre dans un lieu politique et militant, indifférent aux particularités individuelles

Ici on entre à Bayreuth

Ici commence le monde de la musique

Le cygne

Le non-croyant

 

Celui qui n’a pas rapport à l’opéra

Celui qui n’a pas rapport à la musique

Les Filles-fleurs

La vie non cloîtrée

 

 

Le plaisir sonore

L’arrêt de la lance

 

 

« Si, selon un mot de Schiller, l’art n’est tombé que par la faute des artistes, c’est en tous cas par les artistes seuls qu’il pourra être relevé. » Wagner

« Rédemption au rédempteur »

 

La politique au militant

La musique au musicien

« C’est la musique qui fait le musicien » Karl Marx

 

Trois modalités de régénération

Un dernier mot sur la catégorie de réactivation, avant d’attaquer l’écoute même de Parsifal.

Il me semble nécessaire de distinguer ici trois modalités de régénération d’un processus subjectif : la réactivation, la transfiguration et la résurrection.

Réactivation

La réactivation porte sur un processus moribond.

C’est par exemple l’affaire spécifique de Richard Wagner par rapport à l’opéra. D’où la question : à quel titre son œuvre est-elle une réactivation de l’opéra allemand ?

Transfiguration

La transfiguration porte sur un processus saturé.

C’est à mon sens l’affaire de Schoenberg par rapport à Wagner : comment par exemple transfigurer la nuit romantique (celle de Tristan où les deux sexes fusionnent en couple-pour-la-mort) en une nuit transfigurée (où l’amour, nourri du deux des sexes, transfigure l’enfant venu d’un autre – voir le poème-programme de Richard Dehmel), mais également comment transfigurer son rapport à la voix (voir son 2° quatuor), sa mélodie infinie (voir Erwartung), son opéra comme synthèse (voir Moïse et Aaron)…

Voir également Debussy : comment transfigurer l’harmonie modalisée de Wagner en harmonie-timbre ?

Résurrection

Cette opération porte cette fois sur un processus mort et enterré. C’est un peu notre problème musical aujourd’hui en ce début de XXI° siècle par rapport à la musique de Wagner : y a-t-il quelque chose à en ressusciter ? Mais c’était tout aussi bien le problème de Richard Wagner par rapport à la tragédie grecque : comment ressusciter sa logique du drame ?

 

Soit au total le tableau suivant :

 

Régénération

d’un processus :

Exemples : c’est l’affaire de

Réactivation

ensablé, moribond

Wagner (réactiver l’opéra)

Transfiguration

saturé

Schoenberg (transfigurer la nuit romantique de Tristan)

Debussy (transfigurer l’harmonie modale de Parsifal)

Résurrection

mort et enterré

Wagner (ressusciter la tragédie grecque)

Nous (ressusciter quelque « idée » de Wagner ?)

 

Ceci ordonnera notre question conclusive : y a-t-il, pour nous musiciens du XXI° siècle, quelque chose de Wagner à réactiver, transfigurer, ressusciter ?

Écouter Parsifal ?

Il me faut commencer par une question provocatrice : Peut-on écouter Parsifal ?

Toute une tradition nous informe en effet du contraire : on ne saurait écouter Parsifal car cet opéra accumule toutes les raisons de ne pouvoir écouter Wagner. Ainsi on ne pourrait écouter Wagner

·       car la musique de Wagner serait un puissant narcotique (thèse de Nietzsche, mais également de Debussy [8]),

·       car la musique de Wagner serait un océan dans lequel on se trouve immergé (le « sentiment océanique » de Romain Rolland),

·       car la musique de Wagner serait un trompe-l’oreille permanent, neutralisant toute attention vigilante (position d’Adorno)…

La musique, art de l’écoute

Je soutiens comme musicien que la musique est l’art de l’écoute bien plus que l’art du temps, et donc qu’on se rapporte en vérité à la musique par l’écoute.

Bien sûr, ceci implique une caractérisation de ce que l’on appellera écoute proprement musicale : d’une part en la démarquant des simples perception et audition; d’autre part en la caractérisant intrinsèquement.

Ce qui peut aussi se dire ainsi : à quelles conditions une écoute peut-elle donner lieu à un art ?

Thèse latérale

Une de mes thèses, apparemment paradoxale, est que cette écoute doit donner lieu à écriture : non pas être écrite (la partition n’écrit pas à proprement parler l’écoute musicale) mais plutôt que mesure singulière doit être prise du matériau sonore écouté – d’où le solfège. Ceci constitue ce qu’on pourrait appeler une thèse latérale sur l’écoute : pour être musicale et constituer la matière propre d’un art, il faut que mesure écrite puisse être prise du matériau sonore écouté.

Thèses centrales

Mais il y a surtout des thèses centrales.

L’une caractérise l’écoute musicale comme une opération à l’œuvre, nullement comme une action extrinsèque de réception par un auditeur individuel, ni comme une herméneutique la dotant d’un sens, etc. L’écoute musicale doit être pensée comme constituant toujours déjà l’affaire même de l’œuvre en sorte que lorsqu’un dividu musicien se met à vraiment écouter ce qu’il entendait jusque-là, il faut le concevoir comme une manière pour lui d’être incorporé à une écoute qui était déjà à l’œuvre, puisque l’œuvre écoute la musique avant même que l’écouteur le comprenne.

Ce moment de l’audition où le musicien s’incorpore à une écoute déjà à l’œuvre, je l’appelle moment-faveur.

 

Je voudrais donc vous détailler comment il est possible d’écouter Parsifal en sorte de participer ainsi à son propre processus subjectif.

Je présenterai pour cela succinctement les principaux résultats d’une analyse de Parsifal déployée toute cette année à l’Ens. Vous trouverez le détail de tout ceci dans les cours publiés sur internet.

Plan

Une écoute est faite en général

1.     d’une préécoute,

2.     d’un moment-faveur

3.     de moments-relais

4.     d’un moment de la fin

5.     d’une ligne d’écoute.

 

Parsifal a comme particularités

1.     de configurer une préécoute très singulière,

2.     d’ajouter deux moments du sublime,

3.     de tracer de manière immanente une ligne synthétique d’écoute sous forme d’une mélodie infinie.

 

Au total, je détaillerai donc cette écoute de Parsifal en six temps

1.     le temps de la préécoute

2.     le moment-faveur

3.     les moments-relais

4.     les moments du sublime

5.     la mélodie infinie comme fil d’écoute

6.     la Moment-analyse globale

Préécoute

Parsifal, comme toute œuvre, commence par un moment instituant une sorte de « Qui vive ? », constituant une position que j’appelle de pré-écoute.

Ce qui est singulier dans Parsifal, ce n’est pas l’existence d’un tel premier moment, mais sa texture musicale particulière. En effet l’élément immédiatement frappant de ce début tient à l’enchaînement, étonnant, d’un unisson mélodique sur le leitmotiv dit de la Cène (L1) et d’un élargissement harmonique immédiat.

L’unisson est un mélange de cordes (v. et vc) et de bois (cl., c.a. et bas. –) où aucun instrument ne se distingue individuellement [9].

Cet unisson se prolonge en une longue réverbération dont Adorno a relevé le trait saillant :

« Dans Parsifal, […] l’art de l’écoute consistera à surprendre un écho – à être aux aguets. Ceux-là seuls comprendront Parsifal qui saisiront ce qu’il y a de trop en lui, d’extravagant, son originalité et sa manière propre, telles qu’elles apparaissent dès le début du prélude, avec ces accords aux bois, suspendus sans mélodie aucune, et dans lesquels se meurt simplement la résonance de la première strophe du thème de la Cène, quatre mesures après sa fin. C’est un peu comme si le style parsifalien ne cherchait pas seulement à représenter les pensées musicales, mais aussi à en composer l’aura, telle qu’elle se forme non pas au moment où un son résonne, mais où il s’éteint. C’est seulement quand on s’ouvre moins à la musique elle-même qu’à son écho que l’on peut en suivre l’intention. » [10]

Sans m’accorder totalement aux formulations d’Adorno, je poserai pour ma part ceci :

·       L’écoute se trouve disposée « aux aguets » - c’est ce que j’appelle « pré-écoute » - en une disposition restant inorientée [11].

·       Cette pré-écoute a signification d’ensemble pour toute l’œuvre, et pas seulement pour son entame.

·       Cette signification d’ensemble met l’accent sur le moment où « meurt la résonance », où « un son s’éteint ».

·       Ce moment, je pense convenable de l’appeler « réverbération » [12].

Ainsi, Parsifal constitue son point d’écoute moins dans ses débuts de phrases que dans leurs chutes. Ainsi le son-Parsifal se singularise moins par ses transitoires d’attaque que par ceux d’extinction, en une réverbération qui mobilise l’espace puisque la réverbération est l’effet sonore qui en résulte. Cette réverbération, qui se situe après l’extinction du son, n’en est cependant pas séparée : c’est la traînée du son que l’espace orchestre. À ce titre, elle met en jeu un retournement du rapport entre temps et espace puisque le temps de la réverbération est fait d’espace.

Remarquons ceci : la réverbération n’est pas l’occupation de l’espace. L’occupation de l’espace, c’est un train d’ondes qui se propage, vagues après vagues. Le paradigme nous en est donné chez Wagner par l’ouverture de L’Or du Rhin : lorsqu’un accord de Mi bémol majeur va se déployer progressivement vers le haut, occuper progressivement tout l’espace symbolique des tessitures mais aussi remplir, élan après élan, tout le nouvel espace architectural de Bayreuth.

Dans la réverbération par contre, l’espace devient temps (du son) en sorte que cette opération musicale inverse la réalisation théâtrale de la scène de la transformation où c’est le temps qui devient espace.

Moment-faveur

Le moment-faveur se situe à mon sens au cœur de la scène de la transformation, en plein milieu du premier acte. Il est étroitement attaché à l’émergence du motif dit de la plainte d’Amfortas (L5).

Voici L5 en son état canonique :

et en un état polyphoniquement détaillé qui peut s’analyser ainsi :

 

Sans m’étendre sur le détail analytique (je l’avais présenté l’année dernière lors de la journée Wagner et ceci est disponible sur internet), ce motif est caractérisable comme effectuant un déchirement qui ouvre à une dérive mélodique et qui initie, via la tension harmonique de l’accord de Tristan, une modulation tonale qui engage une possibilité séquentielle que le passage en question va largement exploiter.

Toute la scène de la transformation va être tressée de ce motif selon une logique séquentielle que je ne détaillerai pas ici.

 

Remarquons l’importance toute particulière de ce leitmotiv dans Parsifal, non tant pour le nombre de ses occurrences (41) que pour sa répartition toute singulière (la moitié au second acte après la « conversion » de Parsifal) :

 

Prélude                      moment-faveur

 

Nombre d’occurrences

%

(dont avec voix)

(dont dans voix)

Acte I

16

39

4

4

Acte II

20

49

10

6

Acte III

5

12

1

1

41

100

15

11

 

Le motif, lié par son intitulé à la subjectivité d’Amfortas, s’avère musicalement surtout lié à la subjectivité de Parsifal : l’enjeu de la compassion est en effet que Parsifal s’approprie cette subjectivation malheureuse d’Amfortas pour la relever.

Moments-relais

Une œuvre de quatre heures ne saurait reposer sur la tête d’épingle d’un moment-faveur (intervenant ici au bout d’une heure environ).

Le moment-faveur est relayé en cours d’œuvre par d’autres moments qui vont servir de relais à l’attention.

Trois me semblent essentiel dans Parsifal :

1.     l’épisode des Filles-fleurs au début du second acte ;

2.     le prélude du troisième acte ;

3.     la « musique de la transformation » faisant pendant, au cœur du troisième acte, à la « scène de la transformation » du premier acte.

Quelques mots rapides sur chacun de ces moments.

Filles-fleurs

L’enjeu musical de ce moment pour l’écoute me semble tenir à l’extrême variété et mobilité des pupitres vocaux (au nombre ici de 14) conduisant à une polyphonie pouvant atteindre 8 voix musicales distinctes - les graphiques ci-joints donnent une petite idée de la mobilité ainsi composée -.

L’épisode des Filles-fleurs irrigue ainsi l’œuvre d’une nouvelle dynamique, faisant contraste avec la statique générale, en particulier avec les chœurs masculins, massifs et essentiellement homophoniques.

Ce moment me semble avoir également une signification extra-musicale importante en indiquant que les Filles-fleurs ne constituent nullement la vraie tentation et le vrai danger pour Parsifal. Pour lui, la vraie tentation, le vrai danger, c’est Kundry, non les Filles-fleurs.

Cette tentation, déployée par Kundry, ce sera celle de la nostalgie de la mère, soit l’engluement de l’individu dans sa nature d’animal humain attaché à ses racines et à sa généalogie. Kundry tente de corrompre Parsifal en lui faisant miroiter les avantages d’une vie ordonnée à son destin individuel pour le détourner de s’arracher à cette condition, pour le dissuader d’assumer une logique de dividu subjectivant le processus-Graal et y adhérant.

Prélude du troisième acte

Parsifal vogue de moments magnifiques en moments magnifiques. Ce prélude en constitue un qui vaudrait le détour si nous en avions le temps.

En deux mots il s’agit d’un quintette à cordes solo, soit un resserrement orchestral inouï [13].

Le prélude est tressé d’un nouveau leitmotiv (L30 dit de la désertification) intimement apparenté à un leitmotif déjà apparu (L7, dit de l’Oracle) et l’ensemble est tricoté selon le même type de maillage que L5 (le leitmotiv du moment-faveur) en sorte que tout ce prélude va ré-intensifier une dimension rétroactive du point d’écoute, dimension attachée à cette impression d’« étrange familiarité » traversant toute l’œuvre.

Musique de la transformation

Cette scène fait pendant à celle du premier acte. Elle est introduite par l’énoncé de Gurnemanz : « Midi ! L’heure est venue. », qui fait écho à son fameux « Ici le temps devient espace. » et mobilise un leitmotiv (L27, dit d’angoisse maternelle).

Cette musique de la transformation, faisant « reprise » symétrique de la scène de la transformation (acte I), renouvelle le déchirement à l’œuvre lors du moment-faveur grâce au jeu d’un nouveau leitmotiv (L27), apparenté mais non affilié à celui qui structure le moment-faveur.

Plus globalement…

Plus globalement, ces moments-relais fibrent une ligne d’écoute d’une tonalité subjective singulière, propre à Parsifal, qu’on peut cerner à partir des propriétés du point d’écoute qui trace cette ligne : la pointe d’un train d’ondes de nature réverbérante qui s’approprie un espace pré-disposé. Soit un point-coupure à double face : une face (intime) orientée rétroactivement sur une impulsion s’éloignant dans le passé, et une face (extime) orientée prospectivement non sur un lieu à occuper (ce serait l’attaque d’un front d’ondes progressant : début de L’Or du Rhin) mais sur l’appropriation de la musique par l’espace, quelque chose comme la musique écoutée par le lieu.

D’où une écoute se cristallisant autour d’un point à double face : à la fois rétroactive et réverbérante, l’ensemble composant ce que je proposer d’appeler un point d’écoute au futur antérieur.

Moments du sublime

Deux autres moments me semblent d’une grande importance, au titre cette fois du sublime.

La question est la suivante : y a-t-il des moments où l’œuvre tend à transcender le beau qu’elle produit, non par suraccumulation mais tout au contraire par un retrait, une soustraction, au moment même où un paroxysme devrait se déchaîner ?

Rien à mon sens de plus musicalement sublime en effet que cette capacité de la musique de s’auto-limiter au point même où l’extase semblerait promise.

On accuse facilement Wagner de trop accumuler pour ne pas être sensible à ce qui de son art configure un tel « sublime » par soustraction.

Parsifal, précisément, inscrit deux moments de ce type, malheureusement rarement exécutés avec la précision nécessaire, y compris par Boulez.

Ces deux moments se trouvent au second acte :

·       au climax de tout l’opéra d’abord, quand  Parsifal comprend enfin l’enjeu subjectif de toute cette affaire contre la mémoire nostalgique de son enfance dont Kundry l’ensorcelle ;

·       à la fin de l’acte enfin quand Parsifal saisit en plein vol la lance jetée par Klingsor, et dissout instantanément le mirage dont le pouvoir de Klingsor procédait. Heureuse leçon de choses au demeurant : le pouvoir de Klingsor ne procède que de l’impuissance subjective des chevaliers ; la simple décision de Parsifal de relever le processus suffit à révéler l’inanité d’un pouvoir qui semblait imposant.

L’opération sublime me semble convoquée en ces deux moments-clef de mutation subjective, les deux fois sous la forme d’un retrait au lieu même où l’on attendrait un tumulte assourdissant.

Le moment du renversement subjectif

Acte II, mesures 994 et suivantes :

Noter le point d’orgue sur le silence, uniquement réalisé par Knappertbusch…

Le moment de la victoire

Acte II, mesures 1493 et suivantes…

Ici, le retournement se fait au fil d’un glissando de harpe déposant le seul leitmotiv L3 joué par les cuivres en un crescendo qui, à mon sens, doit rester limité (remarquer que Wagner n’a ici écrit de nuance d’arrivée : il faut selon moi entendre ici un , non un ƒ).

 

Ces deux moments contribuent à disposer le troisième acte dans une tonalité non triomphante : non comme une revanche mais comme la reprise tranquille d’un processus collectif.

Autres moments

J’ai thématisé différents moments dans Parsifal. Ceci constitue l’œuvre en ce que j’appellerai une constellation de moments. Et le type d’analyse musicale que je privilégie sera alors dit une Moment-analyse [14].

Avec les moments distingués, l’ensemble de l’opéra n’est pas couvert d’un bout à l’autre. Restent d’autres moments, d’au moins deux types qu’il conviendrait d’examiner en détail :

·       les trois grands monologues (ceux de Gurnemanz et d’Amfortas à l’acte I, celui de Klingsor en début de l’acte II),

·       les trois grandes confrontations (celles de Gurnemanz et de Parsifal, de Klingsor et Kundry et surtout celle de Klingsor et Parsifal qui couvre les deux tiers de l’acte II).

Fil d’écoute : la mélodie infinie

Mais je voudrais maintenant orienter l’écoute selon la question non plus des moments mais du fil d’écoute.

J’appelle « fil d’écoute » ce fil rouge - filigrane plutôt que câble – que trace l’écoute lorsqu’elle traverse l’œuvre de part en part. Le fil d’écoute est tracé par ce point d’écoute dont j’ai parlé précédemment.

Qu’en est-il de ce fil d’écoute dans Parsifal ?

Ici la musique de Wagner offre à l’oreille un appui singulier : son unendliche melodie, sa mélodie infinie.

Drame comme synthèse

Détaillons un peu.

Ce que Wagner appelle drame, c’est une synthèse des arts (laquelle constitue son projet esthétique fondamental) ; une synthèse plutôt qu’une totalisation : son opéra est une œuvre d’art synthétique plutôt que totale.

Que s’agit-il de synthétiser chez Wagner ? Trois matérialités :

·       la matérialité poétique du texte en sa dimension signifiante,

·       la matérialité théâtrale du texte en son intrigue signifiée ,

·       la matérialité musicale (harmonico-tonale, rythmique, leitmotivique, etc.)

Pour opérer une telle synthèse, la voix peut être déterminante car musicalement, c’est la même voix qui parle et qui chante.

Cette synthèse va prendre chez Wagner la forme très particulière de la mélodie infinie, au double sens

1.     d’une mélodie sans fin (elle n’est plus découpée en airs),

2.     d’une mélodie infiniment nourrie en tout point d’une multiplicité non dénombrable de résonances de natures variées.

 

« La grande mélodie, telle que je la conçois, qui embrasse l’œuvre dramatique tout entière, […] doit produire dans l’âme une disposition pareille à celle qu’une belle forêt produit, au soleil couchant, sur le promeneur qui vient de s’échapper aux bruits de la ville. […] Celui qui se promène dans la forêt […] distingue avec une netteté croissante les voix d’une variété infinie [unendliche], qui s’éveillent pour lui dans la forêt ; elles vont se diversifiant sans cesse ; il en entend qu’il croit n’avoir jamais entendue ; avec leur nombre s’accroît aussi d’une façon étrange leur intensité ; les sons deviennent toujours plus retentissants ; à mesure qu’il entend un plus grand nombre de voix distinctes, de modes divers, il reconnaît pourtant, dans ces sons qui s’éclaircissent, s’enflent et le dominent, la grande, l’unique mélodie de la forêt. »

Wagner « Musique de l’avenir » (Lettre sur la musique, à Fr. Villot, 1860) [15]

 

Voici un exemple d’un moment d’une telle mélodie infinie (il s’agit du début du grand monologue de Gurnemanz, au premier acte) :

À l’entendre à nu, cette mélodie est informe. Et l’on sait qu’on n’a eu de cesse de reprocher à Wagner d’avoir abandonné les charmes tranquilles de la mélodie italienne et de l’aria. Soit, dès l’époque la vieille plainte réactive : « La mélodie, ce douloureux problème de la musique contemporaine… »

En situation, cela donne ceci :

Je propose de comprendre le principe wagnérien de la synthèse mélodique comme constituant une sorte de modulation acoustique, essentiellement une modulation de fréquence : la mélodie infinie peut être ainsi conçue comme une onde engendrée par une onde porteuse (le texte poétique) sur laquelle l’onde d’une modulante (la musique orchestrale) vient se greffer en sorte de produire une onde modulée (la mélodie infinie).

Voici un exemple de cette modulation (I.634-649) :

Comme l’on sait, Wagner composait cette modulation dans cet ordre précis :

·       d’abord la porteuse, c’est-à-dire le poème,

·       ensuite simultanément la modulée (la mélodie infinie) et la modulante (la musique orchestrale).

Dans le cas de Parsifal, Wagner a composé le poème de 1865 à 1877, et les ondes modulée (mélodie) et modulante (musique orchestrale) de 1877 à 1879.

 

Je n’en dis guère plus : comme l’on voit, la mélodie infinie est vocale, et ce pour des raisons essentielles (elle ne peut être que vocale, elle ne saurait être instrumentale).

Cette mélodie infinie constitue au sein même de l’œuvre un fil d’écoute immanent qui opère le type de synthèse (curviligne) qui mérite de s’appeler « écoute » !

Ce n’est pas forcément dire qu’écouter Parsifal implique à tout moment d’adhérer à la mélodie infinie, donc d’écouter l’œuvre du point de cette mélodie, mais à tout le moins que cette mélodie constitue un repère auquel mesurer son propre fil d’écoute, celui que l’on trace à partir du moment-faveur.

Remarquons que Parsifal est ici d’une radicalité wagnérienne maximale puisque cet opéra est, plus radicalement que le Ring, dépourvu d’airs !

Moment-analyse

Nous disposons ainsi des outils suffisants pour expliciter la Moment-analyse de l’œuvre. Je propose de m’en tenir ici au schéma suivant.

Cf. annexe : Une constellation de moments, faufilée par la mélodie infinie

Comment alors écouter Parsifal ? En se nourrissant de cette constellation de moments que la mélodie infinie faufile d’un bout à l’autre de l’œuvre.

Réactiver aujourd’hui Parsifal ?

Il me faut terminer en esquissant brièvement ce que Parsifal peut dire à notre temps musical.

Qu’est-ce que Parsifal met musicalement à l’ordre du jour ?

Cinq points.

La musique ne pense pas seule

La musique, dotée de la consistance d’un monde propre grâce à son écriture (le solfège), n’est pas pour autant autarcique. Elle pense en accueillant en son monde l’hétérogène des autres arts, des textes et des bruits de son époque. Un art musical qui ne saurait plus penser avec d’autres serait ensablé, et moribond.

Ce point a aujourd’hui une acuité particulière : comment l’œuvre musicale peut-elle toujours penser avec le poème, avec le théâtre, avec l’architecture mais aussi avec ce que Mandelstam appelait « le bruit du temps » ? Comment régénérer un art musical qui semble ensablé par une passion partagée (compassion !) avec les autres pensées de notre temps ?

La capacité de la musique à faire synthèse

La musique « pense avec » en mettant en œuvre sa capacité propre de synthèse.

Cette capacité de synthèse propre à la musique touche aujourd’hui à la question de l’œuvre mixte (à la fois instrumentale et électroacoustique) mais également à celle de l’œuvre accueillant en son sein tel ou tel texte : comment ne pas dénaturer ce texte, comment le mettre en musique sans le soumettre, comment lui laisser sa puissance propre de texte tout en le musicalisant ? Wagner, là encore, nous indique une orientation.

Le rôle de la voix

En ce point de la synthèse, le rôle de la voix peut être décisif car, en musique, comme je l’ai dit, c’est bien la même voix qui parle et qui chante.

Soit la question plus théorique : si la voix n’est pas  à proprement parler un instrument de musique, à mesure du point qu’elle peut parler en même temps qu’elle chante, si la voix n’est donc pas homogène au modèle instrumental du « corps-accord », quel doit être aujourd’hui sa logique musicale propre ?

Le mélodie infinie

Doit-on en quelque sorte ressusciter la mélodie infinie, cette ligne informe qui n’a d’intensité qu’au cœur d’un dispositif orchestral traversé et faufilé ? on sait que Schoenberg a lui-même exploré d’autre modalités mélodiques, transfigurant ainsi la mélodie wagnérienne. Où en sommes-nous, au début du XXI° siècle, de cette capacité de la mélodie de faire musicalement synthèse ? Comment penser ensemble les trois grandes modalités musicales de faire synthèse :

·       Par le rythme,

·       Par le timbre,

·       Par la mélodie ?

La vraie grandeur

Enfin, ultime enjeu de tout ceci : la vraie grandeur musicale n’est pas plus question de taille que le vrai infini (celui de la mélodie wagnérienne) n’est question d’extrémités. La vraie grandeur, comme le vrai infini, doit se donner en chaque moment. La grandeur de Parsifal n’est pas affaire de nombre d’heures de musique mais de densité (synthétique) à tout moment, et c’est bien parce qu’il y a une telle densité à tout moment que l’œuvre, au bout du compte, peut s’éployer sur une échelle de temps si vaste.

Ce principe, qui n’est ni saturé ni mort (songeons à ce que Schoenberg a pu en faire), doit être réactivé.

Réactiver, transfigurer, ressusciter Parsifal ?

Au total, s’il fallait donc se demander  qu’y a-t-il de Parsifal qui soit musicalement à réactiver, transfigurer ou ressusciter ?, je répondrai synthétiquement :

·       réactiver le rôle synthétique de la voix (Schoenberg a déjà œuvré dans ce sens) ;

·       réactiver cette grandeur musicale dont Wagner reste un emblème majeur ;

·       transfigurer la capacité de la musique de penser avec la politique, la prose, le cinéma, l’architecture… ;

·       ressusciter la capacité synthétique de la musique dans un tout autre contexte sonore ;

·       ressusciter – peut-être – la mélodie infinie comme modulation synthétique.

 

––––––––


Annexe : µ-analyse de Parsifal

 

Types

de

moments (µ)

Acte I (Gurnemanz)

Acte II (Kundry)

Acte III (Parsifal)

µ-limite

Pré-lude

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Rédemp-tion au

rédemp-teur

µ-faveur

 

 

 

 

 

 

Transfor-mation

(1)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

µ-relais

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Filles-fleurs

 

 

 

 

 

Pré-lude

 

 

 

Transfor-mation

(2)

 

 

 

 

µ du sublime

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Amfor-tas !

 

Arrêt

de la

lance

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Arrivées

de

Parsifal

 

 

 

 

1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2

 

 

 

 

 

 

 

 

3

 

 

 

 

 

 

µ choral

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mélo-die

infi--nie

Mono-logues

 

 

 

Gur.

 

 

 

 

Amf.

 

 

 

Klin.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Confron-tations

 

 

 

 

 

Gur.

/

Par.

 

 

 

 

Gur.

/

Par.

 

 

Klin.

/

Kun.

 

 

Kun.

/

Par.

 

Par.

/

Kun.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Amf.

/

Par.

 

Autres

 

G.

K.

 

 

 

 

 

 

 

 

Pré-lude

 

 

 

 

 

 

 

 

Coda

 

G

 

G/P

 

 

A

 

 

 


Acte I (celui de Gurnemanz)

 

1.     Ouverture : Prélude (12’)

2.     Éveil de Gurnemanz

3.     Arrivée de Kundry

4.     Arrivée d’Amfortas

5.     Grand monologue de Gurnemanz (15’)

6.     (1°) Arrivée de Parsifal

7.     Scène de la transformation

8.     Marche des Chevaliers

9.     Monologue d’Amfortas (8’)

10.  Cérémonie du Graal

11.  Coda : renvoi de Parsifal


 

Acte II (celui de Kundry)

 

1.     Prélude

2.     Monologue de Klingsor

3.     Grand dialogue Klingsor-Kundry (10’)

4.     (2°) Arrivée de Parsifal

5.     Filles-fleurs (12’)

6.     La grande confrontation Kundry-Parsifal (25’). Climax : le baiser.

7.     Klingsor-Parsifal

8.     Coda


 

 

Acte III (celui de Parsifal)

 

1.     Prélude

2.     Gurnemanz

3.     (3°) Arrivée de Parsifal

4.     Gurnemanz-Parsifal

5.     Musique de la transformation

6.     Mort d’Amfortas

7.     Sacre de Parsifal



[1] cours n°7

[2] Liaison supplémentaire : dans la mythologie, Lohengrin est le fils de Parsifal !

[3] Au Château d’Argol, p. 8

[4] dans son livre Parsifal de Richard Wagner. Opéra initiatique, (Buchet/Chastel, 1979)

[5] Richard Wagner (lettre en français à Judith Gautier du 4 décembre 1877)

[6] Monsieur Croche, p. 67.

Remarquons au passage que Debussy a « emprunté » la formule à Victor Hugo : « C’est ce soleil couchant [l’architecture de la Renaissance] que nous prenons pour une aurore ». (Notre-Dame de Paris p. 183). On sait que Debussy empruntera de même beaucoup à Wagner, en un déni permanent qui rend le personnage peu amène.

[7] Dans la marche - Quitter - La Parole en archipel (Pléiade, 1960 ; p.411)

[8] « Wagner, ce vieil empoisonneur ! » (Correspondance, 117)

[9] Wagner dit à Cosima qu’il a ici cherché « la couleur de Titien » (cf. Jean de Solliers, p.39)

[10] À propos de la partition de Parsifal (in Moments musicaux, p. 39-40) – texte de 1956-1957

[11] Cf. « l’attention flottante » de Freud, qui n’est tournée dans aucune direction précise, déjà identifiée

[12] là où Adorno préfère parler d’« écho », de « résonance », ou d’« aura ».

[13] Wagner en disait : « Aucun rayon lumineux ne doit y pénétrer. » (cf. Jean de Solliers, p.98)

[14] en prononçant à l’allemande le mot Moment en sorte d’en faire entendre la résonance stockhausienne (Moment-Form…)

[15] VI.239-241 ; en all. : VII.130-131