Écouter Parsifal à partir du leitmotiv
dit « de la plainte » ?
(8 novembre 2005)
François Nicolas
Résumé
Thèses
Thèse 1 : Écouter
Parsifal suppose l’émergence d’un moment-faveur [voir Théorie de l’écoute musicale, cours de 2003-2004 *].
Hypothèse
a. Dans Parsifal le moment-faveur intervient au cœur de la scène dite « de la transformation »
(milieu de l’acte I) quand le leitmotiv L5 (dit « de la plainte du Sauveur » **) vient la déchirer.
Thèse 2 : Écouter
Parsifal de part en part
(4 h !) nécessite l’articulation d’un tel moment-faveur à d’autres
points d’appui ultérieurs (qui ne sont ni la reprise du moment-faveur, ni
l’irruption d’autres moments-faveurs) : appelons-les des moments-relais.
Hypothèse
b. Deux moments-relais (au moins) interviennent dans les deux derniers
actes :
·
dans le chœur (à douze
voix écrites) des Filles-Fleurs (première partie de l’acte II),
·
dans le prélude (cordes
solos) de l’acte III.
Axiomes (néphologiques) :
il y a des nuées, mais il n’existe
pas « une » nuée : « un » nuage procède d’un découpage
dans le multiple des nuées.
Axiome I :
« un » leitmotiv est tel « un » nuage : un ensemble de
variations autour d’une même idée
jamais canoniquement exposée.
Axiome II :
« un » leitmotiv, tel « un » nuage, n’est intelligible que
par « son » économie dans le réseau dynamique des leitmotive.
Tâches :
·
Qu’en est-il de la
singularité de L5, de sa tension
propre (intension), de son profil
interne (inspect), de ses
différents aspects ?
·
Qu’en est-il de sa
dynamique en situation :
-
dans le réseau des 36 leitmotive ***,
-
dans ses 41 occurrences,
-
dans les 62 « périodes poético-musicales » qu’A. Lorenz distingue
(1933) dans Parsifal ?
Comme on le voit, avec
Wagner, le quantitatif importe et il convient donc de savoir aussi
« décompter ».
·
Qu’en est-il, plus
généralement, de la généalogie wagnérienne de L5 ?
Généalogie musicale de Parsifal
Hypothèse c. L’apparentement de L5 au fameux motif du désir inaugurant Tristan (par l’élan, le chromatisme, le célébrissime accord,
la matrice polyphonique, la plasticité harmonico-tonale…) suggère, compte tenu
de l’importance stratégique de L5
dans Parsifal (hypothèse a), d’entendre
aussi Parsifal comme réflexion de Tristan.
Enjeu
Tout ceci nous incitera à
réévaluer le partage convenu entre un Tristan chromatique et un Parsifal diatonique et modal, et par là de réinterroger un XX°
siècle musical classiquement disposé selon 2 (+1) généalogies : celles de
Schoenberg (Tristan), de Debussy (Parsifal) et de Scriabine (contournement musical de Wagner).
Que l’on retrouve ici
l’Allemagne, la France et la Russie fera résonner des échos inattendus de
l’axiome adornien : « L’art a besoin de quelque chose qui lui est
hétérogène pour devenir art. »
* Voir www.entretemps.asso.fr/Nicolas/Ecoute
** Un état parmi d’autres de L5 :
*** Pour une présentation du réseau des leitmotive,
voir :
www.entretemps.asso.fr/Wagner/Parsifal/36leitmotive.htm
–––––
Écouter Parsifal ? 2
Moment-faveur 2
Pré-écoute 3
Ligne d’écoute 3
Moments-relais 3
Acte II : Filles-Fleurs 3
Acte III : Prélude 3
Plan 3
Durées 3
Minutage 4
L5… 4
État « canonique » 4
Autres états 4
Première apparition 4
Seconde apparition 4
Polyphonie & harmonie 5
Analyse 5
Ossature polyphonico-harmonique 6
Intension & inspect 7
Dualité interne 7
Matrice résolutive ? 7
Leitmotiv « modulant » 7
Plasticité tonale 8
Résumé 8
Intension de L5 8
Inspect de L5 8
Aspects de L5 8
Généalogie de L5 9
L5 et le motif du désir de Tristan 9
Tristan 9
Réseau des leitmotive 9
Le motif du désir 10
L’accord 10
Leitmotive................................................................... 10
Partition....................................................................... 10
Rapprochement avec L5 11
L5 et Tannhäuser 11
Situations de L5 12
Occurrences 12
Tonalités 13
« Scène de la transformation » 13
L5 dans la scène 19
Généalogie de Parsifal 19
Ascendante 19
Tannhäuser 19
Lohengrin 19
Tristan 19
Livre de Stein 19
Descendante 19
Debussy ! 19
Musique de film ? 19
Thèse 19
Hétérogène 19
Programme 20
À quelles conditions ? Cf. théorie de l’écoute musicale
2003-2004
Il y faut un moment-faveur ! C’est lui qui va
essentiellement nous occuper aujourd’hui.
Hypothèse : le moment-faveur dans Parsifal intervient
lors de la scène de la transformation par déchirure du tissu sous l’effet de
L5.
Avant ? Il y a faut une pré-écoute.
Ce qui est le plus proche d’une théorie musicale de l’écoute
est une théorie théologique de l’écoute (Roland Barthes avait bien relevé cette
proximité, en remarquant que le verbe écouter était le verbe évangélique par excellence).
Cf. théorie du « point d’accrochage » [Anknüpfungspunkt] (chez Emil Brunner), de la précompréhension (Rudolf Bultmann) ou des conditions
d’écoute (Karl Rahner) [1].
L’idée est qu’il y a des conditions de possibilité pour le
moment-faveur, en particulier il y faut une pré-écoute : un qui-vive
flottant…
On examinera de ce point de vue ce qui se passe dès
l’ouverture de l’opéra, en particulier avec L1 (rythmiquement,
tonalement : majeur/mineur phrygien, résonance…)
Après ? Ligne d’écoute.
Thèse : pour soutenir une telle ligne à grande portée
(4 heures ici), il faut des moments-relais.
J’en distinguerai deux :
12 voix écrites !
Le contraire du chœur des voix d’hommes au premier (et
troisième) acte…
Quintette à cordes solo !
Resserrement orchestral…
Acte I (Gurnemanz)
1. Ouverture :
Prélude
2. Gurnemanz
(ouverture)
3. Kundry
(arrivée)
4. Amfortas
5. Récit
de Gurnemanz
6. Parsifal
7. Scène
de la transformation
8. Cérémonie
9. Coda
(renvoi de Parsifal)
Acte II (Kundry)
1. Prélude & Klingsor
2. Klingsor-Kundry
3. Parsifal
(arrivée)
4. Filles-fleurs
5. Kundry-Parsifal
6. Klingsor-Parsifal
Acte III (Parsifal)
1. Prélude
orchestral
2. Parsifal
3. Enchantement
du Vendredi Saint
4. Amfortas
(mort)
5. Parsifal
(sacre)
Longueur inhabituelle de l’opéra, qui égale celle des Maîtres
Chanteurs et du Crépuscule des
Dieux.
|
Nombre
de mesures |
Durées… |
Acte
I |
1666
(dont 113) |
1h
45’ (dont 12’) |
Acte
II |
1539
(dont 60) |
1h |
Acte
III |
1141
(dont 40) |
1h
15’ |
∑ |
4346 |
4h |
Pour acte I [2]
Ø
Minimum : 1h35’ par Boulez (1967)
Ø
Maximum : 2h 06’ par Toscanini (1931)
Ø
Moyenne au temps de Wagner : entre 1h 45’ et 1h
50’ par H. Lévi (1882)
Pour le total [3]
Ø
Minimum : 3h42’ par Hanz Zender (1975)
Ø
Maximum : 4h 48’ par Toscanini (1931)
Ø
Moyenne au temps de Wagner : entre 1h 45’ et 1h
50’ par H. Lévi (1882)
|
Lévi (1882) |
Knappertsbuch (1951) |
Boulez (1966) |
Nagano (2004) |
Acte
I |
1h
47’ |
1h
57’ 20’’ (dont 14’12) |
1h
40’ |
1h
36’ 07’’ (dont 11’40) |
Acte
II |
1h
02’ |
1h
12’ 36’’ (dont 1’48’’) |
1h
01’ |
1h
06’ 43’’ |
Acte
III |
1h
15’ |
1h
22’ |
1h
10’ |
1h
08’ 25’’ |
∑ |
4h
04’ |
4h
27’ |
3h
49’ |
3h
51’ 15’’ |
I.98 [ré b]
I.1123 : [ré b]
Noter la logique d’écho entre la voix 1 et la voix 3 dans
l’appel inaugurant L5. Cet appel se retrouve en écho-résonance avec le grupetto
meusre suivante à la voix 1.
Noter l’appel ascendant passe d’une octave (1° mesure voix1)
à une quarte (1° mesure voix2) puis à une tierce mineure (sol # - si, 2° mesure
voix1).
Cf. importance, dans tout Parsifal de cette logique de résonance, de réverbération, ou
d’écho (Adorno) :
« L’art de l’écoute […] que l’on doit acquérir si l’on
veut saisir cette œuvre consistera […] à surprendre un écho – à être aux
aguets. […] C’est seulement quand on s’ouvre moins à la musique elle-même qu’à
son écho que l’on peut en suivre l’intention. » (À propos de la
partition de Parsifal, in Moments
musicaux, p. 39-40)
Noter l’opposition entre secondes mineures :
— mélodiques : descendantes dans la polyphonie,
— harmoniques : ascendantes entre tonalités (de
départ et de résolution).
(soprano) |
si |
æ |
mi |
fa |
(alto) |
sol |
æ |
do |
|
(ténor) |
mi |
æ |
la
b |
|
[5°
voix] |
ré |
ä |
sol |
fa |
(basse) |
mi |
ä |
fa |
|
tonalités |
[mi] |
ì |
|
[fa] |
Je vous propose le chiffre suivant, issu de la formule
canonique du mythe de Claude Lévi-Strauss. L’idée est la suivante : L5 met
en œuvre une tension (tonale) entre chromatisme et diatonisme exemplairement
portée par l’opposition entre voix aigüe et voix grave, tension qui va se
trouver non pas résolue mais réduite par
le biais d’une seconde tension : entre la voie basse assumant à plus
grande échelle un chromatisme (sous forme de modulation selon un demi-ton ascendant)
et la voix tenor (3° voix) intervenant diatoniquement et, en fin de compte
modalement (gamme par tons). Soit :
Chromatisme des voix supérieures |
↪ |
Chromatisme de la basse harmonique [4] |
Diatonisme de la basse harmonique |
Modalisme d’une voix intermédiaire |
Le schème de cette réduction (qui n’est pas une résolution) est de logique non pas dialectique mais
plutôt mythique : la résolution mytho-logique comme réduction (au sens où
l’on parle de réduire une fracture) d’une contradiction par la médiation de
nouveaux termes. On verra que ce même chiffre peut être tracé sur l’ensemble de
l’opéra (voir premières indications données dans ce sens dans le premier
cours).
Modulation entre tons mineurs selon une seconde mineure
ascendante (cf. au début du prélude du III° acte : si bémol mineur à si
mineur) : voir pour cela le jeu de la sixte napolitaine où II6
devient IIb6. (VIb devient alors enharmoniquement V) : cf.
I-VIb-II-V-I suivi de I-VIb-II6[=IIb6]-VIb[=V7]-IIb[=I]
Est-ce le seul leitmotiv modulant ? Cf. examen du
réseau des leitmotive… En tous les cas, c’est bien le seul à être toujours
modulant.
Cf. ici, modulation en {+s} mais, dans la scène de la
transformation : {-S}, {+t}… Cf. plus loin la variété des modulations
qu’il conduit…
Au titre de cette plasticité modulante, ce leitmotiv occupe
la place dans Tristan de l’accord avec
ses nombreuses résolutions possibles : pour Lorenz, l’accord de Tristan
peut se résoudre de 92 manières différentes !
On va voir (41 occurrences plus loin) que ce leitmotiv est toujours
modulant.
Logique d’attaque-résonance-extinction
· Attaque :
appel
· résonance :
lente descente
· extinction :
cf. remontée par résolution de la modulation (n’existe pas toujours, quoique ce
leitmotive soit toujours modulant).
Cf. intension qu’on
pourrait dire d’ordre acoustique ou sonore, en vérité de nature
instrumentale : ce sont les sonorités d’origine instrumentale qui ont ce
profil avec transitoires d’attaques et d’extinction…
On dira, provisoirement : intension de type instrumental.
Cette « écoute » mettra alors l’accent dans Parsifal sur une logique de la résonance comme espace de
réduction des contraires (ici le temps de la résonance devient espace de réduction – mythologique – des forces contraires à l’œuvre).
Comme on va le voir, l’apparition véritable de L5 se fait
dans la scène de la transformation, après la fameuse réplique : « zum Raum wird hier die Zeit. »
(R105)
Logique d’écho et de résonance intérieure : cf. appel,
cf. sol-mi (début voix 2 – fin voix 1)…
Un déchirement qui
ouvre à une dérive mélodique et
initie par la tension harmonique de l’accord de Tristan (qui tord ici la
fonction de dominante : cf. accord 5b-7) une modulation (dérive cette fois
harmonique) dont on ne sait quand elle s’interrompra (la pause dans cette
modulation étant annoncée par l’apparition d’une 5° voix excédentaire, ascendante,
donc plutôt à contre-courant). En même temps, cet élan ouvre, par sa
généricité, à une possibilité séquentielle (possibilité qui n’a pas, dans
d’autres leitmotive, la même évidence : par exemple L1, L2…).
Double appel ascendant en écho (voix 1 et 2)
Plus globalement, voir le profil dessiné plus haut…
Cf. logique générale : Parsifal comme résonance ou écho de Tristan
Ici, premier aspect : L5 comme écho-résonance de
l’attaque de Tristan : leitmotiv du
désir + accord.
t-t-T = septième diminuée altérée (ou t-[t-T]…) ;
ou [t-T]-S = mineur + sixième.
Il intervient souvent, sous la forme d’un de ses 24
renversements.
Noter que la logique du renversement est bien intégrée à la
partition :
Comme accord dans L5, L8, L9, L12
Comme mélisme descendant dans L29
Il intervient souvent, et aux moments-pivots. Cf. fichier
d’exemples musicaux.
Il tend à structurer le plan tonal des séquences : ex.
dans le Prélude la récurrence de La b – Do b – ré (et sol b suggéré par la
dominante de Do b)
I.67
I.227
II.54 (climax du Prélude)
II.167
II.247
II.983 : le baiser !
Cf. à l’attaque de L23 (Parsifal) en mineur : sol-fa-si
b- ré b (III.169)
(Second) chœur des
Pélerins (acte III)
soit
41 occurrences, dont une quinzaine en même temps qu’une voix
(dont une dizaine incluant une voix)
|
|
% |
(dont
avec voix) |
(dont
dans voix) |
Acte
I |
16 |
39 |
4 |
4 |
Acte
II |
20 |
49 |
10 |
6 |
Acte
III |
5 |
12 |
1 |
1 |
∑ |
41 |
100 |
15 |
11 |
Noter que plus de la moitié sont « sans voix » et
un quart seulement « dans la voix »
Noter que plus de la moitié sont dans le second acte (dont
Amfortas est absent).
L5 intervient pour la première fois à la fin du Prélude de
l’acte I
Dans l’acte I, il intervient de manière groupée dans la
scène de la transformation, soit à partir du moment où le temps s’est changé en
espace ! : voir longue analyse plus loin…
Dans l’acte II, il intervient avant et surtout après l’épisode
des Filles-Fleurs et la « conversion » de Parsifal.
|
Mesure |
Tonalité
de départ |
Position
harmonique (note
sur accord) |
Tonalité
d’arrivée |
Intervalle des
tonalités |
5°
voix ? |
Leitmotiv enchaîné |
Avec
voix (participant
au leitmotiv) |
Prélude |
I.98 |
ré
b |
1
sur VI (1
= tonique, sur accord du VI° degré) |
la
b (V) |
+5 |
|
|
|
Scène
de la transformation |
I.1123 |
ré
b |
5
sur I |
ré |
+s |
|
|
|
I.1127 |
(ré)/sol |
5
sur I |
do |
(-S)/+4 |
|
|
|
|
I.1134 |
ré |
5
sur I |
fa |
+t |
|
|
|
|
I.1137 |
fa |
5
sur I |
la
b |
+t |
|
|
|
|
|
I.1205 |
mi
b |
5
sur I |
mi |
+s |
Cf.
« canonique » Alto |
|
dans la voix |
|
I.1214 |
mi
b |
5
sur I |
Do
b |
-T |
Ø |
|
dans la voix |
|
I.1259 |
mi
b |
(coupé
mes.3) |
|
|
|
|
|
|
I.1316 |
la |
5
sur I |
|
|
|
|
la
voix 1 n’est que dans le chant |
|
I.1318 |
ré |
1
sur V |
|
|
|
L9 |
|
|
I.1335 |
mi
b |
5
sur I |
|
|
Logique
harmonique |
|
|
|
I.1369 |
mi
b |
|
mi
(V) |
+s |
? |
|
* |
|
I.1474 |
si
b |
1
sur V |
Do |
+S |
|
|
|
|
I.1589 |
fa |
1
sur II |
Mi
b |
-S |
|
L25 |
|
|
I.1598 |
mi
b |
5
sur I |
La
b |
+4 |
|
L25 |
|
|
I.1604 |
mi
b |
|
do
(V) |
-t |
Basson |
L25 |
|
Prélude |
II.28 |
mi
b |
|
(allusion) |
|
|
sur
L26 puis
L9 |
|
II.50 |
si |
|
(esquissé) |
|
|
|
|
|
Klingsor |
II.186 |
do |
1
sur II |
(esquissé) |
|
|
|
|
II.236 |
si |
1
sur V |
(esquissé) |
|
|
|
|
|
II.265 |
si |
1
sur V |
(esquissé) |
|
|
|
|
|
II.281 |
mi |
1
sur II |
|
|
|
|
dans la voix |
|
Pivot
de l’opéra |
II.992 |
si |
1
sur II |
(allusion) |
|
|
|
|
|
II.1005 |
mi |
1
sur II |
|
|
|
|
dans la voix |
|
II.1019 |
do |
1
sur IV |
|
|
|
L9 |
(bribes) |
|
II.1037 |
fa
# |
1
sur II |
|
|
|
L9 |
(appuis) |
|
II.1060 |
si
b |
1
sur V |
(esquissé) |
|
|
L9 |
|
|
II.1063 |
do |
1
sur V |
|
|
|
|
dans la voix |
|
II.1116 |
do |
1
sur IV |
(esquissé) |
|
|
L9 |
|
|
II.1147 |
sol
# |
2b
sur IIb |
(allusion) |
|
|
|
dans la voix |
|
II.1168 |
ré ? |
3
sur I |
(allusion) |
|
|
L9 |
dans la voix |
Énonciation
originale |
II.1184 |
ré |
1
sur V |
|
|
|
|
|
|
II.1197 |
do |
2
sur I |
|
|
|
|
|
|
II.1309 |
ré |
1
sur II |
|
|
|
|
dans la voix |
|
II.1334 |
la |
1
sur II |
|
|
|
|
* |
|
II.1480 |
la |
1
sur II |
|
|
|
|
(bribes) |
|
III.269 |
ré |
1
sur II |
|
|
|
|
|
|
III.368 |
mi |
1
sur II |
(esquissé) |
|
|
L9 |
|
|
III.623 |
fa |
2b
sur II |
|
|
|
|
|
|
III.776 |
do |
1
sur V |
|
|
|
|
|
|
III.1079 |
la |
3
sur I |
(allusion) |
|
|
|
dans la voix |
Tonalités de départ
|
do |
ré
b |
ré |
mi
b |
mi |
fa |
fa
# |
sol |
sol
# |
la |
si
b |
si |
∑ |
∑ |
6 |
2 |
6 |
8 |
3 |
3 |
1 |
1 |
1 |
4 |
2 |
4 |
41 |
Acte
I |
|
2 |
2 |
7 |
|
2 |
|
1 |
|
1 |
1 |
|
16 |
Acte
II |
5 |
|
3 |
1 |
2 |
|
1 |
|
1 |
2 |
1 |
4 |
20 |
Acte
III |
1 |
|
1 |
|
1 |
1 |
|
|
|
1 |
|
|
5 |
(95 mesures)
Période 14 de
Lorenz
Logique des « périodes poético-musicales » [dichterisch-musikalische Periode]
basées sur une « tonalité principale » [Haupttonart] .
Cf. Opéra et Drame
(II.162) : « Si la période poético-musicale a été ainsi désignée,
telle qu’elle se détermine d’après une tonalité principale, nous pouvons dire
provisoirement que, considérée du point de vue de l’expression, l’œuvre d’art
la plus parfaite est celle où de nombreuses périodes de ce genre se présentent
ainsi dans leur plénitude supérieure, de sorte qu’elles se conditionnent l’une
par l’autre, pour la réalisation d’une intention poétique supérieure, et
qu’elles se déploient dans une riche manifestation totale. » (Cf. Lorenz
p.1-2)
Leitmotive |
Tonalités |
numéro |
nombre |
|
petits
Bars |
moyen
Bar |
grand
Bar |
|
|
1073 |
1 |
introduction |
|
|
Strophe
1 [19] |
L25 |
[La] |
1074-1077 |
4 |
strophe 1 |
1074-1083 [10] |
|
|
[Do] |
1078-1079 |
2 |
strophe 2 |
|
|||
[Mi b] |
1080-1083 |
4 |
envoi |
|
|||
L2 |
[Si] |
1084-1085 |
2 |
strophe
1 |
1084-1091 [8] |
|
|
1086-1087 |
2 |
strophe
2 |
|
||||
1088-1091 |
4 |
envoi |
|
||||
L25 |
[Mi] |
1092-1095 |
4 |
strophe 1 |
1092-1105 [14] |
|
Strophe
2 [27] |
[Sol] |
1096-1099 |
4 |
strophe 2 |
|
|||
[Si
b] |
1100-1105 |
6 |
envoi |
|
|||
L2ÄL25 |
[Ré
b] |
1106-1110 |
5 |
envoi |
(bar
inversé) 1106-1118 [13] |
|
|
1111-1114 |
4 |
strophe
2 |
|
||||
1115-1118 |
4 |
strophe
1 |
|
||||
|
|
1119-1122 |
4 |
transition |
|
|
Envoi [49] |
L5 |
[ré b/ré] |
1123-1126 |
4 |
|
|
|
|
[ré/do] |
1127-1128 |
2 |
|
|
|||
|
1129-1133 |
5 |
Bar
(1+1+3) |
||||
[ré/fa] |
1134-1136 |
3 |
|
||||
[fa/la b] |
1137-1139 |
3 |
|
|
|||
L1 |
[Fa b] |
1140-1141 |
2 |
|
strophe
1 [8] |
Bar [28] |
|
L25 |
[Mi b] |
1142-1147 |
6 |
|
|||
L1 |
[Ré b] |
1148-1149 |
2 |
|
strophe
2 [12] |
||
L25 |
[Do] |
1150-1153 |
4 |
|
|||
1154-1159 |
6 |
|
|||||
L2 |
1160-1161 |
2 |
|
envoi [8] |
|||
L25 |
1162-1167 |
6 |
|
L5 intervient au cœur de la scène (I.1123), pour y donner
« l’envoi » du grand Bar (voir périodisation de Lorenz).
Il intervient séquentiellement et non pas ponctuellement
(comme il l’avait fait, la seule fois précédente, à la fin du Prélude).
La logique de cette séquence suit (voir Lorenz) une forme en
arche A(1123-1126)-B(1127-1128)-C(1129-1133)-B’(1134-1136)-C’(1137-1139) où la
partie centrale (C) constitue elle-même un petit bar (1129/1130/1131-1133). On
peut remarquer qu’à ce titre (voir prochain cours) cette séquence a la même
« forme » que tout Parsifal et
constitue donc une forme réduite de l’ensemble de l’opéra.
La logique de la séquence (11*L5 !) est en quatre
temps :
· L5
complet (sur la b) en [ré b]
· L5
(3 mesures) (sur ré) en [ré] (une quinte
+ une octave plus bas)
· Séquence
ascendante (sur la 2° mesure de L5) sur une quinte + une octave (aboutissement
sur la en [ré], soit dans la tonalité
achevant la première apparition), soit un ravaudage exact de la déchirure
ouverte au début de la séquence
· Dernière
apparition une tierce majeure plus haut (sur do en [fa]).
Soit le schéma suivant, qui notent non les tonalités mais
les hauteurs où attaque la voix principale de L5 :
L5 par sa descente chromatique crée une dérive devenant
déchirure (octave +5b) qui va être progressivement ravaudée par L5 lui-même en
sorte de retrouver puis dépasser la hauteur initialement atteinte par le
premier L5.
Le Graal, déjà
Cf. le chœur des Pélerins…
Fils de Parsifal !
Cf. L5…
Cf. plus généralement : entendre Parsifal comme résonance de Tristan…
On reprendra tout cela avec le livre de Stein
On l’examinera avec le livre de Robin Holloway
Cf. Eisler
Cf. Syberberg…
Trois courants :
· Schoenberg
(Tristan)
· Debussy
(Parsifal)
· Scriabine
(contournement)
D’où brouillage pour moi de ce partage des eaux !
Cf. la question : comment être fidèle à Parsifal si on l’est aussi à Tristan et Schoenberg ?
Comment être fidèle à Parsifal si, comme moi, on n’est pas debussyste ?
Pour y répondre, il faut introduire le jeu de l’hétérogène.
Cf. l’axiome d’Adorno : « L’art a besoin de
quelque chose qui lui est hétérogène pour devenir art. » [5]
[Kunst bedarf eines ihr
Heterogenen, um es zu werden.] L’art et les arts (1966). [6]
Wagner nous l’apprend. On ne peut nouer Tristan et Parsifal en restant sur le seul terrain musical, sur un terrain musical
« pur ». Il faut nouer musique et drame.
D’où le thème de trois pays, ayant centralement marqué le
20° siècle : Allemagne, France et Russie (bien sûr, ils ne sont pas les
seuls : il faudrait, a minima, y ajouter les États-Unis…).
La question de l’homogène/hétérogène me semble cruciale.
Détaillons-la un peu.
Le monde de la musique n’est pas homogène. Un monde
d’ailleurs n’a nulle raison d’être homogène.
Le monde de la musique n’est pas naturel, non pas au sens
d’une genèse « naturelle » mais au sens d’une composition interne qui
n’est pas « naturelle ». Certes le monde de la musique est mesurable
– il est mesuré par l’écriture musicale (l’écriture musicale est ce qui prend
mesure de l’intensité musicale d’existence dans ce monde) – mais il n’est pas
« naturel » pour autant.
Cf. les mathématiques : si l’ordinal est la figure
mathématique de l’homogénéité naturelle (le naturel est homogène car tout ce
qui est dans la nature est ipso facto naturel), alors on sait que tout ensemble
mathématique est mesurable à un ordinal ce qui ne veut pas dire que tout
ensemble soit pour autant un ordinal ! Soit : être naturellement
mesurable diffère d’être naturel.
De plus la mesure musicale (par l’écriture) n’est pas de
type « naturelle » (c’est-à-dire qu’une note n’est pas isomorphe à un
ordinal ou à un cardinal).
Musicaliser un matériau sonore, ce n’est pas le purifier,
l’homogénéiser : c’est en prendre musicalement mesure.
Certes la mesure trace dans ce matériau différentes lignes
d’homogénéité (voir la pluralité des « dimensions » musicales) mais
1) il n’y a pas de méta-homogénéité entre ces différentes
homogénéités (Stockhausen en a postulé une semblable dans Wie die Zeit vergeht… mais cela ne
marche pas) ;
2) une ligne d’homogénéité (c’est-à-dire une dimension
musicale : hauteurs, durées, intensités ou timbres) n’éponge pas
l’hétérogénéité du matériau.
La mesure inscrit une matière hétérogène, structurée selon
différentes dimensions homogènes, matière différente du matériau sonore.
Bref, s’il est vrai qu’écrire se fait le long de lignes
homogènes, écrire n’est pas pour autant une purification du matériau sonore,
qui conservera bien ultimement son hétérogénéité.
Plus généralement, il : faut donc penser un monde de la
musique qui soit autonome sans être ni autarcique, ni homogène, un monde de la
musique qui fait mon de d’un matériau hétérogène, circulant entre lui et ses
dehors.
En ce point, Wagner est capital car sa musique est sillonnée
de lignes de force non immédiatement musicales : celle du texte poétique,
celle du drame (ce qui est encore autre chose que le simple poème car cela
convoque la représentation théâtrale), et par là celle de l’érotique et de la
politique…
À ce titre, Parsifal
est un pas de plus musical intéressant car un pas plus inscrit dans la ligne de
Tristan que les Maîtres
Chanteurs ou que le Ring. Tristan est plus « épuré » musicalement :
d’ailleurs une version de concert est ici supportable (Tristan est l’opéra de Wagner qui supporte le mieux
l’absence de représentation théâtrale). Parsifal est également économe de théâtralité (comparer au
foisonnement des Maîtres ou du Ring). Apparemment, son expérimentation musicale est
moins poussée que dans Tristan
(et son chromatisme exacerbé) car la musique y est plus tressé avec ses dehors.
Parsifal pose donc
avec une intensité toute particulière la question de comment la musique
peut-elle composer avec le poème et le drame.
Mes hypothèses :
1) la musique compose avec le poème via la modulation ;
2) le drame est constituant, et non pas constitué :
c’est le nom de ce qui se scinde en musique et poème. Le drame ne relève pas,
lui, de la « modulation ». Il relève d’un niveau à préciser – c’est
l’enjeu de ce travail – qui va agir au plan des intensions, non des aspects (comme le fera la modulation).
1.
11 octobre 2005 - Parsifal : quels enjeux
aujourd’hui ?
2.
8 novembre 2005 - Écouter Parsifal à partir du leitmotiv dit
« de la plainte » ?
3.
22 novembre 2005 - La Forme : Lorenz (la structure
globale) / Wieland Wagner (la croix) / La formule du mythe Parsifal…
4.
6 décembre 2005 - Néphologie : le réseau des leitmotive
5.
10 janvier 2005 - Les moments-relais : Filles-fleurs, Prélude de l’acte III
6. 24
janvier 2005 - Généalogie ascendante : Stein (Parsifal dans les opéras de Wagner)
7.
21 février 2006 - Généalogies descendantes (1) : Debussy
(cf. Robin Holloway)
8.
7 mars 2006 - Généalogies descendantes (2) : La musique
de film
9. 21
mars 2006 - Modulations (1) : l’informe (1) (rythme, mètre et tempo…)
10. 4 avril 2006 - Modulations (2) ou Drame
(1) : Musique & poésie) : la mélodie sans fin & la musique modulée par le poème
11. 2 mai 2006 -
L’hétérogène : Drame (2) ou
l’informe (2) (musique & non-art : érotico-politique)
12. 16 mai 2006
- Bilan : Écouter Parsifal ?
––––––
[1] Voir Karl
Barth de Denis Müller (Cerf, 2005),
p. 27
[2] Cf. programme de Bayreuth (1975) cité par J. Chailley (p. 206)
[3] Cf. Christian Merlin : Avant-Scène (n° 213), p. 135
[4] Cf. on a globalement une hausse modulante d’un demi-ton.
[5] « Il faut à l’art, pour qu’il devienne art, quelque chose qui lui est hétérogène. » (trad. Jean Lauxerois)
[6] Relevé par Paul Celan dans sa lecture (cf. sa bibliothèque p. 263)