Le moment-Parsifal dans l’Œuvre de Wagner
(21 février 2006)
François
Nicolas
Résumé
On soutiendra que le drame essentiel de Parsifal - par-delà les anecdotes - se noue autour
de la question suivante : comment réactiver un processus subjectif ensablé
et moribond, ayant égaré sa dynamique fondatrice suite à un désastre intervenu
lors de sa transmission, désastre produit d’un renoncement et d’un
détournement, d’un abandon (Amfortas) et d’un accaparement en simulacre
(Klingsor) ?
On interprètera à ce titre Titurel (l’inaugurateur de la
séquence), Amfortas (l’interrupteur infidèle), Klingsor (le virtuose du
semblant, le jouisseur impuissant des pouvoirs du simulacre), Gürnemanz (le
chroniqueur de la séquence) et Parsifal (la relève subjective) comme des
« personnages conceptuels » (à l’image de ceux que Nietzsche forge au
même moment pour son Zarathoustra).
On écartera ce faisant les interprétations habituelles de Parsifal comme aventure initiatrice
(Chailley !), mythologique (Lévi-Strauss), chrétienne (Nietzsche), et même
schopenhaurienne (on précisera pour ce faire la fonction subjective exacte de
la « compassion » dans cet opéra).
Laissant provisoirement de côté la difficile question :
« mais qui est exactement Kundry ? », on proposera de lire, en
ce sujet-Parsifal, la
matrice d’aventures subjectives aussi différentes que celles du communisme (à
l’époque de son semblant kroutchchévien) ou du Carmel (au siècle de Jean de la
Croix et Thérèse d’Avila), tout aussi bien que celles, musicales cette fois, du
sérialisme et/ou du thématisme (à la fin du XX° siècle) et surtout de l’opéra…
à l’époque précisément de Richard Wagner.
Autant dire que l’opéra Parsifal sera ainsi compris comme traitant, de
l’intérieur même de son geste, la question de sa propre généalogie, question
qu’on formulera ainsi : de quoi Parsifal est-il (et veut-il être) le moment
musical singulier dans l’œuvre même de Richard Wagner ? À quel titre Parsifal peut-il être compris comme la déclaration
et l’effectuation d’une relève musicale ? De quel processus musical
ensablé, moribond, désastreusement détourné de son intension véritable Parsifal serait-il alors la relève et la réactivation ?
On resituera, pour ce faire, Parsifal dans la généalogie wagnérienne des
tentatives successives pour régénérer l’opéra en le fondant sur une synthèse
(nommée « drame ») de la musique, de la poésie et du théâtre.
On s’appuiera ce faisant sur les analyses du livre de Jack M.
Stein Richard Wagner & the synthesis of the arts (1960) qui soutient l’existence de deux
tournants (et conséquemment de trois séquences) dans l’œuvre musicale et
théorique de Wagner – contre l’hypothèse plus usuelle d’une seule et vaste
période (voir par exemple le récent livre d’Éric Dufour sur l’esthétique
musicale de Nietzsche) -.
On engagera alors un examen minutieux de la catégorie même de synthèse, pour tirer musicalement parti de raisonances avec des significations tant
acoustiques (synthèse sonore par modulations…) que philosophiques (Kant, mais
aussi les trois « synthèses » de Deleuze) de ce mot.
Cette
compréhension de la généalogie ascendante de Parsifal conduira à dégager quelques hypothèses concernant une généalogie descendante qu’on examinera ultérieurement.
–––––
Introduction
I. Parsifal dans
l’Œuvre de Wagner
Trois logiques
Stein : Richard Wagner and the synthesis of the arts
Deux tournants
dans l’intellectualité musicale
dans l’Œuvre
Premier tournant : 1851
Second tournant
Trois conceptions de la synthèse
La synthèse dans Parsifal
« Drame » ?
Le « drame » dans Parsifal
Intension/inspect/aspect…
« Synthèse » ?
Synthèse acoustique
Synthèse philosophique
Les trois synthèses chez Deleuze
II. Quel drame est mis en scène dans Parsifal ?
Individu/dividu/sujet
Processus/séquence
La question de Parsifal
Parsifal n’est pas un
opéra mythologique
Parsifal n’est pas un
opéra d’initiation
Parsifal n’est pas à
proprement parler un opéra schopenhaurien
Parsifal n’est pas un
opéra chrétien
Parsifal n’est pas un
opéra nazifiant
Mais qui est donc Kundry ?
Kundry, synthèse disjonctive d’un corrompre et d’un servir…
Synthèse disjonctive ?
Kundry n’est pas exactement un personnage comme les autres, un
dividu…
III. Nœud
Rapports de la musique aux autres arts
Double péril 1
Rédemption quant à la Forme musicale par l’improvisation
fixée ?
Question du développement musical
Double péril 2
Rédemption par un réseau de motifs-gestes
Rapports voix et orchestre
Double péril 3
Rédemption par la ligne modulante
Généalogie descendante ?
Celles de Stein
Une autre triologie…
Programme
Annexe 1 : extraits
L’Œuvre d’art de l’avenir
(1849)
Opéra et Drame (1851)
Une communication à mes
amis (1851)
Sur les poèmes symphoniques
de Franz Liszt (1857)
« Musique de
l’avenir », Lettre sur la musique (1860)
Beethoven (1870)
De la destination de
l’opéra (1871)
Sur l’expression
« Musikdrama » (1872)
Annexe 2 : Chronologie 1813-1883
Annexe 3 : Parsifal,
le drame du {compositeur, carmélite, militant…}
Il s’agit aujourd’hui d’explorer la généalogie de Parsifal pris comme moment musical.
Il ne s’agit donc plus des moments musicaux internes à Parsifal (cf. la moment-analyse en cours) mais bien de prendre l’opéra comme un moment dans
l’histoire de la musique et d’abord dans l’Œuvre de Wagner.
Pour ce type de moment musical, voir mon intervention (Les
opus comme moments
musicaux d’une Œuvre) au
samedi d’Entretemps (19 novembre 2005) consacré au livre d’Adorno : Moments
musicaux [1].
Deux types de généalogie :
·
ascendante : dans l’Œuvre de Wagner
·
descendante : cf. prochains cours avec trois
dimensions privilégiées (Debussy, Schoenberg, la musique de film)
Enjeux :
·
De quoi Parsifal
est-il le crépuscule, la fin ?
·
De quoi Parsifal
est-il l’aurore, le début ?
·
De quoi Parsifal
est-il la garde, c’est-à-dire aussi le crépuscule (cf. la vision de René Char
du crépuscule comme moment de garde de la lumière du jour) ?
Au total, que se joue-t-il dans Parsifal au regard du projet wagnérien dans son
ensemble ?
Cette question est redoublée par le drame représenté dans
l’opéra lui-même car le drame-Parsifal
est précisément celui d’une relève subjective nécessaire pour un processus
ensablé, moribond, saturé, détourné.
Or Parsifal est à la
fois le dernier opéra de Wagner (donc le crépuscule de son Œuvre) et le premier
a être de part en part du temps et du lieu Bayreuth (cf. son exclusivité pour
ce lieu jusqu’à fin 1903).
Parsifal est-il alors
à l’histoire musicale ce que le personnage de Parsifal est, dans l’opéra, au
processus Monsalvat ? Le drame représenté dans Parsifal élucide-t-il le rôle dramatique joué par l’opéra Parsifal dans l’Œuvre de Wagner ?
Soit trois dimensions :
1.
Comment Parsifal se
situe-t-il par rapport aux autres opéras ?
2.
Quel drame Parsifal
représente-t-il ?
3.
Comment nouer ces deux points ? Quelle est l’éventuelle
portée descendante de ce nœud ?
Cf. la chronologie en
annexe 2
Y a-t-il un lien entre intellectualité musicale de Richard
Wagner et son œuvre ?
Le premier point frappant est la transformation dans son
intellectualité musicale : cf. l’existence de deux pôles difficilement
compatibles : Opéra et Drame (1851)
et Beethoven (1870).
La transformation de la pensée entre l’un et l’autre est due
à la découverte et l’appropriation de Schopenhauer (en 1854).
Wagner a argumenté (en 1871) une continuité de son
intellectualité musicale
Si, en ce qui concerne le sujet même, à savoir l’importance
et le caractère que l’auteur attribue au drame conçu musicalement, il y a
concordance parfaite entre l’ouvrage antérieur plus étendu et le présent
[opuscule] plus concis, ce dernier cependant présente, sous plus d’un rapport,
des points de vue nouveaux qui placent même différentes choses sous un jour
différent. (De la destination…, 121)
mais l’incompatibilité entre les deux positions est
manifeste, en particulier sur les rapports de la musique au texte, mais aussi
sur les rapports de la musique au drame.
Opéra et
Drame :
L’erreur dans le genre artistique de l’Opéra consiste en ce
que l’on a fait d’un moyen d’expression (la musique) le but, et réciproquement,
du but de l’expression (le drame), le moyen. (I. 60, 178)
La musique est incapable de se transformer d’elle-même en
drame, c’est-à-dire d’absorber en elle le drame véritable et non pas [le drame]
fabriqué exprès pour elle ; au contraire, c’est elle qui doit raisonnablement
être absorbée dans ce drame véritable. (I. 110)
1870… :
Qui pourrait écouter ce morceau captivant [la grande
ouverture de Léonore] sans être rempli
de la conviction que la musique renferme en soi-même le drame le plus
parfait ? (Beethoven, 175)
La musique a à reprendre son antique dignité de mère du
drame, et c’est maintenant qu’elle sent que telle est là sa vocation. Dans
cette dignité, elle ne doit pas être placée ni avant ni après le drame ;
elle n’est pas sa concurrente, elle est sa mère. Elle chante, et ce qu’elle
chante, vous pouvez le voir sur la scène ; elle nous rassemble dans ce
but : car ce qu’elle est, vous ne pouvez jamais que le pressentir ;
et c’est pourquoi elle se révèle à vos regards par l’allégorie scénique, comme
une mère qui esquisse aux enfants les mystères de la religion en leur contant
des légendes. (Sur l’expression…, 124)
On est ainsi passé d’une musique subordonnée au poème et à
un drame extérieur (en 1851) à une musique comprise comme essence du drame
(1870) et même comme mère du drame (1871).
Voir les extraits en
annexe 1
À partir de là, plusieurs positions sont tenables (cf.
Nattiez : Wagner androgyne, p.127,
200) :
1) Celle de Stein : ces transformations dans
l’intellectualité musicale correspondent assez transitivement à des
transformations dans les œuvres musicales. Ainsi au 2 transformations dans
l’intellectualité musicale (1851 / 1870) correspondent 2 tournants musicaux
dans les œuvres et donc 3 périodes dans les opéras : jusqu’à Lohengrin inclus, puis de L’Or du Rhin au deuxième acte de Siegfried, enfin à partir de Tristan.
2) Celle d’Alfred Einstein : Wagner a toujours accordée
une prééminence à la musique (quoiqu’il ait pu déclarer) et donc son
intellectualité musicale et son œuvre font deux. S’il faut alors trouver dans
son intellectualité musicale une moins mauvaise théorie de son œuvre, il faut
alors la chercher dans son écrit le plus tardif, soit dans son Beethoven.
3) Celle de Wagner lui-même (cf. sa déclaration en 1871 en
tête de son texte De la destination de l’opéra) : sa position théorique (musique subordonnée) et pratique est
restée globalement stable autour d’Opéra et drame. Comme l’écrit Éric Dufour (L’esthétique
musicale de Nietzsche, p. 115), cette
position semble difficilement tenable en raison des discordances entre les
textes de 1851 et de 1870.
Éric Dufour en vient d’ailleurs à défendre une position
qu’on peut voir comme une réforme de la troisième : la bonne théorie
serait cette fois dans son Beethoven
mais en concevant cette fois ce Beethoven comme un approfondissement d’Opéra et drame, non comme sa rature [2].
Résumons ainsi les trois logiques :
·
parallélisme entre les évolutions de l’intellectualité
musicale et de l’Œuvre
o
avec évolutions mouvantes et périodisées (position
1 : 3 moments)
o
avec continuité, à fonder sur Opéra et drame, éventuellement approfondi dans Beethoven (position 3)
·
séparation des évolutions de l’intellectualité musicale
et de l’Œuvre : à une unité de l’Œuvre correspond une intellectualité
musicale plus diverse et instable. S’il faut sélectionner, dans cette
intellectualité musicale instable, le meilleur texte, il faut alors le trouver
dans le Beethoven.
*
Pour nous, il ne s’agit pas ici de prendre position sur
l’ensemble de l’Œuvre de Wagner mais plutôt de nous cantonner à l’évaluation de
Parsifal.
À ce titre, la position n°1 me semble méthodologiquement la
plus féconde pour nous car elle tend, de part son type de prise de position, à
majorer les contrastes, les différences, à mieux faire ressortir les traits
saillants singuliers de tel ou tel opus. Elle est donc pour nous la plus
éclairante.
D’où notre exploration de la généalogie ascendante de Parsifal à partir du livre de Stein (Richard Wagner
and the synthesis of the arts), livre au demeurant
fondé sur la conviction d’une influence réciproque entre théorie et
pratique [3],
autant dire entre intellectualité musicale et œuvres.
Deux tournants donc dans l’intellectualité musicale :
·
en 1851, avec Opéra et drame
·
à partir de 1857 et 1860 (tentatives de conciliation de
l’ancien dispositif avec la nouvelle philosophie de Schopenhauer) et surtout de
1870 (Beethoven) et 1871 (De
la destination de l’opéra).
Tournants synchrones dans l’Œuvre :
·
entre Lohengrin
(1847) et L’Or du Rhin
(commençant en 1853),
·
à partir de Tristan
(1858) et surtout des Maîtres chanteurs (1862)
Stein propose plus précisément cette correspondance :
·
Le texte La musique du futur (1860) correspond à Tristan (1858-9)
·
Le texte Beethoven
(1870) correspond bien à Parsifal
(1877-1881)
·
Le texte De la destination de l’opéra (1871) correspond bien aux Maîtres
chanteurs (1862-1867).
Quel est le contenu de ces deux tournants théoriques ?
Ce qui s’y joue du point de l’intellectualité musicale,
c’est la problématique du drame associée à la théorie du leitmotiv comme
pressentiment/réminiscence.
Il y avait déjà des leitmotive dans l’œuvre de Wagner, sans
doute dès Rienzi (cf. le premier
leitmotiv serait apparu au dernier acte de Rienzi) : il y en avait 6 principaux dans Lohengrin. Le point nouveau est un dessertissage du leitmotiv
de son insertion dans la voix puisque cela va être l’orchestre qui va pressentir
et rappeler (le pressentiment comme la réminiscence impliquent, par définition,
un décalage chronologique entre l’apparition du leitmotiv et l’actualité
immédiate du texte proféré par la voix : il s’agit d’évoquer quelque chose
qui n’est pas directement nommé par le poème).
D’où, corollairement, une croissance du rôle de l’orchestre
en même temps que celui-ci reste pourtant conçu comme support de la mélodie,
comme le lac harmonique portant la barque de la mélodie.
L’orchestre, étant capable d’exprimer ce qui est inexprimable
ne paroles, est destiné à supporter, à interpréter le geste dramatique. (269)
L’orchestre doit détourner l’attention de soi-même, […] ne
point attirer l’attention sur soi, ne point être entendu du tout,
notamment en ce qui concerne son effet mécanique, mais uniquement dans son
effet organique où il fait un avec le drame. (275) Quelle serait l’humiliation
du musicien-poète s’il voyait le public, mis en présence de son drame, diriger
son attention uniquement sur le mécanisme de son orchestre et ne lui décerner
d’éloges que comme « très habile instrumentiste » ? (276)
En ce nouveau rôle du leitmotiv se joue ainsi une
autonomisation relative de la musique par rapport au texte qui contraste
progressivement avec la subordination maximale de la musique au texte atteinte
dans Lohengrin (Stein, p.)
Ensuite la musique va progressivement être conçue comme
l’art principal, sous l’influence bien sûr de la philosophie de Schopenhauer
pour qui la musique est l’art suprême.
La réalisation frappante se trouve dans l’acte II de Tristan où l’action devient réduite à sa portion congrue en
sorte que la musique relève désormais du poème symphonique.
Se joue ici une nouvelle conception de la synthèse entre les
arts, c’est-à-dire ici entre la musique, le poème et le théâtre (entre musique,
texte et action scénique)
On peut, au titre de la synthèse, distinguer ainsi les 3
périodes :
1.
La synthèse est d’abord conçue comme synthèse par une mélodie
dirigée par un texte (calée sur un texte). Apogée : Lohengrin.
2.
Ensuite la synthèse est conçue comme un drame noué dans le
poème et fécondant la musique, en particulier l’orchestre.
3.
Enfin la synthèse devient conçue comme un drame de nature
essentiellement musicale puisque la musique est tenue pour être « la mère
du drame », ce qui induit un rôle désormais prépondérant de l’orchestre.
On a donc les trois étapes suivantes :
1 |
mélodie |
calée sur un poème |
2 |
mélodie + orchestre |
fécondés par un poème |
3 |
orchestre |
déterminant un drame qui se matérialise (devient visible) en action
scénique |
Stein délivre quelques repères quantitatifs dans cette
évolution des leitmotive. Je les ramasserai ainsi :
|
Nombre
de leitmotive (principaux) |
Nombre
d’occurrences différentes de tous ces leitmotive |
Nombre
d’occurrences du plus important des leitmotive |
Pourcentage
des leitmotive non fonctionnels |
Pourcentage
des leitmotive naissant dans l’orchestre |
Rienzi |
1 |
|
|
|
|
Lohengrin |
6 |
|
16 |
|
|
L’Or
du Rhin |
36 |
279 |
51 |
50 % |
50 % |
La
Walkyrie |
31
(des 36 de L’Or) + 18 |
405 |
56 |
[4/31
+] 13/18 |
13/18 |
Siegfried
(I & II) |
|
452 |
|
|
Les
10 principaux |
Tristan |
30 |
|
|
100
% ! |
|
Le
Crépuscule des dieux |
|
1003 |
|
|
|
Parsifal |
|
|
|
|
Tous
sauf 1 (L7) |
Il faut ajouter à cela une progressive superposition
contrapuntique des leitmotive qui, bien sûr, dissous leur fonction
« sémantique » et exacerbe leur seule logique musicale. D’où un écart
croissant avec la logique « signifiante » des leitmotive qui rend de
plus en plus dérisoire le parti de leur donner un nom.
*
Pour nous, l’important n’est pas l’exactitude ou non de
cette trajectoire telle que dessinée par Stein. Nous n’avons pas ici à évaluer
si le contraste ainsi relevé entre les opéras est juste ou doit être nuancé. Ce
qui nous importe tient à l’éclairage ainsi constitué de la cible terminale de
cette trajectoire : Parsifal.
Qu’en est-il en effet dans Parsifal, pour le dernier opéra de cette généalogie ?
·
D’abord il y s’agit d’un des poèmes les plus courts au
même moment où la durée de cet opéra est l’une des plus longues. Ce contraste
suffit déjà à inscrire tendanciellement une autonomisation de la musique par
rapport au seul texte.
·
Ensuite le poème est ici peu rimé (1/3 des vers
seulement le seraient selon Stein), et porte peu d’allitérations. Ainsi
l’aspect proprement poétique devient plus secondaire : la forme sonore du
texte (son « aspect ») joue moins de rôle dirigeant pour la mélodie.
·
Ensuite tous les leitmotive sauf un (L7) viennent
désormais de l’orchestre. Soit une logique prédominante de poème symphonique.
·
Enfin l’orchestre devient dans Parsifal prédominant, à la fois en effectif, en
développements autonomes, en épaisseur musicale…
Comment thématiser ce point d’arrivée quant à la synthèse visée
et à la conception wagnérienne du drame ?
Je propose pour cela de comprendre d’abord que le mot
« drame » nomme précisément chez Wagner la synthèse visée entre
musique, texte poétique (poème) et action sur scène (théâtre). Ce que Wagner appelle
« drame » désigne moins une des composantes de la synthèse visée
(l’action théâtrale sur scène) que la synthèse elle-même, mieux : que ce
qui fait synthèse de ces trois composantes.
Le point est alors que « drame » devient un mot
double : nommant simultanément une composante parmi d’autres et ce qui de
cette composante est susceptible de faire synthèse des trois (de diriger,
d’orienter la synthèse collective).
Ou encore si « drame » renvoie bien à
« action »,
Étymologiquement, le mot « drame » signifie acte ou action.
[…] De tout temps, on a désigné
par ce nom une action figurée sur la scène. (Sur l’expression…, 123)
l’action du drame se joue à deux niveaux imbriqués :
dans une composante particulière et dans la synthèse des différentes
composantes.
Wagner va ainsi successivement thématiser deux modes
différents de fonctionnement de cette double fonction d’un unique nom
« drame » :
·
dans la première (l’action est avant tout scénique), le
drame est l’essence de l’action mise en scène qui va orienter et focaliser la
synthèse autour d’elle ;
·
dans la seconde (le drame-action est avant tout
musicale), le drame est conçu désormais comme d’essence musicale et orientant à
sa nouvelle manière la synthèse globale.
Comment comprendre que l’essence du drame puisse être
devenue musicale dans le moment-Parsifal ?
Il faut pour cela bien voir que « drame » va
nommer, dans le lexique wagnérien, quelque chose comme ce que Schopenhauer
nomme « volonté ». « Drame » vient nommer la figure
musicale de la volonté ou du vouloir de Schopenhauer, plus exactement le
déploiement en action du vouloir.
Je propose d’éclairer tout ceci dans un lexique qui m’est
plus familier : celui de l’intension,
de l’inspect et de l’aspect.
Je dirai : le « drame » est l’intension musicale (le projet constitutif, l’énergie propre de
la musique). Ce drame-intension
est une synthèse car cette intension
peut s’intégrer en différents inspects (musical, poétique ou scénique) et se déposer en différents aspects
(rythmes, phrasés, ponctuations, etc.).
L’idée est donc celle d’une communication musique-poème-scène (d’une raisonance…) au niveau de l’intension et non plus
· au niveau des aspects comme dans la première séquence (lorsque l’aspect du texte poétique était déterminant pour la mélodie),
· au niveau des inspects comme dans la deuxième période (à l’heure de la théorie « fonctionnelle » - c’est-à-dire signifiante – des leitmotive).
*
Quels sont les effets de cette nouvelle conception du drame
(synthèse par intension) centrée autour
de la musique ?
1) Il
y a d’abord que la logique des leitmotive est désormais musicale, donc
thématique et non plus strictement signifiante (première période) complétée
d’une fonction pressentiment/réminiscence (deuxième période).
2) Il
y a ensuite que l’orchestre désormais suit sa logique musicale propre, distante
tant de la logique du poème que de la logique de la mélodie : l’orchestre
n’est plus le support harmonique de la mélodie, son accompagnement harmonique.
Conséquemment, la mélodie n’est plus l’émanation horizontale de l’épaisseur
orchestrale mais une ligne horizontale tracée dans et sur l’épaisseur verticale
de l’orchestre. Il faudrait peut-être dire (en usant ici d’un lexique
deleuzien [4]) que la
synthèse mélodie-orchestre était précédemment d’ordre connective (construction d’une seule série, sous le schème
formel d’un « si la mélodie,
alors l’orchestre ») et
qu’elle devient à la fin d’ordre conjonctif (construction de séries convergentes, sous le schème
formel d’un « et » : « mélodie et orchestre »).
3) Il
y a enfin qu’au total la musique retrouve ici sa puissance propre, et c’est
bien ) cette condition que désormais la synthèse – c’est-à-dire le drame – peut
s’effectuer : sans musique confiante en sa puissance propre, plus de
synthèse (et donc de drame) concevable !
Il y a deux types de sens du mot « synthèse » qui
peuvent nous éclairer ici : son sens acoustique et son sens philosophique.
Parmi les différentes formes de synthèse sonore, on peut
exhausser ici les synthèses par modulation où il s’agit de produire une
nouvelle onde (la « résultante ») par produit de deux ondes séparément constituées :
modulation d’amplitude / de fréquence / en anneau…
Ce sens acoustique me semble utile pour caractériser la
mélodie sans fin de Wagner comme synthèse modulante de différentes ondes :
mélodie sans fin =
onde orchestrale * onde des leitmotive * onde sonore du texte
Deux philosophies sont immédiatement candidates ici :
celle de Kant, et celle de Deleuze.
Je laisserai ici de côté la première et ne m’attacherai qu’à
la seconde.
Deleuze thématise trois types de synthèse dans sa Logique
du sens (1969) puis dans son Anti-Œdipe (1972).
Je ramasserai ainsi leurs traits distinctifs, tels qu’ils
sont en tous les cas présentés dans le premier de ces deux ouvrages :
Connexion |
Si…,
alors |
Une
seule série |
Conjonction |
et |
Séries
convergentes |
Disjonction |
Ou
bien [5] |
Séries
divergentes |
Je propose d’interpréter sa synthèse connective comme
adéquate à la première mouture wagnérienne du rapport mélodie/orchestre, et sa
synthèse conjonctive comme adéquate à sa seconde version.
En ce qui concerne la troisième synthèse deleuzienne
(philosophiquement la plus importante au demeurant) – la synthèse disjonctive
-, je propose de tenir qu’elle ne concerne pas à proprement parler ce que
Wagner appelle synthèse ou drame c’est-à-dire les rapports musique/texte/action
et donc les rapports intra-musicaux mélodie/orchestre. J’indiquerai tout à
l’heure en quoi cette synthèse disjonctive peut par contre éclairer de manière
décisive l’action dans Parsifal,
singulièrement la fonction dramatique du personnage Kundry.
*
Ceci nous conduit à notre seconde partie et à mon
hypothèse : le drame représenté dans Parsifal peut se comprendre comme commentant le rôle joué par
l’opéra Parsifal dans l’Œuvre de
Wagner et surtout plus largement dans l’histoire musicale de l’opéra.
Pour éclairer ce point, je mobiliserai les distinctions
lexicales suivantes.
·
Appelons individu
l’animal humain quelconque, l’unité de base de cette pluralité qu’on appelle
« les gens ».
·
Appelons par contre dividu cette figure particulière de l’individu qui se trouve
happé par un processus collectif de pensée et d’action tel que la musique, ou
la peinture, ou les mathématiques, ou la politique, ou l’amour. L’individu
devient un-dividu lorsque son
corps devient temporairement partie prenante du corps collectif d’un tel
processus de pensée : le corps collectif constitué par un orchestre (fait
du corps-accord entre corps physiologiques et corps instrumentaux) ou par une
manifestation ou par un corps-à-corps amoureux… L’individu s’y trouve divisé
entre sa participation temporaire à un « nouveau monde » - exemplairement
pour nous le « monde de la musique » - et son retour au chaosmos, par exemple « quand la musique
s’arrête… ».
·
Appelons enfin sujet l’acteur collectif mis en jeu (et proprement constitué, inventé) par
le type de processus envisagé. Là où l’individu ignore tout de ces processus,
s’en tenant à l’écart, là où le dividu est un passeur de ces processus, le sujet proprement dit en est l’acteur.
Musicalement, cette distinction désigne très simplement la
trinité du non-musicien (l’individu), du musicien (le dividu) et de l’œuvre (le sujet).
Appelons maintenant processus un type de pensée et d’action comme la musique, ou la politique, ou
l’amour.
Appelons séquence une période séparable dans un tel type de
processus : par exemple la séquence-opéra de la musique (de Monteverdi à
Strauss), ou la séquence « musique contemporaine » (de Schoenberg à
maintenant, d’une musique soustraite au thématisme, à la tonalité et à la
carrure métrique), ou la séquence « communiste » de la politique
d’émancipation (de Marx à Mao), ou la séquence Carmel de la vie monastique
(d’Albert de Jérusalem à maintenant).
*
Résumons ici les figures possibles de nos distinctions
lexicales :
Un processus |
Des séquences dans ce processus |
Des individus |
Des dividus |
Des sujets |
Musique |
L’opéra ou « la musique contemporaine »,
|
Les non musiciens |
Les musiciens |
Les Œuvres ou les opus… |
Politique |
La séquence
« communiste » des politiques émancipatrices |
Les gens |
Les militants |
Les organisations politiques |
Amour |
Un amour donné |
Les |
L’homme et la femme, base matérielle
du corps-accord |
Le deux amoureux (couple)
comme tel |
Le processus-Graal |
Sa séquence-Monsalvat |
Les animaux extérieurs |
Les personnages du livret |
Les deux collectifs :
celui de Monsalvat et celui, fantomatique, du domaine de Klingsor |
On dira alors que Parsifal thématise la question suivante : est-il possible de régénérer une
séquence donnée (la séquence Monsalvat) d’un processus donné (le processus
Graal) quand ce processus se trouve ensablé dans la séquence en cours, quand le
sujet de cette séquence (le collectif de Monsalvat) est moribond à mesure d’un
détournement dramatique en simulacre (Klingsor et son semblant de collectif)
suite à une défaillance (celle
d’Amfortas) dans la transmission entre dividus ? Plus précisément, un individu arrivant
marqué de sa seule innocence (Parsifal) c’est-à-dire en vérité indexé de sa
nature quelconque (de sa privation de tout trait particularisant) pourra-t-il
alors devenir le dividu qui va
relancer la séquence en s’incorporant au processus collectif au point où
celui-ci a été désastreusement interrompu et défiguré, en renouant le fil
subjectif suspendu par l’infidélité désastreuse d’un dividu (Amfortas) ? Dans quelles conditions peut-on
réactiver un processus subjectif désastreusement travesti en une séquence donnée suite à la défaillance
dramatique d’une transmission ?
*
Vous trouverez en
annexe 3 un tableau récapitulant les interprétations qu’on peut ainsi donner à
toute la quincaillerie-Parsifal.
*
Cette interprétation, qui somme toute se propose de relever
le livret-Parsifal, de réactiver le
drame-Parsifal (non pas tant musicalement
que théâtralement), instaure ainsi un écart par rapport à toute une série
d’interprétations traditionnelles de Parsifal qui me semblent stériles (moribondes, ou même désastreuses
– quand il s’agit de capter Parsifal
au profit de la cause nazie, ou « totalitaire » [6]).
Ce faisant, je soutiens donc les démarcations suivantes :
Sa logique n’est pas de nature mythique au sens précis où il
n’y s’agit pas de la réduction mytho-logique d’une contradiction entre le Bien
(Monsalvat) et le Mal (le royaume de Klingsor). On peut indexer cette interprétation
de Parsifal à Claude Lévi-Strauss (sans
cependant trop lui en faire porter l’entière responsabilité s’il est vrai qu’il
a plus commenté la dimension mythologique du thème-Parsifal qu’il n’a à proprement parler déployé son
interprétation du Parsifal de Wagner).
Il n’y s’agit nullement de l’accession d’un individu à un
cercle des initiés au terme d’épreuves victorieusement traversées. Cette
thématisation de Parsifal est soutenue
par Jacques Chailley (Parsifal de Richard Wagner. Opéra initiatique, Buchet/Chastel, 1979) qui entreprend à ce titre de
le rapprocher de la Flûte enchantée.
Je soutiens, contre cette interprétation « maçonnique », que Parsifal
n’est nullement le vainqueur d’épreuves d’initiation à l’égal de Tamino :
si Parsifal est rédempteur (ce qu’au demeurant Tamino n’est pas), ce n’est
nullement à mesure de sa capacité à triompher d’une série d’épreuves
initiatiques.
L’enjeu subjectif n’y est pas une conquête de la pitié par
dissolution d’un désir corrupteur. Il me semble à ce titre essentiel de scinder
la Mitleid en une pitié et une
compassion : pitié pour les individus (affect passif, et négatif, comme
chez Spinoza) mais compassion pour les dividus (affect actif, affirmatif, et
joyeux). Soit ici, dans le lexique wagnéro-parsifalien : pitié pour le
cygne, mais compassion pour Amfortas.
L’enjeu n’y est pas le devenir-prêtre de Parsifal, sa soumission
à l’agenouillement devant la Croix – thèse fielleusement portée par Nietzsche
(que je soupçonne ici d’avoir été de mauvaise foi) - : Parsifal n’est pas
un symbole du Christ, il ne traverse nulle mort (à preuve que la régénération
se fait dès le Vendredi Saint, sans qu’il faille pour cela la relève d’un jour
de Pâques [7]). Il ne
viendra pas renouveler la consécration du pain et du vin en Corps et Sang du
Seigneur mais tout au contraire réactiver l’aptitude de ce Corps et Sang du
processus, transmis par la succession hasardeuse des dividus, à nourrir le corps collectif du sujet, acteur du
processus en question.
On a presque honte d’avoir à préciser ceci tant il va de soi
que Parsifal n’est pas un opéra nazi ou
nazifiant, ou fascisant, ou « totalitaire » (!) : ne peuvent
soutenir cela que ceux qui, sciemment, tentent à leur profit de détourner la
quincaillerie du mythe, somme toute en un simulacre aussi désastreux que celui
pointé par le livret sous le nom de l’opération-Klingsor. Soutenir que Parsifal serait un opéra nazi est un semblant
d’interprétation (le collectif de Monsalvat serait celui de Nuremberg, et le
domaine de Klingsor serait la Jérusalem du ghetto – ou l’inverse !) qui se
plaque absurdement sur le livret, en ignorance totale de son architecture (et a
fortiori de ses nuances).
La grande question déposée par mon interprétation se noue
alors autour de cette question : mais qui est exactement Kundry ?
Cette question est cruciale : je soutiens que la
polarité constitutive de Parsifal n’est pas la polarité Amfortas/Klingsor, ni
la polarité Amfortas/Parsifal (point de vue de Julien Gracq dans on Roi
pécheur) mais la polarité Parsifal/Kundry.
À ce titre, le vrai péril subjectif pour Parsifal, ce n’est
ni Klingsor (et ses pouvoirs inconsistants, car ne consistant qu’en une
démission subjective des dividus), ni
les Filles-Fleurs (qui matérialisent un charme innocent des apparences, que le dividu peut côtoyer avec amusement), mais bien Kundry.
Le péril subjectif est matérialisé par une Kundry se
déguisant au II° acte en Herzeleide, c’est-à-dire en mère, et excitant la
nostalgie chez Parsifal soit très exactement la dimension naturelle de
l’individu-Parsifal (il va de soi que tout dividu en effet reste individu, animal humain).
Kundry est la figure énigmatique de cet opéra, sa création
la plus originale, celle qui fut pour Richard Wagner une illumination, quand il
a décidé aveuglément que les deux figures de femme (corruptrice et servante)
allaient être portées par le même personnage (le journal de Cosima porte trace
de cet décision en un éclair).
Il est clair que Kundry est ici la synthèse disjonctive de
deux visages sans rapport : l’un présent aux premier et troisième acte,
l’autre au second acte. Et entre les deux, nulle conjonction ou connexion mais
la disjonction d’un vide (celui des entractes mais aussi celui du sommeil, des
disparition/apparition soudaines du personnage…).
Kundry se présente très exactement comme la synthèse
disjonctive d’une corruption et d’un service.
• La corruption :
« Corruptrice ! Loin de moi ! » [Verderberin] Parsifal (R309)
• Le servir : « Là-bas [à Monsalvat] je
pouvais servir » Kundry (R136) / « Servir… Servir ! »
Kundry (R326)
• Et entre les deux, la distance vide d’un
sommeil : « Dormir – Dormir – Dormir profondément ! –
Mourir ! » Kundry (R132) / « Oh, sommeil éternel, unique salut,
comment, comment te gagnerai-je ? » Kundry (R148)
Il est vrai que la corruption pourrait être thématisée comme
un service de Klingsor (celui-ci ne se prive pas de le lui rappeler au début du
second acte) sans que ceci pour autant autorise de thématiser alors une synthèse
des deux faces de Kundry (des deux « servir ») sous le chef unifiant
d’un service, d’une sorte de service divisé en 2. Car il est essentiel de voir
alors que le service de Monsalvat n’est nullement de même nature que le service
de Klingsor et que le même mot de « service » ne ferait alors que
nommer l’un de cette curieuse synthèse disjonctive sans pour autant éclairer la
nature précise de la disjonction : la distance irréductible qui les sépare
et les constitue.
Je ne saurai clarifier aujourd’hui ce point crucial, ne
serait-ce que parce que la concept
deleuzien de synthèse disjonctive reste pour moi assez difficile à manier.
J’indiquerai simplement une triple manière philosophique de
travailler sur cette question « Qui est Kundry ? » sous
l’hypothèse qu’elle constituerait dans Parsifal la figure tout à fait singulière d’une synthèse disjonctive : il
s’agira de travailler conjointement
·
le concept chez Deleuze : « Une disjonction
qui reste disjonctive, et qui pourtant affirme les termes disjoints, les
affirme à travers toute leur distance » (L’Anti-Œdipe, 90) – soit cette synthèse qui s’établit dans
la distance maintenue…
·
la notion de « ou aliénant » chez Lacan [8],
·
l’opération d’intercession dans la logique de
l’apparaître chez Badiou [9].
Éclairée par le travail sur cette hypothèse, pourra-t-on
alors soutenir que Kundry, qui ne serait donc pas un personnage de l’opéra au
même titre que les autres (Kundry à proprement parler ne serait donc ni un individu
– tel le cygne -, ni un dividu – tels
les personnages - , ni un sujet – tels les collectifs constitués -), serait par
exemple ce qu’est la voix pour le musicien et l’œuvre d’opéra, soit bien la
synthèse disjonctive d’une corruption (par une logique d’effets, par une
virtuosité creuse, simulacre captivant de musique) et d’un « servir la
musique » ?
Renvoyons l’examen détaillé de ce point à la suite de ce
travail en cours, sachant que clarifier qui est Kundry impliquera aussi de
donner sens à ses caractérisations :
« Kundry ne ment jamais » Gurnemanz (R97)
« Ton maître t’appelle, toi qui n’as pas de nom »
Klingsor (R131)
« Réparer le désastre que tu [Kundry] leur portas »
Klingsor (R137)
« Je ne veux pas » / « Tu le voudras car tu le
dois ! » / « Tu ne peux me retenir. » / « Mais je puis
te saisir. Je suis ton maître. » / «Par quel pouvoir ? » /
« Parce qu’envers moi seul ton pouvoir ne peut rien. » Confrontation
Kundry/Klingsor (R138-145)
et voyons maintenant comment il nous est possible de nouer
la généalogie de Parsifal et son contenu
dramatique.
La question est ici : quelle rédemption musicale
est-elle portée ou annoncée par cet opéra ? Quelles relève, réactivation,
régénération opèrent ici ou sont susceptibles d’opérer à partir de Parsifal ? On voit que cette question irrigue ipso facto la
question de la généalogie descendante de Parsifal (celle que nous examinerons lors des prochains
cours).
Il faut ainsi rappeler – on y reviendra la fois prochaine -
que Debussy aimait à nommer Wagner comme « le vieux Klingsor », ce
qui est tout aussi bien déclarer implicitement son désir d’en être le Parsifal.
Projeter les catégories de corruption et de rédemption, de
service et de relève sur l’histoire musicale est une opération d’autant plus
naturelle que Richard Wagner ne
cesse lui-même de convoquer ce vocabulaire lorsqu’il prend position sur la
musique et l’opéra, sur les tâches qui sont pour lui celles du compositeur et
lorsqu’il choisit de nommer les péris subjectifs qui pèsent sur les musiciens
de son temps.
Vous trouverez dans les extraits rassemblés en annexe 1
quelques exemples de cet usage des mots rédemption, corruption (par une logique d’effets creux), etc. :
Nous devons honorer Berlioz comme le véritable rédempteur de notre monde musical. (Opéra et drame, I.141)
l’hypothèse d’une régénération de notre esprit public (De la destination…, 131)
Nous admettons que c’est l’opéra qui a rendu évidente la décadence
du théâtre. […] Lui seul peut être appelé à relever notre théâtre. (De la destination…, 132)
L’aptitude à la véritable création artistique peut échoir au
fabricant de musique le plus corrompu.
(Opéra et drame, I.177)
la corruption des
productions dramatiques en général dont on rend responsable l’influence de
l’opéra (De la destination…, 123)
De même que dans la peinture, et aussi dans l’architecture,
le charmant a pu remplacer le beau, de
même il n’était pas moins réservé à la musique, art sublime, de se ravaler à un art de pur agrément. (De la destination…, 159)
La mélodie d’opéra frivole, c’est-à-dire délivrée de tout
lien avec les paroles du texte poétique (Opéra et drame, I.163)
Le secret de la musique de Meyerbeer, c’est l’effet. (169) L’effet, l’effet pur et simple, c’est-à-dire
le charme d’un chatouillement (174)
Un produit français, la « pièce à effet » […] cette unique tendance à l’« effet »
[…] cet « effet », c’est-à-dire l’engourdissement de la sensibilité
du spectateur qui doit effectivement se mesurer à la violence des applaudissements (127) une tendance qui se manifeste
dans sa pire conséquence, sous la forme d’une recherche de ce qu’on appelle l’effet (De la destination…, 128-9)
La virtuosité vocale qui fait le fond des succès habituels de
nos cantatrices d’opéra (De la destination…, 139)
Je thématiserai – provisoirement – de trois manières
différentes les enjeux d’une telle « rédemption » possible à l’œuvre
dans et à partir de Parsifal.
« Chaque art demande, dès qu’il est aux limites de sa
puissance, à donner la main à l’art voisin. » (Wagner, Musique de
l’avenir)
« L’art a besoin de quelque chose qui lui est hétérogène
pour devenir art » (Adorno).
On dira ici que Parsifal
touche au salut de la musique face au double péril subjectif suivant :
·
celui d’une autarcie (autonomie sans aucun rapport à
d’autres mondes),
·
celui d’une subordination (hétéronomie et non plus
autonomie).
Parsifal indiquerait
une nouvelle voie de salut ou de rédemption face à ce double péril à travers le
thème en effet très intéressant d’improvisation fixée. Ce thème est central
dans le texte de 1871 (De la destination de l’opéra) ; il consiste essentiellement en l’idée
suivante : l’hétérogène peut féconder la musique en soutenant son
émancipation sur un point précis, celui de son émancipation par rapport aux
formes convenue s, académiques, déposées par sa propre histoire. L’hétérogène
d’un texte (poème, récit d’une action) aiderait le discours musical à se
libérer de formes architectoniques moribondes et à inventer de nouvelles formes
se présentant alors, à mesure de leur nouveauté, comme formes informes ce que
Richard Wagner nomme alors avec à propos comme improvisation fixée (improvisation nomme le côté informel, c’est-à-dire la nouveauté
non codifiée et fixé nomme
l’ambition quant à la Forme de cette nouveauté).
De la destination de
l’opéra (1871) :
l’improvisation, procédé naturel aux débuts de tout art (142)
donnant du drame de Shakespeare la définition suivante :
une improvisation mimique fixée, de la plus
haute valeur poétique (143)
fixer cette improvisation (153)
Si nous retenons cette définition d’une « improvisation
mimique-musicale d’une valeur poétique achevée, fixée par une conscience
artistique suprême » (153)
Il est vrai que le musique du XX° siècle recourra souvent à
l’appui d’un texte pour renouveler ses formes, à tout le moins pour s’émanciper
du carcan de formes trop contraignantes et mortifères : Schoenberg y recourra
à de nombreuses reprises, ne serait-ce emblématiquement qu’à la fin de son II°
quatuor…
J’ai moi-même régulièrement recours à ce type d’appui :
Deutschland (Hopkins), Dans la
distance (Valery/Badiou), Duelle (Sachs-Dickinson-Akhmatova-Lloret)…
Parsifal est le point
culminant du travail wagnérien sur un réseau de leitmotive, une pluralité qui
émancipe le motif de sa problématique thématique traditionnelle (figure
musicale de la conscience de soi par une logique d’auto-réflexivité).
On dira ici que Parsifal pointe la possibilité d’un salut de
la musique face au double péril suivant :
·
celui du développement thématique,
·
celui d’une simple évolution impressionniste.
Il se trouve que la problématique du réseau de motifs,
d’objets musicaux (gestes ou autres) est également une nécessité que j’ai
moi-même pratiquée (dans un tout autre contexte musical, cela va sans dire)
dans des situations aussi variées que Deutschland, Pourtant si proche et Des
infinis subtils, Erkennung…
Parsifal indiquerait ainsi la voie d’une libération du
discours musical face au carcan du développement thématique, sans tomber pour
autant dans la voie aujourd’hui si pratiquée (école spectrale…) d’une simple évolution
des climats impressionnistes composés (lorsque la musique devient un paysage
projeté face à soi qui évolue au gré des logiques perceptives : attention,
distraction, tension-détente…).
Où l’on touche donc à la généalogie descendante vers Debussy
(négativement ?) mais aussi vers Schoenberg (positivement : cf. le
réseau des motifs-gestes dans son dernier Trio à cordes)
Parsifal enfin pointe
une voie possible de nouveau traitement du rapport entre la voix et l’orchestre
(plutôt, à mon sens, qu’entre la mélodie chantée et le texte proféré). En effet
la voix dans Parsifal est très
nettement devenue une voix traversant le flot orchestral et non plus une voix
d’écume ou de surface. La voix tantôt émerge, tantôt plonge et s’immerge ;
il est ici question moins de dynamiques – dans l’ensemble on distingue presque
tout le temps les voix chantées et leurs mots, à la différence par exemple de
ce qui se passe dans le Ring à partir de l’acte III de Siegfried – que de logique musicale : la mélodie n’est
plus une efflorescence de l’harmonie, moins encore sa surface (logique prônée
par Opéra et drame) mais plutôt
un fil irisé par sa traversée de l’harmonie et du contrepoint orchestral. Le
rapport voix/orchestre est ainsi le rapport d’une ligne à une masse, nullement
celui d’une mélodie et de son accompagnement harmonique.
On dira donc que Parsifal pointe la possibilité d’un salut
de la musique face au double péril
·
de la mélodie accompagnée,
·
de l’oblique indifférent, effaçant la polarité musicale
entre horizontal et vertical.
Parsifal indiquerait
ici la voie d’une voix traversant l’orchestre, échappant tant l’horizontalité
convenue (mélodie accompagnée) qu’à l’effacement grisaillant de l’oblique
(reprise somme toute de cette vision pauvre et maigre de la mélodie comme
simple arpège), portant trace singulière des masses orchestrales rencontrées et
traversées – j’aimerais dire (ce qui relance le thème wagnérien de
l’improvisation fixée) : quelque chose comme un solo de Charlie Parker
traversant à toute allure la masse harmonique en fusion d’une grille harmonico-mélodique
qu’une formation rythmique lui jetait à la figure (voir ici – ou plutôt écouter
– exemplairement la superbe bande sonore du mauvais film de Clint Eastwood Bird).
J’indiquerai une dernière fois que cette orientation
traverse mon propre travail compositionnel, non pour le plaisir de me mettre en
scène comme dividu musicien mais pour
indiquer à quel titre j’approche Parsifal comme relève possible pour la musique
et la composition, par-delà tout épigonisme. Ce traitement de la voix (mais
aussi plus globalement de la dimension mélodique de tel ou tel solo
instrumental dans un contexte orchestral) comme « traversée » et non
plus comme une voix d’une polyphonie, moins encore comme mélodie accompagnée,
est à l’œuvre dans mes principales œuvres vocales (Deutschland, Dans la distance, Duelle)
comme dans ma récente œuvre concertante pour orchestre (Sillages).
Il s’agira de mettre ces hypothèses à l’œuvre dans notre
examen ultérieur des « descendances » de Wagner.
Stein distingue pour sa part une triple descendance
« après Parsifal » :
·
Vincent d’Indy et Siegfried Wagner, soit le dépôt
académique et épigonal
·
Richard Strauss, soit la saturation du grand orchestre
et de la totalisation (voie de l’œuvre d’art totale),
·
Hugo Wolf, soit la systématisation de la voie de la
miniature dans l’ordre d’une synthèse notes-mots.
J’explorerai pour ma part cette descendance possible sous le
signe d’une tout autre triplicité :
·
Debussy,
·
Schoenberg
·
la musique de film.
1.
11 octobre 2005 - Introduction : Parsifal, quels
enjeux aujourd’hui ?
2.
8 novembre 2005 - Moment-analyse (1). Écouter Parsifal à partir de
son moment-faveur
3.
22 novembre 2005 - La structure globale : musicale (Alfred Lorenz) / théâtrale (Wieland Wagner)
4.
6 décembre 2005 - Moment-analyse
(2). De quatre moments relayant l’écoute : Prélude de l’acte
I, Filles-fleurs, Prélude de l’acte III,
musique de la transformation (acte III)
5.
10 janvier 2006 - Théorie « néphologique » du
réseau des leitmotive
6.
24 janvier 2006 - La question du sublime dans Parsifal. Moment-analyse (3) : les moments du sublime
7.
21 février 2006 - Généalogie ascendante : le moment-Parsifal dans l’Œuvre de Wagner
8.
7 mars 2006 - Généalogies
descendantes (1) : Debussy
9.
21 mars 2006 - Généalogies descendantes (2) : la musique de film
10.
4 avril 2006 - Drame (1) : l’informe (musique & poésie). Modulations « mélodiques » (la mélodie sans fin
& la musique modulée par le poème). Les moments de la mélodie infinie (les
grands monologues de Parsifal)
11.
1 mai 2006 (New York) - Généalogies descendantes (3) : Schoenberg
12.
7 mai 2006 (Journée Parsifal) – Qui est Kundry ? 23 thèses sur Parsifal
13.
16 mai 2006 - Drame (2) : l’hétérogène (musique & non-art : érotico-politique). Modulations « rythmiques » (rythme, mètre et tempo…).
Les moments de synthèse dramatique (les grandes confrontations dans Parsifal)
14. juin
2006 ? - Bilan : Écouter Parsifal ?
––––––
cette pénétration réciproque et sincère, cette
fécondation, ce mélange intime des différents arts isolés (109)
Cette dernière symphonie de Beethoven [la IX°] est la
rédemption de la musique. (139)
La IX° de Beethoven : rupture décisive (145) La
dernière symphonie a déjà été écrite.
La véritable tendance de l’art est complexe. (216)
L’orchestre ressemble à la Terre. Il agrandit,
enveloppe, étend.
L’œuvre d’art de l’Avenir est une œuvre collective et
ne peut naître que d’un désir collectif.
Le désir d’intelligibilité suppose une communauté.
Le communiste : individu qui, par la force de son
être, s’absorbe nécessairement mais librement dans la communauté.
« Je veux prouver que la musique, comme
femme, doit être nécessairement fécondée par le poète, comme homme. […]
Je ne pouvais démontrer la nécessité de l’union […] ; il me fallait
tacher de la faire dériver, en m’appuyant sur des arguments
irréfutables, de l’état de la poésie dramatique moderne. » Lettre à
Liszt du 25 novembre 1850 (p. VI)
« La musique est un organisme reproducteur
(Beethoven s’en est servi, on peut dire, pour donner de la vie à la mélodie),
conséquemment un organisme féminin. » Lettre à Uhlig de décembre
1850 (p. VII)
Indiquer les conditions de fécondité de la création
artistique à venir (41)
L’erreur dans le genre artistique de l’Opéra consiste
en ce que l’on a fait d’un moyen
d’expression (la musique) le but, et réciproquement, du but de l’expression (le
drame), le moyen. (60, 178)
Je me suis proposé pour but de ce livre de fournir la
preuve de ceci, que précisément, l’action simultanée de notre musique et de la poésie
dramatique peut et doit donner au drame une importance qui n’a jamais encore
été soupçonnée. (63)
Toute chose vit et persiste par la nécessité intérieure
de son essence. […] La musique se vît contrainte de répondre aux exigences les
plus extérieures de la poésie. (65)
La singulière confusion des idées sur l’essence de la
musique [provoquée] par l’adjectif dramatique (80)
Rossini n’était guère qu’un réactionnaire tandis que nous devons
considérer Gluck et ses successeurs comme des révolutionnaires. (96)
De même que Metternick ne pouvait, à bon droit,
comprendre l’État autrement que sous la monarchie absolue, Rossini, avec non
moins de logique, ne comprit l’opéra que sous la mélodie absolue. (97)
Avec Rossini, l’Histoire de l’Opéra proprement dite est
terminée. (97) Avec Rossini, mourut l’opéra. (98)
Mélodie ≠ air (102) [La mélodie= quand la musique
domine le drame] (104)
La musique est incapable de se transformer
d’elle-même en drame, c’est-à-dire d’absorber en elle le drame véritable et
non pas [le drame] fabriqué exprès pour elle ; au contraire, c’est elle
qui doit raisonnablement être absorbée dans ce drame véritable. (110)
J’ai déjà comparé Beethoven à [Christophe] Colomb.
(133)
L’orchestre berliozien est en vérité un miracle (141)
Nous devons honorer Berlioz comme le véritable rédempteur
de notre monde musical. (141)
Les contradictions de l’opéra sont : la mélodie
absolue se suffisant seule à elle-même, et l’expression dramatique toujours vraie. (156)
Pour Gluck, chaque langue pouvait être indifférente,
puisque le discours seul lui importait. (158)
La mélodie d’opéra frivole, c’est-à-dire
délivrée de tout lien avec les paroles du texte poétique (163)
Le secret de la musique de Meyerbeer, c’est l’effet.
(169) [Effekt, et pas Wirkung, c’est-à-dire] effet sans
cause [Wirkung ohne Ursache]. (169) La musique la plus extérieure (169) Le
compositeur d’opéra veut l’effet, mais non la cause, laquelle n’est pas en son
pouvoir. (172) L’effet, l’effet pur et simple, c’est-à-dire le charme d’un
chatouillement (174)
L’aptitude à la véritable création artistique peut
échoir au fabricant de musique le plus corrompu. (177)
La mélodie est l’expression la plus complète de
l’essence intime de la musique. (182)
Distinction entre le poète des mots [Wortdichter] et le poète des sons [Tondichter] (137)
L’apparition de cette mélodie [L’hymne à la joie] à la surface de l’océan
harmonique (149)
Seul, le vers parlé du poète était capable de retenir
sur cette surface, où elle n’était apparue que comme une vision fugitive, pour
se replonger aussitôt, privée de ce soutien, au fond de la mer. (149)
L’orchestre ne doit pas seulement être considéré comme
le conquérant des vagues de l’harmonie, mais comme le flot même de l’harmonie
maîtrisé. […] L’orchestre est la pensée réalisée de l’harmonie. (180)
L’orchestre doit nous assurer que les sons de la
mélodie sont fortement conditionnés et justifiés par l’harmonie. (184)
Nous avons comparé tout à l’heure l’orchestre,
conquérant des vagues de l’harmonie, à un navire de haute mer. […] L’orchestre, harmonie maîtrisée, ainsi
que nous l’avons alors qualifié (191)
L’aptitude de l’orchestre à porter la mélodie, non
seulement en rendant manifeste l’harmonie qui la conditionne mais encore au
moyen de sa propre faculté de langage, infiniment expressive, comme le lac
portait la barque. (193)
L’orchestre possède indéniablement une faculté de
langage. (194)
Nous avons à définir nettement cette faculté de langage
de l’orchestre en tant que faculté d’affirmation de l’inexprimable. (194)
Cet inexprimable n’est pas une chose inexprimable en
soi mais inexprimable seulement par l’organe de l’entendement (195) [non absolument
donc] (196)
La faculté d’élocution de l’orchestre (204)
Nous avons assigné à l’orchestre la faculté d’éveiller
des pressentiments et des souvenirs. (223)
L’orchestre exprime la sensation même d’attente (228)
L’orchestre est cet organe parlant qui complète à tout
moment l’unité de l’expression. (235)
Les moments d’expression égalisateurs de l’orchestre ne
doivent jamais être déterminés par le caprice du musicien, mais seulement par
l’intention du poète. (236)
Les motifs les plus importants du drame, les motifs
fondamentaux destinés à être les piliers de l’édifice dramatique (238)
C’est dans ces motifs fondamentaux, qui ne sont
pas des sentences, mais des éléments d’émotion plastique, que l’intention du
poète devient la plus claire, étant réalisée par la sensibilité ; il était
donc facile au musicien, exécuteur de l’intention du poète, d’ordonner, en
plein accord avec l’intention poétique, ces motifs condensés en éléments
mélodiques, de telle manière que, de leur répétition variée et bien déterminée,
résultât ainsi, toute seule, la forme musicale unitaire supérieure. (238)
Tant que l’intention poétique n’a pas encore disparu
dans l’expression du musicien, elle n’a pas encore été réalisée. (249)
Le caractère poétique suprême de l’intention du poète
n’a d’autre mesure que sa faculté de le réaliser complètement dans l’expression
musicale. (250)
Ce que l’orchestre doit exprimer avant tout, c’est le
geste dramatique de l’action. (266)
L’orchestre, étant capable d’exprimer ce qui est
inexprimable ne paroles, est destiné à supporter, à interpréter le geste dramatique.
(269)
L’orchestre doit détourner l’attention de soi-même, […]
ne point attirer l’attention sur soi, ne point être entendu du tout, notamment
en ce qui concerne son effet mécanique, mais uniquement dans son effet
organique où il fait un avec le drame. (275) Quelle serait l’humiliation du
musicien-poète s’il voyait le public, mis en présence de son drame, diriger son
attention uniquement sur le mécanisme de son orchestre et ne lui décerner
d’éloges que comme « très habile instrumentiste » ? (276)
Je n’écris plus d’opéras et, comme je ne veux donner
aucun nom arbitraire à mes travaux, je les appelle drames. (175)
Écoutez mon Credo : Jamais la Musique, en
quelque compagnie qu’elle se trouve, ne peut cesser d’être l’Art le plus élevé
et plus rédempteur.
(277)
Je fus frappé d’un fait singulier : c’est la
séparation, l’isolement des différents arts. (195) Les divers arts, isolés,
séparés, cultivés à part (196)
courir le risque de se perdre dans l’incompréhensible,
le bizarre et l’absurde. Arrivé là, il me sembla voir clairement que chaque
art demande, dès qu’il est aux limites de sa puissance, à donner la main à
l’art voisin ; et, en vue de mon idéal, je trouvai un vif intérêt à
suivre cette tendance dans chaque art en particulier : il me parut que je
pouvais la démontrer de la manière la plus frappante dans les rapports de la
musique à la poésie. (196)
L’œuvre d’art qui doit embrasser tous les arts
particuliers (196)
[Dans Opéra
et Drame, mon]
objet était une recherche attentive des rapports que la poésie soutient avec la
musique. (198)
[Devant la
prodigieuse popularité de la musique], il ne restait à la poésie que deux
voies pour se développer : il fallait qu’elle passât d’une manière
complète dans l’abstraction, de la pure combinaison des idées, de la représentation
du monde au moyen des logiques de la pensée : or cette œuvre est celle de
la philosophie et non de la poésie ; ou bien elle devait se fondre
intimement avec la musique. […] La poésie reconnaîtra que sa secrète et
profonde aspiration est de se résoudre finalement dans la musique. (212)
Cette intime fusion de la musique et de la poésie
dans le drame (214)
Une égale et réciproque pénétration de la musique et de
la poésie (219)
bilingue – Aubier
La musique ne peut être appréciée en elle-même que
selon la catégorie du sublime [Kategorie des Erhabenen]. (109)
Il n’y a jamais eu d’artiste qui réfléchisse à son
art moins que Beethoven. (125)
[Hymne
à la joie] Il
est tout à fait visible que les paroles de Schiller ont été simplement placées
tant bien que mal sous la musique, surtout sous la mélodie principale, et même
avec peu d’habileté. (165) Beethoven a simplement placé les paroles sous la
mélodie comme texte à chanter. (215)
Qui pourrait écouter ce morceau captivant [la grande
ouverture de Léonore] sans être rempli de la conviction que la musique renferme en
soi-même le drame le plus parfait ? (175)
La musique, qui ne représente pas les Idées
[…] mais au contraire est
elle-même une Idée du monde […] englobe tout naturellement le drame car le
drame à son tour exprime lui-même l’unique Idée du monde adéquate
à la musique. (175)
Nous ne commettrions donc pas d’erreur si nous voulions
reconnaître dans la musique ce qui rend a priori l’homme capable de donner une forme au drame en général. De même que
nous nous construisons le monde des phénomènes par l’application des lois de
l’espace et du temps qui sont préfigurées a priori dans notre cerveau, de même
cette représentation redevenue consciente de l’Idée du monde dans le drame
serait préfigurée par ces lois internes de la musique qui s’imposent tout aussi
inconsciemment à l’auteur dramatique que les lois de la causalité appliquées à
l’aperception du monde des phénomènes. (177)
Ce ne sont pas les vers du poète […] qui peuvent
déterminer la musique ; ce pouvoir, c’est le drame seul qui le possède, et je
ne veux pas dire par là le poème dramatique, mais le drame qui se joue
réellement sous nos yeux, comme reflet devenu visible de la musique, où
parole et discours appartiennent à l’action, et non plus à la pensée poétique.
(191)
Si, en ce qui concerne le sujet même, à savoir
l’importance et le caractère que l’auteur attribue au drame conçu musicalement,
il y a concordance parfaite entre l’ouvrage antérieur plus étendu et le présent
[opuscule] plus concis, ce dernier cependant présente, sous plus d’un rapport,
des points de vue nouveaux qui placent même différentes choses sous un jour
différent. (121)
la corruption des productions dramatiques en général dont on rend
responsable l’influence de l’opéra (123)
Un produit français, la « pièce à effet » […]
cette unique tendance à l’« effet » […] cet « effet »,
c’est-à-dire l’engourdissement de la sensibilité du spectateur qui doit
effectivement se mesurer à la violence des applaudissements (127) une tendance qui se manifeste
dans sa pire conséquence, sous la forme d’une recherche de ce qu’on appelle l’effet (128-9)
l’hypothèse d’une régénération de notre esprit public (131)
Nous admettons que c’est l’opéra qui a rendu évidente
la décadence du théâtre. […] Lui seul peut être appelé à relever notre théâtre. (132)
la virtuosité vocale qui fait le fond des succès
habituels de nos cantatrices d’opéra (139)
l’improvisation, procédé naturel aux débuts de
tout art (142)
donnant du drame de Shakespeare la définition
suivante : une improvisation mimique fixée, de la plus
haute valeur poétique (143)
fixer cette improvisation (153)
Si nous retenons cette définition d’une « improvisation
mimique-musicale d’une valeur poétique achevée, fixée par une conscience
artistique suprême » (153)
De même que dans la peinture, et aussi dans
l’architecture, le charmant a pu remplacer le beau, de même il n’était pas moins
réservé à la musique, art sublime, de se ravaler à un art de pur agrément. (159)
Si, selon un mot de Schiller qui peut sembler inexact
ici, l’art n’est tombé que par la faute des artistes, c’est en tous cas par les
artistes seuls qu’il pourra être relevé. (162) Ce relèvement de l’art
par les artistes (162)
La corruption de la langue consiste ici dans le
changement d’un adjectif, placé avant, en un substantif ; à l’origine, on
disait musikalisches Drama. Peut-être n’est-ce qu’un mauvais esprit excusable de
la langue qui fit, par abréviation, un Musikdrama de ce drame musical. (121) Si
le « drame » était la chose principale, il aurait fallu placer ce mot
avant « musique » […] et
alors nous aurions dû dire Drama-musik [musique de drame]. (122)
Étymologiquement, le mot « drame » signifie acte ou action. […] De tout temps, on a désigné par ce nom une action figurée
sur la scène. (123)
La musique a à reprendre son antique dignité de mère
du drame, et c’est maintenant qu’elle sent que telle est là sa vocation.
Dans cette dignité, elle ne doit pas être placée ni avant ni après le
drame ; elle n’est pas sa concurrente, elle est sa mère. Elle chante,
et ce qu’elle chante, vous pouvez le voir sur la scène ; elle nous
rassemble dans ce but : car ce qu’elle est, vous ne pouvez jamais que le
pressentir ; et c’est pourquoi elle se révèle à vos regards par
l’allégorie scénique, comme une mère qui esquisse aux enfants les mystères
de la religion en leur contant des légendes. (124)
J’aurais volontiers qualifié mes drames actes de la
musique devenus visibles. (126)
[ Karl Marx :
1818-1883 ]
13 opéras |
Fin
du poème |
Fin
de la partition |
Écart |
1. Les
Fées |
janvier
1833 |
janvier
1834 |
1
an |
2. L’interdiction
d’aimer |
octobre
1834 |
printemps
1836 |
1
an et 2 trim. |
3. Rienzi |
août
1838 |
novembre
1840 |
2
ans et 1 trim. |
|
|
|
|
4. Le
Vaisseau fantôme |
mai
1841 |
novembre
1841 |
2
trim. |
[
La Cène des Apôtres : 1843 ] |
|||
5. Tannhäuser |
avril
1843 |
avril
1845 |
2
ans |
6. Lohengrin |
novembre
1845 |
avril
1848 |
2
ans et 2 trim. |
|
|||
7. L’Or
du Rhin |
novembre
1852 (4) |
septembre
1854 |
2
ans |
8. La
Walkyrie |
juillet
1852 (3) |
mars
1856 |
3
ans et 3 trim. |
9. Siegfried
(I & II) |
juin
1851 (2) |
|
|
|
|
|
|
10. Tristan
et Isolde |
septembre
1857 |
août
1859 |
2
ans |
11. Les
Maîtres Chanteurs de Nuremberg |
janvier
1862 |
octobre
1867 |
5
ans et 3 trim. |
9
bis. Siegfried (III) |
|
février
1871 |
19
ans et 3 trim. |
12. Le
Crépuscule des Dieux |
novembre
1848 (1) |
novembre
1874 |
27
ans ! |
13. Parsifal |
avril
1877 |
janvier
1882 |
4
ans et 3 trim. |
Œuvres |
Poèmes |
Écrits |
Autres |
Musique |
Philosophie &… |
Politique |
||
1827 |
|
|
|
|
Mort de Beethoven |
|
|
1827 |
1828 |
|
|
|
|
Mort de Schubert |
Naissance de Tolstoï |
|
1828 |
1829 |
Wagner décide de devenir musicien |
|
|
|
|
1829 |
||
1830 |
|
|
|
|
|
|
Révolution en France Émeutes en Allemagne [a] |
1830 |
1831 |
Cours avec Theodor Weinlig |
|
|
|
|
1831 |
||
1832 |
Symphonie en ut majeur |
|
|
|
|
Mort de Goethe |
|
1832 |
1833 |
Les Fées |
|
|
|
Naissance de Brahms |
|
|
1833 |
1834 |
L’interdiction d’aimer |
Premier article : L’Opéra allemand |
Neue Zeitschrift für
Musik [b] Rencontre Minna Planer |
|
|
|
1834 |
|
1835 |
La Défense d’aimer |
|
|
|
|
|
|
1835 |
1836 |
|
Épouse Minna |
|
|
|
1836 |
||
1837 |
|
Rienzi |
|
Naissance de Cosima |
|
|
|
1837 |
1838 |
Rienzi |
|
|
|
|
|
1838 |
|
1839 |
|
|
[ septembre 1839 Paris avril 1842 ] Automne 1840 : Rencontre Liszt [c] |
|
|
|
1839 |
|
1840 |
Le Vaisseau fantôme |
Une visite à Beethoven |
|
|
|
1840 |
||
1841 |
Le Vaisseau fantôme |
|
|
|
|
1841 |
||
1842 |
|
Tannhäuser |
|
|
|
|
1842 |
|
1843 |
La cène… [d] Tannhäuser |
|
|
|
|
|
1843 |
|
1844 |
|
|
|
|
Naissance de Nietzsche |
|
1844 |
|
1845 |
Lohengrin |
|
|
|
|
|
1845 |
|
1846 |
Lohengrin |
|
La IX° Symphonie |
|
|
|
|
1846 |
1847 |
|
|
|
|
|
1847 |
||
1848 |
Le Crépuscule des dieux |
|
Amitié avec Liszt |
|
Mouvements en Allemagne Rencontre de Bakounine |
1848 |
||
1849 |
|
|
L’Art et la Révolution L’Œuvre d’art de l’avenir |
|
|
Lecture de Feuerbach [f] Dédicace [g] |
Révolution à Dresde (mai) Exil [h]
à Zurich Lecture de Proudhon |
1849 |
1850 |
Opéra et drame Le judaïsme dans la musique |
|
|
|
[ Février-avril : France ] |
1850 |
||
1851 |
Siegfried |
Une communication à mes amis |
Annonce de la Tétralogie |
|
|
|
1851 |
|
1852 |
La Walkyrie L’Or du Rhin |
|
Rencontre Mathilde Wesendonck |
|
|
|
1852 |
|
1853 |
L’Or du Rhin |
|
|
Rencontre de Cosima (16 ans) |
|
|
|
1853 |
1854 |
|
|
|
Lecture de Schopenhauer [i] |
|
1854 |
||
1855 |
La Walkyrie |
|
|
|
|
|
1855 |
|
1856 |
|
|
Mort de Schumann [j] |
Naissance de Freud |
|
1856 |
||
1857 |
Siegfried (I & II) |
Tristan et Isolde |
Sur les poèmes symphoniques de Franz Liszt |
Cf. Mathilde Wesendonk… |
|
|
|
1857 |
1858 |
Tristan et Isolde |
|
|
|
|
|
1858 |
|
1859 |
|
|
|
|
|
1859 |
||
1860 |
|
La musique de l’avenier (lettre sur la musique) |
|
Naissance de Mahler |
Mort de Schopenhauer |
|
1860 |
|
1861 |
Les Maîtres chanteurs |
|
Scandale de Tannhäuser à Paris (mars) |
|
|
|
1861 |
|
1862 |
Les Maîtres Chanteurs |
|
Séparation définitive d’avec Minna |
|
|
|
1862 |
|
1863 |
|
|
Cosima : déclaration [k] |
|
|
|
1863 |
|
1864 |
|
Louis II de Bavière (mai…) |
|
|
|
1864 |
||
1865 |
Début de Ma Vie… |
Naissance d’Isolde Wagner doit quitter la Bavière en décembre |
|
|
|
1865 |
||
1866 |
|
Mort de Minna Tribschen |
|
|
|
1866 |
||
1867 |
|
Naissance d’Eva |
|
|
|
1867 |
||
1868 |
|
|
|
|
Rencontre Nietzsche [l] (novembre) |
|
1868 |
|
1869 |
Siegfried (III) |
Sur l’art de diriger l’orchestre |
Début du journal de Cosima Naissance de Siegfried |
|
Nietzsche à Tribschen… |
|
1869 |
|
1870 |
Beethoven |
Mariage avec Cosima |
|
Guerre franco-allemande |
1870 |
|||
1871 |
De le destination de l’opéra |
Choix de Bayreuth |
|
Empire allemand |
1871 |
|||
1872 |
Le Crépuscule des Dieux |
Sur l’expression « Musikdrama » |
Première pierre |
|
Naissance de la tragédie |
|
1872 |
|
1873 |
|
|
|
|
|
1873 |
||
1874 |
|
|
Naissance de Schoenberg |
Schopenhauer éducateur |
|
1874 |
||
1875 |
|
|
|
|
Nietzsche rencontre Peter Gast |
|
1875 |
|
1876 |
|
Premier festival |
|
Richard Wagner à Bayreuth Dernière
rencontre avec Nietzsche |
|
1876 |
||
1877 |
Parsifal |
Parsifal |
|
|
|
Nietzsche s’éloigne… |
|
1877 |
1878 |
|
|
|
|
Humain, trop humain (1) |
|
1878 |
|
1879 |
Voulons-nous espérer ? |
|
|
|
|
1879 |
||
1880 |
|
|
|
Le voyageur et son ombre (Humain, trop humain – 2) |
Rencontre Gobineau |
1880 |
||
1881 |
|
|
|
Mort de Dostoïevsky [m] |
|
1881 |
||
1882 |
|
|
|
Deuxième festival de Bayreuth |
Naissance de Stravinsky |
|
|
1882 |
1883 |
Wagner meurt le 13 février (Marx meurt le 14 mars) |
1883 |
||||||
1884 |
|
|
|
|
|
Zarathoustra |
|
1884 |
1886 |
|
|
|
Troisième festival de Bayreuth |
Mort de Liszt [n] |
Par-delà le Bien et le Mal |
|
1886 |
1887 |
|
|
|
|
|
Généalogie de la morale |
|
1887 |
1888 |
|
|
|
|
|
Le cas Wagner Nietzsche contre Wagner |
|
1888 |
1889 |
|
|
|
|
|
Folie de Nietzsche [o] |
|
1889 |
1930 |
Mort de Cosima (le 1° avril) et de Siegfried (le 4
août) |
1930 |
« Si, selon un mot de Schiller, l’art n’est tombé que par la faute des artistes, c’est en
tous cas par les artistes seuls qu’il pourra être relevé. » (162) Ce
relèvement de l’art par les artistes. » (De la destination de l’opéra)
|
|
La musique |
La réforme de l’ordre des Carmes [p] |
Politique communiste |
Musique contemporaine |
Le grand orchestre [q] |
L’opéra moderne pour Wagner |
Le « Seigneur » |
L’événement à l’origine du processus en question |
|
St Antoine : le monachisme St Benoît : la règle du couvent |
Le communisme primitif (Spartacus / premiers
chrétiens / Thomas Muntzer) |
|
École de Mannheim (XVIII°) |
La tragédie grecque Shakespeare |
Graal |
« Qui est le Graal ? » (R102) Le « trésor » transmis vivifiant la séquence
dans le processus en question |
L’écriture musicale : le solfège |
La règle du Carmel |
Les principes du communisme |
L’athématisme, l’atonalité et l’a-métrique de la
« Musique contemporaine » |
Le principe même du grand orchestre |
Le drame |
La lance |
L’objet-témoin du relais entre dividus : « Il nous faut reprendre cette lance »
(R52) [r] |
Les partitions |
L’habit (avec/sans chaussures) |
Le mot « communiste » |
|
La baguette du chef |
La scène |
Titurel |
L’inaugurateur de la séquence |
Guy d’Arezzo |
Le fondateur de l’Ordre : Albert de Jérusalem
(XIII°) |
Marx |
Schoenberg |
Le premier à ne plus avoir été simplement Kappelmeister |
Gluck Beethoven |
Amfortas |
L’infidèle : il a laissé tomber la lance
(R44 [s]) plutôt
qu’elle ne lui a été ravie de longue lutte |
|
? |
Staline ? |
Stockhausen ? [t] |
Strauss ? |
Weber Rossini |
Gurnemanz |
Le mémorialiste-chroniqueur (l’intellectuel ?)
de la séquence |
|
|
L’intellectuel |
Célestin Deliège |
|
Wagner comme théoricien |
Les chevaliers |
Le corps collectif en voie de décomposition |
|
Les Déchaux (carmes et carmélites « déchaussés ») |
L’organisation politique des communistes |
Les formations instrumentales (Domaine musical…) |
Les musiciens d’orchestre |
Les chanteurs et musiciens |
Monsalvat |
|
|
Le Mont-Carmel |
Les montagnes du Yunan / Pékin-Schanghaï |
|
Vienne ? |
Bayreuth |
La cérémonie du corps et du sang changés en pain
et vin (R121) [u] |
La revivification du corps collectif du sujet par
réactivation du nom originaire et des pas gagnés : « Que ce vin se fasse en vous sang bouillonnant
de vie » (R123) |
L’exécution instrumentale |
|
|
|
Le concert |
La soirée d’opéra (la partition revivifiante) |
Klingsor |
Le désastreux : « Impuissant à tuer en lui
la convoite, il mutila son corps » (R51 [v]) |
|
Le Père Tostado (provincial de l’Ordre) / Felipe Sega
(nonce apostolique) |
Kroutchchev |
Berio ? [w] |
Ravel ? Berio ? |
Meyerbeer |
Le domaine de Klingsor |
Le lieu du simulacre |
|
Le couvent des Carmes mitigés de Tolède où Jean sera
emprisonné en 1577 |
Le Kremlin |
|
|
Paris |
Les chevaliers de Klingsor |
Le corps collectif du sujet mortifère |
|
Les Chaussés ou Mitigés (carmes et
carmélites « mitigés ») Le corps de l’Inquisition |
Le BP du PCUS |
|
|
Les orchestres parisiens |
Parsifal |
La relève |
|
Mao |
|
|
Wagner ! |
|
L’innocence |
La neutralité de l’individu destiné à être transi par
le processus : « le bouclier de l’innocence » (R139) |
|
|
Pas besoin d’être un savant pour être militant |
|
|
|
Le péril pour Parsifal |
Rester individu, ne pas comprendre sa différence avec
la polarité dividu/sujet : « j’ai fui vers des exploits
puérils ! » (R307) |
Rabattre la musique en jeu fonctionnel des sociétés |
|
|
|
|
Rester enfermé dans la logique de l’effet et sa virtuosité |
La plaie |
du corps du dividu quand il est décheté du corps collectif |
Le corps diminué du musicien à l’écart de son instrument |
|
|
|
|
|
La plainte |
du dividu
quand il se retrouve à l’écart du processus : « ma torture au spectacle qui vous
ravit » Amfortas (R113) |
La plainte du musicien « quand la musique
s’arrête » (Th. Reik) |
|
|
|
|
|
La compassion |
La compassion pour la peine des dividus déchettés par le processus : accéder à la compassion
pour le dividu est le biais pour
com-prendre le processus en jeu. |
La compassion pour les autres musiciens comme biais
pour com-prendre l’enjeu subjectif de la musique |
|
|
|
|
|
Le cygne & la pitié |
Le seul « personnage » schopenhaurien de
l’opéra : L’individu (l’animal, ici humain) qui appelle la
pitié (quand le dividu appelle la
compassion) |
Le non-musicien La pitié pour qui ne connaît pas la musique |
|
|
|
|
|
Herzeleide |
La naturalité de l’individu : c’est la mère qui
fait l’animal humain |
|
|
|
|
|
|
Gamuret |
Rapport au « père » du dividu ? |
|
|
|
|
|
|
L’Arabie |
Lieu où mourut le père Lieu d’où vient le baume apaisant la douleur |
|
|
|
|
|
|
L’autocastration de Klingsor |
Le simulacre de fidélité [z] |
L’arrangement musical pour un instrument |
|
|
Mantra ! Les notations (graphiques) contre l’écriture |
|
|
Les Filles-fleurs |
Le charme innocent des apparences particulières :
le vrai danger subjectif pour le dividu ne réside pas dans cette charmante tromperie |
|
|
Les effets de la virtuosité |
L’arrangement pour… |
|
|
Kundry [aa] |
La synthèse disjonctive d’une corruption et d’un
service |
|
|
|
|
|
La voix ? |
« Ici le temps devient espace » (R105) [bb] |
Ici, un moment suffit pour changer de monde ; en
ce point du chaosmos, « ici,
commence » un véritable lieu [cc]
où les particularités des dividus
s’indiffèrent. |
La salle de musique |
|
La réunion politique |
|
La salle de concert |
La salle d’opéra |
Victoire tranquille à la fin de l’acte II |
La victoire est immédiate, sans véritable combat
contre l’adversaire car le vrai combat était intérieur. Le geste agressif est
désactivé. Le pouvoir est dissous car il n’était basé que sur une démission
subjective. |
|
|
|
|
|
|
L’enchantement du Vendredi Saint |
Cf. position non chrétienne : la réactivation a
lieu aussitôt, le jour même de la décision. Il n’y a pas de passage par le
royaume des morts, lequel n’existe pas. |
|
|
|
|
|
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« Rédemption au rédempteur » (R367) |
Le rédempteur n’est pas transcendant (Parsifal n’est
pas un Christ). C’est la rédemption qui fait le rédempteur, non l’inverse. |
La musique aux musiciens ! [dd] |
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La politique au militant ! |
La musique contemporaine au musicien
d’aujourd’hui ! |
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[1] http://www.entretemps.asso.fr/Nicolas/2005.2006/moments.musicaux.htm
[2] Voir par exemple page 115 de son essai.
[3] Voir page 99
[4] Cf. Deleuze, Logique du sens (1969) : « On distingue trois sortes de synthèses : la synthèse connective (si…, alors) qui porte sur la construction d’une seule série ; la synthèse conjonctive (et), comme procédé de construction de séries convergentes ; la synthèse disjonctive (ou bien) qui répartit les séries divergentes. » (p. 204)
[5] Apparemment, il posera à partir de L’anti-Œdipe qu’il s’agit plutôt d’un « soit… soit »…
[6] Voir à ce titre le propos explicite de la récente mise en scène de Nikolaus Lehnhoff gravée dans le DVD Opus Arte (2005)
[7] Bernanos, dans son Dialogue des Carmélites, fait dire à sa religieuse (et Poulenc le fait admirablement chanter) : « Mais il n’y a qu’un matin, monsieur le Chevalier : celui de Pâques ! ». Ceci est chrétien, mais rien de tel dans le Parsifal de Wagner.
[8] Séminaire XI, 27 mai 1964, p.192-193
[9] par exemple Mathématiques
du transcendantal, p.14…
[a] Wagner participa aux émeutes de septembre 1830 à Leipzig : « Ce jour marqua pour moi le début de l’histoire et je pris pleinement parti pour la Révolution. » (Ma vie)
[b] Revue fondée
par Schumann (né en 1810)
[c] né en octobre 1811
[d] La Cène des Apôtres, ou la Pentecôte : 1200 chanteurs !
[e] Lecture de
Hegel : Cours de philosophie de l’histoire
[f] Réflexions
sur la mort et l’immortalité
[g] de L’Œuvre
d’art de l’avenir
[h] Il ne
reviendra en Allemagne qu’à partir de 1860, à la suite de l’amnistie partielle
de juillet.
[i] Le Monde
comme volonté et comme représentation
[1819]
[j] né en 1810
[k] 28 novembre.
Puis juillet 1864…
[l] né en 1844
[m] né en 1821
[n] né en 1811
[o] Crise du 3 janvier (Turin). Meurt en 1900
[p] Espagne de la Contre-Réforme au XVI°
[q] Voir aussi la séquence « Le grand orgue » avec Vierne en Amfortas et Widor en Klingsor…
[r] Der Speer kehr’ uns zurück!
[s] Der Speer ist ihm entsunken
[t] Cf. 1968… Ses déclarations : « Plus jamais Gruppen ! » + les étoiles… : Gruppen / Mantra
[u] non l’inverse !
[v] Traduction Marcel Beaufils
[w] Cf. la virtuosité, la séduction du public, l’anti-intellectualité musicale… : Epifanie, Passagio ou Laborintus / Sinfonia
[x] Rapprochements avec Parsifal : le thème du « non savoir », celui du silence à garder, celui d’une forme d’innocence, celui de l’élu (cf. Thérèse d’Avila est à la recherche d’un homme pour rénover les couvents de Carmes)…
[y] cf. la face homme et la face femme du Parsifal de Sieberberg !
[z] Le simulacre de fidélité se dit ici « auto-castration ». Voir l’auto-castration de l’écriture de Stockhausen !
[aa] Essentiel pour ne pas repolariser Parsifal autour du couple Amfortas/Klingsor ou Amfortas/Parsifal (Gracq)
[bb] Son inverse serait : « Maintenant, l’espace devient temps ! »
[cc] Comme à l’inverse, un simple déplacement (à la gare de Budapest par exemple) peut entraîner un changement d’époque : un déplacement pour changer d’époque / un moment pour changer de monde
[dd] « C’est la musique qui fait le musicien. » (Karl Marx)