Séminaire Musique et
philosophie dir. F. Nicolas (Ens) Un samedi par
mois, de 10h à 12h30 à l’École
normale supérieure salle S. Weil - 45, rue d'Ulm - Paris 5° |
2005-2006
Est-il
possible, après Adorno, de renouer musique et philosophie autrement que sous le
schème adornien de leur « sororisation » et sans en revenir au
vieux dessein d’une « philosophie de la musique » (où la pensée
philosophique surplomberait son « objet » pour en dire le
vrai…) ? Est-il ainsi possible de croiser, à nouveaux frais, la musique
comme expérience pour la philosophie et la philosophie comme espace d’immersion
pour la pensée musicienne ?
Ce
séminaire voudrait fournir l’occasion de rencontres entre philosophes créateurs
et musiciens pensifs où expériences philosophiques de la musique et plongées
musiciennes dans la philosophie s’exposent et se croisent.
La méthode
proposée privilégiera la formule d’un atelier, étudiant attentivement quelques
pages extraites d’ouvrages des uns et des autres.
Programme :
1.
8 octobre
2005 – François Nicolas :
Quel rapport musicien à la philosophie après Adorno ?
À quel titre musical le musicien
peut-il se rapporter aujourd’hui à la philosophie ?
On distinguera, dans les manières musiciennes
de se rapporter à la philosophie – qui vont de Rameau (Descartes) à Boulez (l’épistémologie)
en passant par Wagner (Schopenhauer) et Pierre Schaeffer (Husserl) -, trois thématiques :
1) Le souci musicien du contemporain. Le
musicien, réfléchissant à la contemporanéité des raisonances
entre pensée musicale et autres pensées (singulièrement dans le champ théorique),
se tourne vers la philosophie comme pensée du temps présent, disons comme météorologie de la pensée.
2) La curiosité musicienne pour
toute définition de la musique. S’il est vrai qu’il ne saurait y avoir de définition
musicienne de la musique (théorème gödelien), les définitions proprement
philosophiques de la musique apparaissent au musicien comme les plus
aiguës : elles configurent en effet un concept de son art, le localisant
ainsi dans le champ des pensées. La philosophie intervient ici comme
topo-logique et boussole, posons comme géographie de la pensée.
3) L’investigation musicienne des conditions
de possibilité d’un discours sur la musique : la philosophie aide le
musicien à réfléchir à quelles conditions il lui est possible de projeter la
pensée musicale à l’œuvre (à distance donc de tout langage) dans un discours
sur la musique. La philosophie intervient cette fois au titre d’une analyse
transcendantale, comme éducatrice aux présupposés de toute énonciation
musicienne, mettons à une géologie de la pensée.
Ainsi
- la philosophie comme météorologie
(clarification du temps qu’il fait pour la pensée) soutient la théorie musicienne
d’un monde de la musique comme tel ;
- la philosophie comme géographie (localisation
orientée) consolide la critique musicienne des œuvres ;
- la philosophie comme géologie (conditions
de possibilité pour tout discours sur la musique) configure la constitution
d’une esthétique proprement musicienne (celle qui réfléchit le rapport du musicien
aux différents mondes de la pensée et plus généralement au chaosmos).
On se demandera, sur cette base, ce
qu’il en est aujourd’hui de ces déterminations, entendant ici aujourd’hui au double
sens suivant :
• celui
d’un aujourd’hui philosophique qu’on thématisera comme étant celui
d’un « après-Adorno » : on résumera à ce titre le travail du séminaire
l’année dernière sur sa Dialectique négative ;
• celui
d’un aujourd’hui musical qu’on indexera minimalement comme étant un
« après le XX° siècle » : on rappellera ici quelques thèses
mises au travail l’année dernière dans un séminaire musicien sur l’état
contemporain de la musique.
On en déduira un programme de travail
pour cette nouvelle année.
2.
5 novembre
2005 - Mathilde Lequin :
Deleuze et la musique
3.
19 novembre
2005 (à l’Ircam) – Moments musicaux, d’Adorno
Les
opus comme moments musicaux d’une Œuvre
4.
3 décembre
2005 – Pascale Criton :
Approche d'une pensée-musique chez Deleuze
5. 7 janvier 2006 - Charles
Ramond - L'interprétation
des œuvres musicales : une logique de l'affectivité
Pour des raisons qu’il s’agira d’analyser, la
question de la nature exacte, et surtout de la finalité de l’interprétation des
œuvres musicales est passée sous silence dans les principales institutions
musicales, alors même qu’elles consacrent tous leurs efforts et tous leurs talents
à enseigner à leurs élèves l’art d’interpréter, sans lequel la musique n’existe
tout simplement pas. Mais comment interpréter correctement, et de quel droit hiérarchiser
les interprétations (et donc les interprètes, par exemple dans les concours)
tant que le but visé dans l’interprétation, et la fonction exacte de l’interprétation,
demeurent secrets, ou inconnus ? Le présent exposé se donnera donc pour
objectif de définir, ou à tout le moins de caractériser précisément cette
activité à la fois personnelle et sociale, bien plus mystérieuse qu’il ne
semble à première vue, qu’est l’interprétation des œuvres musicales. À cet
effet seront examinés d’une part les textes laissés sur leur art par certains
des principaux pianistes du XXème siècle (notamment Cortot, Gould, Brendel, et
Richter), d’autre part les caractéristiques particulières de la temporalité du
discours musical. Nous serons par là conduits à proposer l’hypothèse selon
laquelle le discours musical recèlerait une « logique de l’affectivité »
(dont nous tenterons de formuler les propositions fondamentales) que la tâche
de la « bonne interprétation » serait de retrouver et de transmettre.
6.
28 janvier
2006 - François Nicolas :
En
quoi la philosophie de Deleuze peut-elle servir à des musiciens, même et
surtout quand elle ne parle pas de musique ?
Quel
rapport singulier le musicien (pensif) peut-il entretenir avec la philosophie
de Deleuze ?
On
entreprendra de clarifier ce point selon quatre axes : ceux de la confiance,
de la défiance, de la méfiance et de la signifiance du rapport musicien à toute
philosophie.
D’abord,
cette philosophe n’échappera pas
·
au
rapport de défiance
que le musicien entretient avec toute philosophie, défiance face au risque spécifique
du philosophème
(quand l’énoncé philosophique risque d’être purement et simplement transposé
dans un régime musicien d’énonciation) : on sait combien le philosophème
d’allure deleuzienne a pu proliférer, à l’écart des écrits de Gilles Deleuze…
- ;
·
au
rapport de méfiance
que le musicien entretient avec la philosophie quand elle parle spécifiquement
de musique (le musicien en général n’y reconnaît guère « sa »
musique) : on rappellera ici le caractère difficilement recevable par les
musiciens de nombre d’énoncés deleuziens sur la musique.
On
examinera ensuite le triple rapport de confiance que le musicien
entretient avec une philosophie pouvant lui servir :
·
de
météorologie
(en caractérisant le contemporain c’est-à-dire le temps présent de la pensée
conditionnant la pensée musicale),
·
de
cartographie
(pour l’aider à s’orienter dans la pensée),
·
de
géologie
(en dégageant les conditions de possibilité des énoncés praticables
par le musicien).
On mettra
ici en évidence une triple difficulté pour l’auteur de ces lignes :
·
en
matière de météorologie deleuzienne, une difficulté liée au concept deleuzien de temps (et au rôle philosophique
dévolu à la mémoire),
·
en
matière de cartographie deleuzienne, une difficulté liée au concept deleuzien de territoire (et au rôle
philosophique dévolu à la déterritorialisation),
·
en
matière de géologie
deleuzienne, une difficulté liée
au concept deleuzien de possible (et au rôle philosophique dévolu au virtuel).
On
examinera alors une quatrième voie qu’on appellera celle de la signifiance : lorsque le musicien
entreprend, pour son propre compte, de donner signification musicale à des
concepts philosophiques en vue d’éclairer quelque difficulté de pensée
proprement musicienne.
On
esquissera à ce titre quelques pistes de travail à partir des concepts
deleuziens suivants :
·
ceux
de chaosmos
et d’effondement
(voir l’éclairage que leur articulation à la catégorie musicienne de
« monde de la musique » peut apporter),
·
celui
de logique de la sensation (voir sa signification possible en matière d’écoute
musicale)
·
celui
de synthèse disjonctive (ce concept pouvant éclairer le non-rapport, constitutif de
l’intellectualité musicale, entre un penser musical et un parler musicien).
7.
18 mars
2006 – André Pietsch Lima :
De l'individuation
en musique (Simondon/Deleuze & Guattari)
Les interactions en matière
d'individuation entre Simondon, Deleuze & Guattari jouent un rôle méthodologique
important dans ma thèse de doctorat (intitulée Du bout de la pensée, sur la
langue : écrits sur musique, individuation et éducation).
L'exposé s'attachera à dégager trois
points principaux :
(1) la méthodologie générale adoptée
par Simondon dans sa problématique de l'individuation,
(2) la manière dont Deleuze, lecteur
de Simondon, a lui-même conçu cette problématique,
(3) comment cette lecture faite par
Deleuze a influencé sa propre pensée sur la musique.
Au cours de cet exposé j'évoquerai
de quelles manières la problématique de l'individuation peut concerner la création
musicale et la pensée sur la musique.
Voir également : De la création en
musique (Ens, 7 juin 2006)
8.
25 mars
2006 - André Charrak :
La place et les
sources des références scientifiques dans la théorie harmonique de Rameau
Sur la base d'une assignation des
sources de l'information scientifique de Rameau, on s'efforcera de répondre aux
deux questions suivantes, qui n'ont pas également retenu l'attention des
commentateurs.
1) Que recherche la théorie ramiste
dans le vaste domaine de la physique mathématique du corps sonore ?
Il est vrai que les phénomènes
acoustiques n'y sont encore étudiés que sous l'aspect des hauteurs, comme c'était
déjà le cas de Beeckman à Huygens. Mais il est possible de montrer que le
fondement physique de l'harmonie ne désigne plus, au XVIIIe siècle,
l'explication causale des consonances, qui était au cœur des traités du siècle
précédent.
De la cause au principe s'opère un
changement de perspective dans la convocation de la philosophie naturelle
– changement que la théorie harmonique de Rameau accomplit autant qu'elle
le rend possible.
2) Des débats récents (dominés par
la contribution majeure de Th. Christensen) ont porté sur la fonction des références
scientifiques dans la théorie ramiste. Peut-on considérer qu'elles fournissent
vraiment le fondement que certains textes semblent désigner (ainsi la Démonstration
du principe de l'harmonie, qui constitue cependant un exposé de
vulgarisation), ou doit-on conclure, avec Christensen, qu'elles constituent
l'habillage d'une démarche encore monocordiste, fondée sur le calcul des
proportions ?
Si cette seconde hypothèse est sans
doute, s'agissant de Rameau, la plus raisonnable - et si elle permet, par
contraste, de saisir l'originalité de d'Alembert - il demeure qu'elle ne fait
pas droit aux usages techniques des phénomènes de résonance dans le corps des
traités, au-delà des expériences qui ouvrent la Génération harmonique.
C'est l'importance d'une philosophie
de la perception au sein même de la théorie musicale des Lumières qu'il s'agira
alors de mettre en évidence.
9.
6 mai 2006
(10h-18h) : Journée Parsifal
(musique, cinéma, littérature et philosophie) avec Alain Badiou, Denis Lévy, François Nicolas,
Isabelle
Vodoz et Slavoj Zizek
––––––––––––––
2004-2005
POLYCOPIÉ Les exposés 2004-2005
du séminaire sont disponibles - en un polycopié pour
les élèves de l’Ens, - en deux volume (format
pdf) téléchargeables : |
Premier Semestre 2004-2005 |
Samedi
14 mai 2005
Journée Richard Wagner
avec Alain Badiou
Voir les enregistrements de la journée
par la Diffusion des savoirs
(Ens) à l’adresse suivante :
http://www.diffusion.ens.fr/index.php?res=conf&idconf=713 ]
La transcription
de cette journée est disponible à l’adresse suivante :
http://www.entretemps.asso.fr/philo/Wagner.htm
Voir également :
http://www.entretemps.asso.fr/philo/Wagner.pdf
Voir les exposés d’Alain Badiou (Séminaire
Musique et philosophie : 8 et 22 janvier 2005) :
De la dialectique négative dans sa
connexion à un certain bilan de Wagner
http://www.entretemps.asso.fr/Adorno/Badiou
ou
Pour tout
contact :
Gisèle
Vivance : 01 44 32 20 92
fnicolas [at] ens.fr