Saison 2016-2017 (Mamuphi-Babel-Entretemps)
Toutes
ces activités ont lieu à l’Ircam
le
samedi de 10h à 13h et de 15h à 18h en
salle Stravinsky
La musique et ses raisonances
(Babel, mamuphi, Entretemps)
(org. M. Andreatta et F. Nicolas)
Comment la musique résonne (et ses musiciens raisonnent) avec d’autres modes de pensée ? Avec les langues et la poésie (Babel), avec les mathématiques et la philosophie (mamuphi), avec la politique et la psychanalyse comme avec tout autre (Entretemps) ?
Il s’agira, dans cette formule globale, d’entrelacer, sous une unique formule mensuelle (huit samedis, de 10h à 18h, à l’Ircam, salle Stravinsky), les différents types d’affinité qui faisaient, depuis longtemps, l’objet de séminaires cloisonnés.
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Mamuphi |
Babel |
Entretemps |
8 octobre 2016 |
Musique | Mathématiques |
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12 novembre 2016 |
L’hétérophonie musicale comme
adjonction-extension ? |
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10 décembre 2016 |
« Forcing » |
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28 janvier 2017 |
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Musique & politique |
25 février 2017 |
Andrée Ehresmann and C° |
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29 avril 2017 |
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Hétérophonie 68 |
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27
mai 2017 |
Alexandre Grothendieck | Paul Cohen |
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Mamuphi (14°
saison)
(org. C. Alunni, M. Andreatta, A. Cavazzini et
F. Nicolas)
· 8 octobre 2016 : Musique | Mathématiques
· 10 décembre 2016 : « Forcing »
· 25 février 2017 : Travaux de « l’école Andrée
Ehresmann »…
· Attention :
Séance annulée ! 25 mars 2017 : « Les musiques
actuelles »…
· 27 mai 2017 : Alexandre Grothendieck [1]
| Paul Cohen [2]
Babel (5° saison)
(org. V. Anger, R. Di stefano, F. Nicolas et
O. Saccomano)
· 12 novembre 2016 : L’hétérophonie musicale comme adjonction-extension ?
· 29 avril 2017 : Hétérophonie
68
Entretemps (19° saison)
(org. A. Cavazzini et F. Nicolas)
· 28 janvier 2017 : Musique et politique (2) - Formalisations musicales de pratiques
politiques ?
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Pour tout contact:
– Charles Alunni : alunni [at] ens.fr
– Moreno Andreatta : andreatta [at] ircam.fr
– Violaine Anger : v.anger [at] wanadoo.fr
– Andrea Cavazzini : andreacavazzini [at] libero.it
– Rudolf di Stefano : solrudolf [at] orange.fr
– François Nicolas : fnicolas [at] ircam.fr
– Olivier Saccomano : saccomano [at] duzieu.net
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8 octobre 2016 (Mamuphi )
Musique & philosophie
· Frederico Lyra – Brésil : Urgence, Fatalisme, Improvisation [3]
· Frédéric Maintenant – Iris ou les
chemins de traverse entre Miles Davis et Wayne Shorter
Mathématiques
· Yves André – « Quels sont
vos grands auteurs? » Réflexions sur l’écriture et le style en
mathématique
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12 novembre 2016 (Mamuphi - Babel)
L’hétérophonie musicale comme adjonction-extension ?
·
Martín González - Hétérostylisme et extension par double adjonction, à
la lumière de la géométrie contemporaine [4]
·
François Nicolas - Composer des hétérophonies [5]
[ vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=6lhHdFqaQqk ]
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10 décembre 2016 (Mamuphi )
Armand
Hatchuel [6] - Forcing
et théorie de la conception (théorie C-K) : un modèle du raisonnement créatif [7]
[ diapositives ]
[vidéo :
https://www.youtube.com/watch?v=BZ6Ger4nNVw]
*
28 janvier 2017 (Entretemps)
Musique et politique : Formalisations musicales de pratiques politiques [8]
· Laurent Feneyrou - « Neue Linke et création musicale » [9]
· François Nicolas - « La leçon Barabbas : pourquoi la musique ne saurait formaliser l’antagonisme politique » [10]
· Mariem Hazmoune - « L’œuvre apolitiquement politique de Luciano Berio » [11]
· Frederico Lyra - « L'improvisation, ou la fragilité de la forme en musique et en politique. Une lecture à partir de deux aphorismes d’Adorno. » [12]
*
25 février 2017 (Mamuphi)
Autour d’Andrée Ehresmann
Journée soutenue par l’IRCAM et l’ANR DeSciTech
· Andrée Ehresmann : Questions sur les Systèmes Evolutifs à Mémoire
· René Guitart : Axiomes pour des logiques spéculaires
· Mathias Béjean : Réflexions sur la formalisation des méthodes de création
*
29 avril 2017 (Babel)
Les enjeux du projet Hétérophonies/68 [13]
·
Marie-José Malis : Ouverture
[vidéo]
·
François
Nicolas : Variations hétérophoniques
sur l’idée de révolution [14]
·
Rudolf di
Stefano : Cinématographe
& année(s) 68 [15]
·
Éric Brunier : Le
collage dans le tableau [16]
·
Jérôme Guitton : Hétérophonie
poésie et mathématique [17]
·
Jacques Guiavarch et Nicolas
Neveu : Rhésus, expérience
hétérophonique [18]
o
Jacques Guiavarch : Du côté du collectif
o
Nicolas Neveu : Du côté de la mathématique
*
27 mai2017 (Mamuphi)
Alexandre Grothendieck | Paul Cohen
·
Raphaël Hirst : Quelques aspects philosophiques
de l’œuvre non-mathématique d’Alexandre Grothendieck [19]
[pdf]
·
Mathias Béjean et François Nicolas : La théorie du forcing par Paul
Cohen (ses enjeux, sa méthode et ses démonstrations) [20]
o
François Nicolas : Théorie du forcing par Paul Cohen [pdf]
***
[1] Un éclairage sur l’œuvre philosophique d’A. Grothendieck (Récoltes et Semailles, les Portes sur l’Univers, La Clef des Songes, Notes pour la Clef des Songes)
[2] Présentation détaillée du théorème sur le forcing
[3] Pour essayer de dégager une première orientation (ou désorientation?) dans un contexte où le futur ne semble nous donner ni signes, ni perspectives, cette communication voudrait, à travers le prisme du Brésil - cet (ex-)pays du futur - mettre en rapport trois concepts développés par différents philosophes et musiciens: celui d’Urgence (par le philosophe brésilien Paulo Arantes), celui de Fatalisme (par le philosophe allemand Frank Ruda), et enfin celui d’improvisation musicale (tel que formulé par les musiciens nord-américains Steve Coleman et Steve Lacy et tel qu’examiné par T. W. Adorno).
[4] Martín González, mathématicien, nous exposera le matin le processus cumulatif de deux adjonctions successives en géométrie algébrique contemporaine :
la première étend les variétés algébriques en schémas par adjonction de nilpotents (opérant sur la notion d’intersection) ;
la seconde étend ces schémas en champs dérivés selon cette fois une adjonction d’un type nouveau : « l’adjonction double » (opérant simultanément sur les notions d’intersection et de quotient).
Il détaillera la pensée mathématique à l’œuvre dans ce mouvement : enjeux, méthodes, résultats.
Il enchaînera sur les possibles raisonances de ce travail mathématique vers la musique (Martín González est également musicien) en examinant comment les différentes structurations géométriques d’une variété topologique donnée (qui opèrent en arrière fond du travail d’extension présenté ci-dessus) peuvent éclairer les différentes structurations musicales susceptibles de s’emparer de topologies purement sonores.
Il conclura sur la proposition d’une notion d’hétérostylisme susceptible, selon lui, de fixer la nécessaire pluralité à l’œuvre dans « l’adjonction double » précédente, autant dire sur la nécessaire pluralité des structurations géométriques/musicales aptes à métamorphoser les espaces topologiques/sonores.
[5] François Nicolas, compositeur, nous exposera l’après-midi la manière dont, selon lui, l’hétérophonie musicale peut aujourd’hui être adjointe à l’antique polyphonie en sorte d’étendre à de tout autres échelles les collectifs musicaux venant peupler les compositions.
Il exposera une manière particulière d’opérer cette rupture sur l’exemple concret des ricercares polythématiques de Frescobaldi.
Il conclura sur les raisonances idéologico-politiques de cette orientation sous l’hypothèse que les peuples du monde sont les lieux mêmes de la politique internationale d’émancipation qu’il s’agit aujourd’hui de promouvoir.
[6] MinesParisTech/PSL - Research
University - Chaire de théorie et
méthodes de la conception
[7] Avec les théories récentes de la conception et notamment la théorie C-K, on a pu caractériser et étudier des modèles du raisonnement créatif dans de nombreux univers empiriques.
Dans le domaine de la logique mathématique, on peut aussi relire le Forcing de Paul Cohen comme une théorie de la conception dans le monde de la théorie des ensembles. La correspondance étroite entre Forcing et Théorie C-K (Hatchuel, Weil et Le Masson 2013 [7]) souligne en particulier les relations entre les notions d'indécidabilité, d'indépendance et d'expansion des connaissances dans la construction du raisonnement créatif. Il en résulte notamment que les modèles de la production des connaissances, ainsi que ceux de l'apprentissage, sont dépendants de modèles implicites du raisonnement créatif.
On évoquera les pistes de recherche et les implications épistémologiques qui peuvent découler de ces propositions.
[8] Sans remettre en
question l’autonomie (relative) de la musique (par laquelle elle échappe aussi
bien, à « droite », à la tour d’ivoire qu’à « gauche » à la
pure fonctionnalité « au service de… »), peut-on envisager que la musique
formalise quelques dimensions de la pensée et de l’activité politiques?
[9] Après la tentative d’assassinat de Rudi Dutschke et après les incendies criminels des magasins de Francfort en 1968, alors que Hans Werner Henze livre un Radeau de la méduse dont la création est interrompue par l’intervention des forces de l’ordre, Helmut Lachenmann compose Air, musique pour grand orchestre avec percussion soliste, où il est fait usage de pistolets, et Pression, pour un violoncelliste, tout en rédigeant ses premiers développements théoriques sur la notion de refus, non loin de Herbert Marcuse, et sur celle de « musique concrète instrumentale ».
Ce corpus est l’objet de notre intervention.
[10] Il s’agira d’interroger le « et » qui cheville l’intitulé « Musique et politique ». On le fera sous les deux hypothèses suivantes :
1. le réel de cette conjonction est d’être disjonctif ;
2. l’impossible de la musique, qui la disjoint radicalement de la politique, tient à l’impossibilité pour une œuvre musicale de formaliser les contradictions antagoniques, celles-là même qui constituent pourtant la pierre de touche d’une politique réellement existante – comme l’époque actuelle le prouve à loisir, sans contradiction antagonique entre deux politiques (au moins), pas réellement de politique !
On examinera, à la lumière de ces hypothèses, différentes œuvres musicales, commençant par le « Barrabas ! » de la Passion selon St Matthieu, continuant par Wagner, Schoenberg, Prokofiev et Darasse-Badiou (Antagonisme, 1964), pour terminer par le final du Requiem de Zimmermann.
On verra ainsi que, si la musique ne peut en effet formaliser ce qui « antagonise » réellement deux politiques, elle peut cependant figurer certains affects d’une politique engagée dans un antagonisme donné. Mais figurer n’est pas formaliser !
On en déduira que la musique ne saurait formaliser que les contradictions non antagoniques (soit, politiquement, les contradictions dites au sein du peuple).
Si formaliser ainsi la composition interne des différents collectifs susceptibles de faire peuple, c’est bien formaliser le cœur même du travail politique émancipateur, cependant l’incapacité de formaliser l’inscription de ces collectifs dans un véritable antagonisme politique fait courir un péril inévitable à cette formalisation : celui d’une simple idéologisation (ou d’un pur « formalisme ») du processus concerné tendant alors, en vérité, à le dépolitiser.
On en tirera la conclusion suivante : toute œuvre voulant rendre musicalement justice de quelque politique d’émancipation devra avoir l’intelligence et le courage d’autolimiter son discours.
[11] Cette communication s’articule autour de deux points.
On interroge, en premier lieu, ce qu’est la politique de la musique non-tonale — au delà de la représentation et de la signification, au delà également du langage et du matériau. La musique en tant que somme des rapports, les rapports en tant que finalité, devient son identification relativement tardive en tant qu’art esthétique.
En second lieu corolaire, s’interroger sur ce partage du sensible s’illustre par l’affirmation d’une politicité de l’œuvre ôtée de toute praxis de l’art et de tout engagement de l’artiste. C’est par la musique de Luciano Berio que s’y déploierait la manifestation d’une forme possible de cette politicité, celle-là même qui se cristallise dans les œuvres des années 1960, Laborintus II, Passaggio, A-Ronne, etc.
Les traverser permettrait ainsi de percevoir deux catégories esthétiques et politiques, l’informel de la répartition d’un matériau musical ressassé, et le commun, corrélat de la co-activité des voix et mise en scène du processus de l’égalité entre ces voix-sujets.
[12] Prenant deux aphorismes d’Adorno comme point de départ, il s’agira de questionner, à partir de la fragilité des formes dans la musique, notamment lorsqu’elle est improvisée, la fragilité actuelle des formes politiques.
Notre hypothèse de travail porte sur la question des décisions qu’il faut nécessairement prendre dans les deux pratiques.
Nous essayerons par là de trouver des rapports et des analogies entre ces deux pratiques intrinsèquement distantes que sont la musique et la politique.
[13]
L’idée d’hétérophonie vient de la musique (elle
s’y contrapose à celles de monophonie, d’homophonie, de polyphonie,
d’antiphonie et de cacophonie) où elle ambitionne de matérialiser un principe
inspiré d’Adorno : « La musique
a besoin d’hétérogénéité endogène pour rester art ». Parallèlement,
cette idée opère comme proposition pour d’autres arts : peut-elle stimuler
la verve créatrice et l’intellectualité propre du cinéma, de la poésie, du
théâtre, de la peinture, etc. ?
À
l’horizon du prochain cinquantenaire de Mai 68, nous voudrions élargir les raisonances extramusicales de cette idée
à la question suivante : peut-on relancer l’intellectualité politique de
la période 68 à la lumière de cette idée d’hétérophonie ? D’où, en retour
dialectique, cette autre question : comment réévaluer l’idée d’hétérophonie à l’ombre cette fois de la
notion idéologico-politique de révolution
telle qu’elle s’est renouvelée dans les années 60 ? L’hétérophonie, une
orientation « révolutionnaire » de type nouveau ?
En Mai 2018, une semaine sera consacrée au travail de ces questions. Un an avant, cette journée voudrait y introduire.
[14]
En quels
différents sens du mot révolution le
soulèvement de Mai 68, contemporain de la Révolution culturelle chinoise,
a-t-il pu se dire « révolutionnaire » ?
Quels rapports ces sens
idéologico-politiques ont-ils entretenus avec d’autres sens contemporains du
même mot dans les arts et dans les sciences ? À cet effet, on
examinera :
-
en musique « Révolutions musicales – La musique
contemporaine depuis 1945 » de Jean-Yves Bosseur en 1979 ;
-
en mathématiques « Les nombres surréels » de D. E.
Knuth en 1974 où s’expose une extension (révolutionnaire) des nombres réels par
adjonction.
Au total, quelle convergence
polyphonique, quelle concurrence cacophonique et quelle juxtaposition
indifférente entre ces différentes conceptions de ce que révolution veut dire ? Autrement dit, si hétérophonie désigne bien un nouage de polyphonies, de cacophonies
et de collages, quelle hétérophonie de révolutions en cette fin des années
60 ?
[15]
En guise
de préparation à notre semaine Hétérophonies/68,
nous explorerons comment mai 68, et surtout les années qui ont précédé et suivi
cet événement, ont été pour le cinéma des années de bifurcation, comment par
exemple l’avènement d’une modernité cinématographique a coïncidé avec ce moment
où la politique prenait un tournant singulier.
Tous les films n’ont pas été
contemporains de la même manière à ce qui se jouait politiquement dans ces
années-là. Nous interrogerons donc les différentes voi(x)es cinématographiques
qui existaient — groupe Medvedkine,
groupe Dziga Vertov, cinéma
expérimental…— et les éventuels rapports « hétérophoniques » qu’elles
entretenaient entre elles.
Mais nous orienterons surtout notre
regard vers la production cinématographique actuelle, celle qui assume, voire
qui revendique une fidélité à ce cinéma-là, à un cinéma qui ne sait pas rester
indifférent à ce champ de connaissance spécifique qu’est la politique.
[16]
La notion d’hétérophonie se laisse facilement entendre comme une
forme de collage. Mais que recouvre exactement cette analogie ? A-t-elle
un pouvoir heuristique ou est-elle plutôt un obstacle ? On verra que dans
la pratique des peintres la notion de collage est elle-même disparate, qu’il
n’y a pas une mais des pratiques du collage. À partir d’exemples modernes, on
tentera de dialectiser cette notion, notamment à partir de l’opposition
primitive de la couleur et du trait.
[17]
Quelle fertilité poétique
dans la notion musicale d’hétérophonie ? Elle enjoint à se mettre à la
hauteur d’un certain traitement de l’hétérogénéité: l’hétérogénéité des voix
est fondée sur leur responsabilité vis-à-vis d’elles-mêmes, sur la capacité à
porter leurs propres conséquences, avant de poser la question de leur
composition.
Je tiendrai deux
hypothèses:
1. Dans le cas d’un poème,
plutôt que de voix, on partira des discours autonomes; par exemple, des
discours mathématiques et poétiques.
2. La composition de deux
discours s’articulera autour des points de réel que l’un révèle à l’autre. Le
tombé pile d’une théorie mathématique vient, dans un poème, montrer un point
que le poème ne peut pas atteindre par ses moyens, et l’invite à faire
fructifier cet impossible.
Ces deux hypothèses seront
testées par une découverte poétique de la théorie de la démonstration. Puisque
nous sommes dans une journée d’étude, la forme hétéro-dialectisante de cette
découverte ne fermera pas la discussion : il faudra pouvoir questionner les thèses qui
auront été avancées sur le chemin. Dit autrement, la singularité du discours
poétique ne devra pas constituer une diversion.
[18]
Rhésus
est un spectacle vivant, inabouti, intriquant quatre lignes (danse, musique,
écriture et mathématique) travaillant en simultané. C’était ainsi une
expérience hétérophonique sans-le-savoir. Maintenant que nous le savons,
et puisque nous le reprendrons pour mai 2018, il s’agira ici de réinterroger
notre « dispositif » à la lumière de ses propres enjeux
hétérophoniques.
On fera ensuite le point sur
la ligne mathématique de Rhésus, sous la forme d’une traversée en
accéléré, avec arrêts sur image, arrêts sur diagramme, et dépli d’un ou deux
moments névralgiques de ce qui en constitue le discours sous-jacent. Ceci afin
de mieux donner à entendre la question commune qui travaille le collectif de Rhésus :
la continuité.
Quelques aspects philosophiques de l’œuvre non-mathématique
d’Alexandre Grothendieck
Raphaël Hirst
Après avoir présenté les
principaux textes non-mathématiques d’Alexandre Grothendieck, écrits entre 1983
et 1988, je tâcherai d’en montrer les aspects pertinents du point de vue
philosophique.
Puisqu’il n’était pas
philosophe de formation, cet exercice peut paraître périlleux : sa culture
philosophique semble loin d’être suffisante pour y pressentir un contenu riche
selon les canons universitaires, et il serait abusif de s’appuyer sur sa seule
notoriété en tant que mathématicien. Néanmoins, s’il ne présente pas un système
abouti, les thèmes abordés dans ses œuvres recoupent un certain nombre de
questions qui intéresseront les philosophes : qu’il parle de la création
mathématique, des conflits éthiques qui se traduisent concrètement dans les
relations sociales ou encore du Dieu qu’il nomme le Rêveur, ses idées ne
demandent qu’à être étudiées par-delà le monde des mathématiciens. Aussi, la
structure minutieuse de ses écrits et leur style caractéristique se prêtent à
une analyse littéraire qui attend d’être faite.
En arpentant l’œuvre de
Grothendieck, on remarque certains thèmes récurrents : le conflit, la
force créative, la dynamique du Yin et le Yang, la psyché, le travail, le
langage, entre autres. S’il s’aventure parfois vers le mysticisme, il ne faudra
pas hésiter à l’y suivre car sa pensée reste cohérente – d’autres avant lui ont
suivi cette voie.
Certes, un travail doit
être fait sur les textes pour en faire ressortir des concepts et des
thèses ; je proposerai plusieurs angles d’interprétation en suivant une
partition par domaines (éthique, esthétique, épistémologie, mysticisme,
politique, métaphysique), parfois en allant jusqu’au détail du texte ou en y
renvoyant, d’autres fois en montrant les rencontres entre Grothendieck et la
philosophie contemporaine, mais surtout en me gardant de le trahir par des
calques artificiels.
Il en résultera un
programme de travail qui gagnera beaucoup à être discuté avec l’audience.
La théorie du forcing par Paul Cohen :
ses enjeux, sa méthode et ses démonstrations
Mathias Béjean et François Nicolas
Pour paraphraser Cavaillès, comprendre
le geste de pensée enchâssé dans la théorie de Cohen, c’est attraper ce geste -
en comprenant les démonstrations qui le tracent - en sorte de pouvoir le
continuer (pour nous, en imaginant de possibles raisonances mamuphiques).
Cette théorie invente une nouvelle
modalité d’adjonction-extension : une adjonction générique de modèle là où
Dedekind avait mis en œuvre une adjonction algébrique
de corps.
Adjonction-extension - L’adjonction-extension révolutionne une situation
de départ en y ajoutant, en intériorité, des éléments d’un nouveau type
(engendrés par de nouvelles opérations immanentes) en sorte d’aboutir, par
interaction généralisée, à une nouvelle situation considérablement étendue qui
préserve la situation de départ comme domaine particulier et restreint du
nouveau monde, comme une sorte de réserve d’ancien régime. Ici, rompre
radicalement et globalement, ce n’est plus détruire pour reconstruire, ou
délaisser pour se déplacer et édifier ailleurs, mais adjoindre pour étendre et
projeter l’ancien monde en un monde élargi à très vaste échelle par
prolifération endogène d’éléments inédits.
Générique - La nouvelle adjonction-extension de Cohen passe par
la création d’une partie générique (c’est-à-dire quelconque, sans
particularités, incognito et défiant toute délimitation identitaire) dont la
composition interne comme les effets globaux vont rester finement contrôlés de
l’intérieur même de la situation de départ : le travail du générique peut
donc être minutieusement dirigé, au plus loin de sombrer dans l’indistinct d’un
« n’importe quoi » et dans la confusion d’un « peu
importe ». Au demeurant, cet ajout générique est destiné à demeurer tel
dans la situation d’arrivée : sa qualité d’indiscernable ne tient donc pas
à quelque variable cachée qui, par dévoilement, avouerait ensuite une identité
dissimulée ; cette qualité de générique est résolument affirmative,
nullement par défaut, et elle continue de féconder la nouvelle situation
qu’elle a engendrée.
Forcing - L’invention d’une relation de « forçage »
autorise une rationalité a priori des effets attendus : la révolution du
domaine, loin d’opérer en aveugle, se déroule éclairée pas à pas selon une
intelligence anticipante en sorte que le générique s’avère dispenser une
lumière, forçant la dissipation d’un conformisme identitaire qui rétrécissait
drastiquement les horizons de pensée. On soulignera au passage l’impossible
propre de cette opération : le réel du forçage est de ne pouvoir forcer le
travail du négatif (le forçage de la négation est remplacé par un non-forçage
de l’affirmation). Ainsi, le forçage concerne les affirmations ou il n’est pas.
Formalisation - Point important de méthode : pour ce faire, la
pensée doit miser sur la puissance propre de la formalisation, vérifiant ainsi
que penser, c’est formaliser, et que formaliser, c’est penser. L’invention
repose en effet ici sur la transformation d’une syntaxe formelle en grammaire
(les choses que les mots de la syntaxe vont venir sémantiquement nommer seront
d’autres mots, tout comme le font les mots spécifiques d’une grammaire -
verbes, adjectifs, préfixes…) : le « formel » ne constitue donc
nullement la part morte et le déchet inerte de la pensée mais bien une source
rationnelle instituant un discours apte à préfigurer hic et nunc (à
« forcer ») les effets à venir de la révolution en cours.
On conclura sur différentes raisonances de cette nouvelle manière de
penser les ruptures radicales.
Petite bibliographie mamuphique
· Mathématiques : Paul J.
Cohen - Set Theory and the Continuum
Hypothesis (Mathematics Lecture Note Series, 1966)
· Philosophie : Alain
Badiou - L’être et l’événement
(Seuil, 1988)
· Musique :
François Nicolas - Raisonance musique & mathématiques :
pour mieux comprendre l’aura poétique engendrée par l’œuvre musicale composite,
in Le monde-Musique, Tome IV,
chapitre II (Aedam musicæ, 2016)
· Séminaire
mamuphi
o
François Nicolas - Un modèle inattendu
d’adjonction-extension : la constitution d’une grammaire arabe au VIII°
siècle (mamuphi 5 décembre 2014, Ircam)
o
François Nicolas - Composer des
hétérophonies (mamuphi 12
novembre 2016, Ircam)
o
Armand Hatchuel - Forcing et
théorie de la conception (théorie C-K) : un modèle du raisonnement créatif (mamuphi 10 décembre 2016, Ircam)