Composer des hétérophonies

(Séminaire Babel, samedi 12 novembre 2016, 15h-18h – Ircam)

[ vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=6lhHdFqaQqk ]

François Nicolas

Un enjeu : thématiser une notion d’hétérophonie musicale (distincte de la catégorie musicologique homonyme [1]) qui puisse engager la composition dans une Terza pratica [2] par adjonction-extension de cette notion aux pratiques existantes. Autrement dit, affirmer, contre l’idéologie millénariste actuelle [3], qu’il est possible d’échapper au dilemme d’un contemporanéisme présentiste [4] et d’un traditionalisme passéiste [5] en dégageant la voie d’une nouvelle modernité. [6]

Pour s’engager musicalement dans une telle direction, il nous faut réexaminer les questions compositionnelles sur lesquelles le sérialisme a échoué [7] au mitan des années 60 [8] comme celles, plus antérieures, qui sont aujourd’hui susceptibles d’extension. L’hypothèse de travail ici proposée est de repartir de la notion multiséculaire de polyphonie, notion que le sérialisme a essentiellement traitée sous l’angle du contrepoint [9], pour étendre les collectifs de voix musicales à de nouvelles échelles hétérophoniques.

Deux tournants dans une recherche en cours [10].

• Tournant 1 : viser un hétérogène musical et non plus lingual.

J’ai engagé une telle recherche sous le signe d’un aphorisme d’Adorno : « L’art a besoin de quelque chose qui lui est hétérogène pour devenir art. » Musicalement réinterprétée de cette manière - « La musique a besoin de quelque chose qui lui est hétérogène pour rester art » -, j’ai cherché l’extension artistique souhaitée du côté d’une adjonction linguale [11]. Diverses expériences me conduisent à abandonner cette voie et à privilégier désormais un hétérogène qui ne soit pas musicalement exogène (comme le lingual peut l’être par rapport au musical), un hétérogène qui soit donc musicalement endogène et dont le nom est hétérophonie. [12]

• Tournant 2 : viser une hétérophonie musicale qui soit un lieu dialectique global plutôt qu’un terme particulier dans une dialectique plus générale.

Puisque penser l’hétérophonie, c’est la formaliser [13], il faut formaliser les oppositions dont hétérophonie va être le nom [14]. Diverses tentatives [15] m’ont conduit à abandonner l’idée de situer l’hétérophonie comme terme opposé à cinq autres [16] pour privilégier une hétérophonie entendue comme lieu dialectique opposant six types de collectifs vocaux, distingués par leur relation constituante [17]. D’où une hétérophonie nouant (borroméennement [18]) polyphonies, cacophonies et collages selon le diagramme donné en annexe.

Une proposition compositionnelle : reprendre [19] d’anciennes polyphonies de la Renaissance en vue de les étendre par adjonction d’une telle hétérophonie.

On présentera à ce titre le projet compositionnel d’un Ricercare hétérophonique qui voudrait inscrire un pas de plus dans un long chemin personnel [20]. Plus précisément, il s’agit de repartir d’un type polythématique de ricercare qui a émergé au tout début du XVII° siècle [21] (on analysera pour ce faire quelques ricercares polythématiques de Frescobaldi [22]).

Adjoindre l’hétérophonie à un tel type de forme musicale passera par la scission de la notion de voix [23] : d’un côté la voix musicale au sens traditionnel (celui qui autorise, par exemple, de parler de ricercare à quatre voix individuelles) [24] et d’un autre côté la notion de √oix (entendue cette fois comme √oix d’un collectif). On esquissera une possible logique de développement [25] d’un tel ricercare hétérophonique [26] en soutenant que l’harmonie devra ici jouer un rôle essentiel [27].

Une raisonance idéologico-politique : cette notion musicale d’hétérophonie fait signe [28] vers une pensée à nouveaux frais de ce que peuple veut politiquement dire [29].

Il s’agit de repenser ce qu’unité politique du peuple peut vouloir dire [30] sous l’hypothèse suivante, renversant l’ancienne hiérarchie des contradictions : l’ennemi proprement politique (celui qui relève d’une contradiction « antagonique ») se caractériserait désormais comme celui qui se dresse contre l’unité politique du peuple [31]. D’où cette conséquence capitale : si l’unité politique du peuple est politiquement première, alors le cœur de la politique militante devient la réunion [32] et non plus la manifestation contre, la lutte frontale et l’assaut. Plus essentiellement, en cette orientation, le peuple s’avance comme le lieu même de la politique d’émancipation. [33]

Du point de notre raisonance, on fera alors la remarque suivante : à proprement parler, la musique ne connaît pas l’antagonisme [34] et travaille donc des « contradictions non antagoniques » [35]. On en conclura qu’il s’agit d’imaginer [36] une discursivité [37] hétérophonique qui soit l’analogue musical d’une réunion populaire entre √oix collectives faites de différentes voix individuelles en sorte que l’hétérophonie se constitue en lieu de musique.

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Hétérophonie = ?........................................................................................................................... 6

Premier constat personnel........................................................................................................... 6

Scissions de la notion de « voix ».................................................................................................. 6

Présentation................................................................................................................................. 7

Duelle (2001)............................................................................................................................ 7

Sillages (2005).......................................................................................................................... 7

Instress (2007).......................................................................................................................... 7

Didon & Énée (2014)............................................................................................................... 7

Cantate Sanctus Fructuosus (2016)........................................................................................... 7

Murs de Gaza (2013) – Hétérophonie presto (2016)................................................................. 7

Analyses ?..................................................................................................................................... 9

Analyse de deux ricercares polythématiques de Frescobaldi.................................................. 9

Terzo............................................................................................................................................ 9

Nono............................................................................................................................................ 9

Pourquoi l’hétérophonie ?........................................................................................................... 9

Adjonction-extension................................................................................................................... 9

Adjonction d’hétérogène............................................................................................................. 10

Quel hétérogène musicalement endogène ?.................................................................................. 10

Deux hexagones pour l’hétérophonie...................................................................................... 10

L’ancien : hexagone des six voix – hétérophonie comme √oix.................................................. 10

Le nouveau : hexagone des six rapports....................................................................................... 10

Hexagone logique comme lieu d’une dialectique........................................................................... 11

Nouage borroméen...................................................................................................................... 11

Nouages................................................................................................................................... 11

Nouage borroméen.................................................................................................................. 11

Nouage par l’harmonie, non par le rythme.............................................................................. 12

Quotients................................................................................................................................ 12

Nouage dual des subcontraires ?................................................................................................ 12

Mon projet de Ricercare hétérophonique................................................................................ 13

Formation................................................................................................................................... 13

Un Ricercare analogue à une (bonne) réunion politique................................................................ 13

5 √oix d’une pentaphonie.......................................................................................................... 14

10 dialogues à 2 √oix............................................................................................................. 14

Possiblement 7 √oix d’une heptaphonie.................................................................................... 14

21 dialogues à 2 √oix............................................................................................................. 14

Raisonance idéologico-politique.............................................................................................. 15

Un renversement entre types de contradictions........................................................................... 15

Une nouvelle conception de ce qui fait « un » peuple.................................................................. 15

Un recentration du travail militant.............................................................................................. 15

mamuphi et politique : lieu….................................................................................................... 15

Hétérophonie = ?

Cf. exposé au groupe d’études Hétérophonie  68 (20 juin 2016) : Penser la notion musicale d’hétérophonie à la lumière de la catégorie politique de peuple et à l’ombre du concept philosophique de dialectique (http://www.egalite68.fr/Heterophonie68/musique/Heterophonie-musicale.htm)

J’y ai examiné trois types de notion d’hétérophonie :

- une notion philosophique chez Platon (Les Lois) ;

http://www.egalite68.fr/Heterophonie68/musique/Platon.htm

- la notion musicologique – venue de l’ethnomusicologie ;

http://www.egalite68.fr/Heterophonie68/musique/Musicologie.htm

https://www.youtube.com/watch?v=3Xq61wJNFJI

https://www.youtube.com/watch?v=LLqEvEgKOcc

- des notions musiciennes d’hétérophonie, implicites ou explicites :

· implicites chez :

ü Schoenberg (la voix du Buisson ardent dans Moïse et Aaron)

http://www.egalite68.fr/Heterophonie68/musique/Schoenberg.htm

ü Messiaen (l’Épode de Chronochromie)

http://www.egalite68.fr/Heterophonie68/musique/Messiaen.htm

ü Berio (la voix hétérophonique de Sequenza III)

http://www.egalite68.fr/Heterophonie68/musique/Berio.htm

· explicites chez :

ü Kagel (Heterophonie, 1959-1961)

http://www.egalite68.fr/Heterophonie68/musique/Kagel.htm

ü Boulez (Penser la musique aujourd’hui)

http://www.egalite68.fr/Heterophonie68/musique/Boulez.htm

Existe aussi une quatrième notion d’hétérophonie, proprement acoustique, où « phonie » renvoie à « son » plutôt qu’à « voix » : cf. travail des plasticiens sonores tel Bruno Guiganti (numéro 11 de la revue Synesthésie en 2003) : usage plastique du son…

Il faut décider, moins choisir qu’inventer, qu’ajouter (pour pouvoir ensuite adjoindre…)

Rappel : adjoindre est plus qu’ajouter. Ajouter, c’est coller à côté, c’est supplémenter en juxtaposant : l’ancien n’est pas alors remanié, refondu, repris. Adjoindre, c’est ajouter pour recomposer tout l’ancien avec cet ajout, c’est faire interagir tout l’ancien avec l’ajout, c’est donc bouleverser l’ancien en le plongeant dans une extension d’une tout autre échelle, une extension qualitative…

D’où : quelle notion d’hétérophonie dégager, soutenir, mettre au travail ?

Premier constat personnel

Depuis longtemps, je pratique un type personnel d’hétérophonie sans l’avoir formulé comme tel.

Cf. implicitement :

- Duelle (2001)

- Sillages (2005)

- Instress (2007)

Explicitement :

- Didon & Énée (2014)

- Cantate (hétérophonique) Sanctus Fructuosus (2016)

+ Exercices vidéo avec Rudolf di Stefano pour séances Qui-vive : Murs de Gaza (2013), Hétérophonie presto (2016)

Scissions de la notion de « voix »

1. Interpréter « phonie » comme « voix » et pas comme « son ».

2. Prendre « voix » au sens musical et pas vocale (elle n’est pas nécessairement celle d’un chant humain) ni instrumentale (un même instrument à clavier peut entrelacer plusieurs voix musicales : celui qui autorise, par exemple, de parler de ricercare à quatre voix individuelles.

3. Scinder cette notion musicale de voix : d’un côté la voix musicale traditionnelle (au sens précédent) et d’un autre côté la notion de √oix (entendue cette fois comme √oix d’un collectif).

Présentation

Duelle (2001) : cadence de la Timée

4 √oix avec 10 voix :

https://www.youtube.com/watch?v=SHwk3pzTXbY&list=PLfaS0zIQOD6RI_IZCBWgkweT8q4mByj93

Sillages (2005)

2 √oix avec soliste & orchestre

Instress (2007)

3 √oix avec 5 voix :

https://youtu.be/06HrmySS6TE

Didon & Énée (2014)

3 √oix (dont un chœur babélien) avec 4 voix :

https://www.youtube.com/watch?v=cFjq1o05Wic&list=PLfaS0zIQOD6RI_IZCBWgkweT8q4mByj93

Cantate Sanctus Fructuosus (2016)

3 √oix : l’une monophonique (ténor), la seconde polyphonique (un chœur à 4 voix), la troisième hétérophonique (un grand orchestre).

Murs de Gaza (2013) – Hétérophonie presto (2016)

- Murs de Gaza : 18 voix

http://www.dailymotion.com/video/x4ibfnz_murs-de-gaza-photos-de-taysir-batniji-heterophonie-de-francois-nicolas_music

- Hétérophonie presto : 5 √oix (dont l’une est un chœur babélien de 6 langues, une autre une antiphonie de deux chants monophoniques, une troisième une polyphonie de Bach…) aux très nombreuses voix

http://www.dailymotion.com/video/x51t99f

Analyses ?

– Un chœur babélien peut constituer une √oix d’une hétérophonie musicale (c’est le cas dans Hétérophonie presto).

– La coexistence et la compatibilité produit (cf. Duelle) des points [38] hasardeux de rencontre-croisement. d’où cette idée importante : l’hétérophonie donne droit à de telles rencontres hasardeuses que ne connaît guère la polyphonie, l’antiphonie (et bien sûr la monophonie et l’homophonie). De telles rencontres hasardeuses existent aussi dans le collage et dans la cacophonie mais elles n’y sont pas traitées (ou traitables) de la même manière : dans la cacophonie, ces points de rencontre sont des points de conflit ; dans le collage, ces points sont statiques et ne sont pas promis à une dynamique interne.

– Ces hétérophonies travaillent la compatibilité mais pas le développement, la discussion, les échanges et donc n’aboutissant pas à une transformation (si ce n’est Instress qui se termine sur une homophonie !).

– Il y a déjà ici à l’œuvre un tressage parenthésé [39] car les sorties de voix/√oix ne sont pas identiques aux entrées dans mes compositions écrites (cf. Duelle, Sillages, Instress – Cantate ? Didon ?) ; elles le sont par contre dans les « Collages » pour Qui-vive.

Analyse de deux ricercares polythématiques de Frescobaldi

Terzo

à 4 voix et 3 thèmes successifs

θ1 – divertissement - θ2+θ1 - divertissement – θ3+θ2+θ1 - divertissement – récapitulation

https://www.youtube.com/watch?v=JJYXBOtqeNo

https://imslp.org/wiki/Special:ImagefromIndex/82230

Nono

à 4 voix et 4 thèmes initiaux

https://www.youtube.com/watch?v=pVPYHe2MkTk

Les thèmes ne restent pas attachés à leur voix de départ. Ils circulent entre les voix, ils sont mis en commun et non pas réservés à chaque voix.

Leur récapitulation finale les superpose en un nouvel ordre :

Logique de tresse polyphonique !

Pourquoi l’hétérophonie ?

Adjonction-extension

Voir mes précédents exposés mamuphi

Un modèle inattendu d'adjonction et d'extension : la constitution d'une grammaire arabe au VIII° siècle (décembre 2014)

Raisonances hétérophoniques entre adjonctions

et ce matin Martin Gonzalez…

Adjonction d’hétérogène

« L’art a besoin de quelque chose qui lui est hétérogène pour devenir art. » Adorno

⟹ « La musique a besoin de quelque chose qui lui est hétérogène pour rester art »

Première hypothèse : celle d’un hétérogène exogène et choix alors du lingual

Transformation désormais vers un hexogène endogène ⟹ « La musique a besoin de quelque hétérogénéité endogène pour rester art. »

Quel hétérogène musicalement endogène ?

L’hétérophonie !

Deux hexagones pour l’hétérophonie

L’ancien : hexagone des six voix – hétérophonie comme √oix

Soit l’hétérophonie comme √oix possible (et peut-être même voix).

Hexagone des six √oix

Ainsi ma Cantate est à trois √oix :

- une voix-√oix monodique (ténor) ;

- une √oix polyphonique (chœur) ;

- une √oix hétérophonique (orchestre)

Ici, les √oix se distinguent par leur type interne de multiplicité : avec « un » générateur (mono-homo-poly-anti) ou sans (caco-hétéro), avec unicités ou non, avec totalisation (mono-homo-poly) ou non…

Le nouveau : hexagone des six rapports

Trois modifications :

1. La différenciation se fait cette fois par le type de rapports entre collectifs vocaux.

2. Ajout du collage

3. L’hétérophonie n’est plus un sommet de l’hexagone mais le lieu même ‘hexagone’ c’est-à-dire, comme on va le voir, le nœud (borroméen) que cet hexagone constitue.

Hexagone de l’hétérophonie comme lieu de solidarité entre différents types de collectifs vocaux

Hexagone logique comme lieu d’une dialectique

1) Dialectique à trois termes et non plus à deux

Le troisième terme n’est pas médian (Aristote !) – intermédiaire – ni subsumation synthétique (résolution dialectique de la contradiction des deux premiers). Il élargit l’espace de pensée : tant celui des termes (2→3⟹6) que celui des relations dialectiques entre ces termes.

2) Dialectique supérieure de trois types d’oppositions : contradictions, contrariétés, subcontrariétés.

3) Dualité interne (6=2*3) entre contrarités et subcontrariétés.

L’hexagone est la somme fibrée de deux triangles : 3 contraires ⨁ 3 subcontraires

4) Nouages : l’un borroméen (celui des trois contraires en bleu) ; l’autre (celui des trois subcontraires en vert) : quel type ?

Nouage borroméen

Nouages

Que veut dire nouer ? Rendre solidaire (on ne peut détacher l’un de l’autre) : corréler sans coller.

Chaque brin garde son autonomie relative (de mouvement) mais sa forme est affectée par le nouage – Guitart a démontré que le nœud borroméen ne peut s’effectuer avec des ronds « plats » (inclus dans un plan : des anneaux métalliques ordinaires). Il faut une torsion interne de chaque brin pour que le nouage puisse s’opérer.

Donc nouage = déformation interne + solidarité relative + autonomie relative

Nouage borroméen

Lacan a distingué trois modalités du nouage RSI :

- la part imaginaire du nouage conçoit la similitude des trois brins ou ronds (précisément en posant que leur diversité reste subsumable sous la forme commun de brin ou rond) ;

- la part symbolique du nouage distingue les trois brins (des lettres RSI, ou de couleurs) ;

- la part réelle du nouage concerne le réel de la solidarité ainsi instaurée.

Pour nous, la question est surtout celle du réel du nœud : le rapprochement (imaginaire) et la distinction (symbolique) entre coopération-concurrence-indifférence ne posent guère de problèmes. Ce qu’il s’agit de penser, c’est ce que veut dire de les nouer hétérophoniquement.

- Cela veut dire d’abord de les rapporter sans les homogénéiser, sans les rendre « semblables » - on dira qu’il s’agit ici de préserver la part S du nouage.

- Cela veut également dire qu’il s’agit de les rapporter sans non plus dissoudre leur valeur partagée de √oix : on doit continuer d’entendre leur similitude et donc pouvoir les compter comme 1+1+1=3 - on dira donc qu’il s’agit ici de préserver la part I du nouage.

- Reste le réel de leur nouage, de leur « solidarisation ».

Le point musicalement important – je rappelle : nous pensons une hétérophonie musicale, pas générale – est que cela ne peut simplement s’obtenir par superposition, c’est-à-dire par simple empilement : cela donnerait soit la concurrence sonore d’une cacophonie (comme dans la sinistre Fête-de-la-muzak), soit l’indifférence d’un collage.

Il faut donc une interdépendance, une forme de solidarité qui ne soit pas non plus la coopération de la polyphonie. Il y a donc une double négation (les brins ne sont plus indépendants) et une affirmation (les brins sont relativement solidaires) qui excède la simple coexistence et qui cependant n’atteint pas celle d’une coopération.

L’hétérophonie comme interdépendance et solidarité qui est plus qu’une simple coexistence et moins qu’une solidarité effective.

Nouage par l’harmonie, non par le rythme

Mon hypothèse : musicalement, ceci va se jouer dans la question harmonique.

D’où que l’hétérophonie peut permettre de relancer la question harmonique, abandonnée par le dodécaphonisme puis le sérialisme, et reprise dans une modalité plus sonore que musicale par le spectralisme car fondue alors en la question du Timbre.

J’appelle ici harmonie ce qui est susceptible d’une dialectique discursive propre – pas seulement juxtaposition de déploiements endogènes (modaux - voir Debussy – ou spectraux).

D’où la difficile question de la discursivité harmonique : peut-on la reprendre sans revenir à la fonctionnalité harmonique du système tonal ? Reprise en avant ?

Telle est ma « hantise harmonique ».

Pour moi, il y a solidarité (!) entre reprise hétérophonique de l’ancienne polyphonie et possible reprise d’une discursivité proprement harmonique.

En résumé, le réel du nouage hétérophonique s’attacherait musicalement à l’harmonie (et non pas au rythme).

On pressent les raisonances idéologico-politiques d’une telle proposition : le peuple comme harmonieuse solidarité des coopérations actives, des concurrences autolimitées et des indifférences pacificatrices.

Quotients

Un nœud : Hétérophonie = Polyphonies ∨ Cacophonies ∨ Collages

Trois quotients :

- Hétérophonie / Polyphonies = Cacophonies ∨ Collages

- Hétérophonie / Cacophonies = Collages ∨ Polyphonies

- Hétérophonie / Collages = Polyphonies ∨ Cacophonies

Exemples dans mes hétérophonies musicales déjà existantes ?

– Le quotient par les polyphonies : cf. Duelle – l’hétérophonie quotientée par les 4 types de polyphonies (les polyphonies des 4 pianos et des 4 violons et les monophonies du clavecin et de la flûte) oscille entre concurrence et indifférence.

– Le quotient par les cacophonies : cf. Instress – l’hétérophonie quotientée par les différents types de cacophonie entre les voix oscille entre indifférence et polyphonie.

– Le quotient par les collages : cf. vidéos Qui-vive – l’hétérophonie quotientée par les différents types de collages entre les voix oscille entre polyphonie et concurrence.

Nouage dual des subcontraires ?

Compatibilité 2 à 2, incompatibilité globale : chaque subcontraire est un « ou » entre deux contraires. Donc deux subcontraires ont un contraire commun qui inscrit leur compatibilité.

Les trois subcontraires n’ont aucun contraire commun et sont donc incompatibles.

Ici, c’est donc un nouage en creux (dual) car c’est l’absence d’un subcontraire qui attache (et non pas « noue ») les deux autres : s’il n’y a pas de monophonie individualiste, l’antiphonie interactive et l’homophonie de la coexistence sont attachées selon une polyphonie coopérative ; etc.

Mon projet de Ricercare hétérophonique

Festival Enesco – Bucarest, septembre 2017

Formation

5 √oix avec 25 voix

Mélodie – Harmonie – Rythme – Contrepoint – Flux

Un Ricercare analogue à une (bonne) réunion politique

	I	II	III	IV
Ricercare polyphonique et polythématique	Exposition	Divertissements	Récapitulation superposée
Fugue	Exposition	Divertissements	Strette	Coda
Ricercare hétérophonique	Exposition 1	Dialogues	Exposition 2	Coda
Réunion	Rassemblement	Discussions	Décision	Déclaration

5 √oix d’une pentaphonie

Mélodie – Harmonie – Rythme – Contrepoint – Flux

10 dialogues à 2 √oix

	H	R	C	F
M	mélodie harmonisée	mélodie dansante	contrepoint avec Cantus Firmus	enveloppe mélodique d’un flux
H		séquence harmonique bien rythmée (scandée)	choral	piliers harmoniques dans un flux
R			contrepoint de rythmes	flux strié
C				contrepoint noyé

M - M							M - M			M
H				H - H					H→	H
	R - R				R - R			F - F
		F - F
			C - C			C - C

1. [MH-MR : M-H/R] Une mélodie harmonisée devient dansante ;

2. [RM-RF : R-M/F] le rythme de la danse vient strier un flux

3. [FR-FC : F-R/C] lequel flux devient contrepoint noyé ou immergé ;

4. [CF-CH : C-F/H] le contrepoint devient choral

5. [HC-HR : H-C/R] qui devient scandé ;

6. [RH-RC : R-H/C] la séquence harmonique scandée devient contrepoint de rythmes

7. [CR-CM : C-R/M] qui devient contrepoint avec Cantus Firmus ;

8. [MC-MF: M-C/F] le Cantus Firmus devient l’enveloppe mélodique d’un flux

9. [FM-FH : F-M/H] lequel acquiert des piliers harmoniques

· [HF-HM- : H-F/M] qui reviennent harmoniser une mélodie…

Possiblement 7 √oix d’une heptaphonie

+ Lingual – Bruit

21 dialogues à 2 √oix

	H	R	C	F	L	B
M					texte chanté	mélodie grave/aigu sans hauteurs définies
H					mélodrame	harmonie bruiteuse ???
R					texte scandé	rythme de bruits
C					chœur babélien	contrepoint de bruits
F					Français	flux bruiteux
L						brouhaha

Raisonance idéologico-politique

Un renversement entre types de contradictions

antagoniques / non antagoniques

Une nouvelle conception de ce qui fait « un » peuple

non plus l’ensemble de ceux qui ont le même ennemi mais le lieu même de la politique : unir le peuple, ce qui n’est pas exactement dire l’unifier.

Un recentration du travail militant

La « bonne » réunion

mamuphi et politique : lieu…

Lien entre musique, politique, mathématiques et physique par la question du « lieu »

Cf. solidarité entre le lieu et les entités qui le peuplent :

- l’hétérophonie comme lieu et les voix qui la peuplent ;

- le peuple comme lieu et les composantes diverses qui le constituent ;

- le lieu géométrique et les entités qui le peuplent

- l’espace-temps et les matières-énergies qui le constituent…

Le lieu n’est plus un contenant, et les entités ne sont plus des contenus. Le peuple n’existe que comme unité de ses constituantes. Le lieu comme unité structurée des entités qui le peuplent.

Renversons ! ⟹ les voix sont un contenant (d’hétérophonie) et l’hétérophonie (qui les rapporte) est un contenu : l’hétérophonie est contenue par les voix qui la composent tout de même que ce que peuple veut dire (l’idée de peuple, mais aussi son effectivité) est contenu par les différentes composantes qui le configurent : c’est parce que chaque composante porte un point de vue sur ce que peuple que veut dire que le peuple existe bien comme tel, comme globalité.

Tout de même, c’est si chaque voix porte un point de vue sur ce que hétérophonie veut dire et n’est pas seulement dans le souci de prolonger sa propre existence que l’hétérophonie comme lieu global peut exister.

***

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[1] celle qui l’identifie à un flou dans l’homophonie  www.egalite68.fr/Heterophonie68/musique/Musicologie.htm

[2] ou seconde Renaissance, par reprise étendue de la Renaissance polyphonique

[3] celle, écologique (second Millénarisme oblige !), de la fin inéluctable du Monde (qui nous condamnerait au choix nihiliste entre différentes fins du monde) comme celle, mélancolique, d’une fin déjà actée d’un trop vieux monde-Musique (qui nous condamnerait au deuil du désir d’œuvre)

[4] celui d’une fuite en avant (qu’on pourrait dire « moderniste ») dans les techniques acoustiques, les performances sonores et les mixages audiovisuels qu’autorise l’informatique

[5] celui d’un retour au bercail tenu pour « naturel » du ton, du mètre et du thème

[6] Opposer à ce nihilisme un tel type d’affirmation implique sans doute une forme de foi c’est-à-dire de pari (le pari comme rationalité subjective de l’incertain, contre la croyance en un avenir objectivement assuré) : Lucien Goldman posait à ce titre que toute foi est un pari sur une capacité de transcender l’individu (ce qui, bien sûr, n’est pas dire une transcendance). Acceptons donc de parler de foi-pari en l’humanité, ou de foi-pari en la musique, c’est-à-dire somme toute de conviction qu’il est possible de sortir rationnellement et collectivement par le haut (par « extension ») des désorientations et saturations actuelles et assumons qu’un pari gagné est un pari tenu avec rigueur jusqu’au bout quand un pari perdu n’est qu’un pari qui n’a pas continué, un pari cédé.

[7] Dans le travail de la pensée, la mise en évidence d’une impasse constitue un « échec » fructueux puisqu’elle permet de réorienter le travail ultérieur vers des directions instruites des limites qu’il a bien fallu explorer pour en prendre mesure.

[8] Il conviendrait ici de repartir, en musique comme en politique, de la décennie 65-75 et, entre autres, de relire le travail théorique d’Henri Pousseur engagé sous les signifiants « musique & société ».

[9] d’un contrepoint qu’on dira oblique pour indiquer qu’il a tenté de faire l’économie d’une discursivité harmonique – on sait le prix (promotion ultérieure du Timbre et bientôt du Son) que la musique contemporaine a dû payer à cet évitement de la verticalité harmonique et de ses fonctionnalités propres

[10] Nulle « dogmatique » ne saurait régler les questions qui ici nous occupent. La seule méthode qui vaille est celle, classique, qui conjoint un « penser par soi-même », un « penser de manière conséquente » et un « penser universalisable ». Autant dire que la pensée compositionnelle doit ici se soumettre à la discipline militante bien connue qui enchaîne analyses, décisions, enquêtes et bilans d’expérience. La dimension proprement collective de cette recherche mobilise depuis 2011 le séminaire Babel (Ens puis Ircam) et, depuis plus récemment, le groupe d’études Hétérophonie 68 (théâtre La Commune d’Aubervilliers)

[11] selon une orientation que j’ai nommée celle d’un chœur babélien fait de différentes langues simultanément proférées. Il convient à cette occasion de rappeler que Babel doit ici s’entendre comme le nom d’une bénédiction (et non d’une malédiction) : celle qui délivre l’humanité du péril d’une unique langue purement fonctionnelle (le désastre d’un esperanto) et émancipe la pensée en la livrant à l’hétérophonie des langues.

[12] L’aphorisme adornien, ainsi repris, deviendrait : « La musique a besoin de quelque hétérogénéité endogène pour rester art. » Plus précisément, il s’agirait de composer des hétérophonies musicales pour que la musique reste un art et ne sombre pas dans le seul divertissement, dans la pure et simple expérience ludique, dans la prouesse technologique ou dans un supplément d’âme pour performances multimédia.

[13] Faut-il rappeler que le formel d’une telle formalisation n’a guère à voir avec la supposée dialectique de la forme et du contenu mais tout à voir avec celle du symbolique, du réel et de l’imaginaire.

[14] Au principe de cette recherche, il y a la conviction que l’hétérophonie doit assumer de faire « un » : certes un type spécifique (hétérophonique) d’un, mais bien cependant une modalité propre d’un, et non pas une production de chaos qui resterait indécomptable comme « un », tant extérieurement (restant indélimitable) qu’intérieurement (demeurant inconsistant).

[15] Un point particulier du remaniement opéré tient à l’importance d’inclure, dans la formalisation hexagonale des oppositions, le collage (d’obédience postmoderne).

[16] monophonie-homophonie-polyphonie-antiphonie-cacophonie

[17] et non plus, comme précédemment, selon le type de multiplicités concernées (1-2-pluriel…)

[18] Voir la mathématisation par René Guitart de l’hexagone logique des oppositions…

[19] au sens de la reprise kirkegaardienne, qui est une refonte par « retour en avant »

[20] On fera entendre les principales étapes de ce parcours compositionnel : la cadence de la Timée dans Duelle, les voix du violoncelle et du piano et la √oix de l’orchestre dans Sillages, la √oix du trio de Schoenberg dans Instress, les différentes voix et √oix de mon Didon & Énée comme celles de ma récente Cantate hétérophonique Sanctus Fructuosus, les exercices de collages hétérophoniques réalisés pour les séances Qui-vive (Murs de Gaza, Hétérophonie presto). On montrera en particulier comment, dans ces deux exercices, la formule générale

Hétérophonie = Polyphonies ∨ Cacophonies ∨ Collages

donne par quotient

Hétérophonie / Collages = Polyphonies ∨ Cacophonies = Cacophonies ∨ Polyphonies

soit : les différents types de collages hétérophoniques correspondent à différents types de cacophonies polyphoniques (ou de polyphonies cacophoniques).

[21] simultanément dans au moins cinq pays d’Europe : Italie (Frescobaldi…), France (Titelouze…), Allemagne (Sweelinck…), Espagne (cf. le tiento : Correa…) et Angleterre (cf. la fancy des Virginalistes)

[22] Les troisième et neuvième du Premier Livre (1615)

[23] Il est clair que depuis le début, j’interprète « phonie » comme désignant une « voix » (comme dans l’usage commun du mot poly-phonie) plutôt qu’un « son ».

[24] voix musicale qui, à proprement parler n’est ni vocale (elle n’est pas nécessairement celle d’un chant humain) ni non plus instrumentale (un même instrument à clavier peut entrelacer plusieurs voix musicales).

[25] en quatre étapes (qu’on pourrait désigner ainsi : rassemblement – discussions – décision – déclaration) et non plus trois comme dans les ricercares examinés : exposition distincte et cumulative des thèmes – divertissements - superposition finale (sommation verticale dans le ricercare plutôt que strette oblique comme dans la fugue). On notera que dans ces ricercares polythématiques, les différentes idées musicales sont successivement appropriées par les différentes voix musicales - donc mises en commun et non pas séparées selon une appropriation irréductiblement individuelle - et que leur sommation ultime s’opère selon un ordre vertical nouveau, qui diffère de l’ordre vertical d’exposition. Ces leçons nous guideront pour la caractérisation des enjeux propres du développement hétérophonique souhaité.

[26] en l’occurrence à 4 √oix mais à 25 voix

[27] Ceci nous conduira à envisager une hétérophonie musicale qui effectue une solidarité harmonique par interdépendance rythmique (comme on le détaillera ensuite, on se plaira à y reconnaître la formalisation musicale d’un peuple comme harmonieuse solidarité dans l’espace et dans le temps entre coopérations actives, concurrences autolimitées et indifférences pacificatrices).

[28] C’est aussi en ce sens qu’elle peut contribuer à reprendre affirmativement une modernité qui ne se noierait plus dans un contemporanéisme nihiliste (ce « modernisme » qui n’épuise pas la modernité).

[29] au sens d’une politique militante d’émancipation et non pas bien sûr d’une résignation au « moindre mal » du politique étatique et gestionnaire…

[30] une unité qui ne se réduit pas à une unification polyphonique et qui laisse droit à une forme contrôlée de concurrence cacophonique (de « contradictions au sein du peuple » non immédiatement résolues) et de coexistences simplement juxtaposées, une unité croisant donc des unifications, des oppositions et des indifférences, une unité qui soit aussi bien une compatibilité, une interdépendance et une solidarité

[31] L’ennemi politique ne serait plus premier, le peuple se caractérisant ensuite comme l’ensemble de ceux qui s’intéressent subjectivement à l’abattre, mais c’est bien la constitution politique du peuple qui deviendrait première, l’ennemi se caractérisant postérieurement comme l’ensemble de ceux qui s’intéressent subjectivement à corrompre, dissoudre, décomposer et abattre cette unité politique du peuple. Selon cette logique renversée, la politique militante vise avant tout les gens du peuple (en un sens objectif premier), s’adresse à eux, la politique militante étant une discussion interne au peuple bien avant d’être une manifestation contre l’ennemi qui rode, surveille, s’organise pour fourbir ses armes contre le processus politique de cette unité.

[32] la bonne réunion politique, celle qui affirme après avoir délibéré, celle qui sait décider et tirer rigoureusement les conséquences en situation des décisions qu’elle prend

[33] Ce qui dessine, peut-être, une singulière conjonction entre musique et politique en ce début de XXI° siècle : tout de même que l’hétérophonie serait le lieu d’un « peuple musical » fait de voix individuelles et de √oix collectives entrelacées, tout de même la recherche politique de nouveaux types de lieux qu’on constate depuis le Printemps 2011 à travers l’occupation de places (de Tunis à Wall Street en passant par Le Caire, Madrid et Istanbul) peut s’entendre politiquement comme recherche de nouvelles formes d’organisation collective qu’il conviendrait d’appeler peuples en formation. Ainsi, pas plus que la forme artistique ne se trouve à remplir par quelque contenu, le lieu politique n’est à occuper par quelque collectif : c’est plutôt le collectif lui-même qui constitue le lieu politique. En quelque sorte, et comme en géométrie moderne, l’espace, constitué par ce qui le peuple, est le peuplement même. L’espace n’est plus un récipient ou un contenant mais est le contenu, tout de même qu’en topologie la localisation est intrinsèque à la chose.

[34] pas plus, au demeurant, qu’elle ne connaît à mon sens la différence des sexes (celle entre hommes et femmes) - la question tripartite des genres (masculin, féminin et neutre) étant tout autre (voir le monde-Musique).

[35] Voir à ce titre la thèse récente de Matthew Lorenzon sur Antagonisme (Xavier Darasse & Alain Badiou, 1963). Voir aussi le traitement musical de l’ennemi raciste dans le Free-Jazz ou de l’ennemi de classe dans la musique soviétique (Prokofiev) et allemande (Eisler).

[36] Tout de même que formaliser c’est penser, imaginer c’est également penser et non pas rêvasser (si l’on inscrit l’imagination en question comme on inscrit la formalisation symbolique : dans un nouage à quelque réel) : imaginer, c’est rechercher - ricercare !

[37] « discours » serait ici trop dire : il ne va pas de soi que l’hétérophonie puisse à proprement parler faire « un » discours.

[38] On sait – voir l’exposé de Martin Gonzalez ce matin… - l’importance de la question des « gros points » dans le développement de la géométrie algébrique (en l’occurrence pour l’extension des variétés algébriques en schémas).

[39] qui se distingue du simple tressage tel que figuré ci-suit pour le neuvième ricercare de Frescobaldi…