Souvenirs de guerre de Pierre Capucin

par Paul Chanoine

·       1. Royan

·       2. Angleterre (1940)

·       3. Dakar (1940)

·       4. Érythrée (1941)

·       5. Syrie (1941)

·       6. Lybie (1941-1943)

·       7. Tunisie (1943)

8. Italie (1943-1944)

 

A

près être arrivé à Tunis, on nous a dit : “C’est pas le tout, les gars. On continue.” On a fait alors la promenade en Italie. Là, cela a été un peu plus dur. À ce moment je n’étais plus dans les antichars : on m’a remis dans la compagnie des transports avant d’embarquer.

Le commandement était passé à Juin ; il avait été fait prisonnier en 1940 et Pétain l’avait fait rentrer [1], mais il n’était pas particulièrement fidèle à Vichy (il avait été le major de de Gaulle à Saint-Cyr).

 

Traversée Tunis-Naples (avril 1944)

 

On a débarqué près de Naples [2] dans un joli petit village qui s’appelait Albanova. On peut dire qu’on a refait la route impériale (on a été comme Napoléon aux Pyramides…) ; on a aussi refait le chemin des Croisés (on est passé - mais nous comme touristes, pas comme occupants - à Jérusalem et à Bethléem). Comme quoi l’histoire se répète…

On est arrivé en Italie avec une certaine rancœur contre les Italiens qui nous avaient attaqués si j’ai bonne mémoire le 13 juin 1940, donc quand tout était fini et qu’ils ne risquaient plus grand chose.

On n’a pas été méchant-méchant mais quand par exemple il y avait des fruits, on les leur piquait tous. C’est la seule vacherie qu’on leur ait faite. Les Italiens nous disaient : “Senor francesci” et face à nous, selon eux, il n’y avait plus aucun fasciste ; passons… Il n’y a eu qu’en Érythrée qu’on a vu des gens nous déclarer : “moi, je suis fasciste !”.

Au début l’accueil était un peu froid et puis ça s’est amélioré. Je me rappelle d’un village, San Giorgo, dont j’ai ramené une croix ; les gars du Génie ont remonté le clocher et d’un coup les Italiens ont entendu les cloches sonner à nouveau. Il y a eu ensuite une messe, avec notre aumônier, où ils sont tous venus.

Dans l’ensemble l’accueil des Italiens a donc été sympathique. Ils n’aimaient d’ailleurs pas les Allemands. Il y a eu quelques bagarres en Italie (Monte Cassino…) mais dans l’ensemble cela n’a pas été très violent.

Nous avons défilé à Rome le 10 juin 1943. Le Maréchal Juin était sur le fameux balcon où s’était tenu avant lui le Duce. C’est là qu’on a eu une audience pontificale très solennelle de sa Sainteté Pie XII qui s’appelait Pacelli. Cela m’amusait parce que cela veut dire pieux en latin. Je n’ai jamais eu l’idée de demander à un curé s’il savait ce que cela voulait dire Pie XII. Il faut dire qu’avec les curés maintenant… Passons ! Mais alors, quel décorum lors de cette audience ! C’était écœurant : avant que le pape n’arrive, il y avait tout un défilé, avec des gardes nobles, des gardes pontificaux, une série de cardinaux… alors que le Pape aurait pu arriver tout simplement, comme le ferait Jean-Paul II maintenant.

Pie XII a été très aimable. Il nous a demandé de quelle région on était. Il parlait bien français, bien sûr avec l’accent, mais très bien. La veille, il avait dû recevoir les Allemands. C’est normal. Il était très germanophile - parce qu’il avait été longtemps Nonce apostolique en Allemagne - mais pas nazi (j’ai appris cela après la guerre, en lisant).

 

*

·       9. France (1944-1945)

·       10. Et ensuite…



[1] Né en 1888. Fait prisonnier à Lille, il est li­béré en juin 1941. Devient commandant des troupes du Maroc. Après le débarquement améri­cain du 9 novembre 1942, il se range aux côtés des Alliés. Nommé commandant du Corps Expéditionnaire d’Italie en septembre 1943.

[2] Fin avril 1944. La 1° D.F.L. compte désormais 18 000 hommes. Seuls les engagés d’avant la date limite du 1° août 1943 seront reconnus comme Français Libres (cf. “La 1° D.F.L.” p.262…).