Souvenirs de guerre de Pierre Capucin

par Paul Chanoine

·       1. Royan

·       2. Angleterre (1940)

·       3. Dakar (1940)

·       4. Érythrée (1941)

·       5. Syrie (1941)

·       6. Lybie (1941-1943)

·       7. Tunisie (1943)

·       8. Italie (1943-1944)

·       9. France (1944-1945)

10. Et ensuite…

 

Q

uand on est revenu en France en 1944, on a eu droit à une permission. J’ai pu retourner chez moi à une époque où il y avait encore plus ou moins les Allemands. Ce sont des gens de Poyon qui m’ont emmené à Saint Michel. J’avais réussi à envoyer de Tunis un télégramme par la Croix Rouge. Mais ma mère ne l’a reçu que six mois après ; le télégramme est arrivé à Paris parce que je ne connaissais pas pendant ce temps-là. les événements Or ma mère était repartie à Saint Michel car mon grand-père, entre-temps, était mort. Ce qui fait que le télégramme a mis longtemps pour la rejoindre.

Entre-temps ils ont fait une enquête. Parce que à la classe 42, il n’y avait plus d’armée française mais on s’informait quand même où étaient les gars. Ma mère a répondu : “Je ne peux pas vous dire. Je ne sais pas où il est.” Elle savait seulement par la famille chez qui j’étais passé et qui était remontée dans le Nord qu’à Royan j’étais encore en vie. Mais ensuite elle a reçu des avis de recherche. Il y avait beaucoup de propagande. On lui a même dit qu’on avait retrouvé ma tombe et on lui demandait de l’argent pour savoir où j’étais. C’était affreux ce marchandage !

Je suis donc arrivé à Saint Michel un beau jour. Mon arrivée a fait sensation dans le village : “Qu’est-ce que tu viens faire, mon gars ? Où c’est que tu as été ?” Quand je le leur ai raconté, ils ont dit : “C’est pas possible !” Les paysans du coin ne savaient pas grand chose. Ils savaient vaguement qu’il y avait eu un peu de résistance ; ils avaient vaguement entendu parler d’un gars nommé de Gaulle. Mais c’était tout.

Ma grand-mère qui m’avait élevé était alors très vieille. Elle n’avait presque plus de cheveux. Mais au son de ma voix, elle a eu comme un choc et elle est redevenue normale. Elle m’a bien expliqué comment le grand-père était mort. Et puis ensuite, elle est repartie dans la nuit. Et quand je l’ai quittée le lendemain matin, elle m’a pris pour mon père et elle m’a dit : “Faut aller faire le jardin !” ou un truc comme ça. Ensuite, je ne l’ai plus revue.

 

En rentrant en France, après toute cette période de guerre, une image que j’ai eue, c’est celle qu’on ne roulait pas tous dans le même train. Par exemple, il y avait les tickets de rationnement. Et bien, heureusement que je récupérais du pain par une dame boulangère que ma mère connaissait, autrement, j’aurais mangé ma ration de pain en une journée !

Cela a été difficile au début de se remettre au rythme. Cela s’est fait tout doucement mais cela n’a pas été facile au début. Et puis je n’avais rien du tout : aucun diplôme. Normalement je devais avant-guerre rentrer à l’école des chemins de fer car ma mère travaillait pour un ingénieur qui lui avait dit : “il fera l’école des chemins de fer”. Mais après toutes ces années de guerre, tout était fichu par terre, et beaucoup de gens se trouvaient dans la même situation.

J’ai réussi à trouver du travail et à rentrer chez Thompson grâce à l’Association de la France Libre.

Au moment de la Libération, l’ambiance était magnifique : on était les libérateurs ! Ensuite cela s’est tassé et maintenant plus personne n’y pense. N’ayant pas vécu la guerre de l’intérieur du pays, on n’était pas sensible aux questions de collaboration et d’épuration. On sentait bien que les gens avaient souffert sous la guerre, et qu’ils étaient un peu aigris. Mais nous, on n’avait pas eu ces problèmes.

On était trop jeune pour penser, pendant la guerre, à ce que deviendrait la France après la guerre, si on la gagnait. Les grands plus âgés, peut-être, mais nous on avait tous 20 ou 24 ans. Nous, on voulait libérer la France, mais seulement la France en général.

On n’y pensait pas ; cela a commencé cependant de changer un petit peu au fur et à mesure qu’on s’approchait de la France et qu’on rencontrait d’autres gens.

Avec le retour en France, on a retrouvé la famille. On s’est réadapté sans trop de problèmes. On s’est remis gentiment dans le bain. On s’est amalgamé à la vie nouvelle qui n’était pas marrante au début, parce qu’avec les tickets, ce n’était pas facile tout de même. Et nous n’étions pas entraînés à cela. Ceux qui étaient restés en France, ils en avaient l’habitude. Nous, on n’avait pas eu ces problèmes de ravitaillement, même si bien sûr on ne mangeait pas toujours bien.

 

Pendant toute la guerre, il n’y avait pas moyen d’avoir des nouvelles. Où ma mère pouvait-elle écrire ? Et puis on n’avait pas le droit de mettre des adresses.

Au début, on nous avait dit en principe de prendre des noms d’emprunt, pour éviter les représailles contre la famille - il y a eu en effet quelques enquêtes menées par Vichy -. Je m’appelais ainsi Pierre Capucin, car il valait mieux conserver les mêmes initiales. Mais cela n’a pas duré longtemps. On a été banni de la nationalité française en 1940, et on l’a su par les décrets qui ont été alors publiés. Mais cela ne nous a pas fait grand chose : on était tellement convaincu qu’on était du bon côté que, pour nous, cette mesure de bannissement n’avait pas de sens. Cela n’en avait un que pour Vichy.

On se disait : “On finira la guerre, ou on ne la finira pas ; c’est le destin de chacun.” Mais enfin, en ce qui concerne la nationalité française…

On savait qu’on risquait gros si on se trouvait pris par les Allemands, mais cela ne nous faisait absolument rien. On se serait retrouvé devant le fait, je ne sais pas ce qu’on aurait fait ; cela dépend du tempérament des gars. Brossolette s’est, lui, jeté d’une fenêtre. C’est un problème différent. On ne se rendait pas compte du danger exact que cela représentait. Et on n’a jamais été face à face avec des Allemands, même quand nous avons été encerclés dans le désert de Libye. On se demandait simplement s’ils seraient corrects avec nous dans le cas où on se retrouverait prisonnier.

 

Une question qu’on se posait malgré tout, c’était : “Si on ne gagne pas la guerre, que faire ?” En effet, si l’Angleterre avait été envahie… On se demandait si on devrait vivre dans une partie du monde restée libre : à Madagascar ou à Tahiti.

J’ai eu l’impression que la guerre allait pouvoir être gagnée seulement quand on est arrivé en Tunisie et qu’on a embarqué pour l’Italie. On sentait que les Allemands commençaient à capituler.

Il faut dire une chose : c’était de grands soldats. Au point de vue militaire, ils ont quand même lutté pendant la guerre 1914 contre tous les Alliés, sans grand monde avec eux.

Je n’ai jamais rencontré de toute la guerre un seul Allemand. Un Italien, si ! Ils se rendaient gentiment. En Érythrée, on a eu un capitaine italien avec la légion d’honneur. Heureusement qu’ils n’avaient pas envie de se battre parce qu’on y serait encore. Dans les montagnes, il faut voir comment c’était !

 

Au début on savait bien qu’il y avait le maréchal Pétain. D’ailleurs de Gaulle connaissait très bien Pétain. De Gaulle a été condamné à mort. Il a reçu un jour un ordre signé de Weygand : “Monsieur le Colonel en retraite de Gaulle est prié de se présenter à la prison X” je ne sais pas trop où. C’était de la rigolage mais c’était comme ça.

Le seul moment où l’on a eu un peu de haine contre Vichy, cela a été en Syrie, quand les hommes du général Dentz nous ont tiré dessus au nom du Maréchal.

 

Dans l’ensemble ce sont surtout les hauts dignitaires qui ont été nommés Compagnons de la Libération ; mais il y en a eu aussi d’autres, selon les circonstances ; en particulier ceux de la Résistance intérieure. On a eu un camarade - Fournier de la Barre - qui a sauvé des gars. De Gaulle l’a su et il est alors devenu Compagnon de la Libération. Mais c’est le seul simple 1° ou 2° classe à avoir été nommé Compagnon.

Moi, j’ai eu un papier, un diplôme comme quoi j’avais appartenu aux Forces Françaises Libres. Ce diplôme a été ratifié parce que sinon, légalement, on était sans rien. Le gouvernement de Vichy avait été le gouvernement légal, régulièrement élu. On a alors demandé en 1945 à Messmer : “Mais nous, qu’est-ce qu’on devient ?”. On était bannis de la nationalité française. On n’avait plus de nationalité. C’est Messmer qui à ce moment-là a pris un décret en disant que tous les anciens de la France Libre conservaient le titre de Français. Pour ceux qui ont été faits prisonniers, je ne sais pas trop ce que cela a donné.

 

Hitler, je ne sais pas si c’était un gars de génie, genre Napoléon - on verra ce que dira l’Histoire - mais il avait inventé les avions à réaction. Seulement Goering, par orgueil - il était un ancien de l’aviation de la guerre de 1914 - n’en a pas voulu. Authentique !

 

Pendant la guerre, on n’était pratiquement pas au courant de ce qui se passait dans le monde.

Stalingrad ? Je n’en ai entendu parler que vaguement, parce qu’on avait très peu de nouvelles. On n’avait pas de contacts. Les radios n’existaient pas tellement. Si, quand on est arrivé au Caire, on avait les journaux. On savait quand même qu’il y avait la guerre en Russie et dans le Pacifique, mais on ne savait pas exactement quel en était l’état. On ne savait que vaguement.

Sur les plans de nos propres batailles ? Aucune information. On ne se rendait pas compte exactement de ce qui se passait. On voyait qu’on avançait, mais il n’y avait pas de compte-rendu comme on en fait maintenant. Ce n’était pas le style à l’époque. Cela ne nous manquait pas. On n’était pas habitué aux communiqués officiels. Il y en avait bien de temps en temps. Quand on a été en France, on écoutait davantage la radio ; c’était plus facile. Mais une fois dans le désert, on n’avait pas d’information, ou très peu.

Les camps pour les Juifs ? On n’en savait rien. On savait vaguement qu’il y avait des camps de déportation, mais c’est tout. Et parmi nous il y avait des camarades juifs qui n’ont appris qu’au retour en France que leur famille avait été déportée…

 

Je n’ai guère pu lire pendant toutes ces années de guerre. Les rares livres étaient en anglais ; il fallait savoir l’anglais ! Mais de toutes les façons, on n’avait pas de livres. Cela n’avait pas été prévu.

 

Dans la 1° D.F.L., j’appartenais à la 101° Compagnie-Auto - ou 101° Compagnie du Train -. Dans la 1° D.F.L. il y avait à l’époque de Bir Hakeim la Légion étrangère, l’artillerie, le génie, des fusiliers marins…

Je me souviens de spahis marocains - les Tabors -. Un jour, en Italie, à Monte Cassino, pour s’amuser, ils nous ont encerclés comme ils le faisaient avec les Allemands, et on ne les a pas entendus arriver ! Leur technique, à l’égard des ennemis, c’était de surprendre les petits groupes pendant leur sommeil, de ne tuer que celui du milieu et de laisser vivants les autres sans les réveiller - ou alors de tuer ceux qui étaient aux extrémités et de laisser vivant celui du milieu - ! C’était des bagarreurs !

 

Je me souviens d’un Indochinois qu’on appelait Joseph - d’un nom chrétien -. Il avait toujours de l’alcool ; je ne sais pas comment il se débrouillait.

En principe les Indochinois avaient un nom à trois syllabes mais on ne retenait que la première d’entre elles pour les appeler. Je me souviens que cela donnait dans l’appel “Mo-To-Bé-Kan” !

On avait des cuisiniers indochinois qui étaient d’excellents cuisiniers. Je ne sais pas comment ils faisaient mais, même dans le désert, ils arrivaient à trouver de quoi manger.

 

Le moment le plus dangereux, d’un point de vue physique, a été en Libye, quand vingt Messerschmitt nous tiraient dessus ! Après, c’était le hasard ; les rafales tombaient entre les gars. Et puis cela allait vite. On sentait le vent des hélices. Le plus affolant, c’était les fameux Stuka parce qu’ils avaient une sirène qui hurlait quand ils fonçaient. C’était quelque chose d’affreux.

En Libye, les Anglais avaient au début très peu d’avions. C’était de vieux coucous qui dataient plus ou moins de la guerre de 1914. Cela a ensuite changé quand l’Amérique a commencé de fournir. Il y avait bien le fameux Spitfire mais compte tenu des besoins, il y en avait peu là-bas. La Royal Air Force a fait du bon boulot dans ces conditions.

 

Le courage ? Je n’y ai jamais pensé sous cette forme-là. Libérer la France, oui ; mais est-ce qu’on était des soldats courageux ? On n’a jamais pensé comme cela. Il fallait tenir. Ce n’était pas toujours marrant ; mais il fallait tenir.

Et puis il y avait les messages du grand Charles. Il y en avait rarement. Il est venu en Érythrée ; il est venu en Libye. On l’a eu en Égypte. Peu nous importait qu’il s’appelle Charles de Gaulle. Mais pour nous, c’était psychologiquement, moralement important.

Il était d’un abord peu aimable. Après la guerre, j’ai emmené une fois Alain au Mont Valérien. Quand de Gaulle est passé - il passait à toute vitesse -, je lui ai dit : “Je vous présente mon fils”. Il a eu quand même un sourire et il lui a serré la main. Il était en fait très humain, mais c’était en fin de compte une sorte de carapace qu’il se mettait.

Je lui ai serré la main plusieurs fois au Mont Valérien mais une seule fois pendant la guerre, en Érythrée. Il était très distant.

Je n’ai jamais eu l’impression d’être spécialement courageux. On était là ; il fallait tenir. Mais on n’avait pas cette idée du courage.

 

J’ai eu des camarades blessés à mes côtés, mais aucun qui y soit mort.

Moi-même, je n’ai jamais été blessé. J’avais récupéré en Érythrée un casque italien. J’ai toujours pensé que c’était cela qui m’avait sauvé : parce que les casques anglais, eux, ne couvraient pas la nuque.

Je me souviens de certains qui sont morts : Yves Lebon est mort en juin 1942 [1], à Bir Hakeim, comme Ferdinand Le Dressay [2], qui était breton. Il y a eu aussi Pierre Le Gourrierec [3] qui a disparu au cours de cette bataille, dans la tourmente. Il y a même eu un de nos camarades qui a disparu au même moment, qui a été fait prisonnier par les Italiens et qu’on a retrouvé bien plus tard, en Italie, lors de notre passage dans ce pays.

Il y a eu plusieurs camarades [4] qui ont été fait prisonniers dans les mêmes circonstances et qui sont morts plus tard, noyés lors du naufrage du bateau italien [5] qui les ramenait en Italie. Paul Grech, mort en juin 1944 [6], venait lui de Médéa (en Algérie). Dans l’ensemble on a eu moins de morts dans le Train [7] que dans les autres unités car on n’était pas une unité combattante au sens classique.

Je me souviens aussi d’Hervé Quemeneur, de Louis Worms et d’un troisième encore dont j’ai oublié le nom [8]. Ils ont récupéré des obus et ont voulu en extraire l’enveloppe en cuivre pour en faire des souvenirs, comme ma grand-mère en avait gardé de la guerre de 1914. Ils ont commencé à taper dessus ; on leur a gentiment dit de ne pas faire les cons mais ils ont continué. Deux minutes après, tout a sauté, et ils sont morts [9] !

 

Sur la photo [10], on a, de gauche à droite, Paul Grech, André Nicolas, Henri Le Goïc, Jules Dupièce (qui n’est pas mort, lui, pendant la guerre) et un frère noir dont j’ai oublié le nom. Il y avait aussi le conducteur (qu’on ne voit pas sur cette photo), Jacques Letoquart, dont les parents tenaient alors une quincaillerie Place des Vosges - c’est chez eux que j’ai bu ma première bouteille de Champagne en rentrant à Paris après la guerre -.

 

On a eu, c’est marrant, trois moines qui étaient chefs de bataillon à la 1° D.F.L. : il y avait un dominicain, un carme connu (qui était l’Amiral Thierry d’Argenlieu), et encore un troisième.

Je dépendais du commandant Dulau. Comme autres officiers dont j’ai dépendu, il y avait Hochapfel, Domange - tué en Libye [11] -, le lieutenant Renault qui était de ma compagnie

La 1° D.F.L. était commandée au début par le général Kœnig. Ensuite par Brosset dont le chauffeur était l’acteur de cinéma Jean-Pierre Aumont. Brosset est mort bêtement en Alsace [12]. Il roulait comme un dingue. Sa jeep a versé et il est mort en se noyant. On n’a pas pu le sauver. Ensuite cela a été Garbay.

Dans la 1° D.F.L., il n’y avait pas de différence entre les grades comme à l’intérieur de l’ancienne armée de 1914. Un général pouvait donner un coup de main pour déplacer un camion. Sauf un jour où l’on a touché un aspirant “ancien style” ; mais cela n’a pas duré. Il a compris que l’ancien style, cela ne marchait pas. Dans l’ensemble, les rapports étaient simples. Un tel était général parce qu’il fallait un général ; un tel était capitaine parce qu’il fallait un capitaine…

Il y avait de la discipline, mais ce n’était pas une discipline bête et stupide qui n’est juste bon qu’en temps de paix. Ainsi un jour que Brosset recevait un général, envoyé par Weygand, qui paraissait un peu soufflé par le laisser-aller, il lui a dit : “Mon général, ici la discipline est remplacée par l’enthousiasme !”.

En Syrie, on a été mis quelque temps dans une caserne. Et bien on a demandé à en sortir ; la vie de caserne - défense de bouger… - ne nous convenait pas. L’ancien style, c’était épouvantable. On a même eu des gars venus de Vichy qui ont voulu nous faire mettre des bandes molletières : cela n’a pas duré longtemps…

 

Ce qui était frappant dans le désert, c’était l’orage. Cela arrivait très rarement. On a eu un jour comme ça un orage terrible, et les oueds ont tout emporté en quelques instants ; en quelques minutes, le désert a été transformé en boue. Cela n’a pas duré longtemps car, une heure après, le soleil était revenu.

 

Dans le désert, quand on était à un point fixe où l’on cantonnait, arrivaient des bédouins avec leurs chameaux. On s’est toujours demandé d’où ils sortaient. On avait toujours l’impression qu’ils sortaient du sable ! Il y avait toujours des bédouins qui se baladaient.

 

J’ai fait toute la guerre à peu près avec les mêmes gens. La plupart étaient jeunes ; quelques-uns, plus anciens, venaient de Norvège. On s’est revu après, aux réunions des anciens, à l’assemblée générale. Il y a l’Amicale des anciens de la 1° D.F.L. mais je voyais surtout des gens dans l’Association des Français Libres, des gens avec qui je n’avais pas directement fait la guerre.

 

Si les mêmes circonstances se reproduisaient, je referais exactement pareil. De Gaulle s’est présenté à nous en disant : “Je vous ouvre les portes de la prison” ! Je resuivrais ce gars, pour libérer la France.

À l’époque, gaulliste, cela ne voulait rien dire pour nous et pour personne. On ne faisait pas tout cela pour être gaulliste ; et quand je vois maintenant les discours sur le gaullisme du RPR, cela me fait bien rire. Je n’ai jamais été tenté ensuite par un parti politique : ni par le MRP, ni par le RPF, ni a fortiori aujourd’hui par le RPR.

 

Ce qui était bien dans cette troupe des Français Libres, c’était qu’il n’y avait pas de religion, pas de racisme. On s’en foutait de la couleur de la peau. Le sang qui coulait était toujours rouge. On ne pensait pas à demander au gars sa nationalité, de quel milieu social il venait, quel était son métier. On lui demandait sa région et c’était tout. On ne s’inquiétait pas du reste. Le principal, c’était d’être présent.

On pouvait être Français Libre sans être Français. Français Libre, cela voulait simplement dire appartenir à la France Libre. Et il y avait une sorte d’extraterritorialité pour appartenir à la France Libre : au gars qui était volontaire, on ne lui demandait pas son origine ; on ne lui demandait pas s’il était Français, s’il était né dans tel ou tel endroit. Moi, j’étais Français, mais ça se trouvait comme ça. Il y avait là des gens qui venaient de tous les pays : des Arméniens, des Libanais, des Syriens, des Vietnamiens, des Cambodgiens, des Annamites, des Laotiens, des Arabes, des Africains…

 

 

(Propos recueillis

les 10 Septembre et 10 Décembre 1989)

 

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[1] Le 9 juin 1942

[2] Le 11 juin 1942

[3] Le 11 juin 1942

[4] Jean Le Duff, Henri Le Goïc et André Nicolas.

[5] Le Nino Bixio

[6] Le 17 juin 1944

[7] 42 morts durant toute la guerre (sur plu­sieurs milliers pour l’ensemble de la 1° D.F.L.), dont une vingtaine appartenant à la 101° compagnie (cf. “1° D.F.L. In Memoriam”)

[8] Charles Méléague

[9] Le 25 février 1942

[10] Cf. p.117 de “La France et son empire…”

[11] Le 1° novembre 1942

[12] En novembre 1944