LA MUSIQUE DES POÈTES

(France-Musique)

par

François NICOLAS


II : Gerard Manley Hopkins

II.1. : Le poète (14 février1999)

Ces chroniques parlent de poètes, mais surtout de ce qu'on appellera la musique des poètes : la musique dont ils parlent, la musique qui leur est chère, la musique qu'ils éclairent.

Il ne s'agit donc pas ici de ce que la musique dit de la poésie, il ne s'agit pas des lieds ou chansons composées sur des poèmes mais, à l'inverse, de ce que la poésie comprend et éclaire de la musique.

Je vous avez entretenu en octobre de Federico Garcia Lorca. Je voudrais durant ces soirées vous parler de Gerard Manley Hopkins, ce poète anglais contemporain de Mallarmé qui appartient à notre siècle non pas au titre de la chronologie (né en 1844, il meurt en 1889) mais en raison de l'impact qu'a eu son oeuvre sur la poésie du XX° siècle. L'oeuvre brève et ramassée d'Hopkins - il n'a véritablement composé que 44 poèmes - n'a pas été publiée de son vivant et il lui fallut attendre 1918 pour commencer d'être publiquement diffusée.

OEuvre exigeante, novatrice, à un tel point que beaucoup d'anglophones continuent de trouver sa langue hermétique. Hopkins n'hésite pas à inventer des mots, à tordre la syntaxe, à violenter la phrase pour lui faire épouser ce rythme abrupt ou bondissant qu'il a inventé et dont l'âpreté consonne avec ce crin de cheval, vrombissant dans la musique tzigane qui me sert de générique.

Je voudrais faire entendre ce que cette oeuvre poétique offre à la musique, l'autorisant à mieux écouter ce qui l'habite et l'encourageant à déployer son génie propre...

Comme Adorno, dont nous venons d'entendre la deuxième étude pour quatuor à cordes, comme Nietzsche que nous allons ensuite écouter, Hopkins était un esprit polyvalent, certes centré sur une activité mais capable de penser le monde dans sa diversité, s'intéressant à la philosophie, à la politique et composant également de la musique. Je ne dispose malheureusement pas de ses partitions, moins encore d'enregistrement, et je ne sais donc à quoi peut bien ressembler la musique qu'il écrivait. Ressemble-t-elle à cette Sérénade qu'écrivait le jeune Nietzsche à la même époque, manifestement dans l'ombre portée de Robert Schumann ?

Gerard Manley Hopkins était jésuite. Sa foi semble redevable de l'influence de Duns Scot plus encore que d'Ignace. C'est de Duns Scot que lui vient en effet son extrême attention à la singularité des choses, à leur énergie interne, à leur force de cohésion, à leur puissance propre de découpe. Hopkins nommait cela en des termes qu'il inventait pour se tenir au plus prêt de ce qu'il visait. Nous verrons comment ses catégories peuvent éclairer les oeuvres musicales.

Mais écoutons ce que Hopkins nous dit de la musique de Purcell :

Je vous quitte sur ce Voluntary de Purcell interprété par John Butt.

Bonsoir !