Saison 2015-2016 (Mamuphi-Babel-Entretemps)
Désormais,
toutes ces activités auront systématiquement lieu à l’Ircam
le
samedi de 10h à 13h et de 15h à 18h en salle Stravinsky
La musique et ses raisonances
(Babel, mamuphi, Entretemps)
(org. M. Andreatta et F. Nicolas)
Comment la musique résonne (et ses musiciens raisonnent) avec d’autres modes de pensée ? Avec les langues et la poésie (Babel), avec les mathématiques et la philosophie (mamuphi), avec la politique et la psychanalyse comme avec tout autre (Entretemps) ?
Il s’agira, dans cette nouvelle formule globale, d’entrelacer, sous une unique formule mensuelle (huit samedis, de 10h à 18h, à l’Ircam, salle Stravinsky), les différents types d’affinité qui faisaient, depuis longtemps, l’objet de séminaires cloisonnés.
En raison des
événements, la journée du 14 novembre 2015 a été reportée au 13 février 2016.
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Mamuphi |
Babel |
Entretemps |
3 octobre 2015 |
Le
romantisme allemand |
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12 décembre 2015 |
« École
Andrée Ehresmann » |
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9 janvier 2016 |
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Musique
et politique |
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13 février 2016 |
Bilan |
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12 mars 2016 |
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Question
du théâtre |
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8-9 avril 2016 |
Sur le
monde-Musique de F. Nicolas |
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21 mai 2016 |
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Question
du montage |
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Mamuphi (13°
saison)
(org. C. Alunni, M. Andreatta, A. Cavazzini et
F. Nicolas)
· Un moment mamuphi
inattendu : fin du XVIII°, le premier romantisme allemand (voir le livre
de Benoît Timmermans : Histoire
philosophique de l’algèbre moderne. Les origines romantiques de la pensée
abstraite – Classiques Garnier, 2012)
· Travaux de « l’école Andrée Ehresmann »…
Babel (4° saison)
(org. V. Anger, R. Di stefano, F. Nicolas et
O. Saccomano)
· Hétérophonies
cinéma-musique-peinture-théâtre : bilan et perspectives
· Hétérophonies
théâtrales ?
· Hétérophonies
cinématographiques du montage ?
Entretemps (18° saison)
(org. A. Cavazzini et F. Nicolas)
· Musique et politique
avec Mamuphi
· Journées d’étude
critique du monde-Musique (éd. aedam
musicæ) de F. Nicolas
***
Calendrier
3 octobre 2015 (Mamuphi
) - Un moment mamuphi
inattendu : fin du XVIII°, le premier romantisme allemand (voir le livre
de Benoît Timmermans : Histoire
philosophique de l’algèbre moderne. Les origines romantiques de la pensée
abstraite – Classiques Garnier, 2012)
12 décembre 2015 (Mamuphi) - Travaux de « l’école
Andrée Ehresmann »
9 janvier 2016 (Entretemps) -
Musique et politique
13 février 2016 (Babel) – Hétérophonies
cinéma-musique-peinture-théâtre -
bilan et perspectives
12 mars 2016 (Babel) - Hétérophonies
théâtrales ?
8 et 9 avril 2016 (Mamuphi & Entretemps) - Sur Le monde-Musique (éd.
aedam musicæ) de F. Nicolas
21 mai 206 (Babel) - Hétérophonies
cinématographiques du montage ?
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Pour tout contact:
Charles Alunni : alunni@ens.fr
Moreno Andreatta : andreatta@ircam.fr
Violaine Anger : v.anger@wanadoo.fr
Andrea Cavazzini : andreacavazzini@libero.it
Rudolf Di stefano : solrudolf@orange.fr
François Nicolas : fnicolas [at] ircam.fr
Olivier Saccomano: saccomano@duzieu.net
***
3 octobre 2015 (Mamuphi )
Un moment mamuphi inattendu : fin du XVIII°, le premier romantisme allemand [1]
(Benoît Timmermans : Histoire philosophique de l’algèbre moderne. Les origines romantiques de la pensée abstraite – Classiques Garnier, 2012)
· Charles Alunni - Une singularité du moment romantique mamuphique : Gilles Châtelet
· Andrea Cavazzini - Mathématiques et philosophie dans l’horizon spéculatif [2]
· Françoise Balibar - ‘Romantiser le monde’, comment faut-il l’entendre? [3]
· François Nicolas - Comment une Histoire philosophique de l’algèbre moderne peut-elle stimuler le musicien pensif ? [4]
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12 décembre 2015 (Mamuphi )
Journée en hommage à Andrée
Ehresmann
Autour de la théorie des
catégories et de la créativité [5]
· Andrée Ehresmann (université de Picardie) – De la genèse des Systèmes Evolutifs à
Mémoire à la créativité, via MENS [6]
· René Guitart (IMJ-PRG, Université Paris Diderot) – Modelage
catégorique et créativité. [7]
· Mathias Bejean (Université Paris-Est) – D-MES : une analyse catégorielle des schèmes de création collective [8]
· Paul-André Melliès (CNRS et Université Paris Diderot) – Preuves et contre-preuves: un principe de relativité en logique [9]
· Marc Chemillier (EHESS) – Improvisation et interaction (avec la participation de Charles Kely,
guitariste et chanteur) [10]
·
Moreno Andreatta & Carlos
Agon – Théories des catégories en analyse
musicale [11]
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9
janvier 2016 (Entretemps)
Musique
et politique [12]
· Kalliopi Stiga : Musique et politique vues à travers l’œuvre artistique et l’action sociopolitique de Mikis Theodorakis [13]
· François Nicolas : À quelles conditions la musique peut-elle formaliser quelque dimension de l’émancipation politique contemporaine ? [14]
·
Liam Flenady : « We only want the Earth » [15]
· Alain Patrick Olivier : Situation de l’opéra contemporain [16]
· Andrea Cavazzini: Y-a-t-il une pensée (de la) politique chez Adorno ? Notes sur une disjonction musique/politique [17]
· Frederico Lyra : Un malentendu productif ? [18]
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13 février 2016 (Babel)
Hétérophonies
cinéma-musique-peinture-théâtre : bilan et perspectives
· Rudolf Di stefano - L'hétérophonie
des arts dans le cinématographe
· Éric Brunier – Le
tableau : une construction multiple ? [19]
· Violaine Anger - La
Damnation de Faust
de Berlioz, première œuvre hétérophonique ? [20]
· Olivier Saccomano - Hétérophonie
du théâtre / homophonie du spectacle
· François Nicolas – Hétérophonie
musicale : quel mot, quel nom, quelle formalisation ? [21]
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12
mars 2016 (Babel)
Hétérophonies
théâtrales
10h-13h : Dramaturgies et
hétérophonie
· 10h - Jérôme Benarroch : hétérophonie, du
classicisme à la modernité (à partir de la pièce « Hamlet-Machine » de
Heiner Müller, et d’une expérience photographique)
· 11h30 - Olivier Saccomano : les voix on-off
dans le théâtre de Samuel Beckett (à partir de la pièce « Comédie »
et de quelques autres)
14h30-18h : Expériences
scéniques et hétérophonie
· 14h30 - Olivier Coulon-Jablonka, metteur en scène : les
voix contemporaines, montage et théâtre documentaire (à partir de ses mises en
scène : « Paris nous appartient » et « 81, avenue Victor
Hugo »)
· 15h30 - Denis Guénoun, metteur en scène : une
expérience hétérophonique (à partir de sa mise en scène : « Aux corps
prochains (sur une pensée de Spinoza) »)
·
16h30 - Olivier Saccomano,
auteur : unité et hétérophonie (à partir de sa pièce « Soudain la
nuit »)
***
8 et 9
avril 2016 (Mamuphi
& Entretemps)
Sur Le
monde-Musique (éd. aedam musicæ) de F. Nicolas
(cliquer sur chaque lien pour accéder à la
vidéo Youtube correspondante ou au texte pdf)
***
[1]
Examiné à partir du romantisme français tardif
(rivalisant avec le positivisme d’A. Comte pour déterminer qui, des arts ou des
sciences, serait hégémonique comme paradigme de toute pensée), il est
saisissant de découvrir que le premier romantisme allemand a pris appui précis
et sûr… sur les mathématiques, et, mieux encore, sur sa part la plus abstraite
et littérale, la moins rêveuse et ombragée : l’algèbre moderne des
structures de groupe !
Quelles conséquences pour une
conception contemporaine du romantisme musical, tant celui du XIX° que celui
dont rode le spectre en ce début de XXI° ?
Un moment mamuphique inattendu: le Romantisme
allemand (XVIII°-XIX° siècles)
La culture allemande entre la
fin du XVIII siècle et la première moitié du XIX est depuis longtemps reconnue
comme le site d’une extraordinaire séquence philosophique, poétique, musicale
et politique. Les noms de Hegel, Goethe, Hölderlin, Beethoven et Marx, parmi de
nombreux autres, suffisent à suggérer la richesse de cette séquence. Pourtant,
les rapports de cette constellation avec la pensée des sciences ont rarement
été considérés comme étant à la hauteur des créations qui ont vu le jour dans
les autres domaines mentionnés : un préjugé tenace persiste, affirmant que
la « culture classique allemande », marquée par l’Idéalisme et le
Romantisme, aurait forclos la signification véritable des sciences, en
particulier de celles qui relèvent directement des mathématiques. Cette idée a
mené certains, à l’instar de Michel Serres, à supposer une dichotomie rigide,
voire une opposition inconciliable, entre une pensée rationaliste
« classique », centrée sur l’évidence des premiers principes et sur
la vérité de la mathesis, et une pensée romantique,
« nocturne », vouée à l’interprétation infinie du vécu et de l’histoire.
Des travaux récents en
philosophie et en histoire des sciences ont imposé une rectification de cette
vision : des ouvrages comme Les enjeux du mobile de Gilles Châtelet
et L’histoire philosophique de l’algèbre de Benoît Timmermans ont montré
à la fois la fécondité pour les mathématiques et pour la physique des
spéculations de la Naturphilosophie romantique, et la fonction de
matrice conceptuelle que les sciences revêtent pour les systèmes philosophiques
idéalistes et romantiques. La théorie des groupes de symétrie, le calcul
vectoriel ou la théorie des nombres sont montrés dans leur rapport
indissociable avec les constructions dialectiques de la philosophie
spéculative, et la recherche philosophique de la Totalité apparaît comme un
élan producteur de nouvelles théories mathématiques. Les concepts dynamiques et
dialectiques circulent entre théorisation mathématique, discours philosophique
et connaissance de la nature, à la recherche d’une vision du réel unifiée par
les idées de mouvement et de totalité.
On peut donc repérer au sein
de la culture « romantique » une constellation de pensée singulière
qui réalise une articulation spécifique entre mathématiques et philosophie. La
première séance du séminaire MAMUPHI 2015-2016 essayera à la fois d’explorer
cette articulation et d’interroger son rapport à la musique en tant que
troisième « pôle » de cette constellation.
[2] La philosophie spéculative allemande a été définie par le projet de construction de l’Absolu dans et par la pensée. Ce projet a impliqué une vision des mathématiques que le positivisme postérieur a souvent interprétée en termes fort réducteurs. Pour de nombreux philosophes et savants de l’époque – tels Hegel, Grassmann, Johann Jakob Wagner et Martin Ohm – les mathématiques auraient dû être arrachées à leur compréhension empiriste et incorporées à la philosophie en tant qu’horizon total du savoir. Cette vision était solidaire d’une conception des mathématiques comme pensée des opérations et des relations soustraites à l’intuition sensible, et comme manifestation de l’auto-détermination absolue.
[3] À partir du livre de B. Timmermans, cette intervention se propose de dégager ce qui peut être déduit d’une confrontation entre Hermann Weyl et Novalis, tous deux préoccupés par les cristaux, et d’essayer de préciser ainsi le rôle joué par la cristallographie dans l’ « invention" de la théorie des groupes.
[4] Si certains acteurs du premier romantisme allemand
« participaient d’un projet pour lequel “mathématiser” le monde et le
“romantiser” n’étaient pas choses si différentes », si cette alliance
mathématique-poésie (qui « associe sans confondre ») apparaît
inattendue pour un musicien qui tend à centrer le romantisme sur sa version
plus tardive (celle de « l’artiste » faisant face au
« positiviste » d’un XIX° siècle triomphant), si cette alliance
s’appuie sur un tournant mathématique interne à l’algèbre - une algèbre
désormais moins centrée sur son calcul de l’inconnue arithmétique (depuis
al-Khwârizmî) ou sa formalisation des opérations géométriques (depuis
al-Khayyâm…) que sur ses propres structures immanentes de groupe, une algèbre
moins passerelle entre les deux continents antiquement séparés des nombres
arithmétiques et des figures géométriques que troisième continent à part
entière dont l’autonomie de pensée ouvre la perspective d’un entrelacs
mathématique généralisé, qu’est-ce que tout ceci nous éclaire quant à la
possibilité aujourd’hui de repenser la musique à créer, non par synthèse
mythologique de l’opposition entre une imagination néoromantique et une
formalisation néopositiviste mais par entrelacs ternaire (mamuphi oblige…)
de raisonances en partage ?
En
bref, de quelle terza pratica (l’Un, en se divisant en Deux, se partage
en Trois) l’histoire de cette émergence mathématique à raisonance
philosophique instruit-elle un musicien qui, pour continuer d’être moderne,
doit apprendre – en ce début de ce XXI° siècle comme ses prédécesseurs aux
débuts des XIX° et XX° siècles, à ne pas être tout à fait contemporain
(« Contemporain ? Jamais, non, et de personne ! »
Ossip Mandelstam, 1924) ?
On esquissera donc, en guise de raisonances esthétiques, comment ce livre suggère de réexaminer cette modernité-Schoenberg qui subsume le néo-romantisme des Gurre-Lieder et le néo-positivisme du dodécaphonisme (op. 23 pour piano, Quintet à vents op. 26…) en ces opus tardifs de l’exil que la musique « contemporaine » de l’après-guerre a pu lui reprocher…
[5] Loin de se restreindre au seul
domaine mathématique, la théorie des catégories a montré son efficacité en tant
qu’outil conceptuel susceptible d’être appliqué à différentes disciplines, de
l’informatique à l’analyse musicale en passant par les sciences cognitives.
Cette séance est à la fois un hommage aux travaux d’Andrée Ehresmann -
collaboratrice de longue date du séminaire mamuphi
- et une occasion de réflexion collective sur des applications récentes de la
modélisation catégorielle, en particulier à l’étude de la créativité. La
journée est organisée en collaboration avec l’université Paris-Est Créteil (UPEC),
avec le soutien de l'ANR DeSciTech (Sciences, design et société : la fabrique
des mondes contemporains).
[6] Les Systèmes Evolutifs à Mémoire (ou MES) proposent une
méthodologie pour l'étude de systèmes multi-échelles, multi-agents et multi-temporalités,
dont les composants varient au cours du temps. Ils ont été développés avec
Jean-Paul Vanbremeersch à partir de 1985 en vue d'une 'catégorisation' des
problèmes relatifs aux notions de hiérarchie, émergence et évolution très
discutés en France à cette époque. Ils s'appuient
sur mes travaux antérieurs :
(i) "Systèmes guidables" introduits en
1963 pour résoudre des problèmes
d'optimisation et de contrôle.
(ii) Construction du "prototype" d'une
esquisse (avec Charles Ehresmann, 1972)
Parmi
les résultats : Théorèmes montrant le rôle de l'existence de composants
'multifacettes' (Principe de Multiplicité) pour l'émergence, par
'complexifications' successives, de composants de complexité croissante.
Dans la mémoire ils permettent la formation d'un 'Noyau archétypal' AC à la
base des processus cognitifs d'ordre supérieur.
L'application
MENS donne un modèle intégratif du neural, mental et cognitif, y compris les
aspects phénoménologiques développés dans des 'macro-paysages' (espaces
mentaux) que AC permet de construire et dans lesquels se
développent des processus supérieurs
: conscience, anticipation, créativité.
[7] La théorie des catégories procède d'un examen des gestes des
mathématiciens au travail, ne vise pas à les fonder, mais à en décrire la fonctionnalité. Dans ces gestes il faut au premier
chef retenir la pulsation mathématique et ses conséquences qui sont le
caractère indirect du travail, l'éloignement des objets, l'effacement des
objets au profit des relations et morphismes, voire la disparition des objets,
au profit ultime des preuves, et enfin, dans ces preuves mêmes la disparition
du proprement logique au profit du calcul et de l'exactitude, du calcul des
invariants, des modifications et formes. In fine la saisie catégoricienne de
l'activité mathématique nous entraine vers le calcul cohomologique en lieu et place de la logique antique. Cela dit, nous
pouvons proposer une méthode de modelage pour toute étude mathématique, à
l'image même du travail accompli par les catégoriciens sur l'ensemble des
mathématiques et sur la
théorie des catégories elle-même. Il s'agit de prôner l'association à tout
objet une catégorie représentant sa forme d'un certain point de vue,
c'est-à-dire ce qui de ce point de vue tourne autour de l'objet, le modèle par ses
mouvements, de sorte que la cohomologie de cette forme fournisse ce qui
reste invariant. La catégorie associée à l'objet est comme une présentation de
celui-ci, et c'est dans son choix que gît le moment d'invention créative.
Il
s'agit là d'une proposition d'une méthode d'invention, au sens que Descartes
donnait à une telle expression. En principe la méthode s'appliquerait à tout
domaine d'activité, pourvue que l'on cherche à bâtir un parallèle entre les
gestes de cette activité et ceux du
catégoricien. L'exposé,
après l'étayage sommaire de ce que nous venons d'écrire, montrera quelques
exemples, tant d'objets à étudier ainsi que de théorèmes de la méthode
(théorèmes de théorie des catégories donc).
[8] Dans leur programme de formalisation des activités de
création, les sciences de l’action (conception,
design, organisation…) font face à des difficultés d’unification de types
d’objectivation hétérogènes. En particulier, l’étude des schèmes opératoires
sous-jacents aux activités de création a souvent été conduite en ne considérant
qu’un système d’opérations réduit et « fossilisé », laissant alors de côté le
contenu dynamique des expériences individuelles et collectives. L’ambition de
notre travail est de proposer un mode de formalisation qui unifie mieux ces différents
types d’objectivation. Pour ce faire, l’analyse est conduite dans le cadre
catégoriel des « systèmes évolutifs à mémoire » (MES). Elle aboutit à
construire D-MES, un MES particulier qui formalise les schèmes
interdynamiques à l’œuvre dans les activités de création collective et qui
permet d’en dégager les contraintes dynamiques et structurales. L’improvisation
musicale peut en être un exemple.
[9] Dans cet exposé, nous ne traiterons ni de musique, ni
de créativité, mais de démonstrations logiques. Nous expliquerons tout d'abord
que le raisonnement logique repose sur une symétrie originelle entre les deux
protagonistes du dialogue logique: Eloïse qui cherche à établir une propriété,
Abélard qui cherche à la réfuter. Cette symétrie interne et involutive entre
Eloïse et Abélard traverse toute la logique, et s'applique aussi bien à la
logique classique qu'à la logique intuitionniste.
De là s'en suit un principe
de relativité qui assure que Eloïse et Abélard disposent des mêmes outils
d'argumentation de part et d'autre du dialogue. D'un point de vue algébrique,
ce principe de relativité signifie que tout principe logique,
habituellement formulé du point de vue de celui qui démontre (Eloïse en
l'occurrence), se découple en réalité en une paire
duale de combinateurs: le premier combinateur incarne le principe logique tel
qu'Eloïse le comprend et le met en œuvre, tandis que le second combinateur
incarne ce même principe logique mais compris cette fois-ci du point de vue
antagoniste d'Abélard. L'interaction logique est dès lors définie par une série
de lois de distributivité catégoriques qui décrivent comment les différents
combinateurs de preuves (pour Eloïse) et de contre-preuves (pour Abélard)
interagissent. Nous expliquerons en fin d'exposé comment cette étude
catégorique, symétrique et interactive des démonstrations logiques débouche sur
une appréhension topologique,
plutôt que simplement formelle, de
la théorie de la démonstration, et sur une notion encore énigmatique mais bien
présente d'espace logique.
[10] Cet exposé est placé sous la figure de Samuel Eilenberg
(1913-1998), l'un des pères fondateurs de la théorie des catégories, qui est
aussi l'auteur d'un des ouvrages ayant le plus marqué l'enseignement des
automates. On présentera des recherches sur l'improvisation avec ordinateur qui
s'appuient sur les automates pour modéliser des transitions entre événements
musicaux. Le logiciel ImproteK développé par Marc Chemillier et Jérôme Nika (http://improtekjazz.org) dans le
sillage des travaux sur OMax capte le jeu d'un musicien et se sert des phrases
enregistrées pour en produire de nouvelles par recombinaison à l'aide
d'automates dont on montrera le fonctionnement et certaines propriétés. Ce
travail permet de faire une analogie avec les catégories dans la mesure où ces
dernières introduisent un niveau d'abstraction en remplaçant les ensembles et
leurs éléments par des flèches entre objets. De la même manière on s'intéresse
non plus à des notes de musique mais à des séquences déjà constituées. On
envisagera certains problèmes que cela pose sur le plan de la synchronisation
avec une pulsation sous-jacente, le recalage d'une séquence étant plus
difficile à opérer que celui d'une note. On fera une démo du logiciel en interaction
avec le musicien malgache Charles Kely.
[11] Comment la recherche musicale peut-elle tirer profit des
travaux des mathématiciens sur la formalisation catégorielle ? Dans cette
présentation conclusive, nous aimerions revenir sur quelques aspects du travail
de collaboration que l’équipe Représentations musicales de l’IRCAM mène depuis
quelques années avec Andrée Ehresmann (et d’autres mathématiciens et
théoriciens de la musique, tels Guerino Mazzola et Alexander Popoff), en
particulier autour de la formalisation catégorielle d’outils analytiques issus
de la théorie transformationnelle de David Lewin et leur modélisation
informatique dans un langage de programmation pour la composition assistée par
ordinateur.
[12] Comment penser
ensemble musique et politique ? Comment saisir ce qu’elles ont en partage – au double sens de ce qu’elles
partagent et de ce qui les partage ?
Pour nous, ces questions ne
renvoient pas à un repérage sociologique des différents « usages » sociaux
de la musique, à ses inscriptions dans des institutions étatiques ou à son rôle
dans la constitution de tel ou tel groupe « socio-culturel ». Nous
voulons interroger musique « et » politique en rupture avec les
descriptions objectivantes ou identitaires centrées sur les effets de pouvoir
ou sur la constitution d’un « lien social ».
Il s’agira au contraire de
penser notre thème sous l’angle d’une position subjective concernant la musique créatrice et la politique
d’émancipation pratiquée en intériorité. C’est à partir de cette subjectivité
que nous souhaitons creuser le rapport entre musique et politique – un rapport
qui n’est pas celui entre deux « fonctions » sociales, mais entre
deux pensées autonomes dont il s’agit de cerner les points de contacts et de
distance.
Car ce rapport est complexe,
et il est difficilement pensable sans tenir compte de la disjonction des deux termes qu’il relie. Entre la grande création
musicale et les processus politiques émancipateurs, rien ne permet de supposer
l’existence d’un lien univoque, simple et pacifié ; et ce, tant du point
de vue de la relation entre le musicien et la politique que de celui du rapport
entre l’œuvre musicale et la politique.
Ainsi, Wagner,
révolutionnaire en 1848, se découvre subjectivement divisé entre les exigences de son art et une politique qui n’a
aucune raison de s’intéresser à la musique ou de privilégier le musicien
par rapport à n’importe quel militant ; et Lénine écoutant l’Appassionata de
Beethoven affirme que la « beauté » de l’œuvre fait obstacle à la
subjectivité révolutionnaire, et à la dureté qu’elle requiert pour mener ses
luttes. Ces deux exemples suggèrent que, entre musique et politique, existe
quelque chose qui est de l’ordre de la rivalité potentielle, voire de
l’impossibilité de toute conciliation simple et immédiate.
Pour autant, faudra-t-il
conclure que le rapport entre musique et politique
serait entièrement négatif et marqué par une impasse radicale, au mieux par une
radicale indifférence ? Faut-il se résigner à voir dans cette disjonction
une incommunication définitive entre ces deux pensées ? L’élaboration de
cette problématique tout au long du XXe siècle par des musiciens tels que Hanns
Eisler ou Serge Prokofiev suggère que ces tensions peuvent être formulées de
plusieurs manières qui évitent les dichotomies paralysantes, tout en prenant
acte de cette disjonction initiale qui rend impossible toute conciliation
facile entre les deux ordres.
Encore une fois,
ce qui est intéressant, ce n’est pas l’énumération empirique des solutions
fournies à cette problématique dans des situations historiques
différentes. Ce qui importe, est l’idée que la musique peut, avec ses propres
moyens, exprimer quelque chose qui a partie liée avec l’idéologie politique
(plus qu’avec la politique proprement dite). Cette « mise-en-forme »
indirecte, cette possibilité de formaliser une idéologie politique dans la pensée propre de la musique sera
le point de départ de la réflexion que cette journée entend mener.
[13]
«... très maligne la nature, elle m’a offert
cette issue, pour ne pas m’affoler et pour survivre. Lors de tous les moments
difficiles, l’Art, et plus particulièrement la musique, ouvrait une porte à mon
existence… »
C’est ainsi que le
compositeur, homme politique, penseur et académicien Grec le plus reconnu
mondialement, Mikis Theodorakis, décrit la délivrance qui lui était offerte par
le biais de la musique aux moments où le combattant et le créateur
s’identifiaient en lui-même. Car, dans sa vie, musique et politique, politique
et musique sont étroitement liées. Résistant pendant la Seconde Guerre Mondiale
(1940-1944), combattant communiste pendant la Guerre Civile Grecque
(1945-1949), militant enflammé contre la Junte des Colonels (1967- 1974),
Theodorakis a consacré aussi bien son œuvre artistique que son action politique
au service de la Liberté, de la Démocratie, de la Justice Sociale...
Prenant en considération que
pendant les périodes de lutte armée, de prison ou d’exil, plusieurs œuvres ont
vu la lumière du jour sous la plume de Theodorakis, le but de cette communication
est, d’une part, en s’appuyant sur les écrits littéraires du compositeur
(autobiographie, textes politiques, articles...), de mettre en évidence les
circonstances dans lesquelles ces œuvres sont nées ; et d’autre part, à
travers une analyse poético-musicale des œuvres spécifiquement choisies (comme De l’Exil A’, Le Soleil et le Temps, Les
Arcadies...), de révéler les raisons pour lesquelles le compositeur les
caractérise de « témoignages d’une
époque tragique et cosmogonique ». Par ailleurs, le caractère
antimilitariste, diachronique et œcuménique de l’ensemble de l’œuvre
théodorakienne sera évoqué.
[14]
Pour examiner cette question, on repartira de la
décennie rouge (1966-1975) marquée, en matière de rapports musique-politique,
par une double injonction - « Nous
exigeons l’unité de la politique et de l’art. » / « Il est impossible de mettre le signe égal
entre la politique et l’art. » (Petit
livre rouge) – qui profilait l’horizon d’une unité dialectique sans
identité.
Cette orientation, qui
relevait la dimension proprement culturelle
des nouvelles révolutions à l’ordre du jour, a échoué : comme l’on sait,
la musique s’y est perdue (voir, entre autres, le suicide musical du Requiem de Zimmermann en 1969) tout
comme la politique en question s’y est défaite (pour être ensuite défaite).
Se faire le chroniqueur de
cette séquence – son Gurnemanz donc – n’aurait guère d’intérêt s’il s’agissait
de se gausser du vieil Amfortas, déplorant sa lance abandonnée plus
qu’arrachée, ou de vilipender le matador Klingsor, plastronnant dans un château
de Versailles dont l’apparente puissance ne repose sur aucune conviction
affirmative mais uniquement sur une collection disparate de peurs et de
renoncements. C’est du côté d’une relève, ou d’une reprise (au sens de
Kierkegaard), autant dire d’un Parsifal, jeune et ingénu, qu’il nous faudra
examiner la situation présente et ces possibles que les incantations du
capitalisme impérial, démocratique et belliciste voudraient nous faire passer
pour impossibilités naturelles.
On proposera donc de
reprendre la question à partir d’un nouveau couple d’injonctions : « Nous exigeons l’autonomie relative et de la
musique et de la politique. » / « Il est possible que la musique formalise quelque dimension des projets
politiques émancipateurs », l’hypothèse étant qu’une telle
symbolisation encourage le nouage des imaginaires en question à l’épreuve d’un
réel - autant dire qu’il s’agira d’aborder ce rapport musique & politique selon une double subjectivité (de musicien
& de militant), non selon une supposée neutralité néopositiviste.
On avancera alors l’idée
d’une musique hétérophonique, sachant nourrir d’hétérogène son autonomie et
l’allier aux autonomies des autres arts et de la littérature.
On détaillera enfin le
projet compositionnel en cours - Égalité
68 – visant à formaliser musicalement des collectifs babéliens de type
nouveau.
[15]
Le socialiste irlandais James Connolly a écrit
en 1907 : « Nos demandes sont des plus modérées, nous ne voulons que la
terre ». Aujourd’hui, au moment où le changement climatique incontrôlé
menace l’existence d’un monde qui convient à la vie humaine, cette déclaration
acquiert une nouvelle urgence.
Comme Žižek l’a fait
remarquer, notre temps existe dans une contradiction spécifique. D’un côté,
tout semble possible : de la pornographie en tous genres, des voyages
commerciaux dans l’espace, le génie génétique... De l’autre côté, on nous dit
que tout effort collectif, ne fût-ce que le vieil État-providence, est
absolument impossible.
De la même façon, nous
pourrions dire que, alors même qu’un système mondial capitaliste complètement
intégré est en train aujourd’hui de se réaliser – le capital se déplaçant à
travers les frontières nationales en un clin d’œil –, il semble que le monde en
tant que tel est de moins en moins accessible à l’humanité commune et est en
danger d’annihilation.
En ce sens, nous pourrions
dire qu’il y a une mondialisation sans
monde.
En répondant à cette
situation la musique ne devrait pas se contenter du fétichisme des sons, de la
critique, ou des technologies médiatiques, et elle ne devrait pas s’occuper des
complexités de la conscience individuelle, des contraintes du corps, ni de
l’aliénation sociale.
Aujourd’hui, la musique
devrait bien plutôt affirmer la possibilité d’un vaste monde. Il faut reprendre
l’affirmation célèbre de Mahler : « Une
symphonie doit être comme le monde. Elle doit tout contenir. »
En reliant le projet
sérialiste d’une pensée paramétrique à la théorie de l’apparaître d’Alain
Badiou développée dans Logiques des
Mondes, nous pouvons commencer à
voir comment une œuvre musicale peut
délimiter un espace comme un monde dans lequel tout est (potentiellement)
relié.
Une telle œuvre aurait
nécessairement besoin de la superposition (voire du contrepoint) de diverses strates à des différents degrés
d’indépendance l’un par rapport l’autre.
Cela ne viserait pas la
reproduction du monde tel quel, où « rien n’aura eu lieu que le
lieu », mais une vision du monde-en-libération, d’un monde transformé par
le pouvoir d’un pensée-pratique telle que la musique.
[16]
Penser la situation de l’opéra contemporain
implique de penser l’opéra non seulement comme genre musical ou artistique,
mais penser ce genre dans le contexte de la situation historique politique,
sociale, technologique et philosophique à laquelle il se rapporte. Je vais
parler de la situation de l’opéra contemporain appréhendé sous les quatre
aspects de la création et de l’art ; des institutions et de la
démocratie ; des medias et des nouvelles technologies ; de la
métaphysique, de la philosophie et du religieux.
1)
Du point de vue de l’art et de la création, la question est celle des
avant-gardes en rapport à la tradition et à l’histoire de l’opéra.
L’avant-garde se met à exister dans un nouveau rapport de l’ancien et du
présent, du répertoire et de la création. La question se pose de son avenir, de
son rapport au mouvement historique.
2)
Du point de vue des institutions et de la démocratie, l’opéra est le
lieu d’un certain type de rassemblement, la question est de savoir comment
s’organise le nouveau rapport aux publics, quelle est la fonction sociale de
l’opéra, quelle est par suite la place des politiques publiques.
3)
Du point de vue de la technologie, les nouveaux modes de communication
signifient-ils une seconde vie ou une seconde mort pour l’opéra ? Cela
pose à nouveau la question du rapport au cinéma, au théâtre, à l’écriture.
4)
Du point de vue du métaphysique, quel rapport entretient l’opéra
aujourd’hui aux religieux, à la philosophie, à la théorie d’une façon générale.
La question de la politique n’est pas dissociée alors de la question
métaphysique.
Je ne traiterai pas pour
elle-même de la dimension économique, c’est-à-dire la situation de l’opéra dans
l’état actuel du capitalisme mondialisé, qui pourrait synthétiser néanmoins
l’ensemble de ces approches.
[17]
Il a été possible d’attribuer à Adorno tant une
fidélité au projet marxiste de l’émancipation qu’une méconnaissance totale de
la politique en tant que pensée
singulière. Ces deux positions expriment une ambiguïté immanente à l’œuvre du
philosophe : si, pour Adorno, la perspective marxiste reste la seule
condition pour penser au-delà de l’horizon capitaliste et marchand, la
politique n’en représente pas moins, dans sa pensée, le lieu vide d’une
impossibilité singulière. Cette situation paradoxale détermine l’approche
adornienne de la musique et les analyses que le philosophe consacre aux œuvres
d’auteurs comme Gustav Mahler ou Arnold Schönberg. Car, la musique est censée,
d’un côté, mettre en forme par ses propres moyens une certaine idée de
l’émancipation ; et, de l’autre, soustraire cette idée à toute réalisation
politique pour l’assigner indéfiniment à l’espace artistique. La disjonction
entre musique et politique devient ici une relation de substitution, voire de
lieu-tenance, assignant à la musique la tâche de formaliser non seulement une
politique qui lui reste irréductible, mais une politique absente.
Cette intervention se propose
d’étudier certaines implications de ces positions, et de mettre en évidence ce
que les analyses musicales d’Adorno arrivent, malgré leurs apories, à dégager
de ce que des œuvres de musique disent de la politique.
[18] Dans cette communication, nous
allons soutenir qu'il n’existerait pas de relation effective entre musique et
politique. Ce qui est souvent présenté ou aperçu comme une telle relation
relèverait au contraire d'autres champs du savoir, tels que la poésie, la
sociologie ou la politique elle-même. Dans ce cas, il n'y aurait pas d’entité
hypothétique nommée “musique-politique”. Néanmoins, et paradoxalement, cette
non-relation peut apparaître comme concrète pour beaucoup de monde, comme une
sorte de résonance (Nicolas, 2015) entre
deux champs du savoir, une résonance qui, bien que trompeuse, ne peut pas être
négligée.
Cependant,
une telle confusion concernant la perception d’une “musique-politique” est
normalement un malentendu d’un genre qui peut être productif. Une telle
perception peut avoir des effets concrets dans la vie des gens et, par
conséquence, dans l'ensemble de la société.
L'enjeu de
cette communication sera de mettre en discussion ce paradoxe entre la
non-existence effective d'une liaison entre musique et politique et la
possibilité et les effets d'une apparition, même trompeuse, d’un tel lien.
[19]
Parler
d’hétérophonie à propos du tableau de peinture, c’est affronter un double
obstacle : celui de la voix et celui de la multiplicité. Les tableaux de
Bruegel sur la tour de Babel fourniront le principal motif : ici se lie en
effet la relation entre la voix et la construction. On fera l’hypothèse
théorique qu’interroger le tableau, notamment sa construction sous l’angle
d’une hétérophonie, permet d’en saisir le discours.
On
verra tout d’abord que le tableau s’est constitué dans le rejet de
l’hétérophonie, qu’il est une forme unaire. Ensuite l’on abordera les éléments
qui semblent mettre en cause cette forme unaire mais sans pour autant permettre
une nouvelle définition du tableau. Enfin on se demandera dans quelle mesure
les tableaux modernes de Mondrian et de Delaunay (tableaux de constructions)
relèvent encore de la forme unaire.
[20]
Il s’agira de revenir sur la cohérence de cette
œuvre difficile à mettre en scène. La notion d’hétérophonie peut être précieuse
pour comprendre une œuvre qui mélange des effets symphoniques, une conception
du personnage totalement originale, une conception de la scène qui n’est pas
unifiée et un rapport multiple au sonore, comme à la “phonie” (expression
personne du sonore) dans tous ses états. La difficulté à la mettre en scène en
sort peut-être éclairée.
[21]
1) Pourquoi avancer aujourd’hui le mot hétérophonie ?
Pour
nommer un projet, un possible donc plutôt qu’une réalité déjà avérée !
Ce
projet concerne la musique du XXI° siècle dont il semble clair qu’elle ne sera
guère la prolongation de celle du XX° (à l’inverse, par exemple, de la musique
du XIX° qui a prolongé celle du XVIII°) : quel bouleversement s’agit-il
donc de concevoir ?
Un
carrefour ici se dessine, tout comme, au sortir de l’extension des nombres
rationnels en nombres réels, une alternative s’est esquissée : étendre les
réels vers les complexes, privilégiant ainsi le calcul algébrique pour
abandonner le « bon ordre » des nombres, ou a contrario vers les
surréels, privilégiant plutôt la rationalité arithmétique de l’ordre numérique
quitte à ne pas assurer la clôture algébrique ?
Tout
de même, pour la musique aujourd’hui, faut-il étendre les calculs acoustiques
et reconfigurer un espace sonore où la musique
(au sens classique du terme) ne désignerait plus qu’une dimension parmi
d’autres ou faut-il a contrario étendre la musique en lui adjoignant
l’hétérogène adéquat ? C’est en ce
point, et pour nommer la seconde branche de l’alternative, que le mot hétérophonie est avancé.
2) Qu’est-ce que ce mot peut
nommer en musique ?
Pour
mieux cerner ce mot actuellement ambivalent et mal défini, on examinera les
manières dont l’hétérophonie s’oppose à la monophonie, l’homophonie, la
polyphonie, l’antiphonie et la cacophonie.
On
verra ce faisant que leurs oppositions ne portent pas seulement sur les
manières d’assembler différentes voix mais, en amont, sur ce que
« voix » veut exactement dire pour chacune.
Il
apparaîtra ainsi qu’une hétérophonie doit être un assemblage (de type
particulier) entre voix elles-mêmes de type particulier, qu’on nommera
« voix hétérophoniques ».
Prenant
appui sur « la » voix disparate du Buisson ardent dans Moïse et Aaron d’A. Schoenberg, on
avancera un exemple de ce que « voix hétérophonique » veut dire dans
la composition en cours Égalité 68.
3) Qu’est-ce que ce mot peut
formaliser, en dehors de la musique ?
À
l’ombre du principe selon quoi « penser, c’est formaliser », on
soutiendra que l’hétérophonie musicale ainsi entendue peut formaliser la
constitution de collectifs de type nouveau (différents de ceux que
l’homophonie, la polyphonie, l’antiphonie ou la cacophonie peuvent formaliser).
S’agissant
là également d’une prospective, on présentera le projet collectif nommé Hétérophonie 68 qui devrait rassembler
toute une semaine - du 7 au 13 mai 2018 - au Théâtre La Commune d’Aubervilliers, musique, théâtre, cinéma, danse et
poésie en un cérémonial hétérophonique de Mai 68.