Onzième chronique des tournées-rue contre la drogue

par les pères de famille du quartier Stalingrad, mardi 21 mai 2002

 

 

Nous étions dix pères, dont deux « voisins », venus de quartiers limitrophes (Gare du Nord et Château-Rouge). Notre parcours : avenue de Flandre, rue du Maroc, rue de Tanger, rue Bellot, rue d’Aubervilliers, boulevard de La Chapelle. TF1 suivait notre promenade.

I. Avec les jeunes

Deux mois de travail, de tournées-rue, de rencontres, nous ont permis d’écrire une première version du papier projeté où des jeunes parlent à d’autres jeunes contre la drogue. Nous l’avons composé à partir de tous les propos recueillis en deux mois. Voici ce tract.

 

 

Le blâme de la came

par des jeunes de Stalingrad

(mai 2002)

 

 

Il faudrait écrire le blâme de la came.

 

Déjà la came, ça devrait même pas être inventé.

 

La drogue ? C’est clair que cela bousille le quartier.

Le crack, ça me fout la rage. Avant le quartier était bien. Maintenant on ne croise plus que des croque-morts ou des poubelles ambulantes.

 

Il faudrait donner des exemples dans le quartier : un tel est en prison, un tel est mort.

La drogue, ça donne ce que sont devenus les gens d’à côté.

J’ai vu comment ils finissaient les gars. C’est nul pour la santé.

Quand je me vois et que je vois les drogués, je me sens mieux !

 

La drogue, ça pardonne pas ! Si tu rentres dedans, tu n’es pas prêt d’en sortir !

Il faut dire que tous ceux qui y rentrent n’en sortent plus qu’en dégradation totale.

La drogue, c’est un cercle vicieux. La première fois, c’est pas forcément la dernière.

 

La drogue, ça crée trop de problèmes.

La drogue, c’est de la mort !

 

On est pour la vie, la vraie vie, pas la vie qu’on s’imagine quand on est drogué. La came, ça fait pas vraiment partie de la vie. La came, ça t’énerve pour rien.

Je suis contre parce que j’ai pas envie de pourrir ma vie ! J’ai envie de profiter des choses. Les drogués, eux, ils ont rien réussi dans la vie. Ils sont malheureux.

 

Tout le monde a le même cerveau, mais ça dépend comment tu t’en sers !

 

Moins tu as de choses à faire, et plus tu as de chances de tomber là-dedans. Et plus tu as de choses à faire, moins tu as de chances de tomber là-dedans.

Pour que les jeunes tombent moins facilement, il faut qu’ils trouvent une activité très tôt, un truc à faire.

La drogue, c’est dû à un manque d’activité,

Ce qu’il faudrait, ce serait un stade dans le quartier, ou un terrain de sport. Il y a rien pour les enfants.

 

La danse hip-hop, c’est comme une drogue saine. On y trouve des sensations qu’on peut pas trouver ailleurs, par exemple quand tu tournes sur la tête. Quand on a fini, on a qu’une envie, c’est de recommencer. Et quand ça marche, tu as envie que ça s’arrête pas. Ces sensations sont tellement fortes qu’on a pas besoin de drogues. On ressent que des trucs positifs. On montre qu’on existe. Et on est reconnu.

 

Pour moi, la came, c’est tellement pas présent que j’en parle pas, ça existe pas. Quand on met trop en avant les choses, on peut avoir envie d’y toucher.

J’essaie de pas trop parler de la drogue avec mes copains car j’ai peur que ça rentre trop dans la tête.

 

 

On trouvera en annexe les propos recueillis de François, jeune danseur de hip-hop rencontré lors de notre neuvième tournée-rue et avec qui nous avons reparlé, dans un local rue de Tanger.

Ce mardi soir, nous comptions distribuer ce papier auprès des jeunes pour leur présenter ce premier résultat et le soumettre à leur examen critique. Mais les jeunes n’étaient guère dans la rue ce mardi. Était-ce le fait que le mercredi, cette semaine, n’était pas férié et que les jeunes, allant à l’école le lendemain, restaient plutôt chez eux ? Hypothèse optimiste de Christian, qui laissait sceptiques certains pères, plus pessimistes, mais personne n’a su formuler d’autre hypothèse…

Deux rencontres, malgré tout.

À nouveau Samia

On retrouve d’abord Samia (voir dixième chronique) et son sourire toujours aussi éclatant. On lui remet la chronique et lui relève ce qui la concerne. Elle lit à haute voix. L’écrit semble lui convenir. On lui remet le tract des jeunes, lui indiquant la phrase qui y vient d’elle. Elle est visiblement satisfaite qu’on ait pris au sérieux ses propos. On lui demande de lire tout cela attentivement et de nous en reparler un prochain mardi soir ou par courrier électronique puisque nous avons échangé nos adresses.

Un jeune acteur

Un jeune comédien vient nous faire une proposition. Il a lui-même tâté de la drogue, de pas mal de drogues même, mais s’en est sorti. Il travaille actuellement la pièce de Bernard-Marie Koltès Dans la solitude des champs de coton, pièce qui confronte un dealer et son client sans jamais expliciter quel est exactement l’objet de leur négociation : drogue, sexe, armes… Cet acteur trouve la dernière scène propice à une intervention préventive auprès des jeunes. Sa suggestion : venir la jouer, avec un autre acteur, en plein air, devant des jeunes du quartier, en une occasion à définir.

L’idée est séduisante. Nous convenons de relire cette scène tranquillement et d’en reparler ensuite. Nous échangeons nos numéros de téléphone et nous donnons rendez-vous mardi prochain.

II. Avec les habitants

En fait, la tonalité générale de cette onzième tournée-rue a été donnée par nos échanges avec les habitants plutôt qu’avec les jeunes (et ce, contrairement à ce que nous pensions au départ).

Petit échantillon d’habitants appréciant l’évolution du quartier.

Il y a d’abord les encouragements habituels, mais ce soir-là particulièrement enthousiastes.

Une mère

Dès le départ, une mère, petite fille de deux ans lovée dans les bras, s’avance pour nous adresser ces mots : « Je tenais à vous féliciter. Depuis que vous êtes là, la situation s’est beaucoup améliorée. Avant, il y a eu beaucoup d’initiatives individuelles, par exemple dans mon immeuble de la rue Gaston-Rebuffat, mais ça ne servait à rien. J’ai été à vos manifestations mais il y a eu une réunion un samedi où je n’ai pu venir. Depuis vos sorties, c’est beaucoup mieux. Maintenant, tous les mardis, je suis dehors alors qu’avant je n’osais pas sortir le soir. À un moment, j’ai pensé partir du quartier, car j’ai trois enfants, de 14, 10 et 2 ans et demi. Mais je ne peux pas. Il reste encore des problèmes, surtout dans le parking où les drogués s’installent et cassent les choses. Mais c’est beaucoup mieux qu’avant, où il fallait les enjamber pour sortir de chez soi, où ils nous réveillaient constamment toutes les nuits, où ils sonnaient aux portes… »

Deux hommes

• Un monsieur nous montre fièrement ce qu’il a dans son portefeuille : la photo d’une de nos manifestations de l’automne dernier !

• Un autre monsieur : « C’est génial ce que vous faites ! Ici, c’est un quartier de m…. Les drogués qui se retrouvent dans ce quartier, c’est à eux de partir, pas aux gens qui y habitent. »

D’autres habitants restent plus sombres

D’autres habitants mettent plutôt l’accent sur le fait que le quartier reste « à moitié » encombré du trafic plutôt qu’à moitié libéré…

Une mère

« La police, c’est malheureux, elle ne fait pas son travail ! Regardez ce qui se passe : vous croyez que c’est normal devant l’école. On serait dans le XVI°, on ne verrait pas ça ! Les jeunes qui sortent de l’école pour apprendre quelque chose, ils voient des adultes qui sont drogués et dealers. C’est n’importe quoi ! »

Antoine, 27 ans

« J’habite dans un hôtel rue d’Aubervilliers. Je me fais constamment chauffer par les toxs. Je résiste pour ne pas m’énerver. Il y a 120 chambres, c’est un marchand de sommeil. Je sais pas combien il y a là-dedans de drogués mais c’est le Bronx là-bas. J’ai vu des gens éborgnés, des coups de feu. Les flics viennent parfois mais ils disparaissent la nuit. Quand je rentre tard, j’ai toujours de l’appréhension. Et maintenant, ils vont faire une école maternelle dans la rue. C’est dramatique, c’est tout ce qu’ils ont trouvé à faire ! C’est n’importe quoi ! »

Va-t-on livrer au trafic les petits de Maternelle ?

Nous renchérissons : la mairie du 19° présente cette nouvelle école maternelle rue d’Aubervilliers comme une bonne chose, comme un progrès pour le quartier, mais si la rue continue d’être un repaire pour le trafic de crack, cela va faire comme l’été dernier pour les jeunes de la bibliothèque Hergé : cela va livrer les enfants — les tout-petits cette fois — au spectacle sordide et brutal des toxicomanes… La municipalité du 19° a abandonné pendant six mois les enfants de la bibliothèque Hergé aux trafiquants sans faire ensuite amende honorable. Elle semble bien capable de recommencer avec les petits de Maternelle !

Les repaires du crack (crackhouse)

Ce soir-là, nous avançons lentement dans les rues. Il nous faut à chaque fois interrompre nos discussions en fixant des rendez-vous, relevant des numéros de téléphone si nous voulons arriver à tenir nos objectifs de la soirée. L’un d’entre eux est d’aller rendre une visite amicale aux familles africaines habitant dans les trois « repaires du crack » du quartier : au 9 et au 13 rue d’Aubervilliers, au 13 rue Bellot.

Fermer les repaires du crack

La situation du quartier, quant au trafic, est désormais claire. Depuis que la police a dispersé « la scène ouverte » de la rue du Département, le trafic est fluctuant dans l’espace public mais enkysté en quelques espaces privés qui servent de lieux de repli et de bases arrière aux dealers. Les trois immeubles mentionnés constituent ainsi le cœur stratégique du trafic : c’est là que les échanges peuvent se faire, dans les méandres des escaliers, caves, logements aux portes défoncées… C’est là que les toxicomanes peuvent venir « consommer », régler leurs comptes entre eux, faire leurs besoins…

Lutter contre le trafic de crack dans le quartier implique aujourd’hui la fermeture de ces repaires du crack (ou « maisons du crack », pour traduire le terme new-yorkais crackhouse). C’est là, bien sûr, affaire de police et de pouvoirs publics. Notre projet désormais est de mener bataille dans le quartier sur ce point.

Des familles africaines livrées aux truands

Le point capital est que ces repaires du crack, tanières des dealers et toxicomanes, sont également habités par des familles africaines qui sont les premières victimes du trafic. Ces familles, particulièrement vulnérables, ne pouvant aussi facilement que d’autres en appeler de la police et de la protection des pouvoirs publics, et qui sont toutes en attente d’un relogement décent par les municipalités concernées (18° et 19°), sont aux premières loges, livrées sans défense, femmes et enfants, aux diktats quotidiens des truands. Qui dira ce que vivent ces familles, en plein cœur de Paris ? Un livre est récemment sorti sur le bidonville de Nanterre, rasé dans les années 60. Et tous nos responsables politiques de s’offusquer qu’il ait été possible, il y a quarante ans, de laisser des familles dans un tel état de misère matérielle. Mais ces jolis cœurs qui dénoncent le passé font semblant de ne pas voir ce qu’il y a dans leur ville, dans leurs arrondissements, en plein Paris du troisième millénaire !

Quand elles sont majoritaires…

Ces familles se sont organisées contre le trafic là où elles l’ont pu, c’est-à-dire dans les immeubles où elles étaient majoritaires, comme au 10 rue de Tanger. Elles y ont chassé les dealers et interdit la circulation du crack. Elles ont organisé des tours de garde, barricadé les portes d’entrée, protégé les plus faibles. Et le trafic a dû quitter les lieux. Ces familles se sont jointes à nous, participant aux manifestations du quartier contre le crack.

Et quand elles sont minoritaires…

Dans les repaires du crack, ces familles se trouvent en minorité, et c’est bien là leur malheur. Elles ne peuvent donc que subir la loi quotidienne, jour et nuit, du trafic, et leur vie est un enfer. Ces familles sont comme nous des habitants du quartier, elles supportent un concentré extrême de toutes les vicissitudes du trafic que nous combattons. Il est essentiel que notre mobilisation, qui est au plus haut point la leur, puisse changer leur situation concrète.

Nous avons donc pris contact avec ces familles et nous nous sommes réunis avec elles, dans leurs logements, au cœur de ces repaires. Leur accueil a été enthousiaste. En fait, elles nous attendaient depuis longtemps : elles connaissaient notre mobilisation puisque nous avions choisi de manifester en septembre dernier au cœur même du trafic, sillonnant les rues menacées pour nous les réapproprier. Ces familles nous avaient salués de leurs fenêtres. Aujourd’hui, enfin, nous nous sommes retrouvés ensemble, chez elles, soudés par l’objectif commun de faire fermer ces lieux sordides en exigeant un relogement des familles qui y habitent.

Rassemblements tous les mardis de juin

Nous avons donc décidé d’appeler avec ces familles à une série de rassemblements tous les mardis soir de juin (4, 11, 18 et 25 juin à 19 h 30), devant le 13 rue d’Aubervilliers, sur le triple mot d’ordre : fermeture des repaires !, relogement des familles !, le trafic dehors !

Nous avons décidé tout cela avec ces familles, lundi 20 mai. Nous nous proposions de revenir les voir, lors de cette tournée-rue.

13, rue Bellot

Au 13, rue Bellot (19°), l’immeuble est d’une saleté repoussante : la « cour » est un vaste dépotoir. Au centre, un vague passage au milieu des ordures permet d’accéder à un corps de bâtiment dans lequel on ne peut même pas imaginer que puissent habiter des personnes ! Et ce sont pourtant là trois familles qui résident, dont le petit Vladimir, 11 ans et demi, pure merveille d’enfant grave avec qui nous avions parlé lors de notre neuvième tournée-rue et qui nous avait éblouis par son intelligence calme et réfléchie.

Sa famille nous reçoit avec gentillesse, et gravité : les lieux sont envahis, la nuit venue, de drogués qui viennent consommer le crack acheté ailleurs dans le quartier, qui dorment dans la « cour », dans les pièces vacantes, dans les couloirs, qui montent sur les toits, circulent dans les immeubles voisins en sautant sur les murs mitoyens… Et Vladimir raconte qu’il va tous les jours à l’école, franchit les corps, affronte les regards, évite les seringues, et revient le soir faire ses devoirs « à la maison »…

Comment tout ceci est-il possible, dans l’indifférence totale des pouvoirs publics ? Une mère nous explique qu’elle se bouche le nez chaque fois qu’elle passe dans la cour, qu’elle a honte d’habiter là et de devoir infliger cela à ses enfants. Mais que faire ? Elle a déposé une demande de logement depuis une éternité, et rien ne vient !

Nous répondons : « Manifestons ensemble dans la rue pour faire fermer ce lieu ! Cela ne pourra que faire accélérer les dossiers ! »

13, rue d’Aubervilliers

Au 13, rue d’Aubervilliers (18°), la situation est encore plus sombre : deux immeubles séparés par une cour. Chaque immeuble est de cinq ou six étages. Pas d’immondices amoncelées comme rue Bellot mais le poids menaçant du trafic, partout, et ce dès l’entrée dont la porte a été supprimée par les toxs. Couloirs sans lumière. Escaliers aux marches défoncées. Moins de détritus que rue Bellot mais plus d’angoisse, et toujours cette crasse innommable. Pire que du Zola !

Jamal, une merveille d’enfant accroché à son cou

De la rue, les familles nous font signe de monter les voir. Des enfants éclatants agitent leurs petites mains et nous sourient : comment résister ? Nous pénétrons en file indienne le couloir sans lueur. Nous montons l’escalier, frappons en aveugle à une porte. Une femme africaine, boubou rayonnant de couleurs, nous accueille. Tous les pères s’entassent dans le petit logement où nous nous réunissions la veille avec les chefs de famille de l’immeuble. Deux enfants sautent sur nos genoux : des jumeaux de deux ans à peine, bouille ronde, yeux brillants, sourires jusqu’aux oreilles. Les hommes ne sont pas là, les femmes cousent, les enfants piaillent. Sekou, notre polyglotte, refait les présentations et entretient la conversation. Jamal se trouve enlacé par le plus petit des jumeaux qui s’accroche à ses bras. Nous ne voulons pas rester. Nous encombrons la pièce. Il ne s’agissait que de venir saluer nos voisins. Nous disons au revoir à chacun, et fixons rendez-vous à tous mardi prochain. Le petit arrimé au cou de Jamal ne veut plus le quitter. Jamal est bouleversé : c’est comme si l’enfant lui demandait de le sortir de là, de cette misère sordide. Mais si les lieux sont misérables, les gens qui l’habitent ne le sont pas : les femmes sont belles, se tiennent droit et sont grandies par leur courage. « Allez, viens, Jamal, laisse ce petit qui s’accroche à toi. Rends-le à sa mère. Nous le sortirons de là, avec toute sa famille. Viens, Jamal… ».

Une splendeur de femme qui éclaire un couloir sordide

Sur le palier, une autre femme, encore plus belle, encore plus grande, masse imposante drapée dans ses couleurs, nous plante son regard franc dans les yeux et nous invite à la suivre : quel homme résisterait à une telle proposition ? Elle veut nous montrer l’étage au-dessus. Et la troupe des pères reprend son ascension, dans le noir le plus complet. Un autre logement, l’homme est là. La femme nous le présente. Sekou officie : « Avez-vous des enfants ? — Oui, un, mais il est en internat. — On comprend ! » La mère nous explique l’horreur quotidienne de la vie dans ce bouge : les toxs qui défoncent les portes, font leurs besoins partout, crient, se bagarrent, courent, empêchent chacun de dormir, et son homme doit pourtant le lendemain partir travailler, comme tout le monde (ou presque !). Elle voudrait qu’on commence aujourd’hui même les rassemblements dans la rue : « Oui, c’est cela qu’il faut faire ! Il faut que ça change. Ce n’est plus possible que ça dure ! » Nous plaidons un délai de quinze jours : on commence le mardi 4 juin, promis, craché ; il faut en parler dans le quartier, rameuter les gens, préparer une banderole, amener une sono, distribuer des tracts, coller des affiches. On va le faire, mais laissez-nous, belle dame quinze jours quand même pour ce faire. On s’amuse, car dans ces lieux sombres et graves, les rapports vrais entre les gens sont ensoleillés : le noir, c’est connu, rehausse les lumières, l’éclat d’un sourire, la lueur d’un regard, le scintillement d’un visage. À mardi prochain !

Et les zombies de garde

Nous redescendons. Un tox, regard sombre, nous laisse passer. Il est appuyé sur un rebord de fenêtre, entre deux étages, visiblement dérangé dans ses occupations habituelles, perplexe devant ce défilé. Chacun le frôle dans le noir presque total, et imagine ce qu’il peut en être pour ces femmes que nous venons de quitter, et pour ces petits qui perçoivent les adultes par en bas, du haut de leur petite taille…

Dans le couloir étroit, c’est l’effervescence : des ombres circulent, s’échappent vers la cour, s’enfuient. Notre visite impromptue a semé l’inquiétude dans le repaire et chacun, dealers ou toxicomanes, a dû prendre ses dispositions.

Nouvelle étape dans la reconquête du quartier

Les temps changent : les habitants, partout dans le quartier, se réapproprient l’espace et mettent le trafic sur la défensive, lui ôtant de son arrogance. Et là où des habitants ne peuvent, seuls, se réapproprier l’espace privé de leur immeuble, d’autres habitants viennent maintenant chez eux les seconder, paisiblement mais fermement : il n’y a plus désormais de zone interdite dans le quartier !

Il faut poursuivre notre réoccupation collective des lieux occupés par le trafic et pourris par le crack ; il faut achever notre reconquête du quartier. Nos rassemblements de juin iront dans ce sens.

Dans la rue, face au 13

Un attroupement s’est constitué face au 13. Pour la première fois depuis que nous tournons la nuit dans cette rue, cet attroupement n’est pas fait de gens du trafic mais d’habitants du quartier, tous excédés et qui viennent profiter de l’occasion pour exprimer leur ras-le-bol.

Beaucoup, il faut le dire, restent sceptiques : « ça dure depuis vingt ans, alors… » Une discussion générale s’engage. Les pères informent de leur projet de rassemblements, argumentent, encouragent, expliquent, et finalement convainquent : « C’est sûr, ça peut être utile si vous arrivez à changer ce point-là, à faire fermer le 13 ! ».

Comment refuser ?

Une africaine, grande et belle, vaste corps drapé dans son étoffe (qui osera soutenir que les femmes de Stalingrad ne sont pas des beautés ? Et pourtant, nos femmes n’étaient même pas ce soir-là dans les rues…), une femme, disions-nous, nous invite à visiter son immeuble faisant face au 13. Le lieu est plus propre, protégé par deux portes d’entrée formant sas, mais une cour intérieure gâche tout : un mur mitoyen donnant sur un immeuble du passage Goix permet aux toxicomanes de s’introduire dans l’immeuble et d’y procéder à leur vandalisme ordinaire. Christian, minutieux comptable de la flagornerie des élus locaux, fait remarquer que les boites aux lettres débordent du dernier prospectus électoral vantant les mérites du tandem Vaillant-Markovitch : « ils abandonnent les gens mais se soucient quand même d’afficher leurs bobines en ces lieux délabrés ! ».

Rendez-vous dans la rue mardi 4 juin à 19 h 30

Nous quittons à grand-peine ce rassemblement improvisé et donnons à tous rendez-vous pour le mardi 4 juin à 19 h 30 au même endroit. Chacun se promet de descendre dans la rue et d’amener son voisin.

III. Avec les toxicomanes

Il est tard (22 h 45), une fois de plus, et nous n’avons toujours pas atteint la place de la Chapelle où nous devons rencontrer à nouveau Cyril, le toxicomane avec lequel le processus du face à face est engagé le plus avant.

Le face à face comme processus, et comme travail

Ce face à face est un travail, non un passe-temps. Rappelons-en rapidement les termes : il s’agit avec Cyril de poser le troisième pas dans une relation entre habitants et toxicomanes.

Premier pas

Le premier pas, c’est celui de la première rencontre, où nous posons nos questions, où le toxicomane qui le veut bien répond, généralement en racontant aussi sa vie. D’où s’en suit en général une première confrontation dont nous notons soigneusement les termes pour l’inscrire dans notre chronique.

Second pas

Le second pas concerne les retrouvailles avec cette même personne : il consiste à lui lire ce qu’il nous a dit la première fois et que nous avons transcrit, ainsi que ce que nous-même avons pensé et écrit de cette rencontre. Il se trouve ainsi confronté à ses propres dires, au sérieux avec lequel nous l’écoutons, à la réalité d’un travail que nous lui proposons qui ne doit rien aux propos de bistrot (propos où chacun cause pour ne rien dire, fait le fanfaron, s’affiche irresponsable de ce qu’il dit puisque personne en vérité ne l’écoute et que tout le monde au bout du compte se fout royalement de ce qu’il profère). Le second pas scelle donc, auprès du toxicomane en question, le sérieux de notre projet.

Troisième pas

L’enjeu du troisième pas est que le toxicomane fasse lui-même son propre travail dans ce processus, en réponse à notre second pas. Avec Cyril, ceci prend la forme d’un texte qu’il doit nous écrire pour nous dire ce qu’il pense de nos chroniques, singulièrement de ce qu’on y énonce de lui et de notre rencontre. Cyril s’est déclaré d’accord sur cette proposition. Nous attendons ses actes.

Un groupe confus

Cyril, une fois de plus, est fidèle au rendez-vous. On lui en donnerait volontiers acte s’il n’était, une nouvelle fois, accompagné du rabatteur-tailleur-boiteux et d’un bataillon d’autres toxicomanes visiblement échangeant des nouvelles sur l’état du marché ce soir-là. Tous sont en état de consommation avancée, la bouche pâteuse et le regard voilé. La rencontre s’annonce sous de mauvais hospices !

Un papier qu’on cherche…

On salue Cyril et lui demande s’il a écrit son papier. Il biaise un premier temps, continuant de prétexter que le numéro de téléphone de France 2 était faux, ce qui est faux, mais le faux du faux ne fait pas toujours un vrai et ce soir-là nous ne savons toujours pas le vrai : Cyril a-t-il ou non travaillé pour nous ?, son échappatoire est-elle définitive ou provisoire ? Pas d’autre moyen pour le savoir que de revenir à la charge. Cette fois Cyril nous dit avoir écrit quelque chose mais cette chose est dans son sac et son sac n’est pas là ! « Mais où est-il ? — Il est plus loin ! — Et bien, va le chercher ! — Mais pour cela il faut que vous vous écartiez ! — ??? Mais qu’à cela ne tienne, nous nous écartons sur le champ. » Et ceci fait, Cyril reprend ses échanges confus avec ses compagnons d’infortune !

Mais qu’est-ce qu’on fait là ?

Une fois encore nous sommes confrontés à cette tâche épuisante et dont il faut bien admettre qu’elle est sans aucun intérêt : tenter de démêler le vrai du faux dans les propos d’un toxicomane, faire de la psychologie de boulevard… Qui s’amuserait à le faire avec un poivrot ? Qui pourrait y trouver plus d’intérêt avec un toxico ? L’enjeu cependant dépasse le simple nombril de Cyril : arriverons-nous, avec un toxicomane au moins, à faire ce troisième pas qui scellerait alors l’existence effective, matérialisable par un écrit, d’un travail en commun ? Nous rassemblons notre courage et reconvoquons Cyril à notre prochain mardi.

Il est temps de partir. Nous perdons notre temps au milieu de cette bande. Certes nous sommes maintenant intégrés à leur manège nocturne, nous pourrions nous en vanter, et parader devant les caméras : « regardez comme les habitants sont copains des toxicomanes, et si tous les gens du quartier se donnaient la main, comme ce serait gentil »… Mais tout cela, c’est du semblant. C’est accolades entre clodos, prêts l’instant d’après à se cracher dans le dos, et pire encore. Et cette pseudo-camaraderie est une misère, la pire qui soit qui n’est pas la misère matérielle mais la misère de l’esprit, la misère subjective, la misère de la personne qui aligne son esprit à la misère du caniveau. Regardez plutôt ces familles africaines, dans leur gloire maintenue au plus épais de la crasse matérielle ! Avez-vous vu ces femmes splendides et ces enfants étincelants qui éclatent de grandeur et de santé vitale au plus noir de ce quartier ? Et vous voudriez qu’on éructe avec vous des âneries, qu’on échange des propos convenus, qu’on singe la fraternité en s’alignant sur le sordide, sur la misère ? Vous voudriez qu’on veuille avec vous le néant, le rien, la crasse, le suicide à petit feu, le mépris de soi et des autres, la flagornerie, le semblant, le mensonge, l’hypocrisie, la manipulation quand ces familles, ces femmes, ces enfants veulent au même endroit que vous une vie droite, et la protection des touts petits par les plus grands, et l’amour des hommes pour les femmes et des femmes pour les hommes, et le courage d’un travail tenu, de responsabilités assumées au fil des jours, lors même qu’on est exploité mais qu’on sait que cette exploitation de votre corps ne peut pervertir votre esprit et vous empêcher de penser collectivement, et librement, avec ceux qui partagent votre condition ?

Les caméras tentent de nous fixer en ce lieu, en cette causette indigne de nous, de ce qui nous a convoqués dans les rues pour parler avec les toxicomanes en habitants du quartier, non pas en compagnons de beuverie ! Nous partons, et verrons bien si Cyril arrive, comme nous l’espérons toujours possible, à nous donner plus tard ne serait-ce que deux lignes ! Ce serait là une victoire, et ce soir, les victoires sont du côté des familles, pas des toxicomanes.

Un nouveau toxicomane

Un drogué nous suit. Il nous baratine depuis le début, nous sortant des mensonges effrontés selon quoi il serait un père de 35 ans à la recherche de son fils perdu dans le crack ! Il transpire le faux. Aucun intérêt. Nous nous sommes détournés, sans lui répondre. Mais il nous poursuit maintenant : il veut causer. Et les caméras, une fois de plus, jouent leur rôle néfaste d’encouragement au mensonge, au semblant, à la pose, au dialogue bidon. Et le toxicomane se sent flatté par les regards qui s’attachent à lui. Il fait l’intéressant. Il a oublié ce qu’il nous disait dix minutes plus tôt et reconnaît maintenant prendre du crack ; il joue l’apitoiement, la victime, puis refait le malin, énonce ce qu’il pense qu’une caméra attend d’un tox…

Ca suffit de mentir !

Excédé par tout ce manège qui tend à pervertir notre cause même — nous voilà baguenaudant sous les sunlights avec un affabulateur-manipulateur : serions-nous à ce point des paumés qu’il nous faudrait trouver plus paumés que nous pour nous rehausser ? —, François réagit vivement et apostrophe le toxicomane : « Pourquoi nous mens-tu ainsi effrontément ? Tu nous disais tout à l’heure que tu cherchais ton fils, maintenant tu nous dis venir ici pour consommer. Crois-tu que ce genre de paroles creuses nous intéresse ? Et pourquoi te livres-tu à ce manège avec nous ? »

Le toxicomane s’arrête, en pleine phrase, interloqué. Un sourire gêné se dessine sur son visage. Mais, coup de théâtre : il s’excuse et nous dit que désormais il parle vrai. François le relance : « Cela ne nous intéresse pas de faire semblant, de jouer la comédie. On n’est pas là pour cela. On n’a pas de temps à perdre dans les rues la nuit. On a bien mieux à faire ailleurs, avec des gens libres et responsables, pour qui parler est chose sérieuse. On est là pour parler avec toi si tu le désires. Tu comprends cela ? On te demande : est-ce qu’on peut faire quelque chose pour t’aider à sortir de ce crack ? Réponds-nous franchement ou sinon, on arrête là et bonsoir ! ».

Le toxicomane s’est ressaisi. Il nous dit : « Je parle vrai maintenant. Je m’appelle Marco, j’ai 28 ans, et pas 35. Je suis toxicomane et j’ai pas de fils qui se drogue. Ce que vous pouvez faire pour moi ? Rien ! On ne peut rien faire pour un toxicomane. Lui seul peut quelque chose pour lui. »

Une petite confrontation

Marco est visiblement un judoka. En reconnaissant ses torts, en se chargeant de tout pour ensuite décréter une impasse là où François, comme les autres pères, tente de forcer les impasses, il a retourné la charge de François en sa faveur. C’est désormais à ce dernier de trouver une issue. Marco a habilement renvoyé la balle : 15-15 !

Quand un ticket de métro entre en scène

François, instruit par la découverte récente des textes des Cocaïnomanes anonymes (voir seconde annexe de cette chronique), remonte au filet. Marco avait dit, quelques instants plus tôt, n’avoir plus d’argent ce soir et donc ne plus songer à consommer. François reprend : « Si, on peut quelque chose ! On peut au moins décider ensemble ce qui va se passer dans l’heure qui suit : chacun de nous peut ainsi décider de rester ou de partir, de rester à parler ou d’interrompre l’échange, de rester dans la rue ou de rentrer chez soi… On te propose ça : tiens, prends ce ticket de métro qu’on t’offre — François n’en a aucun, mais Sekou, toujours attentif, lui en glisse opportunément un dans les mains — et quitte le quartier un moment. Libre à toi d’y revenir dans une heure. Nous ne sommes pas de la police : nous n’allons pas te surveiller. Et tu n’as pas de compte à nous rendre sur ta vie, sur ce que tu feras dans une heure. Mais tu peux décider d’aller maintenant, tout de suite, faire un tour en dehors de ce quartier. Tu peux en profiter pour rentrer chez toi, ce serait le mieux. Tu n’as pas d’argent. Plutôt que de rester là à attendre une occasion, tu peux partir sur le champ. On peut au moins t’aider ce soir à ça. »

Marco est désarçonné : celle-là, il ne s’y attendait pas ! Il attrape le ticket de métro. 30-15 pour les pères !

Marco réfléchit. On est en train de marcher de la Chapelle vers Stalingrad. La station de Stalingrad est là toute proche, avec ses vastes escaliers de pierre bien éclairés qui lui font signe. Marco : « Bon, d’accord ! Je vais aller prendre le métro à la Chapelle. C’est ma direction vers Pigalle. » C’est un petit malin, Marco ! Il veut revenir en arrière, retourner à la Chapelle d’où l’on vient et où l’attendent les rabatteurs. 30-30 !

Les pères éclatent de rire. La manœuvre est transparente, la réponse immédiate : « Non, tu n’as qu’à le prendre à Stalingrad. C’est la même ligne de métro et elle te conduira aussi à Pigalle et comme cela, on peut t’accompagner jusqu’au bout. » Marco n’a plus d’argument sous la main. Il sourit. 40-30 pour les pères !

Un départ solennel

Il est temps maintenant de conclure. On est arrivé devant la jetée de l’escalier. On lui serre la main. Tout le monde s’amuse de la situation cocasse : le groupe des pères de famille dit au revoir à Marco qui monte les marches et nous salue, tel une vedette de music-hall quittant ses accompagnateurs et grimpant dans l’avion qui va l’emmener au loin. Il disparaît de notre vue. Le jeu est gagné pour les pères !

Une première victoire

Bien sûr, le set n’est pas pour autant gagné, moins encore le match ! Mais voilà une petite victoire, une minuscule victoire, mais une victoire quand même, d’autant plus remarquable qu’elle est pour nous la première ! Et la vertu d’une victoire, c’est qu’elle fissure le mur de l’impossible, le cercle vicieux des défaites, le cycle infernal des débâcles. Une victoire ouvre à l’espérance s’il est vrai que l’espérance suit toujours une victoire, pour en constituer la portée et l’horizon de validité. S’il y a eu une victoire, alors cela peut se répéter. Et c’est là moins affaire de volonté que de décision. Marco a-t-il fait ici preuve d’une volonté particulière ? Non, il a simplement décidé et ce geste a eu des conséquences, certes minimes, mais bien réelles : pour la première fois peut-être, Marco a volontairement décidé de quitter le quartier en un moment où il était lucide, où il aurait pu s’acharner à chercher sur le sol quelques miettes de son festin dérisoire. Et cette puissance pourra, peut-être, lui resservir. Cette victoire peut préluder à d’autres, aussi petites, aussi minuscules mais qui peuvent, ensemble et mises bout à bout, tresser une liberté reconquise.

Les pères se félicitent et partent dîner, leur travail d’un soir accompli.

 

 

Douzième tournée-rue contre la drogue

Mardi 28 mai 2002

 

Départ à 20 h 30 au coin de la rue du Fg-St-Martin et du bd de la Villette — Permanence de 19 heures à 20 h 30 au café-tabac faisant l’angle

 

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Le Collectif anti-crack de Stalingrad (06 76 58 18 27)

Stalingrad@noos.fr                       www.entretemps.asso.fr/Stalingrad

 

 

 

 

 

 

Première annexe à la onzième chronique

 

Le Point de vue de François (22 ans) *

enseignant la danse hip-hop (15 mai 2002)

 

« La culture hip-hop, c’est quatre activités : le graphe, la musique, la danse et le chant. Ça peut plaire à tout le monde, c’est déjà s’occuper.

La danse, c’est « comme une drogue saine », c’est une hygiène de vie. On y trouve des sensations qu’on peut pas trouver ailleurs, par exemple quand tu tournes sur la tête. Quand on a fini, on a qu’une envie, c’est de recommencer. Et quand ça marche, tu as envie que ça s’arrête pas. Ces sensations sont tellement fortes qu’on a pas besoin de drogues.

Ceux qui sont pas sportifs, ils ont le dessin. Chacun trouve son truc.

Ceux qui scratchent, quand ils commencent avec les platines, ils y mettent tellement que c’est un truc qui fait crier le public et ça, c’est de l’adrénaline. Et c’est pareil pour les rappeurs.

Le tag vandale, c’est pareil. ça fait quelque chose, ça fait un truc. Il faut le vouloir, il y a un risque quand tu vas sur les rails du métro avec l’électricité, ou la nuit en un endroit interdit et dangereux. C’est un petit jeu avec ce qui est risqué **. Alors on est fier. On ressent que des trucs positifs. On montre qu’on existe. Et on est reconnu.

 

Je peux pas dire que c’est ça qui m’a empêché d’aller dans la came. De toutes façons, je voulais pas tousser, je voulais être bien physiquement. Et je voulais pas dealer. Je voulais par ramener de l’argent sale. Rien qu’à voir les dégâts que fait la came, ça te dégoûte : tu vas tirer le sac d’une vieille dame et si ça se trouve, c’est peut-être ta voisine. Rien que d’y penser, pour moi c’est la haine.

J’organise des trucs pour qu’il se passe des choses. Moins tu as de choses à faire, et plus tu as de chances de tomber là-dedans. Et plus tu as de choses à faire, moins tu as de chances de tomber là-dedans.

Il faut essayer de mettre d’autres images devant eux.

Pour que les jeunes tombent moins facilement, il faut qu’ils trouvent une activité très tôt, un truc à faire. Le hip hop, c’est bien, c’est pas payant. Tu peux faire ça dans la rue. Tu peux danser partout.

Pour moi, la came, c’est tellement pas présent que j’en parle pas. ça existe pas. Quand on met trop en avant les choses, on peut avoir envie d’y toucher.

 

Pourquoi je m’en suis sorti et pas eux ? C’est une question de volonté, et aussi c’est plus profond : il y a l’entourage, les influences, les plus grands, l’histoire des grands frères, l’exemple. Moi, mon exemple, c’était quelqu’un de positif. Le « grand frère », c’est quelqu’un du quartier, pas forcément quelqu’un de la famille. Mais c’est pas ton père. Mon père il est trop vieux pour servir d’exemple. Il a pas vécu les mêmes choses que moi. Le père en plus, il est pas tout le temps là. Généralement, il coupe l’enfant de la réalité. Alors l’enfant il reste rebelle dans lui, mais il voit pas le monde réel. À la majorité, il va prendre ses ailes d’un coup et vouloir faire tout et n’importe quoi.

Mon père, il m’a laissé le maximum de liberté. Il m’a mis à six ans une cigarette dans la bouche. Ça m’a dégoûté, et pour moi, c’est terminé pour la vie. Ma mère m’a fait goûter le verre de vin. Pareil. Pas de censure chez moi. Mais ça, ça marche pour les trucs légaux, ça marche pas pour le reste.

 

Ceux qui prennent la drogue dure, ils essaient parfois d’arrêter en voulant danser. On voit que c’est trop dur pour eux. Après, c’est sa volonté à lui si il arrête. C’est personnel. Peut-être il a été dans la rue trop tôt. C’est chacun sa vie.

Les grands, ils ont tellement repoussé la drogue dure que les plus jeunes ont pas été formés. Maintenant tu vois des jeunes qui disent : « Je te laisse dealer au bas de la tour si tu me donnes un billet ». Ca, ça existait pas avant, parce qu’avant, vendre la drogue dure, c’était vendre la mort. »

 

* Cf. la neuvième chronique

 

** Attention : les jeunes se trouvent coursés par les flics parce qu’ils ont dessiné, pas parce qu’ils ont volé un sac à main !

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Seconde annexe à la onzième chronique

 

Le Point de vue des Cocaïnomanes anonymes

http://www.ca.org

 

 

Ci-joint différents textes prélevés sur le site des Cocaïnomanes anonymes (C.A.). Textes passionnants. Disons-le tout net : voilà enfin des toxicomanes intéressants ! Ceux que nous croisons dans les rues ne le sont guère : aucun d’ailleurs n’a su pour le moment formuler quelque idée originale que ce soit (relisez nos chroniques !) là où n’importe quel enfant du quartier sait pourtant le faire, sans parler des mères, des femmes africaines, des gens qui travaillent… Les toxicomanes des C.A., eux, écrivent des textes fourmillant d’idées neuves, et fortes.

 

Quelques points remarquables tirés de notre lecture de ces textes.

1) Le point de départ subjectif pour s’engager vers la sortie de la drogue est de se dire toxicomane, de cesser de se mentir, de s’avouer la chose. Foin désormais des périphrases, du type « usager de drogue ». Être toxicomane, ainsi, devient une identité subjective, et non pas objective : ce n’est plus une identité venue de l’extérieur, une étiquette, mais le nom commun qu’on se donne.

2) Ce nom devient un nom pour la vie. L’alternative n’est plus « toxicomane ou non toxicomane » mais « toxicomane accro ou toxicomane abstinent ».

3) L’essentiel, c’est « quand un toxicomane parle avec un autre toxicomane ». La preuve en est bien faite dans ces textes dont l’impact est tout autre que ce que des habitants peuvent produire. Mais alors, qu’un habitant parle avec un toxicomane, est-ce donc sans portée ?

4) Entre toxicomanes s’établit une fraternité s’il est vrai que fraternité nomme adéquatement la solidarité qui s’instaure entre personnes partageant la même condition, la même situation. Mais alors habitants et toxicomanes ne sauraient connaître la fraternité puisqu’ils ne partagent pas la même condition.

5) Ce qui compte, dans le processus vers l’abstinence, ce n’est pas la volonté mais la décision. Et l’on peut toujours décider quelque chose, au moins pour les cinq minutes qui viennent, nous indiquent les C.A. Et pour décider quelque chose d’aussi minuscule, pas vraiment besoin de volonté.

6) La micro-décision ouvre à la confiance en soi. Elle ouvre à l’espérance que cette petite victoire déjà remportée a portée plus vaste que son microscopique objet.

 

Remarque : hope, en anglais, désigne aussi bien l’espoir que l’espérance.

Si l’espoir est toujours espoir de victoires qu’on n’a pas encore connues là où l’espérance au contraire vient après une victoire pour en configurer l’horizon de validité, alors hope devrait être ici traduit plutôt par espérance

 

Ces points nous instruisent, nous qui tentons de parler avec les toxicomanes dans un rapport qui soit exigeant, et orienté vers l’abstinence.

1) Les nommer usager de drogue serait une lâcheté, dissimulant ce dont il s’agit dans nos échanges. Le juste nom est bien toxicomane, même s’il revient à chacun d’eux, au moment qu’il décidera, de l’endosser à titre personnel et non plus comme une identification externe.

2) Qui a vécu la toxicomanie en reste marqué à vie. C’est une frappe dont il ne se défera plus, qui restera à jamais le repère auquel étalonner sa liberté. Gloire aux toxicomanes abstinents !

3) Il n’est pas encore attesté qu’un habitant puisse vraiment parler avec un toxicomane. On peut certes comme habitant lui parler, il peut en retour nous parler : ceci ne suffit pas à établir un « avec » lui…

4) Notre exigence avec les toxicomanes est celle du face à face, qui nomme l’égalité décidée de deux libertés postulées. Mais, à proprement parler, pas ici de fraternité à l’horizon puisque nos situations restent radicalement hétérogènes.

5) Cela ne sert pas à grand-chose d’appeler le toxicomane à un sursaut de volonté. Par contre, on peut décider avec lui pour le moment présent, par exemple l’encourager à quitter le quartier un moment, en lui offrant pour ce faire un ticket de métro…

6) Un chemin qui s’invente se trace pas par pas. Nous ne suivons aucune piste déjà balisée. Il s’agit pour nous d’ajouter une minuscule victoire à une autre. Ceci implique de notre part une attention extrême à ce qui se joue à chaque instant car c’est clairement à nous, non au toxicomane rencontré, de proposer le nouveau pas, celui qui, une fois gagné, ouvrira l’espérance d’une route plus longue.

 

Nous avons déjà gagné quelques points. Une saine et lucide espérance est donc légitimement ouverte.

 

 

Qui est cocaïnomane ?

Certains d’entre nous peuvent répondre sans hésitation : « Moi ! » D’autres n’ont pas la même certitude. Les Cocaïnomanes anonymes (C.A.) sont d’avis que personne ne puisse affirmer qu’une autre personne est toxicomane ou non. Pourtant, une chose est sûre : chacun d’entre nous a déjà nié l’être. « Je ne consomme que les week-ends » ou « Ça ne nuit presque jamais à mon travail » ou « Je peux arrêter, ce n’est qu’une dépendance psychologique, pas vrai ? » ou « Je ne fais que sniffer, je ne fais pas de freebase et je ne me pique pas » ou « C’est ma relation qui me cause des problèmes ».

Beaucoup, parmi nous, sont encore étonnés du temps passé à rechercher le même effet qu’au début, sans jamais le retrouver. Et nous avons continué de dire et de croire — dans notre réalité déformée — que la cocaïne nous donnait réellement ce qui nous avait toujours échappé.

Nous ne reculions devant rien pour échapper à nous-même. Les « lignes » devenaient plus épaisses, les grammes disparaissaient de plus en plus vite, notre réserve de la semaine disparaissait en une journée. Nous avons raclé les sacs et les enveloppes de plastique avec des lames de rasoir, nous avons gratté nos petites bouteilles brunes pour en extraire le moindre grain, nous avons reniflé ou fumé le moindre grain blanc que nous trouvions sur le plancher quand nous étions en manque. Nous qui étions tellement fiers de notre esprit si équilibré ! Il n’y avait rien de plus important que notre paille, notre pipe, notre seringue. Peu importe si ça nous rendait misérables, il nous en fallait.

Certains d’entre nous mêlaient la cocaïne, l’alcool ou les médicaments pour changer le mal de place, mais en fin de compte, cela n’a fait qu’aggraver nos problèmes. Enfin, nous avons essayé d’arrêter par nous-même et avons parfois réussi pendant quelque temps. Après un mois, nous avons cru reprendre le contrôle. Nous avons cru que notre organisme s’était purifié et que nous pourrions retrouver l’euphorie des beaux jours en réduisant la dose de moitié. Cette fois, nous ferions attention de ne pas dépasser la limite. Nous nous sommes pourtant retrouvés à la même place et même plus bas.

Nous ne quittions jamais la maison sans d’abord avoir consommé. Nous ne pouvions pas faire l’amour sans consommer. Nous ne pouvions pas parler au téléphone sans cocaïne. Nous ne pouvions plus dormir ; parfois il nous semblait même impossible de respirer sans cocaïne. Nous avons essayé de déménager, de changer de ville, de travail, de conjoint — croyant que les circonstances, les lieux et les gens étaient responsables de nos problèmes. Nous avons peut-être même vu un ami cocaïnomane mourir d’arrêt respiratoire et, malgré tout cela, nous avons continué de consommer ! En fin de compte, nous avons dû faire face à la musique. Nous avons dû admettre que la cocaïne était un grave problème dans nos vies et que nous étions bel et bien cocaïnomanes.

 

Comment sommes-nous arrivés aux Cocaïnomanes anonymes ?

Quelques-uns d’entre nous ont touché un bas-fond physique qui s’est manifesté sous une forme ou l’autre : un saignement de nez inquiétant, l’impuissance sexuelle, une perte de sensation ou la paralysie temporaire d’un membre, une perte de conscience et un séjour à l’urgence, ou encore une attaque causée par la cocaïne qui nous a rendus handicapés. C’était peut-être finalement notre reflet décharné dans le miroir.

Pour d’autres ce fut un bas fond émotif ou spirituel. La belle vie était finie, le temps de la coke était révolu. Peu importait la quantité consommée, l’euphorie d’avant nous échappait toujours. Nous trouvions à peine une libération temporaire de l’abattement et souvent, nous n’y arrivions même pas. Nous avions de violentes sautes d’humeur. Peut-être reprenions-nous nos sens après avoir menacé ou même blessé un être cher en exigeant désespérément de l’argent que nous croyions caché. Nous nous éloignions de nos amis, de ceux qui nous étaient chers, de nos parents, de nos enfants. Nous fuyions la société, nous nous éloignions du ciel, de tout ce qui était sain. Même notre fournisseur, notre « ami », devenait un étranger quand nous l’abordions sans argent. Peut-être nous sommes-nous éveillés horrifiés de l’isolement dans lequel nous nous étions placés en consommant seuls, étouffés par nos peurs égocentriques et notre paranoïa. Nous avons même pensé au suicide et nous avons peut-être tenté de mettre fin à nos jours. D’autres encore ont touché leur bas-fond lorsqu’ils ont perdu leur emploi, leur crédit et leurs biens à la suite de leurs folles dépenses et de leurs mensonges. Quelques-uns d’entre nous en sont même arrivés à ne plus être capables de vendre pour supporter leur consommation, car ils consommaient leurs propres stocks. Nous n’avions plus les moyens de consommer. Parfois même, la justice s’en mêlait. La plupart d’entre nous ont dû s’avouer vaincus par un mélange de problèmes financiers, physiques, sociaux et spirituels.

Lorsque nous avons rencontré les C.A., nous avons appris que la dépendance à la cocaïne était une maladie progressive, chronique et potentiellement mortelle. Notre expérience nous avait déjà enseigné que, contrairement aux croyances populaires, la cocaïne est probablement la substance qui crée la plus grande dépendance chez les humains. Nous avons appris avec soulagement que la dépendance n’est pas seulement un problème moral ; il s’agit d’une véritable maladie contre laquelle la volonté seule ne peut rien. Malgré cela, chacun d’entre nous doit assumer la responsabilité de son rétablissement. Il n’y a ni secret, ni magie. Nous devons tous arrêter et demeurer abstinents ; mais nous ne sommes pas obligés de le faire seuls.

 

Que faire en premier lieu ?

Au nouveau qui se demande quoi faire en premier lieu pour devenir abstinent, nous répondons qu’il a déjà fait ce qu’il fallait en s’avouant et en avouant maintenant à d’autres qu’il a besoin d’aide, en assistant simplement à une réunion ou en demandant des renseignements sur le programme des C.A.

Nous lui disons aussi qu’il fait en ce moment ce qu’il faut pour demeurer dans la bonne voie : il ne consomme pas. Notre programme fonctionne un jour à la fois. Nous vous suggérons de ne pas songer à demeurer abstinent pour le reste de votre vie, ni pour un an, ni même pour une semaine. Une fois que vous avez décidé d’arrêter de consommer, il ne faut pas s’inquiéter du lendemain. Vous n’êtes pas obligé de consommer, pour aujourd’hui seulement. Il arrive cependant que même une journée sans consommer de drogue soit un trop grand défi pour nous. Qu’importe ! Ne pensez qu’aux dix prochaines minutes. Vous pouvez en avoir le goût, mais l’important est de ne pas consommer pendant ces dix minutes. Après dix minutes, voyez où vous en êtes. Vous n’avez qu’à répéter cette simple procédure aussi souvent que nécessaire en prenant le temps qui vous convient. Pour aujourd’hui seulement, vous pouvez vous abstenir de consommer !

Nous décourageons l’utilisation de quelque substance psychotrope (qui modifie l’équilibre mental) que ce soit, y inclus l’alcool ou la marijuana. L’expérience des toxicomanes qui se sont engagés dans notre programme, ou dans un autre, démontre clairement que la consommation de toute drogue peut amener une rechute ou créer une autre dépendance. Si vous êtes dépendants d’une autre substance, il vaut mieux y voir. Si vous ne l’êtes pas, vous n’en avez pas besoin, et il n’est donc pas utile de tenter l’expérience. Nous vous suggérons vivement de suivre ce conseil qui émane de l’expérience douloureuse d’autres toxicomanes. Vous croyez-vous différents d’eux ?

Nous avons cru que la cocaïne nous rendait très heureux, mais ce n’était pas le cas. Chez les C.A., nous apprenons un nouveau mode de vie. Nous disons qu’il est spirituel mais non religieux — l’athée comme le croyant le plus fervent peuvent découvrir nos valeurs spirituelles. Nous sommes des cocaïnomanes reconnaissants d’être en rétablissement et nous vous demandons d’écouter attentivement le récit de nos vies. Bien écouter, c’est là la chose la plus importante ! Nous savons d’où vous venez parce que nous y étions, nous aussi. Malgré tout, nous faisons maintenant partie du monde des vivants, libérés de la drogue et, en prime nous sommes heureux ; plusieurs d’entre nous n’ont jamais été si heureux de leur vie. Rares sont ceux qui échangeraient les derniers six mois ou la dernière année dans le programme de rétablissement des C.A. contre leur ancienne vie.

Personne ne prétend qu’il est facile de casser la dépendance. Nous avons dû changer notre ancienne manière de penser et de nous conduire. Il nous a fallu être disposés à changer. Et c’est ce que nous faisons, avec gratitude, un jour à la fois.

 

Que sont les Cocaïnomanes anonymes ?

Nous sommes une association d’hommes et de femmes qui partagent entre eux leur expérience, leur force et leur espoir dans le but de résoudre leur problème commun et d’en aider d’autres à se rétablir. Nous ne demandons ni cotisation ni droit d’entrée. La seule condition pour devenir membre est le désir d’arrêter de consommer et d’assister aux réunions.

Les Cocaïnomanes anonymes sont ouverts à toute personne qui désire en finir avec la cocaïne, y compris sous forme de crack, et toutes les autres substances qui altèrent le comportement. Nous subvenons à nos besoins grâce aux contributions volontaires de nos membres, nous refusons poliment toute contribution extérieure. Nous ne sommes associés à aucune secte, dénomination, groupe ou parti politique, organisation ou institution.

Nous sommes tous sur le même pied d’égalité. Aucun thérapeute n’offre de traitement et personne ne « dirige » le groupe. Tous ceux et celles qui assistent aux réunions le font parce qu’ils désirent individuellement cesser de consommer de la cocaïne. Nous sommes des hommes et des femmes de tous âges, de toutes races et de toutes conditions sociales, dont la maladie est le lien commun. Nous avons emprunté notre programme, les Douze Étapes du rétablissement, aux Alcooliques anonymes à qui nous sommes redevables. Leur expérience de plus de 60 ans (depuis 1935) dans le domaine d’abus de substances nous enseigne que la meilleure aide qu’un toxicomane puisse recevoir est celle d’un autre toxicomane et voit dans le service aux autres un chemin vers la libération de la dépendance Certains arrivent aux C.A. alors qu’ils suivent une cure de désintoxication ou une thérapie individuelle. Nous leur disons : « Très bien. Faites ce que vous croyez utile pour vous. Cependant notre expérience nous a enseigné qu’un toxicomane risque de rechuter sans l’appui de ses semblables. »

Nous pensons que quand un toxicomane parle à un autre toxicomane, il peut s’opérer un niveau de compréhension mutuelle et une fraternité difficiles à atteindre autrement. Le fait qu’un individu se soit rétabli de sa dépendance et qu’il le transmette gratuitement à un autre, voilà un puissant message à l’adresse de quiconque cherche désespérément une issue à sa propre dépendance. C’est là un lien qui nous unit par-delà toutes les différences sociales.

Nous recevons les nouveaux membres avec beaucoup plus de chaleur et d’accueil qu’ils ne peuvent l’imaginer car ils sont la vie même de notre programme. C’est principalement en transmettant le message de rétablissement à nos semblables que nous pouvons demeurer abstinents. En aidant les autres, nous nous aidons nous-mêmes.

Les Cocaïnomanes anonymes ont débuté à Los Angeles en 1982. En 1996 l’association comptait environ 30 000 membres répartis dans plus de 2 000 groupes.

 

Douze Étapes

Les Douze Étapes décrivent le Programme de Rétablissement utilisé par les Cocaïnomanes anonymes.

1. Nous avons admis que nous étions impuissants devant la cocaïne et toutes les autres substances qui altèrent le comportement — que nous avions perdu la maîtrise de nos vies.

2. Nous en sommes venus à croire qu’une Puissance supérieure à nous-mêmes pouvait nous rendre la raison.

3. Nous avons décidé de confier notre volonté et nos vies aux soins de Dieu tel que nous Le concevions.

4. Nous avons courageusement procédé à un inventaire moral, minutieux de nous-mêmes.

5. Nous avons avoué à Dieu, à nous-mêmes et à un autre être humain la nature exacte de nos torts.

6. Nous avons pleinement consenti à ce que Dieu élimine tous ces défauts de caractère.

7. Nous Lui avons humblement demandé de faire disparaître nos déficiences.

8. Nous avons dressé une liste de toutes les personnes que nous avions lésées et consenti à leur faire amende honorable.

9. Nous avons réparé nos torts directement envers ces personnes partout où c’était possible, sauf lorsqu’en ce faisant, nous pouvions leur nuire ou faire tort à d’autres.

10. Nous avons poursuivi notre inventaire personnel et promptement admis nos torts dès que nous nous en sommes aperçus.

11. Nous avons cherché par la prière et la méditation à améliorer notre contact conscient avec Dieu, tel que nous Le concevions, Lui demandant seulement de connaître Sa volonté à notre égard et de nous donner la force de l’exécuter.

12. Ayant connu un réveil spirituel comme résultat de ces Étapes, nous avons alors essayé de transmettre ce message à d’autres cocaïnomanes et de mettre en pratique ces principes dans tous les domaines de notre vie.

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