Une revue de presse malhonnête : celle de la MILDT !

(2 septembre 2002)

 
La MILDT offre une revue de presse quotidienne dont l'idéologie partisane (en faveur de la politique de réduction des risques) se double parfois d'une pure et simple malhonnêteté.
Ainsi, cet été 2002, un débat s'est ouvert dans les colonnes du journal Libération sur la politique de réduction des risques à l'initiative du Collectif anti-crack (Stalingrad, Paris). Ce débat a pris la forme d'une première tribune libre intitulée "Dépasser la réduction des riques" publiée le samedi 27 juillet et signée de François Nicolas (Collectif anti-crack) puis d'une réponse intitulée "Légaliser la réduction des risques", publiée le samedi suivant 3 août et signée de Béatrice Stambul, Didier Febvrel et Alain Molla (respectivement membres de Médecins du monde et avocat pénaliste). On trouvera en annexe de ce communiqué l'intégralité de ces textes.
Le débat public s'est provisoirement suspendu là, les deux parties ayant convenu de se rencontrer.
Que fait la MILDT pour rendre compte de ce débat? Elle mentionne le second texte (dans sa revue quotidienne du 5 août) et le résume assez longuement (voir son compte-rendu en annexe) mais elle "oublie" soigneusement de mentionner l'existence du premier, en l'occurrence celui qui ouvrait le débat en prônant un dépassement de la réduction des risques... Le lecteur de la revue de presse quotidienne de la MILDT ne comprendra sans doute que goutte aux objections du second texte puisqu'il ne saura à quoi elles répondent! Peu importe pour la MILDT: à défaut de sérieux professionnel, elle considèrera avoir fait son travail idéologique...
Un tel manquement à l'objectivité minimale dans la recension des arguments caractérise-t-il bien la déontologie qu'on est censé attendre d'une institution publique ?
 

Collectif anti-crack de Stalingrad (10°-18°-19°)


Excuses de la MILDT (3 septembre 2002)

ANNEXES
 
1. Libération, samedi 27 juillet 2002
 
Drogues: dépasser la réduction des risques
Les pouvoirs publics doivent enfin prendre leurs responsabilités face à la toxicomanie.
Nous proposons la création d'un Samu-toxicomanie qui déclinerait, en direction des toxicomanes, les propositions d'un Samu social approprié à une population de SDF.
 
Pendant un an, nous avons organisé notre quartier parisien contre le trafic du crack, considérant que le combat contre la drogue était l'affaire de tous et pas seulement des pouvoirs publics. Nous avons réoccupé pacifiquement l'espace public de notre quartier, discuté avec chacun, tenté de comprendre pourquoi un tel trafic criminel pouvait prospérer en France et venir occuper les rues abandonnées d'un quartier comme le nôtre.
Prenant en charge la part qui nous revenait, nous avons exigé d'autant plus fermement des pouvoirs publics qu'ils fassent leur propre travail dans le combat contre la drogue.
- Nous avons exigé que la police fasse son travail de répression des dealers, qu'elle disperse la «scène ouverte» du crack, qu'elle chasse les trafiquants de l'espace public et enfin qu'elle ferme les repaires privés où le trafic se repliait.
- Nous avons demandé aux municipalités concernées (Xe, XVIIIe et XIXe arrondissements) qu'elles accélèrent la rénovation du quartier, détruisent les taudis en relogeant les familles qui y habitent et subissent de plein fouet les méfaits du trafic. Nous avons demandé qu'elles offrent aux jeunes du quartier des activités sportives et culturelles.
- Enfin, nous avons déclaré que le gouvernement devait relancer un combat contre la drogue massivement abandonné en France au nom d'une «politique de réduction des risques» qui combat le sida en prétendant qu'il ne serait plus possible de combattre également la drogue. Cette politique, bénéfique contre le sida et les overdoses, est désastreuse en matière de lutte contre la toxicomanie : elle accompagne la marée montante des toxicomanes sans se dresser en travers (en 2001, 180 000 héroïnomanes réguliers en France contre 2 000 en 1970 : 500 000 en 2007 ?) et sans aider les toxicomanes à conquérir une abstinence (elle diminue régulièrement les places de postcures - moins de 600 désormais en France, là où il en faudrait plus du triple...) ; elle distribue à tout va les drogues de substitution, lesquelles, devenues fins en soi et non plus moyens vers la désintoxication, stimulent la polytoxicomanie (presque tous les «crackés» de Stalingrad sont des polytoxicomanes).
Ainsi, nous agissons localement et pensons globalement. Nous ne voulons pas pour notre quartier de mesures de faveur, de privilèges. Nous ne voulons pas que nos rues soient tranquillisées au prix d'un parcage des toxicomanes dans des salles de shoot en lointaine banlieue, fussent-elles baptisées «citoyennes» et «thérapeutiques». Nous voulons que se mette en place une véritable politique contre la drogue, une «politique de soins» qui vise à soigner les toxicomanes en les guérissant de leur dépendance.
Il faut pour cela revoir de fond en comble le rapport des pouvoirs publics aux toxicomanes. Si les dealers doivent être sévèrement punis, il ne sert à rien d'emprisonner un toxicomane au seul motif qu'il s'empoisonne. Il faut, par contre, mettre en place de nouveaux moyens pour l'encourager à sortir de sa dépendance : changer le discours qui lui est adressé (cesser de prôner le «shoot propre» qui nettoie une seringue... pour mieux y aspirer un toxique !), augmenter fortement les places de postcure pour faciliter le retour à une vie désintoxiquée, lui faire connaître la voie courageuse des Narcotiques anonymes...
Nous proposons qu'on complète un tel dispositif d'une mesure nouvelle : la création d'un Samu-toxicomanie qui déclinerait, en direction des toxicomanes, les propositions d'un Samu social approprié à une population de SDF. Il s'agirait d'équipes mobiles allant à la rencontre des toxicomanes pour leur proposer les soins adaptés à leur état particulier et leur offrir la possibilité de s'écarter quelque temps de la scène de la drogue, sous forme de nuitées et de courts séjours leur permettant de se reconstituer et de réfléchir tranquillement à des propositions durables de désintoxication.
S'il n'est pas de notre vocation d'organiser un combat national pour faire avancer ces propositions, il est cependant en notre puissance d'êtres libres et pensants d'avancer publiquement ces idées.
 

François Nicolas, membre du Collectif anticrack de Stalingrad (Paris)

 
 
2. Libération, samedi 3 août 2002
 
Drogue: légaliser la réduction des risques
Le sens de la politique en faveur des usagers échappe aux associations de riverains.
 
Certaines associations de riverains qui se sont mobilisées sur la question de la consommation et du trafic de drogues dans les rues de Paris se font aujourd'hui les détracteurs de la politique de réduction des risques (RDR) telle qu'elle a été promue par de nombreuses associations depuis dix ans et reprise par les pouvoirs publics et en particulier la Mildt (Mission interministérielle de lutte contre les drogues et la toxicomanie) dans son plan triennal. A coup de demi-vérités, de postulats non démontrés, d'approximations démagogiques, elles critiquent le travail qui a permis d'infléchir la courbe des nouvelles contaminations du VIH, a fait baisser la délinquance liée à la toxicomanie et offre à tous les usagers de drogues, à quelque stade qu'ils en soient de leur trajectoire, prévention, soins et accompagnement de façon adaptée et respectueuse. La guerre à la drogue, telle qu'elles l'ont déclarée se révèle souvent une guerre aux drogués, impasse dommageable et coûteuse qui méconnaît les réalités sociales et médicopsychologiques du phénomène, alors que la réduction des risques par son approche non moralisante fabrique du lien, donne au sujet les moyens de préserver sa propre santé, et offre des solutions à ceux qui n'ont pas ni les ressources ni le temps de réfléchir à des propositions durables meilleures pour leur vie et leur santé. Dénigrer les messages de prévention type «shoot propre» ou les traitements de substitution au profit de l'abstinence, c'est feindre de croire que la RDR «abdique» devant la réalité de la consommation ou, qui plus est, qu'elle la favorise ou qu'elle l'accompagne, alors qu'à l'évidence le sevrage fait partie des offres de soin, bien qu'il ne soit plus l'unique finalité proposée.
L'histoire nous l'apprend : l'usage de substances psychoactives existe depuis les origines de l'humanité, on le retrouve dans toutes les civilisations, tantôt ouvert et culturellement admis, tantôt illicite et réprimé. Son éradication relève de l'utopie dangereuse, et il faut informer, prévenir, soigner, sevrer, mais ne jamais rejeter ou condamner ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas s'en sortir. A cet égard, l'échange de seringues est au moins aussi efficace et courageux que la démarche des Narcotiques anonymes. Il est intellectuellement malhonnête de condamner les nombreuses propositions réalistes et pragmatiques que décline la réduction des risques, et qui permettent à beaucoup la sortie de pratiques clandestines, au nom d'un discours pompeux et irréaliste sur la «sortie de la dépendance», de «vie désintoxiquée» ; tout professionnel averti connaît la réalité terrifiante de l'emprise de la drogue, le caractère pénible, chaotique et aléatoire du parcours vers l'abstinence, et les effets pervers et illusoires du discours de type Just say no. Il est sans doute préférable de vivre sans, mais la RDR n'abandonne pas en chemin ceux qui ne peuvent que vivre avec.
Pour en finir, cessons de manipuler les chiffres et la réalité : l'augmentation du nombre de toxicomanes résulte de phénomènes complexes bien antérieurs à la politique de RDR, contemporains de la loi de 1970 dont ils signent d'ailleurs entre autres l'échec ; par ailleurs, n'oublions pas que la majorité des dealers interpellés sont en fait des dealers-consommateurs qui ne trafiquent que pour leur propre usage.
Si les associations de riverains plaident pour une «occupation pacifique de l'espace public», elles doivent reconnaître l'action des associations de RDR qui génèrent du travail de proximité à partir de leurs équipes de rue et leurs structures à bas seuil d'exigence, et interpellent le politique pour une meilleure citoyenneté de tous les habitants de la cité. L'exigence actuelle est de renforcer la réduction des risques, de la sortir de son statut dérogatoire et expérimental en lui donnant enfin la reconnaissance légale qu'elle mérite.
 
Béatrice Stambul et Didier Febvrel sont membres de Médecins du monde. Alain Molla est avocat pénaliste.
 
 
3. Compte-rendu de ce second texte par la MILDT
Voir http://www.drogues.gouv.fr/fr/actualites/synthese/synthese_aff.asp?id=734
 
REDUCTION DES RISQUES
Dans Libération de samedi une tribune co-signée Béatrice Stambul et Didier Febvrel (Médecins du Monde) et Alain Molla, avocat pénaliste . Les trois auteurs qui défendent la politique de réduction des risques dénoncent les associations de riverains qui s'en " font aujourd'hui les détracteurs" en critiquant "le travail qui a permis d'infléchir la courbe des nouvelles contaminations du VIH, a fait baisser la délinquance liée à la toxicomanie et offre à tous les usagers de drogue () prévention, soins et accompagnement () ". D'après eux la « guerre à la drogue » déclarée par ces associations « se révèle souvent une guerre aux drogués » alors que la réduction des risques « fabrique du lien ». Indiquant que « l'histoire nous apprend » que « l'usage de substances psychoactives existe depuis les origines de l'Humanité », les auteurs estiment que « son éradication relève de l'utopie dangereuse » et qu'à cet égard « l'échange de seringues est au moins aussi efficace et courageux que la démarche des Narcotiques Anonymes ». B. Stambul, D. Febvrel et A. Molla qui jugent « intellectuellement malhonnête de condamner les nombreuses propositions réalistes et pragmatiques que décline la réduction des risques() au nom d'un discours pompeux et irréaliste sur « la sortie de la dépendance » appellent les associations de riverains qui plaident pour une " occupation pacifique de l'espace public » à « reconnaître l'action des associations de réduction des risques qui génèrent du travail de proximité à partir de leurs équipes de rue et leurs structures à bas seuil d'exigence". Tous trois demandent en conclusion que la réduction des risques soit sortie de « son statut dérogatoire »et obtienne « la reconnaissance légale qu'elle mérite ».