QUATRIEME FORUM MATHEMATIQUE DIDEROT

Mathématique et Musique

Logiques mathématiques, logiques musicales au XXème siècle.

Paris, Ircam, 3-4 décembre 1999.

 


Sous l'égide de la Societe Mathématique Européenne, un colloque public sur le thème "Mathématique et Musique" se tiendra parallèlement à Lisbonne, Paris et Vienne les 3 et 4 décembre 1999. Le thème spécifique au journées parisiennes est "Logiques mathématiques, logiques musicales" au XXème siècle. Ces journées sont organisées par Gérard Assayag (Ircam) et Laurent Mazliak (Université Paris VI), avec l'aide d'un comité scientifique et musical comprenant, outre les organisateurs, Marc Chemillier, Laurent Fichet, François Nicolas et André Riotte, et l'appui du CNRS. Elles auront pour but de présenter en perspective certains aspects de l'évolution des formalismes dans ces domaines et de chercher des points de rencontre.

Argument

 

Logiques mathematiques, logiques musicales.

On constate une double évolution au principe du XX° siècle : la logique s'est mathématisée, perdant ainsi son antique statut de discipline philosophique ; la question d'une logique musicale est devenue explicite, comme recherche d'une &laqno;cohérence » propre à la musique. Cette évolution musicale est contemporaine de la fin de la tonalité et du thématisme qui étaient les principes assurant jusque-là la cohérence des oeuvres musicales. La tonalité et le thématisme engageaient certes des logiques propres, éventuellement formalisables, mais souvent gagées sur des fondements naturels plus qu'axiomatiques : la tonalité était gagée sur une physique, et le thématisme sur une psychologie. Les dimensions &laqno; logiques » restaient donc en grande partie dépendantes des fondements ontologiques ou fondements en terme d'être musical (ton et thème). Au XX° siècle, les compositeurs se sont trouvés devant un vide ontologique, et à devoir poser des décisions qui ne découlaient plus avec évidence d'une physique ou d'une psychologie, mais restaient pour autant les points de départ ou les points d'articulation de calculs symboliques exprimant une logique interne de la forme et du matériau. La logique quant à elle s'intéresse aux enchaînements universellement valides car non attachés à telle ou telle position d'existence. En se mathématisant, elle s' est aussi adjoint la puissance du calcul, s'essayant avec succès au raisonnement formel sur elle même, dont un des résultats emblématique est le théorème d'incomplétude de Gödel. Les (théories) mathématiques commenceraient, elles, là où interviennent des axiomes d'existence, tels ceux de la théorie des ensembles. Les questions que l'on peut alors se poser sont les suivantes : les formalismes bâtis sur le "raisonnement " musical (l'ensemble emmêlé de ses rationalités, décisions, buts, et de ses calculs, déductions, enchaînements) a-t-il quelque chose à voir avec tel ou tel formalisme de la logique ? Quelle cohérence formelle, logiquement descriptible, peut-elle exister dans l'oeuvre, par-delà l'arbitraire des décisions esthétiques singulières ? La logique mathématisée peut elle aider les musiciens à clarifier la spécificité de leur mode de raisonnement ? Et, réciproquement, pour les mathématiciens, la logique musicale peut-elle être une source d'inspiration ?

D'après un texte de François Nicolas.

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Mathematical logic, musical logic.

One notices a double evolution in the principle of the 20th century: logic has become more mathematical, thereby loosing its ancient status of philosophical discipline; the question of a musical logic has become explicit as a search for a "coherence" specific to music. This musical evolution is contemporary with the end of tonality and of thematism which were the principles that until then, ensured the coherence of musical works. Tonality and thematism certainly implicated specific logic, which could possibly be formalised, but which were often based on natural rather than axiomatic foundations: tonality was based on physics, and thematism was based on psychology. The "logical" dimensions therefore stayed, for a large part, dependant on ontological foundations, or foundations in terms of musical being (key and theme). In the 20th century, composers found themselves before an ontological void. They had to make decisions that didn't come from physics and psychology in an obvious way anymore, but which remained all the same the starting or articulation points of symbolical calculations, expressing an internal logic of the musical form and material. As for logic, it looks at progressions that are universally valid due to not being attached to such or such position of existence. By becoming more mathematical it has also acquired added calculation power, trying with success formal reasoning on itself, one emblematic result of which is the non-fulfilment theorem by Gödel. Mathematics (or its theories) itself could start where axioms of existence intervene, such as those of the theory of ensembles. We may then ask ourselves the following questions: do formalisms built on musical "reasoning" (the mixed ensemble of its rationality, decisions, aims, and of its calculations, deductions and progressions) have anything to do with such or such formalism of logic? What formal coherence, described in a logical way, can exist in a work, beyond the arbitrary of singular esthetical decisions? Can logic, expressed mathematically help musicians to clarify the specificity of their way of reasoning? Taking the problem the other way round, can musical logic be a source of inspiration for mathematicians?

From a text by François Nicolas.


Programme

 

3 décembre, matin. Perspectives historiques.

 

10:00 - 10:30 Ouverture du Forum Diderot

Discours d'ouverture : Hugues Vinet, directeur scientifique de l'Ircam. J.P. Bourguignon, Directeur de l'IHES, Professeur à l'Ecole Polytechnique .

10:30 - 11:30

L'évolution de la logique mathématique au XXème siècle. Hourya Sinaceur, directrice de recherche, CNRS.

11:30 - 11:45 pause café

11:45 - 12:45

Evolution des logiques musicales au XXème siècle. Laurent Fichet, université de Toulouse.

 

3 décembre, après-midi. Calcul implicite, calcul inconscient.

14:00 - 14:45

Point de vue des sciences cognitives sur le calcul logique. Structures logiques implicites dans la communication. Daniel Andler, directeur du CREA.

14:45 - 15:00

Ethnomusicologie, ethnomathématique. Les logiques sous-jacentes aux pratiques artistiques transmises oralement. Marc Chemillier, université de Caen.

15:00 - 15:15 pause café.

15:15-16:00

Musicologie cognitive. Modèles computationnels des processus et représentations dans la cognition musicale. Marc Leman , responsable de l'IPEM, Université de Gand.

16:30 - 18:30 table ronde Paris/Vienne/Lisbonne

Les relations entre les mathematiques sont-elles naturelles ou culturelles? En d'autres termes, la présence des mathématiques dans la musique est-elle progressivement &laqno; découverte » ou est-elle au contraire &laqno; construite » selon les besoins du temps?

 

4 décembre, matin. Systèmes formels.

9:30 - 10:15

Musique et lambda-calcul. Yann Orlarey, responsable scientifique du GRAME.

10:15 - 11h

Logique du premier ordre et musique. Systèmes de contraintes, représentations partielles des structures musicales. Camilo Rueda, Université de Cali.

11:00 - 11:15 pause café

11:15 - 12:00

Musique et math : une géométrisation de la logique ? Guerino Mazzola, université de Zurich.

12:00 - 12:45

Logique et théorie de l'information en musique. Shlomo Dubnov. Universités de Tel-Aviv et de Beer-Sheva.

4 décembre, après-midi : Aux limites de la formalisation.

14:00 - 15:00

Logique de l'oeuvre ouverte : SOLO de Stockhausen. Benny Sluchin, ensemble InterContemporain. (B. Sluchin interprètera à cette occasion SOLO en version tuba/électronique live)

15:00-15:45

Qu'est-ce qu'une logique musicale? François Nicolas, compositeur.

15:45-16:00 pause café

16:00 - 16:45

Logique et créativité dans la pratique des mathématiques. Témoignage d'un mathématicien.

16:45- 17:30

Logique et cohérence dans la création musicale. André Riotte, compositeur.