Quintette INSTRESS
(flûte, violon, alto, violoncelle et piano ; 18’)
de François Nicolas
(2007)
Création le samedi 7 juin 2008 par l’ensemble Calliopée sous la direction d’Hacène Larbi (Paris, Centre
culturel tchèque)
Conférence
sur Instress
« Instress » :
néologisme forgé par le poète anglais Gerard Manley Hopkins (1844-1889) pour
désigner la tension endogène (intension) qui anime tout être vivant et configure sa forme singulière – sa
forme intérieurement éprouvée (inspect) plutôt qu’extérieurement perçue (aspect) -.
Ce quintette met en œuvre la
tension musicale entre trois dynamiques initialement disjointes :
·
celle d’un piano
adoptant le cours d’une œuvre soliste antérieure (ma Sonate) ;
·
celle d’un trio à cordes
empruntant son lit à celui du trio op. 45 de Schoenberg (où les trois
instruments opèrent tel un seul et vaste instrument à 12 cordes) ;
·
celle d’une flûte
(connectant une flûte en do, une flûte en sol et un piccolo) épousant la courbe
mélodique d’une voix parlée * ou conjoignant le contrepoint d’un ancienne
œuvre pour trois flûtes.
L’instress du quintette tient
alors au nouage de ces trois flux-palimpsestes - par résonances, échos,
réponses… - en faisant tenir ensemble ce qui reste disjoint puis en conjoignant
des énergies originellement indépendantes.
* La flûte musicalise les extraits suivants du journal
d’Hopkins :
- Il y avait des chênes et d’autres arbres. J’ai
remarqué un hêtre qui s’épanouissait tout particulièrement dans l’espace
depuis la brune cohorte de ses points de ramifications. Mais les
caractères grandioses, on les trouve dans les marronniers d’Espagne, leurs
nœuds ronds huppés de fleurs en touffes, couleur farine panachée de
miel : ce type de végétation confère une splendeur aux arbres et les
différencie des autres. À présent je sais aussi comment un ruisseau tinte. (13 juillet 1866)
- J’ai saisi la forme spécifique de ce cheval que
l’on voit dans le soubassement et sur d’autres reliefs du Parthénon, forme
que Sophocle avait sentie et qu’il exprime dans deux chœurs d’Œdipus à Colonne, quand il compare le
cheval à un brisant, au rouleau d’une vague. J’ai observé l’aine et le
flanc des bêtes et vu comment le flux de la crinière partait
systématiquement de là, pour gagner toutes les parties du corps, si bien
qu’en suivant ce flux, on saisissait la forme spécifique de l’animal. (6 avril 1874)
- J’ai compté dans un arc-en-ciel, deux, point
trois octaves complets, c’est-à-dire trois, peut-être quatre touches dans
la tonique rouge, à partir du rouge le plus profond, en comptant à partir
de la lisière rouge, ceci bien entendu est tout à fait indépendant d’un
arc-en-ciel double. Il se trouve, d’ailleurs, que celui-ci l’était. (14 septembre 1873)
- Entré dans une grange qui nous appartient, une
vaste grange ombreuse, où l’on avait entassé le foin de chaque côté, et
regardant les imposantes armatures de bois grossièrement cintrées –
poutres maîtresses (?) et entraits qui leur donnent l’aspect de grands A
vigoureux dont la barre médiane serait surélevée - j’ai pensé combien il
était triste que la beauté des inspects restât inconnue et enfouie pour
les gens simples, alors qu’elle était si proche d’eux, s’ils avaient les
yeux pour la voir, et si facile à faire partout resurgir. (19 juillet 1872)
- Un autre soir, depuis la fenêtre de la galerie,
j’ai vu un ciel tavelé, la lune indiquée juste par une tâche bleue avançant
dans le nuage plus sombre, en dessous et sur les bordures du banc de
diablotins, de longs flocons saillants, blanchis et incurvés comme des
plumes, en bas le jardin avec la tête des arbres et des arbustes d’un gris
de fourrure : j’ai lu un ample inspect nonchalant, totalement fluide. (23 février 1872)
- Dans les monticules et contreforts de neige à
sommet plat, soulignés de crêtes onduleuses, ces crêtes superposées sont
très pareilles aux veines du bois, par leur profil et leur projection,
très pareilles aux cartes en relief. Je crois qu’elles dépendent du vent
et naturellement des congères qui sont en réalité des vagues de neige. À
la nuque des congères, les arêtes vives sont parfois coupées de flûtes et
de chéneaux obliques. Le monde entier est plein de formes dynamiques et le
jeu du hasard s’inscrit lui aussi dans un ordre : en regardant par
une fenêtre, j’ai découvert ce parti du hasard dans les mottes
capricieuses, les tas de neige pulvérisée, dus au passage d’un balai. (24 février 1873)
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