Une rencontre

 

avec un ex-toxicomane

 

(Printemps 2006)

 

 

 

 

·    « Contre la victimisation des toxicomanes »

 

·    Une vie…

 

 

 

 

Collectif Stalingrad contre le crack

 

 

Stalingrad@noos.fr

www.entretemps.asso.fr/Stalingrad

06 76 58 18 27


 

 

 

 

 

Une rencontre

 

(Printemps 2006)

 

 

 

 

 

 

 

Suite à la rediffusion (France 2) en janvier 2006 du documentaire « Crack, la colère des pères » (C. Montaucieux et T. Bellanger), nous avons été contactés par un ancien toxicomane.

 

En a suivi

- d’une part ces échanges épistolaires (« Contre la victimisation des toxicomanes »),

- d’autre part un long témoignage (« Une vie… ») recueillant l’histoire d’André L., notre interlocuteur.

 

Avec l’accord bien sûr d’André, nous diffusons ces échanges, convaincus de leur très grand intérêt pour tous ceux qui refusent la servitude jouissive de la drogue et combattent, d’une manière ou d’une autre, pour l’émancipation de la société et des toxicomanes.

 

 

L. Bonhouvrier, G. Chevalier, D. Dalbéra, J. Faouzi, F. Nicolas & C. Poitou

 

 

 

 

 

 

 

 

Contre la victimisation des toxicomanes...................................... 3

Janvier 2006..................................................................... 3

Février 2006..................................................................... 9

Une vie….................................................................................. 10

 


Contre la victimisation des toxicomanes

(échanges avec un ancien toxicomane)

 

Janvier 2006

 

J’ai vu sur A2 un documentaire très intéressant montrant votre association militer dans les rues du quartier Stalingrad mais aussi comprendre pourquoi des êtres humains prennent du crack et se détruisent en ayant en plus la conscience de le faire. L’un de vous a dit à juste titre des consommateurs de crack : « ils sont comme dans une prison de verre, c’est à n’y rien comprendre ».

Je suis un ancien usager. Je peux peut-être tenter d’expliquer le fond du problème, pourquoi vous, parents en colère, parents d’usager, éprouvez des difficultés à comprendre ce qui se passe dans la tête d’un usager.

Il vous est impossible de comprendre l’ampleur du problème parce que vous ne l’avez pas vécu dans votre âme. Il existe pourtant nombre d’analogies qui vous permettraient de ressentir la gravité du problème et sa simplicité.

Tout d’abord, il vous faut admettre que la société en elle-même propose à chaque instant des modes de comportement addictif. La dépendance est une chose centrale dans le mode de fonctionnement social : addiction à la consommation, au tabac, au café, au sucre, à la télévision, au téléphone portable, à la violence, aux jeux, à l’alcool, au pouvoir, à la sexualité. Chaque être humain présente une zone de faiblesse où il manifeste une conduite dépendante.

Lorsque cette zone de faiblesse est exploitée par la drogue, surtout le crack et l’héroïne, c’est l’ensemble de la personnalité qui est défigurée, manipulée, comme hantée.

J’ai vu des gens se sentir mal parce que leur voiture tombait en panne. Tomber dans des états de tristesse et d’angoisse très passager mais très profond parce qu’ils n’avaient plus de voitures. Ou parce qu’ils n’avaient plus de téléphone, de télévision. La personnalité est comme amputée momentanément de quelque chose et pendant quelque instant, on a l’impression qu’il manque quelque chose de fondamental. On va alors mettre en œuvre une grande dépense d’énergie pour réparer sa voiture, sa télé, son téléphone. Et pourtant, nous avons vécu des années sans voitures, sans téléphones portables, sans ordinateurs. Comment en est-on arrivé là alors ? Notre cerveau est sensible au conditionnement, aux habitudes. C’est une énorme faiblesse.

Il en va de même dans les relations amoureuses. Des états de dépendance très sérieux peuvent mener les gens aux pires exactions.

Certaines drogues, comme le crack, une fois qu’on les a consommées, génèrent un tel malaise, une telle impression d’angoisse lorsque l’effet s’arrête que l’on est comme amputé de soi-même. Et l’on est incapable de prendre une distance, de s’observer, d’observer calmement ce manque et l’absurdité de la situation. Le crack apporte, dès la première bouffée, une euphorie physique et psychique très puissante, proche d’un orgasme sexuel. On dispose alors d’une énergie immédiate, très forte qui vous donne l’illusion que tout vous est possible. Plus de souffrance, plus d’angoisse. Le changement d’humeur est tellement puissant, tellement immédiat que cela marque la conscience à vie. À vie !!!

C’est une sorte de rituel, de baptême démoniaque, un lien indéfectible, un contrat passé avec le crack et son démon intérieur. Ensuite, la chimie particulière du produit — et c’est là le mystère — a pour conséquence que paradoxalement, en dépit de l’effet très puissant, très enveloppant qui change totalement l’humeur, on a en même temps une impression de « pas assez ». C’est terrible. Le crack, c’est en même temps « trop bon » et « pas assez ». D’où le fait que ces camés passent leur vie à consommer et à chercher leurs doses.

J’ai 44 ans, cela fait plus de 10 ans que je n’y ai plus touché. Je mène une vie normale. Difficile mais normale. Je me débrouille. Mais j’ai été marqué à jamais par cette plongée longue, sombre et infernale dans les délices empoisonnés des stupéfiants.

Voilà, j’espère, par ce bref témoignage, être parvenu à vous décrire ce qui se passe à l’intérieur de ces âmes délabrées, dangereuses, toujours extrêmes que sont celles, amputées d’elles-mêmes, des consommateurs de drogues.

Je ne peux que comprendre ce qui vous anime, votre ras-le-bol, votre révolte, votre dégoût. Mais je voudrais aussi montrer que ce drogué parfois dangereux, souvent antipathique ou pitoyable que vous avez face à vous est une part de vous-mêmes. Nous avons tous en nous un drogué à « quelque chose » qui sommeille.

J’ignore encore ce qu’il faut faire mais je suis certain d’une chose : il faut leur faire peur. La peur joue un grand rôle. Il faut leur parler d’une dignité qu’ils peuvent retrouver. Leur dire qu’ils ne sont pas des victimes plus importantes que d’autres. À ce compte, nous sommes TOUS victimes d’une société qui rend nos âmes folles, dépendantes et tordues. Mais nous pouvons rester dignes et surtout, ne plus accepter d’être une victime. Car, sans vouloir verser dans le délire conspirationniste, je crois que c’est ce que certaines strates du pouvoir veulent : faire de nous des victimes, des âmes faibles, manipulables à souhait qui, dans la peur, seraient prêtes à abdiquer tout au nom de la sécurité.

Courage à vous tous

 

 

Merci, très vivement, de votre témoignage, que nous trouvons passionnant : nous avons pour la première fois l’impression de pouvoir un peu mieux comprendre comment opère cette "prison de verre". Tout ce que vous dites sur la manière dont cette société secrète et profite de ce genre de victimisation nous semble également très juste.

Il nous semble que ce serait très intéressant de pouvoir vous rencontrer et peut-être d’envisager de rendre public votre témoignage, en le détaillant éventuellement.

Dites-nous si cela vous semble possible.

En tous les cas, ceci nous confirme dans une impression très forte glanée auprès des Narcotiques Anonymes : c’est que les toxicomanes qui s’en sortent sont des gens particulièrement courageux et par là vraiment intéressants.

En espérant pouvoir prolonger avec vous ces échanges,

 

 

Je suis heureux de voir qu’il y a moyen de faire comprendre ce qu’une personne dépendante au crack (et dans une autre mesure à l’héroïne) ressent à une personne qui n’a pas subi ce baptême, cette défloration de l’âme qui marque à vie. Car c’est ce que votre gentille et encourageante réponse laisse entendre. Il y a moyen de faire comprendre au « non consommateur » ce qui se passe dans l’esprit d’un consommateur de crack par le biais des quelques analogies que je vous ai évoquées dans mon courriel. Mais il y en a bien d’autres. Certaines sont plus « parlantes » que d’autres. Tout dépend de la sensibilité personnelle. Si vous avez été marqué par exemple par une rupture amoureuse et que vous avez été envahi par une impression de tristesse et de manque insupportable parce que votre compagne vous a quitté, c’est également une analogie qui fonctionne. Ce vide est insupportable. Tout dépend de ce que l’on a vécu personnellement.

Regardez également les années qu’il faut pour une personne qui a été victime d’une secte pour se remettre de cette dépendance traumatique.

 

L’important est d’arrêter de dire que nous sommes des « victimes ». Victimes de la société ou de nous-mêmes. Une fois que l’on a compris cela au tréfonds de son âme, dans chaque millimètre carré de son corps et de sa conscience, on commence alors à percevoir la dépendance mais aussi la haine que l’on éprouve pour soi et pour les autres (ceux qui n’ont pas l’air dépendant), sous un autre angle. Tout part de là. Mais c’est long, très long, et les mots sont souvent impuissants. Il faut en plus accepter cette impuissance que l’on éprouve face à une personne qui se détruit et qui a envie de détruire les autres par pure méchanceté, pur avilissement car l’âme intoxiquée est avilie. Paradoxalement, si les dépendants au crack sont parfois dangereux, cinglés, égocentriques, manipulateurs, voir criminels et sans aucune compassion, ce ne SONT PAS DES MONSTRES. Ils sont comme vous et nous puisque nous avons tous un dépendant qui sommeille en nous. L’emprise du crack leur a fait perdre contact avec le tréfonds de leur âme.

Je suis d’accord bien entendu de vous aider, de témoigner d’une manière ou d’une autre. Mais je ne vois pas très bien comment.

[…]

Votre lutte est d’autant plus courageuse qu’en décidant de prendre les choses en main parce que vous en avez ras le bol de vous faire agresser par des toxicos, vous agissez à la place des autorités qui sont défaillantes et qui vous en voudront pour cela. Pas directement mais des reproches vous seront toujours faits. De plus, il y a cette ambiguïté de passer pour un facho, un nazi, un admirateur du système Front National parce que vous ne savez plus quel autre langage emprunter que celui de la fermeté. C’est d’ailleurs aussi ce que recherche tant l’État que le Front National : créer cette ambiguïté parce que vous avez décidé de prendre les choses en main et de devenir indépendant. La société n’aime pas les gens qui veulent être indépendants. C’est comme ça. C’est comme une maladie psychique.

Je peux même comprendre que le dégoût de certains habitants des quartiers difficiles soit tels qu’ils aient envie d’avoir recours à un discours d’extrême-droite ou de voter extrême-droite. Mais c’est une erreur fatale car ces gens du Front National sont de mauvaise foi. Ils se contrefichent de la vie de vos quartiers, de vos peurs et votre besoin de vivre harmonieusement. Ces politiques vivent sur le dos de vos peurs. Ils seront peut-être intéressés de s’adonner à des mises en scène haineuse contre les toxicomanes et les sans-papiers par pur besoin de défoulement, par pur envie de montrer qu’ils exercent un pouvoir. Puis, ils tourneront le dos. C’est une impression, un avis personnel. Il ne faut pas se laisser manipuler par un groupe politique. Restez entre vous, entre habitants de bonne volonté.

Je m’excuse d’avoir débordé sur le « sujet » politique mais cela me semblait important. Votre action, mal comprise par des imbéciles, certains politiciens ou des journalistes un peu trop pressés qui veulent juste « boucler leur sujet », risque d’être assimilée à une sorte de poujadisme de quartier. Ce qui n’est pas le cas car je vous ai vu dans le documentaire vraiment faire des énormes efforts émotionnels et culturels pour tenter de comprendre ce à quoi vous vous heurtiez. Raison pour laquelle je vous écris et vous soutiens.

 

 

Merci de ces échanges.

Nous comprenons votre désir de ne pas avoir à rendre publiquement des comptes d’une histoire qui est la vôtre.

Vos courriels sont très encourageants car cela montre qu’on peut, comme dans votre cas, s’échapper de ce que nous nommons souvent « une servitude volontaire » (nous ne savons si vous serez d’accord avec ce terme, prélevé à La Boétie). Cela nous montre aussi qu’il y a bien sens à donner au toxicomane des occasions à saisir pour sortir de sa dépendance.

Pour le Front National, ne vous inquiétez pas : nous les avons toujours tenus à distance et finalement cela a été facile car ils ne font pas vraiment de travail de terrain.

Nous nous accordons aussi particulièrement à votre analyse contre l’esprit victimaire et à l’idée que notre société encourage les dépendances de toutes sortes. Bref, vos propos consonent avec ce que nous ressentons, sans que pour autant nous ayons bien sûr votre expérience singulière.

Bravo en tous les cas pour votre courage. Comme disait Spinoza, rien ne fait plus de bien à un homme libre que de rencontrer un autre homme libre !

 

 

Merci encore pour votre encourageante et limpide réponse et nous devons sans doute faire partie de cette même famille qui tente de découvrir ce que le concept un peu abstrait et rabâché, maltraité et manipulé de liberté veut dire. Vous voulez vous libérer des violences provoquées par les comportements incontrôlables et irrespectueux des fumeurs de crack compulsifs. L’ironie de la situation est que vous êtes entraînés indirectement dans leur dépendance, dans leur enfer et vous devez vous en libérer tout en restant intègre, sans haines ni violences. Sacré pari.

Vous savez, je crois comme nous l’avions souligné dans un précédent envoi, que c’est la « victimisation » qui est le point d’achoppement et de départ pour entrer en communication ou en conflit avec un toxico.

Dans les discours des personnes dépendantes ; ils reprochent au monde entier qu’ils sont des victimes. C’est un moyen grossier de manipulation. Ils se disent victimes de la société, des administrations, de leurs parents, de leurs « copains » qui leur ont piqué leur came ou leur argent, des habitants des quartiers qui ne veulent pas d’eux. Cette victimisation est commode puisqu’elle leur permet de justifier la consommation de leur prochaine dose mais aussi de justifier l’agressivité et la haine qu’ils manifestent à des passants, des inconnus, même des amis ou des gens qui veulent leur venir en aide. Cette victimisation est un piège terrible. Dans une moindre mesure, nous justifions tous certaines de nos errances parce que nous avons été victimes des autres ; de nous-mêmes, de l’administration fiscale, etc...

En réalité on ne peut nier que le toxico souffre ou a souffert parce que ces parents ont pu le maltraiter, parce que l’administration l’a effectivement traité sans égard ni compassion. On ne peut nier qu’il souffre parce qu’il se fait lui-même souffrir. Mais en aucun cas, il ne doit admettre qu’il est une victime. Personne ne doit l’admettre. Qui dit victime dit également bourreau. Donc, on crée dans notre imaginaire un couple infernal : celui de la victime et du bourreau qui devient un couple indissoluble et qui finira par prendre vraiment forme dans l’imaginaire. Les bourreaux existent que si l’on accepte d’être des victimes.

Bref, pour une personne dépendante du crack, il faut tenter de lui expliquer que le discours qu’il présente dans lequel il affirme être une victime est un discours qui est source de souffrance. C’est comme s’il creusait sa propre tombe. S’il accepte et revendique d’être une victime, la souffrance (et la justification de la fuite de la souffrance, soit la drogue) entre dans un cercle vicieux : « je suis victime ; je souffre, je me came, la came me détruit, personne ne me comprend, je suis victime, je souffre encore plus, il me fait plus de came, les gens ne me comprennent pas mais en plus, ils sont mes ennemis, mes bourreaux et donc, je souffre encore plus et je me drogue encore plus ». C’est sans fin. Et c’est terrible. Quand on est dans ce mécanisme, on ne le voit pas. C’est normal. Il faut souvent être extérieur à un phénomène pour le percevoir.

Donc, il faut créer un choc, des discours chocs qui vont réveiller ne fût-ce que deux secondes un usager compulsif de crack. De deux secondes en deux secondes, la lumière vient petit à petit.

Ce choc vient d’une part lorsqu’on explique à un usager qu’il doit refuser de toute son âme d’être une victime. Et que par conséquent, ce n’est la faute à personne s’il se drogue. Ou s’il est dans la merde. Il doit arrêter de regarder hors de lui où sont les fautes. Toutes les réponses sont en lui. Pas à l’extérieur.

Deuxième choc : celui de la peur. Car je crois, après de longues réflexions, que c’est la peur qui a poussé un toxico à consommer. La peur est une chose centrale dans notre société : nous avons tout le temps peur à tel point que nous ne nous en rendons plus compte : peur de ne pas être à la hauteur, peur de déplaire, peur de perdre (son emploi, l’amour des autres, etc...), peur de l’avenir, de son passé, peur des autres, de leur violence. Je finis par me demander si ces peurs sont justifiées ou non mais je sais que la société est faite de telle sorte qu’elle donne une grande place à la peur. Donc, face à tant de peurs, nous mettons en place des mécanismes de fuite pour réduire la tension, réduire la souffrance engendrée par les peurs.

La drogue est un outil « idéal » qui donne une réponse immédiate et perverse pour faire « taire » momentanément la peur.

Je me dis alors que si c’est la peur qui m’a poussé à consommer du crack et de l’héroïne (car je consommais les deux : je fumais du crack et je me shootais à un mélange de cocaïne et d’héroïne), c’est la peur qui m’en a sorti.

Si c’est la peur qui pousse un drogué à consommer, cela sera une peur encore supérieure qui pourra l’en sortir. Mais de quelle peur parle-t-on ? Et bien de la peur de souffrir encore plus, d’une souffrance infinie. Un discours ferme, sans pitié, sans fausse compassion avec des mots crus et qui doit être porteur de peur peut attirer l’attention d’un usager. Bien entendu, il ne voudra rien entendre au début mais les idées feront leurs chemins.

Certains consommateurs parmi les plus « usés » disent qu’ils n’ont pas peur de la mort ; pas peur que la came les tue. C’est un gros mensonge qu’ils se font à eux-mêmes. Bien sûr qu’ils crèvent de trouille. Mais ils sont bravaches, ils veulent jouer les durs, les désespérés qui n’ont plus rien à perdre car c’est tout ce qui leur reste. Mais en réalité, c’est un gros mensonge. Mettez-les de force dans un centre de cure sauvage, sevrez-les d’un coup, enlevez-leur leur came et vous verrez qu’ils ont peur, qu’ils ont encore de l’espoir et qu’ils sont donc vulnérables. Je ne préconise pas cette méthode dure de sevrage (elle est idiote et dangereuse) mais je préconise un discours dur et ferme, sans concession ni apitoiement. Il faut leur expliquer qu’ils ont assez de dignité en eux pour ne pas mériter cet apitoiement qu’ils aiment tant susciter et qu’ils méprisent également.

Je crois que nous, anciens usagers, nous avions en réalité peur de la mort, de la souffrance, de la déchéance lente qui nous mènerait vers la mort. Mais nous ne voulions pas l’accepter et le voir en face. Pourtant, je m’en suis sorti parce que ma peur de souffrir et d’agoniser jusqu’à la fin de ma courte vue a été supérieure à ma peur de manquer. La peur m’a fait entrer dans la dope, elle m’en a fait ressortir. Et j’ai réussi à me tenir éloigné des produits après une longue période de deuil, parce que j’ai décidé et je continue à décider tous les jours que je refuse d’être une victime. Victime des autres et de moi-même. Ce n’est pas facile mais cela aide.

Narcotiques anonymes m’a aidé en partie car ils m’ont donné des outils qui consistent surtout à vivre dans le présent, à ne pas me projeter dans le passé ou dans l’avenir. Quand le besoin de drogue est trop pressant, au lieu d’imaginer que je dois lutter toute ma vie, j’imaginais que je devais lutter juste 24 h. Et si 24 h, c’était trop dur, je me concentrais sur l’heure puis sur la minute puis sur la seconde. Une seconde à la fois, une heure à la fois, je m’en sors. Et je ne pense pas à demain.

Mais ce qui m’a dérangé, c’est que finalement, ils instauraient un autre système de dépendance, un système de dépendance quasi mystique où l’on se met à « raisonner » façon Narcotique anonyme, penser comme eux, dépendre de leur manière de pensée. Cela remplit toute la journée. On devient littéralement obsédé par l’abstinence au point que l’on en oublie de vivre. Mais je sais que cela marche pour de nombreuses personnes. Et qu’il vaut 100 000 fois mieux être sobre et dépendant des Narcotiques anonymes que dépendant de la drogue.

C’est donc une question de sensibilité personnelle. Je m’en sortais mieux sur le long terme en étant seul car j’avais l’impression d’être dépendant de NA, de n’être capable de vivre et de penser que par leur manière de vivre et de pensée. Certains ont besoin de ce carcan pour s’en sortir et rester « clean » sur le long terme. Moi, le système NA me donnait l’impression de faire partie d’une sorte de secte où l’on ne parlait finalement que d’une chose : de l’abstinence. L’abstinence devient une sorte de drogue. Alors qu’il y a 1 000 choses qui m’intéressaient dans la littérature, l’actualité, mon boulot…

Raison pour laquelle j’ai quitté NA.

 

J’espère ne pas avoir été trop long. Et surtout, j’espère que mes expériences subjectives pourront vous être d’une aide quelconque pour mieux appréhender comment tout cela fonctionne. Si vous avez des questions précises et pratiques, n’hésitez pas à me les poser. Peut-être que mes impressions et mes perceptions du problème vous permettront de vous identifier ou de partager certains points de vue. C’est souvent par l’identification mutuelle que l’on arrive à communiquer même si l’on ne partage pas les mêmes expériences de vie.

 

 

Votre manière de transmettre votre expérience est remarquable. Et nous nous accordons de part en part avec votre refus de la victimisation : ce fut même un point de séparation du Collectif avec le père de toxicomanes qui voulait maintenir les toxicomanes en position de victime. D’accord à ce titre pour le discours sans complaisance, ni concession ni apitoiement en direction des toxicomanes.

Nous avons compris comme vous, au contact des N.A., l’importance de l’heure qui vient, des décisions qu’on y prend — c’est d’ailleurs cela qui a inspiré l’épisode du ticket de métro offert au toxicomane rencontré (voir le documentaire). Et nous comprenons aussi le risque que l’abstinence de type N.A. puisse devenir une nouvelle dépendance (certes, comme vous le dites, moins dangereuse).

Nous avons simplement une petite réserve à propos de ce que vous dites sur la peur. Est-ce bien la peur qui vous a sorti de la toxicomanie ? Peut-être une peur supérieure, donc une « autre » peur, qui ne serait alors peut-être plus tout à fait une peur ?

Nous disons cela car nous avons tendance à penser que la peur est mauvaise conseillère, qu’il faut donc éviter d’avoir peur de la peur. Ce que vous décrivez (très bien), ne serait-ce pas plutôt l’impression qui vous est apparue qu’il y aura sans doute toujours une peur à affronter, mais qu’on peut l’affronter, et qu’il faut donc s’orienter par autre chose que par la quantité de peur. Ou encore, comme vous dites, si les toxicomanes « ont encore de l’espoir », c’est peut-être justement l’espoir non pas de ne plus avoir peur mais bien plutôt de n’être plus guidé par la peur. Nous ne savons si nous nous expliquons bien mais nous cherchons ainsi à éclairer quel type de « déclic » ou d’occasion offrir aux toxicomanes pour amorcer la remontée.

Nous sommes vraiment contents de vous avoir rencontré via ce documentaire.

 

 

Vous avez raison sur le concept de peur et je me suis maladroitement exprimé ou du moins, j’ai fait un raccourci intellectuel qu’il n’y avait pas lieu de faire.

Évidemment, la peur est nuisible, c’est une sorte de virus psychique (j’aime cette expression) qui se propage et qui déforme notre perception du réel.

Mais néanmoins, s’il est fondamental d’insister auprès des usagers sur le fait qu’ils ne doivent pas perdre espoir, sur le fait qu’une fois « clean », après des semaines de sevrages, ils redécouvriront l’espoir et surtout le fait que c’est la peur qui les a menés vers la drogue, il est néanmoins important de créer un choc émotionnel. Ce choc est fondamental. Il faut d’une certaine façon « crier plus fort » que leur envie de prendre de la drogue, « crier plus fort » que ce besoin rassurant qu’ils ont de rester dans leur routine assassine (recherche de drogue, consommation, recherche d’argent, recherche de drogue, consommation, etc..., dans un cycle sans fin). Il faut être capable de « crier plus haut » que leur besoin de manipuler les autres et eux-mêmes avec le discours de l’auto-apitoiement. Un consommateur en bout de course, à court d’argument, a l’impression de gagner la partie lorsqu’il arrive à susciter une forme de pitié, de compassion. Mais cette compassion est traîtresse : comprenons-nous pourquoi il se drogue ? Certes oui. Qu’il souffre ? Certes oui encore. Mais devons-nous avoir une telle pitié que nous devons accepter qu’il se détruise avec la drogue en nous entraînant dans sa chute ? Non, là, c’est non ! L’usager cherche la compassion, souvent pour recevoir une sorte de pardon, de bénédiction de pouvoir continuer à se droguer. S’il veut se détruire, il doit comprendre qu’il ne le peut pas parce qu’il n’est pas seul sur terre, que nous sommes tous interconnectés et que son autodestruction aura des conséquences sur notre vie : tristesse chez les proches qui l’ont connu, ennuis judiciaires pour ceux qui ne lui auraient pas prêté assistance à se soigner, etc, etc.

Donc, il faut « hurler » symboliquement plus fort que la routine, la complaisance de consommer le produit, plus fort que la haine que les usagers ont pour la société, pour les passants dans la rue, pour les autres usagers.

Chez moi, en ce qui me concerne, c’est finalement parce que l’on m’a fait peur, très peur à une ou deux reprises que j’ai fini par ENTENDRE. Après, la peur devient contre-productive, je suis totalement en accord avec vous. Mais il faut trouver un moyen de se faire entendre, d’impressionner durablement l’âme de l’usager pour qu’il accepte un instant de se regarder sans complaisance et qu’il ait envie de se dire : « ça suffit, je vais crever. Je vais crever non pas dignement mais comme un chien enragé. Et même, les animaux sont 10 000 fois plus dignes que moi ».

Voilà la réflexion qui m’a sauvée. J’ai eu peur de souffrir, peur de la peur de souffrir et ainsi de suite. La drogue me faisait plus souffrir que la souffrance que j’essayais de soulager.

Il y a un rapport étroit également avec le PLAISIR. Cette notion est capitale et j’essaierai de m’exprimer là dessus dans un prochain envoi.

En ce qui concerne le père de cet usager, je le comprends puisqu’il n’a trouvé comme seul moyen que la compassion envers la consommation de son fils pour se rapprocher de lui. Que voulez-vous qu’il fasse d’autre ? Il est pris en otage par la souffrance de son enfant.

Mais il ne faut pas confondre « compassion, empathie » avec apitoiement et tolérance de consommer. On peut comprendre ce qui pousse un être à consommer puisque nous sommes tous des dépendants en puissance, nous avons tous une faiblesse de prédilection (nocive ou inoffensive). Mais il ne faut en aucun cas « tolérer » les manipulations de l’usager pour qu’on lui donne une bénédiction de consommer un produit qui le détruit.

Pour l’héroïne, il existe un produit de substitution très valable : la méthadone (mais pas le subutex, c’est une saloperie, je pourrai m’expliquer un jour). La méthadone a un effet qui est au début enveloppant et qui calme l’obsession de consommer. On a le temps de se stabiliser, de réfléchir et de visualiser le cercle infernal de la dépendance.

Malheureusement, il n’existe rien de simple pour les usagers de cracks. Et quoi qu’on en dise, il existe une dépendance physique profonde au crack. Le cerveau, après un servage brutal fait comme une sorte de « serrage » moteur, les connexions neuronales et les hormones cérébrales deviennent tellement dingues que l’on peut y perdre sa fragile santé mentale.

 

Je suis vraiment heureux de voir que mon expérience vous aide. C’est le but du jeu. Et c’est aussi bon pour moi car cela donne un sens à mon lourd passif.

 

 

Il nous intéresserait beaucoup que vous nous détaillez la différence de logique du subutex et de la méthadone : nous n’en avons guère idée, et vos propos sont toujours très éclairants.

 

Concernant le père de toxicomane qui apparaît dans le documentaire, le problème n’était pas celui de la compassion, nécessaire comme vous l’indiquez bien, mais celui de sa distinction d’avec la pitié, ou d’avec l’apitoiement ; mais clarifier cela est un peu une autre histoire, beaucoup moins intéressante que la vôtre !

 

Il nous intéresserait également que vous nous parliez de cette question du plaisir. Un usager de drogues nous a déclarés, pas plus tard que ce jeudi, qu’il ne saurait envisager un monde sans drogues car, disait-il, la drogue c’est aussi du plaisir.

Que la drogue soit aussi du plaisir n’est pas difficile à concevoir. Que ce puisse être un plaisir qui enchaîne (ou puisse en chaîner) est plus dur à concevoir. Vous le décriviez comme un plaisir porteur immédiatement d’une part d’ombre, d’une face noire de manque (qui n’existe pas dans les plaisirs plus "ordinaires"). Il faudra nous en reparler, mais rien n’urge.

 

 

Pour faciliter les échanges, si vous le désirez, il serait bon que vous songiez à orienter lesdits échanges par quelques questions, une forme d’interview en quelque sorte. Cela me permettrait de mieux structurer ma pensée et mon propos mais également de nous orienter que sur les idées qui pourraient être utiles à votre association.

[…]

Mon opinion personnelle part du postulat que tout est fait pour nous rendre dépendant de diverses molécules pharmaceutiques. La toxicomanie de même que la dépression sont des marchés comme les autres. Cela engendre d’importants bénéfices. De ce fait, il y a aussi quelque chose qui cloche dans la prise en charge des toxicomanes par l’hyper médicalisation : changer une dépendance par une autre sans penser à restructurer « clairement » la manière de pensée et voir les choses d’un dépendant, en lui apprenant notamment qu’il doit arrêter de se comporter comme une victime.

 


Février 2006

 

Questions personnelles

 

1) Pourriez-vous nous raconter votre itinéraire de toxicomane ?

À quel âge êtes-vous entrés dans la drogue ? Quelles furent les grandes étapes de l’escalade ? Combien de temps a pris l’enfoncement jusqu’au déclic pour en sortir ?

Combien de temps ensuite pour en sortir ? Quelles grandes étapes ? Combien de rechutes ? Est-il vrai qu’il faut autant de temps pour en sortir qu’il en faut pour toucher le fond ?

 

2) Pourquoi/Par quoi avez-vous été accroché à la drogue ?

Symétriquement, quand vous avez eu le déclic pour vous en sortir (apparemment sous le coup d’une peur plus grande), était-ce chez vous le premier déclic ? Si cela ne l’était pas, qu’est-ce qui a fait la différence de cette fois par rapport aux précédentes ?

 

3) Pour comprendre ce qui attache un toxicomane à sa drogue, nous avons pensé qu’il fallait peut-être différencier plaisir et jouissance, la drogue « dure » relevant plus de la jouissance (voir « le flash »…) que du simple plaisir physique. Cette distinction a-t-elle pour vous un sens, une pertinence ici ?

 

4) Apparemment vous êtes passé par la substitution pour vous en sortir. Vous faites une différence importante entre méthadone et subutex. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?

 

5) À part l’affect négatif de « peur », qu’est-ce qui a fait positivement le poids face à la drogue et vous a donné le courage de décrocher ? Un amour ? Un travail ? Une forme de pensée et d’action ? Une foi ? Quelles convictions ?

 

Votre avis

·        Il semble parfois que les produits de substitution puissent se transformer en pièges car d’une part il serait plus dur de s’en sevrer que de l’héroïne et d’autre part, celui qui prend des produits de substitution est toujours toxicomane mais privé de plaisir (il a les inconvénients sans en avoir encore les avantages). D’où la tendance à aller chercher alors son plaisir dans l’alcool. Que pensez-vous de cela ?

·        Il nous semble aberrant de prétendre aider le toxicomane en lui offrant un gîte et un toit en plein quartier de deal : cela revient à l’aider à reprendre des forces sur place pour mieux repartir le lendemain matin à l’attaque d’une nouvelle journée d’intoxication. Que vous en semble ?

·        Nos discussions avec les psychiatres (voir nos récents comptes rendus) semblent converger vers l’idée que la toxicomanie ne serait pas à proprement parler une maladie spécifique mais un mode particulier d’expression de maladies psychiatriques (psychoses, perversions, dépressions ou états border line). Ceci n’infirme pas que la plupart des toxicomanes sont bien malades même s’il ne convient pas de dire qu’ils sont malades de toxicomanie mais qu’il faut penser qu’ils sont malades d’autre chose : des maladies psychiatriques rappelées ci-dessus. Que pensez-vous de cela ?

·        Nous tenons que les toxicomanes qui ne sont pas malades sont des nihilistes : des gens qui préfèrent vouloir le rien du produit (ce rien fût-il un « plaisir ») que ne rien vouloir (la société tend à conformer des gens ne voulant plus rien : elle matraque que c’est dangereux de vouloir quelque chose et qu’un principe de précaution est de surtout ne rien vouloir, de « cultiver son jardin » en attendant la retraite…). À ce titre, les toxicomanes (non malades) nous paraissent plus intéressants que les gens ne voulant rien et fiers de ne rien vouloir : plus intéressants car ne cédant pas sur le principe qu’une existence ne vaut que par son intensité, qu’une vraie vie est intense ou n’est qu’une misérable survie. Bref, nous pensons qu’il faut les toucher en leur montrant qu’on n’est pas condamné (comme en Suisse) à ne rien vouloir et qu’on peut vouloir quelque chose, ce qui vaut beaucoup mieux que vouloir le rien (le rien mortifère du produit, quand ce n’est pas le « vive la mort ! » des fascistes mais aussi des dealers).

 

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Une vie…

 

ANDRÉ L.

 

(propos recueillis le 30 mars 2006 par François Nicolas)

 

 

J’ai 44 ans. Je suis né en France en 1961, dans une famille de classe moyenne, habitant une banlieue plutôt aisée. Ma mère était institutrice dans une école pour enfants de la haute société ; j’ai ainsi fait mes études dans un cadre pour gens très aisés. J’ai eu une enfance normale et heureuse. Ceci dit, j’ai toujours eu des problèmes de communication et de malaise face aux groupes : j’ai longtemps pleuré pour aller à l’école, et le scoutisme fut pour moi un cauchemar. Soit je pleurais, soit je me battais, soit je jouais au malade.

Je suis fils unique. Mon père est mort soudainement en 1976 d’une hémorragie cérébrale (il était né en 1919). J’avais alors 15 ans. C’est à partir de là que les problèmes pour moi ont commencé : me serais-je drogué si mon père était encore là ? C’est une abstraction difficile à penser.

Mon père disposait d’une autorité naturelle. C’est un homme qui avait survécu à Auschwitz. Il était juif, et musicien. Il jouait comme musicien dans le camp et c’est ce qui fait qu’il y a survécu. Les SS se servaient des musiciens pour former des orchestres de juifs qui jouaient dans leurs petites soirées. Mais je ne me sais pas s’il a joué dans les fameux orchestres qui accompagnaient les gens à leurs descentes des convois.

Il ne m’a jamais parlé de tout cela en détail. Plus exactement, il ne m’a jamais parlé de son histoire personnelle mais beaucoup des camps de concentration, et du phénomène général des camps d’extermination. Ainsi il m’a beaucoup parlé de l’Inquisition, m’emmenant visiter des salles de torture pour m’avertir, comme pour me dire : « Mon fils, fais attention ! Tu n’es pas juif, mais tu dois te protéger. Tu dois toujours faire attention. Cela peut recommencer, les camps et ce genre de choses ». Ma mère n’est pas juive, mais catholique totalement non pratiquante. Elle déteste la religion tout comme mon père d’ailleurs. Il estimait que les rabbins étaient des parasites et qu’ils n’avaient rien fait pour aider « les nôtres » à échapper au massacre. Les rabbins apprenaient aux gens à rester soumis.

Je ne suis donc pas officiellement juif puisque « l’hérédité juive » vient de la mère. Je me suis senti de ce fait partagé, jamais totalement entier : ni Goy, ni juif Avant, cela me déchirait. Aujourd’hui, c’est pour moi de la foutaise, du conditionnement, ce besoin « d’appartenance raciale » ou nationale. Cela fait tant de mal, tant de guerres. Mon père m’a transmis tout cela : les camps, la conscience du fait que le pire peut arriver, que l’homme peut être un monstre pour son prochain. Je l’aime pour cela, et même si l’héritage est lourd – je m’en suis rendu compte plus tard : ma bibliothèque est pour une bonne part remplie de livres sur la guerre et les camps. Mon père m’a transmis une aversion absolue pour la souffrance, pour l’autorité stupide d’un individu sur un autre : rien de plus terrifiant que d’être dans les mains d’une personne qui peut faire de vous ce qu’il veut ! C’est là une terreur absolue.

Est-ce que tout ceci m’a, plus ou moins consciemment, poussé à recréer mon propre Auschwitz, à faire de ma vie un enfer et un tourment histoire d’égaler mon père, de lui montrer que je suis aussi un dur, un résistant ? Je ne sais pas. Cela me paraît être une justification abstraite de psychologue, une explication un peu facile et bien convenable qui ne me fait pas avancer.

En tous les cas, il y a eu ce dépit de la peur du monde léguée par mon père. C’est un héritage bien involontaire de sa part, croyez-moi ! Il ne voulait pas apprendre à son fils à avoir peur. Je crois qu’il voulait que je sois lucide et averti sur les choses de la vie.

 

Cette peur latente, cette angoisse sourde ont sans doute joué un rôle dans ma consommation de drogues. Mais c’est aussi ma propre complexion personnelle qui m’a attirée vers la drogue. En particulier parce que j’ai toujours eu soif de plaisirs. Je ne pense pas qu’il s’agisse de plaisirs comme repoussoir à la souffrance, d’un plaisir qui serait une fuite pour éviter la souffrance. La recherche du plaisir, pour moi, est au-delà de çà ; la recherche du plaisir est normale, et n’appelle pas de culpabilité particulière. La culpabilité face au plaisir est une chose sournoise inventée par les grandes religions monothéistes pour faire de nous des gens soumis, obsédés par les péchés et la peur de la damnation. Le problème n’est pas dans le plaisir mais dans les stupéfiants, dans leur nature car ils sont terriblement néfastes par eux-mêmes ; c’est là le piège : il consiste à se détruire en trouvant son plaisir.

 

Lorsque mon père est soudainement mort, cette autorité naturelle a disparu d’un jour à l’autre. Ma mère avait vingt ans de moins que lui. C’était un couple qui s’aimait à la folie. Je ne peux donc, comme d’autres, prétexter une excuse dans une séparation et un divorce de mes parents.

L’entente de mes parents était fusionnelle et elle me rejetait un peu : l’être humain est en effet une sale bête, avide d’amour, et pour moi, le fait de voir mes parents s’entendre, cela, finalement, m’emmerdait. C’est un peu un mystère mais tout cela dérive d’une même imperfection qui se trouve à la source de tout être humain. Il y a là un mécontentement originel, un mélange indémêlable de « pas assez » et de « trop ». Nous sommes tous des funambules de l’ego, nous balançant entre possession de l’autre et besoin d’être indépendant, altruisme et égocentrisme.

Je n’ai donc pas à me plaindre de mauvaise entente de mes parents. La mort soudaine de mon père m’a aussi procuré un certain contentement malgré l’amour que je lui portais. J’étais libre, sans le poids de son autorité et j’avais ma mère, pensais-je pour moi tout seul. Mais son chagrin nous a éloignés. En effet, mon admiration pour mon père était teintée de peur. Il avait en effet échappé à Auschwitz et tout cela me foutait les jetons. Il portait avec lui le parfum de la mort. Dans son sillage traînaient toutes les odeurs, les blessures, le froid, et les cris des SS sur la place d’appel des camps. Quand j’étais petit, au lieu de jouer aux petits soldats, aux cow-boys et aux Indiens, je me construisais des camps de concentration. Je transformais mes figurines en SS, j’arrachais des membres à mes petits soldats pour en faire des torturés. J’avais alors 9 à 10 ans. Comme j’aime le dire, j’ai connu via mon imagination Auschwitz avant Disneyland.

Mon père ne prêtait pas attention à tout cela. Je n’ai aucun souvenir du fait qu’il ait été choqué par mes jeux.

Son mariage avec ma mère était son troisième mariage. J’avais une demi-sœur, qui avait 15 ans de plus que moi, mais je ne la connaissais pas. J’étais donc seul avec mes parents à la maison. Mon père, à la libération des camps, avait été fait prisonnier par les Russes qui l’ont envoyé en Sibérie… pour garder les SS ! Comme mon père parlait l’allemand et l’argot des camps, cela en faisait à son tour un excellent gardien de camp ! Il fut ensuite relâché par les Russes. De retour au pays, il gagnait sa vie comme musicien de jazz. Cela l’a amené à participer dès le départ à l’aventure du Club Méditerranée. Je ne sais si vous savez cela, mais le Club Méd. fut créé au départ par un Juif belge pour les rescapés des camps : il s’agissait finalement de créer des camps de bonheur, des camps inverses donc.

C’était aussi l’époque du kibboutz, qui constituait également une antithèse du camp de concentration. J’ai donc eu une enfance baignée par le Club Méditerranée.

 

Une fois mon père mort, j’ai d’abord touché au tabac. Le lien a été immédiat car la première cigarette fumée, je l’ai prise dans le paquet que mon père avait dans sa poche lors de son décès. Ensuite j’ai rapidement touché au cannabis, au haschich, à la marijuana… Et les premiers pépins sont arrivés : je suis devenu éthéromane, accro à l’éther et au Sassi (qui était un détachant). En un an, cela a été l’enfer. J’avais seulement 16 ans. Ma mère était complètement perdue face à sa solitude et face aux conneries que je faisais. Elle s’est mise à picoler, à aller chercher des mecs. Et moi, on me disait ; « Tu es l’homme de la famille. Tu dois la prendre en charge. » Mais à cette époque, je me suis détaché d’elle. Aujourd’hui, nous avons des rapports très fusionnels au point que j’en tire la conclusion que ma mère est la deuxième femme de ma vie. Mais pendant des années, j’étais sans aucun contact avec elle.

 

Il faut bien voir qu’un toxicomane cherche à attirer la pitié, et non pas l’aide. La pitié que le tox cherche à attirer, c’est sa principale ennemie. Car après avoir attiré la pitié, il méprisera celui qui s’est penché souvent avec compassion sur son cas. Il faut toujours montré à un dépendant que l’on est pas dupe de son jeu, qu’on le respecte pour ce qu’il pourrait être mais qu’avant de parler de respect, il devrait apprendre à se respecter lui-même puis à respecter les autres. Une fois qu’un tox est sorti de cet engrenage de pitié, de victimisation, de manipulation etc., il n’y a plus besoin de faire la leçon sur le respect. Il sait alors de quoi on parle. Il n’aura plus besoin que l’on ait pitié de lui. Il utilise la pitié pour en tirer avantage pour ses combines. J’ai fait usage de la pitié.

 

Toujours est-il qu’à 15-16 ans, le schéma du toxicomane s’est clairement enclenché et qu’il a bien vite fait de moi un junkie en puissance. Tout était prêt pour que quelques années plus tard, j’en devienne un. C’était comme écrit. Je me souviens aussi que j’avais de brefs moments de lucidité où je me percevais comme j’étais : un junkie en puissance, tout en potentiel et que pour en sortir, il faudrait faire preuve de volonté. Et je ne voulais pas faire preuve de volonté. Je me condamnais d’avance. Non par masochisme mais ces sentiments un peu stupide que l’on a lorsqu’on est gamin que l’on est invulnérable.

 

Heureusement à 17 ans, j’ai rencontré une fille qui était d’un an plus jeune que moi et qui m’a initié à la littérature, qui m’a montré que la culture, ce n’était pas une connerie — c’était l’époque punk, du « no future », du mépris pour le savoir et l’école… -. Grâce à cette fille, la culture, la connaissance me sont apparues comme quelque chose de fabuleux. Je suis alors devenu un élève assidu. J’ai fait ainsi mes deux dernières années de lycée et suis rentré à l’université pour devenir journaliste.

J’avais avec cette fille une relation sexuelle épanouissante très forte, très « hard » alors que nous étions si jeunes. Mais c’était en même temps très sexuel, très innocent, riche en découverte, en tendresse, en jeux très érotiques et très frais. C’est moi qui l’avais dépucelée ; j’avais moi-même été dépucelé quelque temps avant, de manière très sordide, dans l’arrière-salle d’un bar crasseux avec une jeune fille ivre, un peu plus âgée, assez experte mais dépucelage m’avait effrayé. Il n’y avait pas de communication, rien que le jeu des apparences, ce foutu jeu de rôle que les ados s’imposent pour avoir l’air.

Mais avec elle, tout se passait au mieux. Avec elle, j’ai continué les drogues douces, uniquement du cannabis mais de manière plus ludique. Je fumais essentiellement du shit, et de manière très décontractée. Ceci dit, j’étais le moins équilibré de la bande. J’ai eu ensuite accès, en dehors du groupe de jeunes que je fréquentais avec ma petite amie au LSD (que j’ai alors pris assez fréquemment, j’ai adoré cela), et surtout aux amphétamines (que j’ai beaucoup pris). Cela ne se voyait pas trop alors. Il faut dire que les produits de l’époque étaient beaucoup moins dangereux que ceux d’aujourd’hui : le cannabis de l’époque, « le cannabis de Papa » était beaucoup moins puissant et dévastateur que l’actuel, qui est une sorte de cannabis avec OGM ! Même chose avec le LSD avec lequel j’ai eu une expérience de transcendance, je voyais « Dieu » et toute la perfection qui résidait dans la création de toute chose. Un cadeau du genre perle aux cochons. Si cette expérience avait été correctement encadrée par des spécialistes en rituels chamaniques, des anthropologues, cela aurait sans doute pu changer les choses du tout au tout. Mais j’étais seul face à cette expérience que je ne pouvais ni relativiser, ni employer pour sophistiquer ma perception de la réalité. Des perles aux cochons.

 

Quand je suis rentré à l’université, mon amie, qui était américaine, est retournée aux États-Unis. J’ai très mal vécu cela. J’ai commencé de prendre beaucoup d’amphétamines (de speed) pour continuer de fonctionner. J’ai rencontré à l’université en deuxième année une fille et j’ai continué comme cela pendant encore trois ans (au total j’ai fait un cycle de quatre ans à l’université).

Je fumais alors beaucoup trop, et je prenais du LSD : j’arrivais à fonctionner mais avec quelque chose de trop. Je ne pouvais m’endormir sans avoir fumé un pétard. Ma vie était alors conditionnée d’un côté par le sexe et par la drogue, d’un autre côté par la soif de culture et par la musique. Cette relation avec cette fille au demeurant merveilleuse, je n’ai pas su en tirer parti car j’étais déjà trop absorbé par les drogues. Je n’étais pas encore à l’héroïne mais je n’en étais pas si loin, à y regarder de plus près. J’avais déjà très peur des autres. J’étais assoiffé de concepts, d’images plus que de vrais contacts humains.

 

Quand je suis sorti de l’Université, j’ai été embauché dans une agence de pub comme créatif. Mais très vite je suis parti au Cameroun avec une équipe de coopérants qui devait y créer une télévision. J’y ai été entraîné par des copains qui m’ont fait valoir la belle vie coloniale qu’on aurait là-bas, les femmes, l’aventure, l’argent etc.. J’avais 21-22 ans. Là-bas, au bout d’un mois et demi, je me suis retrouvé en prison, pour affaire de stupéfiants, et pour une fois, je n’étais pas coupable ! — c’était une affaire qui avait été montée de toutes pièces par la sûreté et la police militaire contre nous -. Cet épisode de la prison là-bas m’a terriblement marqué.

Je n’ai pas eu à souffrir de mauvais traitement mais j’ai assisté à des choses horribles : à des enfants battus sur la plante des pieds avec des matraques, on appelait cela « donner le café » et bien d’autres choses horribles dont je ne veux plus me souvenir, vraiment plus jamais. J’ai vu que je ne valais rien face à la souffrance, que j’étais prêt à me dégonfler, à raconter n’importe quoi pour me sortir de là. J’étais tout sauf un héros. Pour moi, cela a été trop fort, trop dur… Je crois que cela a marqué définitivement la fin de l’innocence que j’avais en moi, la fin de la confiance en la bonté de la nature humaine.

 

S’il y a une chose qu’aujourd’hui je ne comprends pas, c’est pourquoi ici en Europe et en France, les enfants des quartiers peuvent faire pareil, frapper et torturer, s’adonner à des viols collectifs, des séquestrations et des choses vraiment vicieuses. Ces gamins ont à peine 18 ans et ils torturent des filles encore plus jeunes. Au cours de mon travail de journaliste, j’ai assisté à des dizaines d’affaires de ce style. J’ai assisté pendant 15 ans à des centaines et des centaines de procès (après mon premier sevrage réussi). La compassion n’existe pas chez eux. Ils se foutent de faire souffrir les autres et c’est une chose que j’ai du mal à comprendre. Une fois pris et interrogés par la justice, soit ils affirment être eux-mêmes victimes, soit ils disent qu’ils ont été « allumés » par la fille parce que toutes les femmes sont des salopes. Mais jamais, ils ne se rendent compte de ce qu’ils ont fait. C’est comme s’ils vivaient dans un monde virtuel. Il y a un vrai problème de connaissance, de maturité émotionnelle chez ces jeunes types, cela va de mal en pire et je suis très pessimiste. Je me souviens très bien, à l’époque où j’étais un vrai junkie vivant tout le temps dans la rue à fréquenter des dealers, de certaines conversations que nous avions. Croyez-moi, ces gars qui étaient de mon âge ou un peu plus jeune (entre 18 et 25 ans), presque tout d’origine marocaine, me racontaient tous la même chose : « nous, on est calme par rapport à la génération qui va venir. Nos petits frères, ce sont de vrais sauvages. Ils seront sans pitié ». Ces types, ces dealers, qui n’étaient pas des amis mais simplement les seuls « copains » que j’avais autour de moi n’étaient pas des enfants de cœurs, croyez-moi. Alors, pour qu’ils fassent eux-mêmes ce genre de réflexions, c’est qu’ils savaient ce qui risquait d’arriver. On voit aujourd’hui le résultat, les enfants, les petits frères de l’époque sont les caïds d’aujourd’hui et eux-mêmes disent que leurs petits frères sont encore pires. C’est pour cela que je suis très pessimiste. Ce sont des générations perdues, sacrifiées. La faute à qui, à quoi ? À eux, à nous. C’est très compliqué et il n’existe aucune solution toute faite. Cette violence est l’aboutissement logique de nos structures de société, de ce que nous avons accepté au nom de tas de choses bizarres comme la politique, l’idéologie, les religions… Cela ne sert même à rien que je dise cela, cela n’apporte rien au débat, ce sont des constatations de comptoirs de bistrots. Et puis, il y a aussi des adolescents qui ont été des enfants-soldats dans certaines milices puis qui aboutissent ici comme réfugiés. Ils n’ont aucune idée du degré de violence qu’ils exercent.

D’un autre côté, pendant que j’étais junkie, vraiment au fond du trou, j’étais tellement bouffé de l’intérieur, anesthésié par les produits que je trimballais avec moi une haine incroyable. C’est fou, ce que j’ai pu haïr, que j’ai pu avoir eu envie de tuer mon prochain par dépit, aigreur, jalousie. Je me disais : ils sont heureux, en haut de l’échelle de la concurrence économique, sociale et sexuelle, je suis en bas et je les hais. Mais je ne suis jamais passé à l’acte. Je ne l’ai jamais fait, je n’ai jamais volé ni agressé personne mais en toute honnêteté, je ne sais plus si c’est parce qu’en fin de compte, il me restait encore une toute petite couche de compassion, de lucidité ou d’intelligence ou bien si c’est parce que j’étais trop peu énergique, paresseux et peureux pour ne pas passer à l’acte, devenir psychopathe comme l’on dit. Je présume que c’est un peu un mélange de tout cela. Mais cet état de violence et de haine n’est pas le fruit, le résultat de ce que l’on est à l’intérieur. Je suis aujourd’hui certain que c’est la polytoxicomanie qui génère cela, cette tempête dans le cerveau, cette anesthésie du sens humain, du bon sens, le fait de mélanger des drogues comme l’héroïne, du crack avec des médicaments comme les antidépresseurs et surtout les benzodiazépames, style Rohypnol, Lexotan, Stillnoct etc..

 

Dans toute ma vie, j’ai été confronté à des situations stressantes ; mais en même temps, j’ai toujours été entouré d’amour, en particulier de la part d’une grand-mère qui a toujours été là pour moi, qui est aussi en un sens la femme de ma vie. Elle ne m’a jamais jugée et elle m’a recueillie à la sortie de l’hôpital à une époque où je me serais retrouvé à la rue.

Durant mon enfance, mon adolescence et ma vie de jeune adulte, j’ai toujours été entouré par l’amour des femmes, mais j’étais trop autocentré sur ma peur et ma recherche de plaisirs.

 

Pour en revenir à l’épisode du Cameroun, je suis finalement sorti rapidement de prison sur intervention politique. Je suis resté là-bas en résidence surveillée pendant un mois. Je vivais alors au corps la peur de retourner en prison : le patron de la sûreté qui nous avait interrogés m’avait menacé d’y rester vingt ans et de ne pas en sortir vivant ! Je balisais vraiment et j’ai eu très très peur. Finalement, j’ai été expulsé du pays. Comme j’étais toujours en contact avec la firme qui m’employait, que j’étais toujours sous contrat, je suis parti en Thaïlande sur le projet de deux films : l’un sur la boxe thaïe (qui à l’époque n’était guère connue dans nos pays – c’était vers 1985) et l’autre sur le trafic de pierres précieuses dans le Triangle d’Or. Là-bas, je me suis remis aux drogues : beaucoup d’opium (en cachette de mes camarades), de champignons hallucinogènes, et un peu d’héroïne.

 

Il y a un épisode de mon enfance dont je n’ai pas encore parlé mais qui a été pour moi très important.

Pour soigner une bronchite (je devais avoir dix ans, c’était en tous les cas avant l’adolescence), on m’a prescrit du Tussionex : un antitussif narcotique. C’était un médicament classé dans les stupéfiants, dont la boite était décorée pour cette raison de deux barres rouges destinées à avertir qu’il s’agissait d’un stupéfiant, médicament qui comportait des morphiniques. Je me suis trouvé défoncé pendant 15 jours ! Au début, je devais n’en prendre que 3 jours, et l’amie de ma mère qui me gardait qui avait une formation d’infirmière m’avait dit en riant : « Attention, c’est de la drogue ! ». J’étais un enfant, j’imaginais des bandits et Tintin et le Lotus bleu lorsqu’on me parlait de drogues. Mais devant les effets incroyables pour mon esprit de ce produit, j’ai caché la boite et l’ai consommée en deux semaines. Personne n’a jamais compris où la boite avait disparue ! J’étais défoncé sans en avoir conscience. Défoncé ? Je veux dire par là une absence totale d’inquiétude, une euphorie tout à fait stable et sans descente, une stimulation intellectuelle, le fait que les gens et la vie vous paraissent plus doux. Cette expérience m’a marqué au fer rouge : ainsi je m’apercevais que quelque chose comme cela pouvait exister, et qu’il suffisait d’une petite pilule pour connaître un changement d’humeur aussi saisissant ! J’ai ainsi découvert les pouvoirs de la drogue, et j’ai dû mémoriser inconsciemment cela. J’étais alors innocent, mais cela a dû me rentrer dans le cerveau. Ce jour-là, j’ai compris quelque chose.

Mon premier contact avec le cannabis, plus tard, à l’âge de 15 ans à la mort de mon père, n’était pas de cet ordre : il y avait alors de la peur, le désir de faire comme les autres, une curiosité romantique pour tester ce dont avaient parlé Baudelaire, Théophile Gauthier et d’autres. Il y avait aussi ce livre un peu idiot, Flash de Charles Duchaussoy qui, à l’époque, était très à la mode. C’était le voyage d’un hippie du quartier latin vers Katmandu.

 

Mais revenons à la Thaïlande. En Thaïlande, j’ai consommé beaucoup d’amphétamines.

Là-bas, plus globalement en Asie du Sud-Est, tout le monde marche au speed. Je suis revenu de là-bas avec un seul des deux films (celui sur la boxe thaïe).

Je n’ai pas alors retrouvé de boulot et c’est là qu’a commencé la descente aux enfers.

J’avais amassé un petit capital. Je suis beaucoup sorti en boite. Je prenais beaucoup de coke et d’amphétamines, et un peu d’héroïne, mais seulement pour adoucir les angles de la descente. J’ai ensuite rencontré le frère de ma petite amie qui dealait un peu et qui m’a initié à l’intraveineuse. Pour plonger dans le fond du trou, cela a été une histoire de quelques mois. Néanmoins, je suis retourné encore en Thaïlande, deux fois je crois, mais là, c’était uniquement pour la drogue. Je passais deux semaines dans les tribus productrices d’opium pour fumer de l’opium ou de l’héro. Soit disant, je faisais un reportage sur le Triangle d’Or. J’ai bien dû écrire un papier pour un mensuel de loisir sans grande ampleur mais ce n’était qu’un prétexte.

 

J’enchaînais des tas de petits boulots, dans le porno (j’écrivais des « scénarios » au kilomètre), comme taxi, agent de sécurité, téléphoniste mais j’étais inconscient des contraintes et je perdais très vite ces boulots. Ma vie n’était plus centrée que sur la drogue. J’habitais un appartement dans un quartier où circulaient beaucoup de drogues. Je suis rentré dans la vie de junkie à temps plein. Le matin, on se lève, on cherche une combine, on traîne dans les cafés, on attend, on trouve la dope, on se shoote… On rencontre ainsi des gens de plus en plus abîmés. Il faut aller trouver la drogue de plus en plus loin. C’est un cauchemar absolu. À m’en souvenir, j’ai un goût de cendre dans la bouche, un goût de tristesse infinie. Il y a du plaisir à consommer, mais il dure très peu de temps. Ensuite on se shoote simplement pour ne pas être malade. Avec un peu de chance, vous reconnaissez de temps en temps un tout petit peu du plaisir que vous avez connu.

 

J’ai vécu cette vie pendant des années. J’ai connu deux overdoses. Je suis devenu épileptique. Je pesais alors 48 kg (j’en pèse aujourd’hui 79). Cependant, je n’ai jamais été à me piquer dans les mains, les pieds ou la jugulaire ! Je m’y suis toujours refusé. Je n’avais à l’époque aucune hygiène de mes objets, de mes habits, du lieu où je vivais. Plutôt que de vider mon frigidaire des produits avariés, je l’avais scotché et la pourriture suintait de partout : un junkie est paresseux. Il ne s’intéresse qu’à son produit de prédilection (l’héro et la coke), il ne veut pas perdre de temps à nettoyer. Je vivais dans une crasse extrême mais j’ai toujours continué de me laver ! Je continuais de faire mes besoins aux toilettes (quand d’autres vivaient avec leurs besoins répandus à même le sol…). C’était le cas d’un de mes dealers. De la merde partout et cela ne faisait ni chaud ni froid à l’époque. On partageait même les pompes, c’est-à-dire les seringues). Je n’ai jamais agressé ou volé quelqu’un. J’ai bien arnaqué des gens, surtout d’autres toxs (qui m’arnaquaient en retour), mais pas d’agression ou de vol.

J’ai terminé à l’hôpital psychiatrique : il faut dire que c’était cela ou la tôle…

 

À ma sortie de l’hôpital, ma grand-mère m’a recueilli. Je me suis retrouvé au RMI, où je suis retourné il y a trois ans car j’ai perdu mon travail du jour au lendemain. Je n’avais pas de contrat mais employé comme « faux travailleur indépendant » : toutes les obligations d’un travailleur sous contrat sans aucun des avantages. Compression de personnel, et sans doute l’envie de me remplacer par quelqu’un de plus jeune et de moins revendicatif car je réclamais un contrat stable. Mais c’est une autre histoire.

Donc, je sors de l’hôpital psychiatrique, je suis recueilli par ma grand-mère. J’ai retrouvé un appartement, puis j’ai recraqué.

Pendant tout ce temps, j’ai fait des cures au Subutex, mais ce produit est inapproprié et même dangereux : dans le Subutex, on ne peut trouver une quiétude, comme dans la méthadone. Il y a un principe antagoniste dans le Subutex, ce que peu de toxs savent. Et comme on mélange généralement héroïne et Subutex parce que le Subutex n’est pas « confortable », on a tendance à augmenter les doses de façon dramatique. D’où beaucoup d’overdoses, d’allergies à la naloxone (l’antagoniste) et des abcès purulents car des gens, un grand nombre, sont assez fous pour s’injecter le Subutex, ce qui n’est pas fait pour. Alors on ajoute au Subutex du Rohypnol. On tombe dans une polytoxicomanie catastrophique.

La cure au Subutex est une catastrophe. Et il y en a qui se shootent au Subutex sans pouvoir s’arrêter, dix fois par jour puisque le Subutex comporte un antagoniste à la morphine : c’est complètement absurde car on ne sent rien, c’est fait pour fondre sous langue ! C’est parce qu’on est devenu accro à la morsure de l’aiguille dans le bras, accro à la sensation du produit qui rentre dans les veines. Il y en a même qui pour cela se shootent à l’eau, et pas du sérum physiologique ! On récupère les déchets d’héroïne ou de Subutex qui avaient été filtrés par un coton. On vide les cotons des déchets en les faisant chauffer dans une cuillère avec un peu d’eau et de citron et on finit par s’injecter des « poussières », des saloperies. Combien de crises de fièvre et de tétanie musculaire j’ai vécu comme cela. On risque l’empoisonnement, c’est de la pure démence.

 

Avec tout cela, j’ai attrapé l’hépatite A, l’hépatite B, une mononucléose mais je n’ai pas le sida !

J’ai fait ensuite une cure à la méthadone, et cela a marché. Je m’en suis sorti. J’ai trouvé à nouveau du travail comme journaliste. J’ai rencontré une femme. Elle était très possessive. J’ai été accro à elle. Je suis devenu clean et mystique, croyant dans un christianisme assez syncrétique.

C’était un peu crétin mais cela a eu son utilité. J’ai toujours été fasciné par la transcendance. Pour ne pas rester dans la terreur, vous baptisez de foi votre système de pensée, vous vous mettez à croire à de petites synchronicités personnelles. J’avais alors une foi en la souffrance rédemptrice, en l’idée que la souffrance vous ouvre le tréfonds de l’âme et que Dieu vous parle à travers votre souffrance.

Aujourd’hui, je trouve cela malsain, pervers mais à l’époque, cela a donné un sens à ma vie, à mes galères et à mon sevrage. « Ce qui ne vous tue pas vous rend fort », c’était un peu ma mentalité.

Tout ceci se passait vers 1994. Cela a duré deux ans.

 

En 1996, je suis retombé, et très fort. Je travaillais. J’ai rencontré un junkie-dealer. Ce type détenait le record de consommation de méthadone : il en consommait 1,5 gramme par jour quand le junkie normal n’en consomme pas plus de 100 mg par jour ! Il avait dédié sa vie à la drogue. Il est maintenant mort, mais dans un accident de voiture, et c’était sa femme qui conduisait. Il avait commencé la drogue à 12 ans et demi, et à 50 ans, il n’en était pas sorti ! Il y a comme cela des gens qui restent toute leur vie au fond…

Il avait, comme dealer, accès à des produits purs à Rotterdam chez des grossistes. Je suis alors retombé encore plus profond car je consommais des produits non altérés : de l’héroïne et de la coke pures. Je continuais cependant de travailler.

 

J’ai ensuite essayé de m’arrêter. Pour cela, j’ai fait un sevrage qui m’a traumatisé, un sevrage au Ayahuasca, qui est une boisson hallucinogène utilisée en Amazonie (Pérou) pour sevrer les cocaïnomanes. Cela a été trois semaines d’enfer, un sevrage presque bloc avec l’obligation de boire une boisson hallucinogène qui vous rend raide dingue et vous fait plonger dans les tréfonds de la peur. Avec ce produit et ces rituels, j’ai découvert que j’avais peur à un point que je n’imaginais pas. La peur est une chose sans fond qu’il ne vaut mieux pas explorer car elle mène au non-être, à l’effacement de votre moi. Il a peut-être fallu ces rituels pour que je comprenne cela. Maintenant, je suis allergique à la peur. J’avais suivi ces rituels et cette cure expérimentale aux Pays-Bas parce que je croyais que cela allait atténuer les souffrances du sevrage-bloc de méthadone. On souffre en fait bien plus mais la durée est plus courte.

Le sevrage-bloc, non dégressif, en deux-trois jours de méthadone est dix fois plus douloureux que le sevrage-bloc d’héroïne. C’est l’inconvénient de la méthadone. C’est un produit plus enveloppant, plus fort, moins euphorisant que l’héroïne mais nettement plus stabilisant pour l’humeur. Une prise de méthadone toutes les 24 heures alors que l’héroïne, c’est une prise toutes les 8 ou 12 heures lorsqu’elle est de bonne qualité. Toutes les 4 heures pour celle que l’on trouve dans la rue. Peut-être que l’héroïne pharmaceutique a les mêmes propriétés stabilisatrices de l’humeur que la méthadone. C’est cette stabilité de l’humeur qui permet à un tox de ne plus passer son temps à chercher de la drogue dans la rue et à vouloir faire autre chose de sa vie. Mais ce n’est pas une solution, loin de là. Car vous n’êtes pas vraiment vous-mêmes.

Je préfère 1 000 fois l’abstinence complète, c’est-à-dire se retrouver soi-même. Je suis passé aussi par les Narcotiques Anonymes (N.A.). Cela peut être une aide fantastique dans la mesure où l’on rencontre des personnes à qui l’on peut s’identifier. L’identification et l’exemple sont des choses fondamentales pour trouver une route de sortie. Mais le problème avec N.A, c’est que cela devient une sorte de religion, une dépendance également. Cela a été horriblement dur : j’étais terriblement handicapé psychiquement, dépressif à en crever. J’ai alors recommencé une cure à la méthadone.

Ma mère était revenue à moi vers 1994. Elle a terriblement mal vécu tout cela. Ma dernière rechute a été en 2000, à la mort de ma grand-mère.

Depuis je n’ai plus touché à rien. L’envie, et la motivation ne sont plus là.

 

*

 

Le crack ? En fait je me le fabriquais moi-même, à partir de la coke. Je me shootais la coke, et je la fumais sous forme de crack. Vers la fin, je sniffais aussi.

 

Comment mon système de préservation a fonctionné ? J’ai du mal à la comprendre. Comme je l’ai dit, j’ai toujours respecté une frontière que je n’ai pas franchie. Je me suis toujours piqué dans les bras. Je ne me suis jamais piqué dans les mains, les doigts de pieds, la jugulaire car cela est très douloureux. Quand on se pique dans les mains, on rentre dans un truc fou, car on franchit un cap de la douleur et donc de la destruction. L’avant-bras est une zone civilisée. En dehors, vous tombez dans la barbarie, vous sortez de la civilisation. Il y a des choses que je n’osais pas faire.

 

J’ai très peur pour les gamins d’aujourd’hui. Mon expérience n’est rien à côté de ce qui leur arrive. Ainsi l’ecstasy, le cannabis, l’héro que j’ai connus n’ont rien à voir avec les nouveaux produits, qui sont beaucoup plus puissants.

Je n’ai pas été soumis à l’agression de la culture virtuelle qui rend les enfants dépendants. On les conditionne à la virtualité. Ils ne croient pas qu’ils font du mal. Je suis horriblement pessimiste !

On a retrouvé en Afghanistan dans les camps d’entraînement beaucoup d’anciens junkies. Ils ont remplacé la routine du deal et de la consommation par la religion. J’ai connu le début de cette époque. Moi-même, j’ai été en 1988-89 dans les mosquées. J’ai donc connu le début du mouvement vers l’Islam mais je n’ai pas accroché. Car la religion m’a toujours mis mal à l’aise. Ce n’est pas Dieu, ni la transcendance que je n’aime pas, ce sont les hommes qui pratiquent un culte et veillent à ce que vous suiviez une autorité et obéissiez à des ordres religieux parfois contradictoires, parfois violents et peu respectueux pour la personne humaine qui me mettent mal à l’aise.

 

Pour moi, la drogue et la sexualité sont les deux mamelles du même problème. La sexualité peut être joyeuse et libidineuse dans le bon sens du terme : celui du jeu, du désir profond de l’autre lorsque ce désir est partagé et exprimé par les deux partenaires. Mais ce qui marque à vie, c’est quand vous mêlez les deux : quand vous mêlez la coke et le désir, et que votre partenaire est sous le même effet. Cela devient alors complètement fou !

J’étais addict à cette conjonction des deux : le sexe et la drogue. La coke (ou l’héroïne, ou le crack) entretient pour moi un rapport étroit avec la libido, avec ce qui se passe dans le bas-ventre. J’ai eu la chance d’avoir une partenaire qui n’était pas droguée mais qui acceptait de prendre de l’ecstasy car elle aimait le sexe. Beaucoup d’amour passait aussi dans notre relation, avec une fusion de l’esprit. Mais c’était illusoire, comme de prendre un raccourci qui mène juste à côté du but mais pas en plein dans le 1 000.

J’ai toujours recherché cela dans la drogue : la fusion de tout. La drogue peut nous apporter cela. Mais c’est un raccourci, très mauvais. Vous arrivez à une sorte de point G du plaisir sensuel et émotionnel ; pour cela vous forcez des portes, vous cassez la nature. Je ne mets pas là de culpabilité. C’est la nature qui vous empêche d’y arriver. C’est comme cela — je l’accepte — que je perçois cette impossibilité : ne pas pouvoir forcer artificiellement avec des produits un point précis d’amour et de plaisir où l’on est deux et un en même temps ; c’est-à-dire la prise de conscience totale de l’existence de l’autre à côté de soi. C’est ce que j’ai toujours voulu, je ne pense pas que je trouverai cela et j’en ai fait mon deuil.

Aujourd’hui, le porno est partout. Les gamins sont très sensibles à cela. Les gamins rentrent dedans, sans aucune défense intellectuelle et émotionnelle. Ce n’est pas une question de tabou religieux ou moral : c’est qu’on ne peut pas faire un hold-up à son corps et à son esprit. L’image des jeux sexuels et du désir que retransmet la pornographie aux ados (et aux adultes) est malsaine uniquement parce qu’elle est virtuelle. La pornographie ne demande pas le consentement de l’autre. L’autre devient un produit, un objet de consommation. C’est pour cela que c’est dangereux. C’est pour cela que des tas de gamins se retrouvent devant des tribunaux pour viols. Ils ne comprennent même pas le mal qu’ils ont fait. Puisque l’autre n’existe pas, est un produit. Avant, pendant l’antiquité, il existait des rituels sexuels sous prises de drogues pour obtenir le point de fusion visé. Ce besoin de fusion est naturel, il est naturel de l’éprouver. Même les animaux l’éprouvent.

Avec la drogue, et la chaleur qu’elle procure, on y arrive. Du moins, on le croit, on l’expérimente mais c’est temporaire. Alors on veut recommencer, on n’accepte pas le deuil. C’est pour cela qu’il y a un rituel. C’est pour faire comprendre qu’il y a quelque chose de précieux, de sacré dans cette union sexuelle, orgasmique et ludique entre deux êtres.

 

Quelle peur m’a fait sortir de tout cela ?

Un jour, j’ai rencontré dans un café un type que je ne connaissais ni d’Ève ni d’Adam. Il était plutôt mince, assez grand, les cheveux ondulés, il avait quelque chose d’agaçant que je ne saurais définir. Il est venu s’asseoir à côté de moi et m’a simplement dit : « Il faut absolument que tu apprennes à avoir peur, parce que sinon tu vas mourir. » Cela m’a traumatisé. C’était vers 1989. Cela a été mon premier avertissement.

Je ne l’ai jamais revu. Il avait un débit de parole rapide. Je me revois assis dans ce bistrot, et ce mec qui vient me parler de moi sans me connaître ! Je n’ai aucune explication. J’étais habillé normal (je sortais de mon travail de téléphoniste) Il a parlé avec une telle précision en si peu de mots !

              Un ange ? Peut-être…

 

Un tox, c’est comme un zombie : il est emmuré. Il faut trouver le moyen de faire exploser sa bulle, il faut trouver pour cela la bonne bombe. Celle qui va le rendre attentif à sa vie et à la vie des autres.

 

Le second avertissement ? C’est un drôle de type qui soignait en prenant le pouls et qui m’a dit que la drogue était l’histoire de ma vie, que je pouvais en faire quelque chose de constructif mais qu’il fallait me réveiller et que pour cela la peur pouvait servir. Cela, c’était vers la fin de ma première cure de méthadone, vers 1992. Après, ces thèmes sont devenus pour moi un sujet obsessionnel de méditation.

 

Comment aider le tox ? Il faut peut-être porter son effort sur les leaders des quartiers, les plus intelligents, les plus lucides, et les pousser à se droguer autrement. Chaque quartier de tox à ses « leaders ». Les NA montrent bien à quel point l’esprit est important. Ils savent combien cette lutte est difficile, et qu’il faut la mener 24 heures à la fois, une heure à la fois, une minute à la fois.

Il faut se dire : « je ne suis rien, je n’y arrive pas, je m’en remets à une puissance supérieure, je m’abandonne ». Si vous y croyez, c’est l’arrêt de la lutte où « Dieu » fonctionne comme substitut parental, imaginaire. C’est sûrement un leurre dangereux mais 1 000 fois moins dangereux que la drogue !

 

Aujourd’hui, je ne suis pas guéri, car je reste focalisé sur cette question d’indépendance. Pour moi, tout est question de dépendance ; l’amour, l’argent, la consommation, tout ! Je suis accro à la télé, au chocolat, au tabac, aux livres, à ma solitude et à la BD. Tout cela est moins dangereux mais mon rapport au réel reste biaisé, maladif si vous voulez mon avis. Je sais que c’est obsessionnel, mais j’y arriverai, par tâtonnements.

J’ai eu beaucoup de chances. J’ai eu des outils, une bibliothèque. J’ai eu la chance d’avoir un esprit avide de connaissances. J’ai beaucoup lu.

 

Faudrait-il aider les toxs en leur distribuant des livres ?

Peut-être, en effet, par exemple un livre comme celui d’Yves Salgues L’héroïne (Livre de poche). Cela va ouvrir son esprit. Il faudrait distribuer des livres auxquels ils peuvent s’identifier. Par exemple les témoignages rassemblés dans le livre Vivre sans drogues de Gravelein et Senk (Robert Laffont) ou les témoignages vécus des N.A. Il faut leur faire aimer lire et non pas leur faire la morale. Dans ces témoignages, chacun exposerait sa méthode. Chacun a sa propre destinée.

 

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