Texte envoyé au journal Le Monde (février 2001)

 

Sida en Afrique : la France doit fournir les traitements !

 

Le mouvement Sida en Afrique : la France doit fournir les traitements ! s'est noué autour d'une déclaration : " Considérant que la gravité exceptionnelle de l'épidémie du Sida, qui atteint des millions d'individus dans le monde et menace de destruction physique des peuples entiers, rend nécessaire, dès lors que cette maladie est contrôlable par des traitements éprouvés dans les pays occidentaux, une mobilisation et une intervention exceptionnelles, nous demandons, en conséquence de la déclaration adressée au nom de la France par Jacques Chirac aux délégués de la XIII° Conférence Internationale sur le Sida tenue en juillet 2000 à Durban selon laquelle la France ne peut accepter que perdure la situation actuelle d'inégalité dans l'accès aux traitements, que notre pays engage dès à présent pour son compte la production de médicaments antiviraux, afin de les mettre gratuitement, avec la logistique nécessaire, à la disposition des organismes de santé et des médecins des pays concernés par l'épidémie, notamment ceux des anciennes colonies et possessions françaises. [...] "

Cette déclaration a déjà recueilli la signature de plusieurs centaines de personnes, de toutes conditions, de tous milieux. Leur nom est celui de tout un chacun qui habite ce pays. Il peut être connu (les philosophes Alain Badiou, Jacques Derrida, Christian Jambet, Jean-Luc Nancy, Jacques Rancière, François Regnault, les écrivains Henry Bauchau, Philippe Sollers, les psychanalystes Juan-David Nasio, Elisabeth Roudinesco, Jacques Sedat ont fait leur ce texte). Il peut être méconnu et désigner l'accord d'un employé, d'un musicien, d'un ouvrier, d'un enseignant à cette campagne.

Ce mouvement porte une conviction : la France, notre pays, peut enrayer la mort programmée de millions de personnes. Quand l'Inde est frappée d'un tremblement de terre, quand des dizaines de milliers de personnes y décèdent, la France ne discute pas son appui. Elle envoie aussitôt ses équipes, son matériel, ses médicaments en un pays que pourtant elle ne connaît guère. Pouvant y sauver des vies, elle tient pour un devoir de s'y impliquer.

La situation dont nous parlons est d'une tout autre ampleur : ce n'est plus par milliers mais par millions qu'il faut dès à présent compter les morts. Il ne s'agit plus d'enterrer des morts après le ravage mais de sauver des vivants d'un désastre à venir. Il ne s'agit plus d'Asie mais de cette Afrique que la France connaît bien pour y intervenir, depuis des siècles, pour son propre compte.

Si la France peut sauver des millions de vies, elle le doit. Comment le peut-elle ? En produisant à grande échelle ces traitements dont l'efficacité est attestée, dont la fabrication n'est pas sophistiquée et dont le prix coûtant est minime, puis en les mettant à la disposition de l'Afrique.

Le seul obstacle à l'exercice de ce devoir : la fabrication de ces médicaments est légalement accaparée par des laboratoires pharmaceutiques et ceux-ci les réservent à ceux qui peuvent en payer le prix qu'elles fixent. Il faut donc que la France déclare un état sanitaire d'urgence, exerce son droit de légitime défense des populations africaines en danger et contourne l'exclusivité. Que ce droit contrevienne à la réglementation de l'OMC, qu'il s'oppose aux Etats-Unis lesquels engagent un procès au Brésil pour avoir privilégié la sauvegarde de sa population au détriment des multinationales, ne doit pas arrêter notre pays : "Le droit prime la loi. Quand les lois sont contre le droit, il n'y a qu'une façon de protester contre elles : les violer." (Victor Hugo).

Notre époque sera jugée sur sa manière d'avoir fait face à cette épidémie sans équivalent dans l'histoire. Dès lors que les traitements existent, laisser l'épidémie faire ses ravages est un crime. Un seul pays, surtout de la puissance du nôtre, est en état d'inverser la tendance. Il a donc une responsabilité propre.

Il nous revient, comme à tout autre qui tient aux existences en jeu dans cette situation et qui revendique la liberté d'action de ce pays, de faire tout ce qui est en notre possible pour que cette conviction se matérialise.

Eric Giquel (informaticien)

François Nicolas (compositeur)

Bernard Sichère (philosophe)

Cécile Winter (médecin)

 

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