Collectif politique Sida en Afrique :

La France doit fournir les traitements

 

1. Notre mot d’ordre permet en tenant un point sur le droit à la santé de faire une proposition politique sur la France.

Notre proposition sur la France s’établit en vertu des principes suivants : il y a un seul monde, il y a des pays, il y a des gens. C’est à partir de ces principes que nous vous proposons de tenir le mot d’ordre : la France doit fournir les traitements antiviraux à ses anciennes colonies d’Afrique touchées par l’épidémie du Sida. C’est un mot d’ordre très précis. Le Brésil, qui avait déjà pris la décision de fournir gratuitement les traitements à tous ceux qui en ont besoin sur son territoire, vient d’annoncer qu’il ferait de même pour un certain nombre de pays, de sorte que 100% des gens qui ont besoin d’être traités dans ces pays le soient gratuitement (ces pays sont : la Bolivie, le Paraguay, le Timor oriental, Sao Tome et Principe, le Cap Vert et la Guinée Bissau). Nous demandons que la France fasse exactement la même chose pour ses anciennes colonies d’Afrique Noire. Ce que le Brésil peut, la France le peut aussi.
 Tenir ce point ouvre la possibilité d’une autre voie, c’est une proposition d’émancipation sur la place de la France dans le monde : ne pas s’aligner sur les États-Unis, mais au contraire considérer les pays et se compter au nombre des pays qui vont de l’avant par rapport aux droits des gens.

Le discours des décideurs est que la France n’a plus la capacité d’agir comme un pays libre dans le monde. C’était l’un des arguments de la campagne sur le référendum : votez « oui » à la constitution pour permettre que la France existe dans le monde. L’argument principal était que pour que la France se maintienne entre les États-Unis et la Chine, il faut la création d’une « force continentale » en Europe. C’est une vision du monde qui met à l’écart deux continents : l’Afrique et l’Amérique du Sud. Dans cette conception géopolitique, il n’y a pas un seul monde mais deux : celui des puissants et celui des pauvres. Dans le monde des puissants, la France doit se « moderniser », et dans celui des pauvres, elle peut exercer sa propre puissance, comme le montrent les désastreuses interventions militaires de la France en Afrique.

L’argument géopolitique est donc associé au discours de politique intérieure de la « modernisation » : pour garder nos privilèges de pays riche, il faut accepter de perdre les avantages acquis. Il faut se moderniser, être dans la course, c’est-à-dire renforcer ce qui sourdement se met en place : la suppression de tout ce qui date de l’époque du Socialisme. Pour nous mettre sur le même pied que les États-Unis, il faudrait supprimer ce que les gens ont pu acquérir, c’est-à-dire supprimer les congés payés, la sécurité sociale… Plutôt que d’œuvrer pour l’intérêt des gens ici, cette politique, en réalité, ne fait que pérenniser les privilèges d’une poignée. Cela va avec la vision du monde qui propose les États-Unis comme modèle, être associé à tout prix aux États-Unis et laisser le reste du monde à la misère indifférenciée.

Le « non » majoritaire au référendum montre le refus d’une partie de la population d’adhérer à ce discours et à ses conséquences pour les gens. Mais ce refus reste faible car il ne porte pas de proposition positive sur le droit des gens et sur la place de la France dans le monde. Dire « non » à cette constitution, ce n’est pas tenir un point.

Pour qu’une proposition positive sur le droit des gens soit le support d’une nouvelle politique, il est nécessaire de tenir un point et d’établir des principes.

Si la France décidait d’agir face à l’épidémie du sida, elle ne serait pas isolée. La France fournissant des traitements auraient des alliés, les pays qui mènent une politique pour le droit à la santé : le Brésil, l’Afrique du Sud, la Thaïlande, l’Ouganda, Cuba…Une nouvelle carte du monde dont les repères ne seraient plus les États-Unis et la Chine, mais un ensemble de pays qui avancent du côté du droit des gens.

Il y a donc des choix possibles. Il n’y a pas que la seule voie de la conservation apeurée des privilèges, mais deux voies.

2. Il y a deux voies pour la géopolitique comme il y a deux voies pour la politique intérieure.

À l’intérieur même de l’Europe il y a des choix : comme l’Espagne, la France pourrait reconnaître le travail et en conséquence régulariser tous les sans papiers qui travaillent et vivent ici. On est d’accord avec la bataille du Rassemblement des Collectifs des Ouvriers sans papiers qui disent qu’il faut reconnaître le travail et le droit des gens qui vivent en France. Les papiers doivent être donnés à ceux qui travaillent ici, le travail ne doit pas rester caché, il faut les papiers pour les ouvriers immigrés. L’intérêt des petites gens ici, c’est de s’allier aux ouvriers sans papiers pour obtenir le droit de vivre librement, plutôt que de s’allier à ceux qui, sous prétexte de modernisation, mènent une politique contre le droit des gens. La modernisation à l’intérieur du pays, c’est l’identification massive aux classes moyennes pour l’écrasement des plus pauvres.

À partir de notre mot d’ordre, on peut trouver des alliés à l’extérieur et à l’intérieur pour les gens qui sont opprimés dans ce pays. Une chose est sûre : il vaut mieux s’allier à ses amis qu’à ses ennemis. C’est en soutenant une proposition positive sur le pays que l’on peut discerner qu’il y a deux voies et donc qu’il y a des alliés possibles.

Un des obstacles à la reconnaissance de ses alliés et amis est le sentiment d’isolement qui domine en France, ce sentiment est lié à la représentation de l’Afrique et des Africains répandue par les journaux et les associations d’aide humanitaire.

3. « Pourquoi l’Afrique ? Encore l’Afrique ? »

Une idée répandue en France est de considérer le continent africain comme le lieu du malheur et de la misère irrévocable ; les journaux et les médias entretiennent abondamment cette idée (nous avons analysé le discours des journaux sur l’épidémie du sida en Afrique dans deux brochures que vous pouvez nous demander.).

Nous pensons que tenir ainsi l’Afrique comme un lieu d’écart, c’est-à-dire comme le Lieu immuable de la misère et du malheur, est le résultat du rapport post-colonial de la France à l’Afrique. Cette idéologie post-coloniale permet aux démocrates et humanistes de renverser la culpabilité en disant : « c’est toi, le noir, qui est responsable des peines que je t’ai infligées, que je t’inflige car ta place est celle de la souffrance. » Cela justifie l’inégalité, comme certaines équivalences ont, par le passé, justifié la colonisation. Cette culpabilité est aussi le fonds de commerce des associations d’aide humanitaire.

4. L’opération s’inverse.

Renverser ainsi la culpabilité a pour effet d’appréhender l’Afrique comme un lieu non historique, ce qui permet d’enfouir la responsabilité des pays colonisateurs. Mais attention, comme l’a montré Aimé Césaire pour la pensée coloniale, cette opération s’inverse. Le prix à payer, c’est que la France est alors, elle aussi, pensée comme un lieu non historique. Cela se traduit par l’idée que le pays est foutu. Tout le monde voit que la situation se dégrade, les attaques des décideurs contre les pauvres s’intensifient, mais l’idée c’est qu’on n’y peut rien. Voilà le sentiment d’impuissance, l’apathie et la molle acceptation qui occupent les consciences. Notre mot d’ordre, la France doit fournir les traitements, est central si on veut reprendre la question du pays. Si l’on veut, comme nous le disions lors de notre dernière réunion à Noisy, pouvoir être fier de notre pays.

Il est certain que l’on ne peut avoir une idée forte de notre pays si l’on commence par exclure une partie du monde du droit à l’existence.

Notre campagne rompt avec l’apathie dominante car elle propose que notre pays agisse dans le monde moderne, c’est une proposition positive pour que la France occupe une position forte et juste dans le monde.

Notre campagne est aussi une proposition pour les gens, pour vous tous, de reprendre en main le destin de ce pays. C’est agir en vertu de principes justes et selon sa propre volonté.

Nous vous proposons de venir en discuter, et d’organiser avec nous la prochaine réunion à Noisy.

 

Vous pouvez consulter l’ensemble de nos textes sur notre site internet : http://www.entretemps.asso.fr/Sida                                                  

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