COLLECTIF POLITIQUE SIDA EN AFRIQUE : LA FRANCE DOIT FOURNIR LES TRAITEMENTS

 

C’est l’affaire des gens de penser la situation de leur pays dans le monde. Nous faisons l’hypothèse que considérer le monde est sous condition de penser la question de l’épidémie du Sida en Afrique.

. L’accès gratuit aux traitements antiviraux et aux soins, pour tous, sans condition et maintenant, est l’enjeu de notre bataille politique.

. Notre pays pourrait faire le choix de décréter un état d’urgence sanitaire mondial et de fournir les traitements, au moins à ses anciennes colonies.

 

Que fait notre pays ?

Il participe et s’en remet aux instances internationales. Il donne, ou promet, de l’argent (170 000 000 d’euros) au Fonds Mondial pour la Santé. Aujourd’hui, en Afrique, entre 30 000 et 40 000 personnes ont accès aux traitements ; les ambitions les plus optimistes du FMS sont de multiplier ce nombre par 6 d’ici 2008 (soit 180 000 personnes).

La situation :

-           En Afrique, 29 000 000 de personnes sont atteintes, 3 000 000 de personnes meurent chaque année.

-           200 000 personnes ont accès aux traitements dans les pays pauvres, dont 100 000 au Brésil qui est un pays ayant pris la décision politique de fabriquer les traitements et de les fournir à tous gratuitement.

-           Une étude américaine a montré que le coût de l’accès aux antiviraux pour tous, partout dans le monde, correspondrait à 0,044% du PNB des 22 pays les plus riches du monde.

-           La participation de la France et des autres pays riches relève de la charité. L’implication financière des pays devient l’objet du discours. Penser politiquement la question, ce serait courir le risque que la politique des pays riches à l’égard des pays pauvres, des Blancs à l’égard des Noirs, soit discutée.

Notre pays dit que l’épidémie du Sida en Afrique ne doit pas relever de la politique.

 

Que fait l’aide humanitaire ?

Les pays riches refusant de s‘engager à permettre l’accès aux traitements pour tous, il revient aux acteurs de l’aide humanitaire de gérer la charité et de la justifier.

L’ensemble du processus d’aide est fondé sur un principe de sélection dont les critères, pouvant varier selon les instances et l’échelle des actions, sont : le coût-efficacité (traitement ou prévention ?), le mérite, c’est-à-dire la capacité à comprendre et à faire allégeance aux modes de fonctionnement des pays riches (être capable de créer des associations, de « s’engager sur la voie de la démocratie »).

La situation :

-           Il a été prouvé que les personnes peuvent être traitées, avec succès, où que ce soit dans le monde.

-           En Afrique, entre 30 000 et 40 000 personnes sont soignées. Le fait que seulement une partie des malades est traitée entraîne l’apparition de virus résistants aux médicaments, ce qui, à terme, rendra impossible les traitements.

-           Gérer les dons des pays riches consiste à organiser la sélection en développant des arguments médicaux, techniques et culturels. Se fondant sur ces arguments, l’aide désigne ceux qui pourront vivre, ceux qui ont mérité d’accéder à l’humanité, c’est en cela qu’elle est humanitaire.

-           Justifier le non-engagement politique des pays, c’est formuler les arguments techniques qui viennent nourrir et entretenir un discours sur l’impossibilité de penser l’engagement des pays et des gens autrement que sous la figure de l’aide, de la charité et de la compassion.

-           C’est un discours efficace qui s’enorgueillit de faire exister un peu de possible dans l’impossible, du « c’est mieux que rien ». Il le peut grâce au travail des gens qui interviennent réellement dans la situation en vertu de leur compassion.

-           Entretenu par la polémique et largement relayé par la presse, le discours sur l’impossibilité est, en tous les cas en France, unanime et consensuel.

L’aide humanitaire dit que l’épidémie du Sida en Afrique est impossible à traiter.

 

Qu’est-ce que la polémique sur les laboratoires ?

Les laboratoires élaborent, produisent et vendent des médicaments. L’opinion actuellement très répandue est d’exiger des laboratoires qu’ils cèdent leurs brevets ou baissent leurs prix ; elle revient, en fait, à demander à des commerçants de ne plus faire de commerce.

La situation :

-           Grâce aux recherches des laboratoires, l’accès aux traitements dans les pays riches a permis de renverser le pronostic mortel et de juguler l’épidémie.

-           Déclarer un état d’urgence sanitaire permet à un pays de passer outre les contraintes juridiques et commerciales sur l’utilisation des brevets. Néanmoins, cette déclaration n’entraîne pas nécessairement l’accès aux traitements pour tous : encore faut-il que les pays aient la capacité économique de fabriquer les produits et décident politiquement l’accès gratuit et pour tous. C’est le cas du Brésil et de la Thaïlande.

-           Suite à la fabrication de médicaments génériques, par des firmes indiennes et thaïlandaises, le traitement est à un coût presque 100 fois inférieur à celui des laboratoires. Ces derniers ont pris la décision commerciale qui s’imposait : ils ont réduit de 90% les prix des traitements qu’ils proposent aux pays pauvres.

-           La France, ayant la capacité économique de fabriquer ou d’acheter les médicaments, pourrait décider de déclarer un état d’urgence sanitaire mondial pour fournir gratuitement des traitements à d’autres pays, ses anciennes colonies, par exemple.

-           Le prix des traitements ne peut plus être un argument entretenant la thèse qu’il est impossible pour les pays riches d’assumer leurs responsabilités, c’est-à-dire de fournir les traitements.

-           Si ce thème est encore si prégnant, c’est qu’il a une autre utilité : il alimente l’une des polémiques visant à désigner de faux responsables. Rejeter la responsabilité sur les laboratoires permet de dédouaner les pays et de donner forme à un discours empêchant de penser la responsabilité de chacun.

-           Le nombre et la nature des faux responsables sont indéfinis : les chefs d’Etat africains corrompus, l’incapacité ou la mauvaise volonté des pays et des gens concernés, le manque d’infrastructures sanitaires, le protectionnisme américain… La polémique en désignera encore de nouveaux en fonction de l’avancée du jeu stratégique dont l’objet est de dissoudre la question de la responsabilité.

La polémique dit que l’épidémie du Sida en Afrique ne relève pas de la responsabilité des pays riches.

 

Que fait la presse ?

Les journaux français traitent rituellement de la question du Sida en Afrique, essentiellement aux moments où les organes techniques de l’aide et de la sélection mettent en scène le discours qui permet de ne pas prendre acte du réel de la situation.

La situation :

-           Les réunions des instances internationales, les congrès d’experts, les publications de chiffres, les commémorations, les « journées mondiales », les résurgences de la polémique autour des batailles juridiques et commerciales sont les occasions pour la presse de se faire l’instrument du consensus autour du refus de la politique, de l’impossibilité et de l’irresponsabilité.

-           Les journaux renforcent le discours en l’étoffant de références et d’arguments culturels largement issus d’une vision néo-coloniale de l’Afrique.

-           Ils définissent un espace et un temps sans rapport avec le réel.

-           Ils ne décrivent la situation que sous le postulat de la catastrophe à venir ; ils conjurent toute hypothèse d’actions telles qu’un engagement des pays ou des luttes politiques et ils garantissent que l’on continuera à faire vivre notre monde en laissant mourir les paysans d’Afrique.

La presse dit que l’épidémie du Sida en Afrique est impensable : on ne peut que consentir à la mort de 29 000 000 de Noirs.

 

Comment constituer en France l’espace politique de la question de l’épidémie du Sida en Afrique ?

-           Notre politique est fondée sur les principes suivants : Toute vie compte. Il y a un seul monde. Il est possible de penser la situation dans son ensemble. L’engagement des pays est décisif. La politique n’est pas sous le coup de l’économie. C’est l’affaire des gens de ne pas consentir à ce que 29 000 000 d’Africains meurent du Sida.

-           Le Collectif a pour tâche de discerner les stratégies et de faire apparaître les thèses des discours adverses car, à partir d’un certain stade de consentement, ces thèses ne sont plus formulées, elles se donnent comme principes de réalité. Le travail de discernement s’effectue de deux façons : en intervenant sur des lieux publics (marchés, lycées, universités…) et en élaborant des textes d’analyse.

-           Nous venons rencontrer les gens, chacun ayant la capacité de se soustraire aux discours de l’aide, de faire des hypothèses sur sa position dans le monde et de trouver les formes de sa responsabilité.

-           Nous vous proposons : de prendre connaissance de nos textes et documents et d’en discuter avec nous, de signer et de faire signer la déclaration « La France doit fournir les traitements », d’assister à nos réunions publiques, de nous proposer de nouveaux lieux pour rencontrer les gens, de coller des affiches, de diffuser nos textes et de faire connaître le travail du Collectif dans votre entourage personnel ou professionnel, de répondre à la presse           (cf. brochure), d’intervenir avec nous sur des lieux publics. Nous recherchons toutes les modalités qui permettront de faire exister une logique hétérogène, d’élaborer les formes d’une autre pensée, de développer la campagne pour que la France fournisse les traitements.

Penser l’épidémie du Sida en Afrique est le point à partir duquel reconnaître l’existence politique des pays et des gens.

 

Prochaine réunion publique : le 11 avril 2003, à 20 heures 30, au C.I.C.P., 21, ter, rue Voltaire, 75011 Paris.

Réunions publiques : le 2e vendredi du mois, à cette adresse.

Site Internet : http://www.entretemps.asso.fr/Sida. Adresse : campagne.sida@noos.fr

Les lieux d’intervention figurent sur : http://groupes.wanadoo.fr/groups/collectifpolitiquesidaenafrique