Hervé Lacombe

Résumé de l’intervention sur Nietzsche musicien de Florence Fabre

Samedi d’Entretemps (12 Avril 2008)

 

1. Le titre Nietzsche musicien et l’enjeu qu’il contient.

Concevoir « Nietzsche musicien », c’est conjoindre le mélomane qui pratique et goûte la musique ; le compositeur qui en écrit ; l’esthéticien qui en parle, et placer la musique non pas en extériorité mais au centre de Nietzsche : dans la structure de sa personnalité (p. 25), dans sa sensibilité (p. 42, 45, 49, etc.), et dans sa pensée.

« Tout semble vécu d’abord musicalement » (p. 105).

Il y aurait plus qu’une conjonction philosophie/musique, – cette dernière pouvant être tour à tour ou simultanément puissance éprouvante, puissance réactive (elle appelle ou provoque des réactions) et puissance générative (elle serait plus intimement une source de la pensée).

Il y a chez Nietzsche un vouloir-être musicien qui est essentiel.

Lettre du 25 février 1884 : « La musique est de beaucoup ce qu’il y a de mieux ; à présent plus que jamais, j’aurais voulu être musicien. »

L’écriture en mots pourrait être abordée comme dépassement d’un échec de Nietzsche-compositeur.

« Son moi profond est à chercher du côté de Dionysos, propose Fl. Fabre (p. 81) : la musique est le texte, et ses écrits en sont le commentaire. » – Il convient donc de partir de la musique pour entrer dans l’univers de Nietzsche.

Pour ce faire, il importe de convoquer les outils de la musicologie.

2. La démarche musicologique de l’ouvrage

– Établir les connaissances musicales de Nietzsche et leur évolution.

– Analyser les œuvres et montrer le « niveau technique », la maîtrise (ou les manques) du métier de compositeur dans un cadre théorique et dans un moment de l’histoire de la musique donnés.

– Évaluer cette production musicale. (Le jugement de H. von Bülow est terrible  : « Votre Méditation du point de vue musical, n’a d’autre valeur que celle d’un crime dans l’ordre moral . »)

–Dégager les généalogies, les filiations stylistiques, d’éventuels modèles ou références (Beethoven, Schumann, Liszt, Wagner…).

–Mener une enquête génétique pour établir la préséance de la musique sur le texte et, plus généralement, suivre le processus d’élaboration des œuvres et leurs diverses versions.

–Mettre en relation « l’expérience » musicale du compositeur-mélomane avec son corpus philosophique et avec sa correspondance.

3. Le cas particulier de L’Hymne à la vie

Fonction testamentaire et fonction commémorative de la musique : Nietzsche conçoit cette pièce comme son « credo en sons » et comme œuvre à exécuter « en mémoire de moi ».

Il y a un écart entre ce que Nietzsche « met » et perçoit dans sa musique et ce qui « reste » pour l’auditeur.

Voilà l’expérience d’une transmission impossible.

Cependant « l’expérience musicale » de Nietzsche n’est pas limitée à cet échec.

La musique offre un retour sur soi, nourrit et ébranle l’être.

Elle peut être considérée comme puissance inspiratrice (voir sur cet en deçà de la raison, Marianne Massin, La pensée vive. Essai sur l’inspiration philosophique).

 

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