Ouverture du Colloque "Les enjeux musicaux de la prise de son : L'oeuvre et son enregistrement "

(Cdmc, 13 mars 1998)

 

"Les dilemmes de l'enregistrement"

François Nicolas

 

Il s'agit, dans cette intervention d'ouverture, d'introduire à quelques questions musicales sur notre sujet du jour : l'enregistrement d'oeuvres.

 

Servir ou nuir ?

L'enregistrement d'oeuvres musicales me semble pris dans un dilemme : voulant servir l'oeuvre, l'enregistrement est constamment confronté aux risques d'en vérité lui nuire. Ce dilemme servir ou nuire peut également se formuler ainsi : celui, pour la pratique de l'enregistrement, de s'effacer ou de s'affirmer ; mais également le dilemme de la transparence ou de l'ingérence ; et encore : le dilemme d'une neutralité objective ou de parti pris subjectifs.

Deux pôles dont on peut reconnaître les figures musiciennes contrastées en nommant d'un côté Celibidache et de l'autre Glenn Gould.

Deux citations pour donner ici le ton du conflit (vous trouverez quelques extraits complémentaires en annexe) :

Celibidache d'abord : "Le disque tue la conscience musicale. Le disque reste lettre morte. Il ne peut jamais être musique. Le disque tue la spontanéité, il tue l'oreille et, à terme, la conscience musicale. Le disque n'a rien à voir avec l'art ou avec la musique." Le jugement, comme l'on voit, est sans recours.

En face Glenn Gould : "L'enregistrement est un art en soi, qui possède ses propres critères et qu'il faut respecter. L'éthique de l'enregistrement tient à ce qu'en matière d'art, la fin justifie les moyens, aussi biscornus soient-ils. Peu importe la quantité de prises et d'inserts, du moment que le résultat a l'apparence d'un tout cohérent."

L'opposition est radicale, sans nuances.

 

Je ne suis cependant pas sûr qu'il faille nécessairement prendre radicalement parti en cette affaire, j'entends prendre parti pour l'un ou l'autre de ces deux points de vue un peu extrémistes (il faut rappeler que Glenn Gould savait être extrêmement sévère contre la logique du concert). Je ne suis pas sûr que l'enregistrement mérite un tel excès d'honneur ni une telle indignité. Il ne s'agit pas là pour moi de prêcher quelque réconciliation ou quelque moyen terme. Il s'agirait plutôt selon moi de déplacer le problème et, peut-être, d'aider à sortir ainsi la pensée de ces dilemmes, de ce balancement frustrant entre Charybde et Scylla. Pour cela, il convient de caractériser ce que crée l'enregistrement en propre, en même temps qu'on dégage ainsi également, chemin faisant, ce qu'il barre et peut-être interdit.

 

De l'image

Une proposition pour ce colloque serait de penser l'enregistrement comme création d'image. Image de quoi exactement ? De l'oeuvre, d'une interprétation ? Il faudra en débattre. Mais il faut sans doute suivre cette piste assez rigoureusement, en tous les cas jusqu'à ce point essentiel où l'image acquiert une indépendance par rapport à ce dont elle est image. Je m'explique : si l'on tient, pour paraphraser ce que disait Sartre de la conscience, que toute image est image de quelque chose, le destin d'une image est cependant d'exister indépendamment de cette chose dont elle est image, de se détacher donc de la ressemblance initiale qu'elle entretient avec le quelque chose dont elle l'image. À ce titre, j'aimerais citer le philosophe Louis Marin :

"Qu'est-ce qu'une image ? - écrit-il -. La réponse hâtive de l'histoire de la philosophie occidentale est de faire de l'être de l'image un moindre être, un décalque, une copie en état de moindre réalité, et du même coup un écran aux choses mêmes, d'en être l'illusion, un reflet appauvri, un voile trompeur, et d'autant plus trompeur que la relation de l'image à l'être se trouverait réglée par l'imitation qui ferait d'elle la représentation de la chose, doublant la chose et se substituant à elle. Au bout du compte, on conçoit ainsi l'image comme une re-présentation, comme une présence seconde. Il y aurait alors dans l'image un manque à savoir, lié à une défaillance dans la copie, à un leurre. À distance de cette compréhension, il s'agirait plutôt de cerner l'image, non en faisant de l'être de l'image la trompeuse image de l'être, mais en interrogeant ses vertus, ses forces latentes ou manifestes, bref son efficace." (voir en annexe quelques extraits de sa réflexion philosophique)

À suivre ici cette indication de Louis Marin, quelle serait la force propre de cette image particulière qu'est un enregistrement ? Que permettrait-il que ne permet pas l'exécution musicale traditionnelle ? Quelle serait la puissance propre de l'enregistrement au regard de cette oeuvre musicale dont il s'agit en dernière instance ? Au colloque peut-être de faire résonner ces questions.

Mon désir serait ici de soutenir les preneurs de son dans leur liberté, autant dire dans leur responsabilité, dans la responsabilité de leur acte. Et quel est l'acte, selon moi, de l'ingénieur du son, acte dont il doit se tenir pour responsable, acte qui n'est pas me semble-t-il correctement pensé à travers des noms comme respect, fidélité, transparence ? Cet acte est celui d'une création, création d'une image sonore là où il n'y avait pas jusque-là d'image. De ce point de vue une image sonore - j'entends par là ce qui est indiqué comme tel par Guy Laporte : "une représentation mentale visuelle induite par le seul moyen de l'ouïe" - n'est pas la reproduction chez soi d'une image déjà présente chez l'auditeur du concert. Je crois qu'il faut avoir l'audace de penser qu'au concert, il y a une présentation musicale de l'oeuvre dans un lieu, mais pas nécessairement de représentation mentale, et donc que c'est la diffusion de l'enregistrement qui crée une image sonore là où il n'y en avait pas. La responsabilité de l'ingénieur du son devient ici non plus de transmettre ou reproduire une image existante mais d'ajouter au monde de la musique un tel type d'images.

 

Du corps musical

Mais je voudrais soulever ici un problème qui me semble capital car il en va, selon moi, du potentiel même de vérité en musique. La difficulté à mon sens est celle-ci : l'enregistrement tend à effacer non seulement l'espace réel dans lequel le son a été produit, le lieu concret où de la musique a été jouée mais, plus gravement, le corps musical dont ce son procède et dont il est ultimement trace. Or l'existence d'un corps, au principe même de la musique, me semble une détermination essentielle.

Je m'explique rapidement : le son, en musique, est produit comme trace d'un corps à corps entre le corps d'un musicien et le corps d'un instrument. Faire de la musique, c'est entrer dans un tel corps à corps en sorte de projeter des sons. Bien sûr ce corps à corps n'est pas destiné à être exhibé comme tel : ce serait là une appréhension exhibitionniste du corps musical (et c'est d'ailleurs bien un tel exhibitionnisme que Gould reprochait au spectacle vivant, au concert). Ce corps musical (ou corps à corps d'un musicien et d'un instrument) doit n'être qu'au principe de la musique sans en être pour autant la façade ni même le coeur. Ce corps musical doit donc s'effacer devant la musique elle-même. Le corps musical doit se retirer pour faire valoir la musique, et ce retrait n'est pas une inexistence. À l'inverse ceci ne veut pas dire que le corps musical ne serait qu'un moyen en vue d'une fin qui serait la musique. L'articulation entre corps et musique n'est pas, je crois pensable sous la modalité d'un rapport de moyens à une fin et doit être plutôt vue comme le rapport d'un support à ce qui est supporté.

Face à cela, l'enregistrement qui ne saurait présenter ni le lieu (la salle), ni le corps peut seulement tenter de les représenter. C'est là, me semble-t-il, cette esthétique de la prise de son qui privilégie une certaine restitution de l'acte musical avec ce parti pris qu'une interprétation de musiciens étant fonction d'une salle, on ne saurait gommer cette salle sans, dans le même geste, nier l'interprétation qu'il s'agit précisément de capter. Le problème est alors qu'un nouveau dilemme se creuse :

D'un côté, l'enregistrement peut rendre le corps musical quasi inexistant : non pas seulement l'effacer, non pas simplement l'oublier (ce qui serait somme toute une logique musicale) mais le forclore, c'est-à-dire oublier même qu'il y a là un oubli, oublier donc l'oubli lui-même (pour parler comme Heidegger, l'enregistrement serait ici une métaphysique de la musique). Il y a là, à mon sens, un grave danger musical qui est le risque d'éthérer la musique, d'en faire un pur souffle d'anges ou de fantômes, sans corps matériel agissant et porteur, le risque au bout du compte de rabattre la musique sur le pur et simple sonore devenu ectoplasme. Ce risque de forclore le lien entre corps et son musicaux peut être, me semble-t-il, mortel pour la musique comme art. Un symptôme de ce risque, c'est Glenn Gould qui d'ailleurs nous le fournit, lui qui prônait si farouchement les vertus de l'enregistrement contre l'interprétation live : en effet, lui qui effaçait si fortement la conscience sonore de son corps en train de faire de la musique et qui en un sens faisait fi de son instrument ne pouvait cependant se retenir de chantonner pendant qu'il jouait et, plus étrange encore, choisissait de laisser ce chantonnement courir sous ses enregistrements, comme s'il lui fallait malgré tout, malgré l'aseptisation de l'enregistrement effaçant toute intrusion du corps, laisser cette trace si évidente, si incongrue mais aussi si musicienne d'un corps physique agissant sous l'oeuvre.

D'un autre côté, et à l'inverse du corps musical enterré pourrait-on dire, l'enregistrement peut tendre plutôt à l'exhiber, selon une modalité qui lui alors est très spécifique : celle par exemple de l'émission du souffle chez les vents. Une pose de micro très rapprochée peut en effet amplifier des bruits d'émission normalement ignorés par tout autre auditeur que celui qui joue de l'instrument en question. Le sens musical à donner à cet effet peut paraître souvent injustifiable et relever plutôt d'une sorte de retour du refoulé, le corps musicien refoulé par le fait même de l'enregistrement prenant ici une revanche d'ordre hystérique.

En ces deux positions extrêmes - forclusion ou exhibitionnisme -, il me semble lire l'embarras singulier de l'enregistrement face à ce que j'appelle le corps musical. Et il est clair que cet embarras ne saurait être dénoué par la mise en jeu de haut-parleurs, lesquels ne sont par eux-mêmes que des membranes, et non pas des corps. J'aimerais donc que ce colloque puisse contribuer à éclaircir quelque peu cette question : comment l'enregistrement peut-il ne pas forclore le corps sans pour autant l'exhiber ? Cette fois le dilemme semblerait se dessiner entre une psychose et une perversion. Que la vie de l'ingénieur preneur de son me semble donc périlleuse ! Je prétendais lever des dilemmes mais c'est pour mieux en ouvrir d'autres

 

Alii

Bien sûr, ce colloque n'est pas destiné à se limiter à ces vastes questions. Il s'agit aussi plus simplement pour nous de dresser un état des lieux, de voir comment les nouvelles pratiques d'enregistrement éclairent la diversité des choix esthétiques dans la prise de son. Le champ esthétique de la prise de son s'élargit-il aujourd'hui avec les nouvelles techniques ou, à l'inverse, se restreint-il sous l'effet de la numérisation généralisée ? Je sais que cette question partage le monde de la prise de son et divisera, j'espère, utilement notre journée.

Quelques dernières questions, un peu en vrac :

Peut-on penser l'enregistrement comme une interprétation d'interprétation, comme une sorte de méta-interprétation ? J'ai tendance à penser que non, qu'il n'y a pas d'interprétation en série, la dernière dans ce cas ne pouvant qu'annihiler les précédentes. Il n'y a d'interprétation tout au plus qu'en parallèle. Mais je ne suis pas sûr que l'on puisse penser l'acte d'enregistrement d'une oeuvre comme un acte d'interprétation (au sens musical du terme) puisqu'il y faudrait a minima la mise en jeu d'un corps à corps musical.

L'enregistrement est-il alors un portrait de l'oeuvre ou plutôt le portrait d'une interprétation donnée ? Dans ce cas l'enregistrement disposerait d'une égale liberté par rapport à son modèle que n'en disposent les peintres par rapport à leurs propres modèles, ce qui n'est pas peu dire. Mais je ne crois pas qu'aucun ingénieur du son s'afficherait ici créateur rival de l'interprète, assumant la même indépendance par rapport à son modèle qu'un Picasso osait soutenir !

L'enregistrement est-il alors plutôt comme une gravure, comme ces anciennes gravures de tableaux qui en présentaient une image très autonome, destinée aux livres ou aux cadres de salon à l'époque où les conditions techniques de reproduction n'étaient pas les nôtres ?

Autant de questions à débattre entre nous.

 

Michel Philippot

Car ce qui devrait constituer le sel propre de notre rassemblement, son piment original, c'est le rapprochement dont il est l'occasion entre musiciens et techniciens, entre compositeurs et ingénieurs. La possibilité d'un tel dialogue, ou peut-être d'une telle confrontation - nous verrons bien ce qu'il en aura été à la fin de cette journée - est rare. Nous la devons à une tradition dont Michel Philippot fut un maillon essentiel, tradition qui oriente les soucis techniques de la prise de son vers ses enjeux esthétiques et musicaux. C'est à ce titre que notre journée s'inscrit sous le signe de l'hommage à l'homme Michel Philippot, et à sa pensée. Et comme il n'y a d'hommage véritable que de celui qui poursuit fidèlement, après l'impulsion initiale, non pas de celui qui s'arrête pour embaumer et bâtir un mausolée, attaquons si vous le voulez bien le vif de cette journée en écoutant notre premier intervenant.



ANNEXES

 

Celibidache

 

· S'il reste de bons chefs, c'est malgré le disque. Le disque tue la conscience musicale. La conscience du tempo, c'est la capacité de réagir spontanément à une richesse à chaque fois différente. Le tempo qui était justifié par l'acoustique originale devient, quand vous écoutez le disque dans votre propre environnement, une donnée physique, perd toute justification musicale. Le disque reste lettre morte. Il ne peut jamais être musique. Le disque désapprend la capacité à s'intéresser à ce qui, chaque fois, change. Il tue la spontanéité, il tue l'oreille et, à terme, la conscience musicale. Le disque n'a rien à voir avec l'art ou avec la musique. La culture du disque est une culture de la non - musique. Le disque réduit toute la musique à un exercice d'élocution. Le disque n'est qu'une pâle trace du concert. Aujourd'hui, dans la culture ambiante, les gens croient écouter de la musique lorsqu'ils écoutent des disques. D'ailleurs les deux sont devenus synonymes.

· Le son ne peut se vivre et s'expérimenter qu'à l'intérieur de son espace d'origine.


Glenn Gould

"Le dernier puritain" (Écrits I)

 

"Il est possible chez soi d'écouter comme on l'entend, de manière stimulante et dans des conditions confortables." Babbitt

 

"Il est évident que ma manière de diriger est différente pour un enregistrement ou pour un concert. Dans un enregistrement, on essaie d'exprimer la nature physique et émotionnelle de la musique de telle sorte qu'elle soit éloquente et qu'elle amène les idées du compositeur dans la salle de séjour." Stokowski

 

"L'idéal pour le micro est de donner l'illusion de la salle de concert ou plutôt l'illusion de l'illusion de la salle de concert, car il est impossible de transférer la salle de concert dans les dimensions de la salle de séjour." Mohr

 

"Je ne crois pas que l'ingénieur doive s'interposer entre le compositeur, l'interprète et l'auditeur. [] Je crois qu'on en reviendra aux bons vieux jours avec moins de micros plantés plus loin, qui donnent de la perspective et qui permettent d'écouter avec ses propres oreilles." Lieberson

 

"La seule justification de l'enregistrement d'un concert public est que celui-ci soit un événement historique non répétable." McClure

"Notre société se compose essentiellement de preneurs et non de créateurs." Chaplin

 

 

 

· La remise en question d'une interprétation après enregistrement est un autre des bienfaits du studio par les possibilités qu'il offre de transcender le temps.

· Une calme réflexion post-opératoire permet très souvent de transcender les limites que le fait de jouer impose à l'imagination.

· L'un des premiers musiciens à saisir la signification de l'enregistrement dans le processus de composition fut Arnold Schoenberg. En 1928, lors d'un dialogue avec Erwin Stein, il notait les faits suivants : "Un nombre très réduit d'entités sonores suffisent en radiophonie à l'expression de toute pensée artistique ; le disque et les autres instruments de reproduction mécanique sont en train de créer des sonorités d'une clarté telle qu'il sera bientôt possible d'écrire pour eux des oeuvres bien moins lourdement orchestrées."

 

"Contrepoint à la ligne" (Écrits II)

· L'éthique de l'enregistrement : la foi en une fin si convaincante et si incontournable que tous les moyens utilisés pour y parvenir - aussi étrangers qu'ils soient au processus compétitif de la salle de concert, et même si le maître de cérémonie doit en ressortir constellé de scotch de montage - s'en trouvent par là même justifiés.

 

"Non, je ne suis pas un excentrique"

· La musique enregistrée devrait s'efforcer de créer un rapport de un à un entre l'interprète et l'auditeur.

· L'artiste de concert est quelqu'un pour qui le moment particulier compte davantage que la totalité. [...] Le véritable artiste d'enregistrement, celui qui comprend réellement les implications et les valeurs de l'enregistrement, est quelqu'un qui envisage la totalité, qui la voit avec tant de clarté qu'il peut aussi bien commencer au milieu d'une mesure, au milieu d'un mouvement, procéder à reculons comme s'il était un crabe, entrer instantanément dans la peau de la partition, et faire surgir, du fond de lui-même, à volonté, la juste teneur émotionnelle de celle-ci.

· Toutes mes confessions ont un seul but, qui est de dire à l'auditeur hypothétique : "En matière d'art, la fin justifie les moyens éditoriaux, aussi biscornus soient-ils. Peu importe la quantité de prises et d'inserts, du moment que le résultat a l'apparence d'un tout cohérent."

· Ce qui est important, c'est de convaincre les non-croyants que l'enregistrement est un art en soi, qu'il possède ses propres critères et qu'il faut les respecter.

Avec l'enregistrement l'artiste doit abandonner une partie de son pouvoir car la hiérarchie supposée intangible des valeurs artistiques est susceptible d'être remise en cause.


Louis Marin

"Des pouvoirs de l'image"

(Coll. L'ordre philosophique, Seuil - 1993)

· Quel est l'être de l'image ? Qu'est-ce qu'une image ? La réponse hâtive de l'histoire de la philosophie occidentale est de faire de l'être de l'image un moindre être, un décalque, une copie, une deuxième chose en état de moindre réalité, et du même coup un écran aux choses mêmes, d'en être l'illusion, un reflet appauvri, une apparence d'étant, un voile trompeur, et d'autant plus trompeur que la relation de l'image à l'être se trouverait réglée par l'imitation qui ferait d'elle la représentation de la chose, doublant la chose et se substituant à elle. Au bout du compte, à la question de l'être de l'image, il est répondu en renvoyant l'image à l'étant, à la chose même, en faisant de l'image une re-présentation, une présence seconde.

· Il y aurait dans l'image un manque à savoir qui serait la caractéristique ontique de l'image, sinon par une négation d'être, du moins par sa défaillance dans sa copie ou son leurre.

· D'où [à distance de cette problématique] la tentative [ici] de cerner l'être de l'image, non [plus] en le renvoyant à l'être même, non [plus] en faisant de l'être de l'image la trompeuse image de l'être, mais en interrogeant ses vertus, ses forces latentes ou manifestes, bref son efficace. L'être de l'image serait sa force.

D'où également la question : Qu'est-ce que l'image nous fait connaître (ou nous empêche de connaître) de l'être - par ressemblance et apparaître ?

· En ce point, nous retrouvons l'image comme re-présentation, c'est-à-dire comme manière de présentifier l'absent. Mais il y a dans la délégation même de présence, dans le "comme si" de l'être-là son intensification, son exhibition. Le préfixe re- importe non plus une valeur de substitution mais une intensité.