Les enjeux musicaux de la prise de son : l'oeuvre et son enregistrement
Colloque
en hommage à Michel Philippot
sous
la direction de François Nicolas et Sébastien Noly
Vendredi
13 mars 1998
Cdmc
- 16, place de la Fontaine-aux-Lions - 75019 Paris
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L'activité de prise de son est animée d'un souci : servir l'œuvre musicale dont elle se propose de produire un
enregistrement.
Comment penser ce service dans les conditions musicales et
techniques de ce temps ? Comment caractériser les différentes orientations de
pensée qui traversent cette activité ?
- La prise de son doit-elle viser à s'effacer, autant qu'il
lui est possible, pour mieux restituer au plus juste (au plus fidèle ?) l'interprétation enregistrée ?
- Doit-elle au contraire affirmer qu'elle transforme l'œuvre, qu'elle la traduit, voire qu'elle
l'interprète, et donc qu'elle assume des partis pris musicaux qui
n'appartiennent qu'à elle, quitte à se faire reprocher de nuire ainsi à
l'oeuvre qu'elle aurait dû servir de manière plus neutre, plus
"objective" ?
Entre ces deux extrêmes (effacement de son acte ou mise en
avant de ses décisions), entre ces deux voies (transparence ou ingérence),
toute une gamme de positions se déploie s'il est vrai qu'en tout état de cause
servir l'oeuvre ne saurait résulter d'une neutralité purement technique et
requiert une intelligence musicale.
Si l'on se limite à cette dimension de la prise de son qui
opère sur une oeuvre musicale (à partir d'une interprétation singulière),
comment penser son travail, son résultat, ses enjeux ?
La prise de son est-elle un portrait musical de l'œuvre (voire d'une interprétation de l'œuvre) ou doit-elle adopter une conception plus prosaïque
de son activité ? Convient-il de penser la prise de son sous le modèle de
l'image sonore ou doit-elle plutôt se concevoir selon d'autres paradigmes :
celui de la traduction (d'une langue en une autre), celui de l'interprétation
musicale (la prise de son est-elle alors une interprétation en série - une
interprétation d'interprétation - ou plutôt une interprétation en parallèle) ?
Sur tous ces points, abordés comme enjeux de pensée et non pas
seulement comme occasions de prouesses techniques et de conquêtes économiques,
ce colloque voudrait engager la confrontation, brosser un état des lieux et des
consciences, amorcer des orientations.
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Marianne Lyon :
Introduction
François
Nicolas : Ouverture (" Les dilemmes de l'enregistrement ")
Christian
Hugonnet : "Le rôle de la théorie acoustique dans la prise de son"
Nicolas Bomsel
& Jean-François Pontefract : "Les différences entre les prises de
son studio et en concert"
Daniel Zalay :
"Espace sonore et perception musicale"
François Pachet
: "Expériences d'écoute interactive"
Jacques
Jouhaneau : "La psycho-acoustique peut-elle orienter la prise de son ?"
Francis
Wargnier : "Espace sonore / Espace visuel"
Alain Marchal :
"Cinéma / théâtre : du montage au design sonore"
Table Ronde avec Jacques Chardonnier, Albert Laracine, Alain Louvier, Patrick
Tafforeau & Pierre Walder
Avant-Projet
(septembre 1997)
L'activité de prise de son est animée d'un
souci : servir l'oeuvre musicale dont elle se propose de produire un
enregistrement.
Comment penser ce service dans les
conditions musicales et techniques de ce temps ? Comment caractériser les
différentes orientations de pensée qui traversent cette activité ?
La prise de son doit-elle viser à
s'effacer, autant qu'il lui est possible, pour mieux restituer au plus juste
(au plus "fidèle " ?)
l'interprétation enregistrée ?
Doit-elle au contraire affirmer
qu'elle transforme l'oeuvre, qu'elle la traduit, voire qu'elle l'interprète, et
donc qu'elle assume des partis pris musicaux qui n'appartiennent qu'à elle,
quitte à se faire reprocher de nuire ainsi à l'oeuvre qu'elle aurait dû servir
de manière plus neutre, plus "objective" ?
Entre ces deux extrêmes (effacement
de son acte ou mise en avant de ses décisions), entre ces deux voies
(transparence ou ingérence), toute une gamme de positions se déploie s'il est
vrai qu'en tout état de cause servir l'oeuvre ne saurait résulter d'une
neutralité purement technique et requiert une intelligence musicale.
Si l'on se limite à cette dimension de la
prise de son qui opère sur une œuvre musicale (à partir d'une interprétation
singulière), comment penser son travail, son résultat, ses enjeux ?
Ce travail peut être réfléchi à travers la
catégorie d'image : la
prise de son serait la production d'une image sonore de l'oeuvre enregistrée.
En ce sens, la prise de son serait bien une création puisque l'image ainsi
produite ne préexiste nullement à son intervention. Il s'agirait donc de penser
les lois propres de création de ce type d'images sonores (qui n'est pas l'image
sonore des acousmaticiens pour qui il s'agit d'annuler la référence objective
des images, en l'occurrence la cause instrumentale).
Quelles sont l'autonomie et la structure
propres d'une telle image sonore : l'image sonore produite par
l'enregistrement d'une oeuvre est-elle le reflet matérialisé d'une image
idéelle déjà existante dans la tête de l'auditeur d'un concert ou est-elle, là
encore, plus inventive, ajoutant à l'ancien monde de la musique de nouvelles
entités matérielles ?
En accentuant encore le trait, on pourrait
soutenir l'hypothèse que la prise de son réalise une sorte de portrait musical
de l'oeuvre : la prise de son partagerait alors les libertés et limites du
travail pictural, l'image sonore de l'oeuvre pouvant se vouloir reflet exact du
modèle (décalque) ou, au contraire, revendiquer une latitude de
non-ressemblance pour mieux affirmer sa vision propre du modèle.
Mais la prise de son est-elle bien un tel
portrait musical de l'oeuvre (voire d'une interprétation de l'oeuvre) ou
doit-elle adopter une conception plus prosaïque de son activité ?
Convient-il de penser la prise de son sous le modèle de l'image sonore ou
doit-elle plutôt se concevoir selon d'autres paradigmes : celui de la
traduction (d'une langue en une autre), celui de l'interprétation musicale (la
prise de son est-elle alors une interprétation en série une
interprétation d'interprétation ou plutôt une interprétation en
parallèle) ?
Sur tous ces points, abordés comme enjeux
de pensée et non pas seulement comme occasions de prouesses techniques et de
conquêtes économiques, ce colloque voudrait engager la confrontation, brosser
un état des lieux et des consciences, amorcer des orientations.
Michel Philippot fut à la pointe de
toutes ces préoccupations pendant près d'un demi-siècle, animant d'un souci
musical propre les divers métiers de prise de son. À ce titre ce colloque se
déploiera en sa mémoire et se déroulera sous le double patronage de
l'Association Michel Philippot et du CDMC.