MICHEL
PHILIPPOT
(14
- 19 Novembre 1994)
SOMMAIRE
Programme de la semaine (page 4)
Patrick Choquet : Un humaniste du XX· siècle (page 7)
Philippe Manoury : Éléments pour un portrait (page 9)
Michel Philippot : Entretien inédit (page 11)
Michel Philippot : À bâtons rompus (page 15)
Nicolas Papadimitriou : Espace et mouvement musical (La technique compositionnelle de Michel Philippot) (page
19)
François
Nicolas : Ce doit être ! (Essai
sur les écrits de M. Philippot)
- Introduction (page 31)
- Florilège (page 33)
- "Es muß sein" (page 43)
- Commentaires des oeuvres (page 79)
- Liste des oeuvres (page 86)
- Discographie (page 87)
- Bibliographie (page 88)
Patrick
Choquet
Si la musique est un reflet fidèle de
l'âme de son concepteur, on suivra dans celle de Michel Philippot les traces
multiples qui mènent à l'humanisme. Un humanisme dans toute l'acception du mot
: philosophie, science, arts...
Michel Philippot est né le 2 février 1925,
dans le vignoble champenois, à Verzy (Marne). Rien ne semble, dans sa prime
jeunesse, le prédestiner à la musique, pas même les leçons de piano qu'il
trouve plutôt fastidieuses, et son approche de l'univers sonore se fera en
grande partie par le biais des sciences. Son père atteint d'une maladie des
yeux, la famille pour le soigner quitte la Champagne et s'installe dans le Tarn
à Lacaune-les-bains.
Goût de la recherche, intérêt pour la
physique théorique : sa voie semble toute tracée. Après le baccalauréat de
mathématiques élémentaires, études scientifiques à la Faculté de Toulouse.
Elles seront brutalement interrompues par son arrestation pour faits de
résistance par la police de Vichy. Transféré de la prison de Toulouse à celle
de Lyon, il sera jugé lors du procès de Lyon le 19 octobre 1942, et ne devra
son salut qu'à son jeune âge. Libéré quelques jours seulement avant l'arrivée
du tristement célèbre Klaus Barbie, il continuera la guerre dans la
clandestinité, participant activement à la résistance dans les Forces
Françaises de l'Intérieur.
"EN 1943, JE NE FAISAIS QUE DE LA
MUSIQUE ET DE LA
RÉSISTANCE"
De retour dans sa Champagne natale, il
décide, en 1943, de s'inscrire au Conservatoire de Reims en écriture musicale.
C'est là qu'il découvrira, animé par son caractère de chercheur, les
disciplines de l'harmonie et du contrepoint. Tremplin qui lui permettra
d'entrer, après la guerre, au Conservatoire National Supérieur de Musique de
Paris. Mais ces études classiques, trop classiques, ne lui donnent qu'une
relative satisfaction. Déjà, il pense à une autre musique, bien éloignée de la
création officielle qui lui semble de la musique classique avec des fausses
notes.
L'écoute de l'Ode à Napoléon de Schönberg est une véritable révélation.
L'approfondissement de l'écriture de l'École de Vienne l'amènera rapidement à
entrer en contact avec René Leibowitz dont il devient élève en 1946. Cette
rencontre décisive lui révélera sa vocation de compositeur.
Ce qui est frappant lorsque l'on regarde
la carrière de Michel Philippot, c'est cette superposition d'actions dues à une
faculté d'organisation peu commune, qui lui permet d'entreprendre simultanément
nombre de projets et de les mener à terme. Dans ces conditions toute biographie
diachronique s'avère presque impossible. Dégager dans cet écheveau
"polyphonique" quelques constantes reste la seule orientation
évidente.
COMPOSITION
Depuis 1947 qui voit la création de sa
première sonate pour piano, il écrit une cinquantaine d'œuvres intéressant les
formations les plus diverses : pièces symphoniques (Compositions pour
orchestre, Carrés magiques...
), concertantes (concerto pour violon alto et orchestre), pour orchestre de
chambre (Pièce pour 10 instruments, Passacaille pour 12 instruments... ),
quatuors à cordes ou compositions pour instruments seuls (piano, orgue, violon,
violoncelle... ) et de la musique concrète réalisée au G.R.M (ce catalogue
étant par ailleurs enrichi d'une quinzaine d'œuvres pédagogiques). Sonates,
Ouvertures, Études, Variations, Compositions, Pièces : ses œuvres, dans le
souci de ne pas influencer l'audition, ne portent un titre que très rarement.
On trouvera dans cette prise de position à la fois humilité et rigueur résumant
l'attitude d'un compositeur s'effaçant devant son auditeur.
PÉDAGOGIE
Son entrée, en 1946, comme Professeur
d'Enseignement Musical du Département de la Seine marque le début d'une riche
activité dans le domaine de la pédagogie. Tour à tour enseignant la prise de
son, professeur d'histoire des sciences, de musique à l'O.R.T.F. (formation professionnelle)
et à l'office de Coopération Radiophonique (OCORA) de 1958 à 1964, chargé de
cours aux Universités de Paris IV et Paris I en musicologie et esthétique (1969
à 1976), il entre en 1970 comme Professeur de Composition au Conservatoire
National Supérieur de Musique de Paris, poste qu'il occupera jusqu'en 1990.
Parallèlement il enseigne à l'École Nationale Supérieure des Télécommunications
(1973 à 1976), crée et dirige de 1976 à 1979 le Département de Musique de
l'Université de l'État de Sao Paulo (Brésil) et devient Professeur et expert
pédagogique à l'Université Fédérale de Rio de Janeiro (1979 à 1981). Il devient
également Chef du Département de la Formation Professionnelle de l'I.N.A. de
1982 à 1983.
AUDIOVISUEL
L'audiovisuel ajoute un volet non moins
important à une vie professionnelle déjà si riche. Son expérience de Musicien
Metteur en Ondes à la Radiodiffusion Française puis R .T. F. de 1949 à 1959 et
de Tonmeister à la Deutsche
Gramophone Gesellschaft l'amène en
1959 au service de la Recherche de la R. T. F. comme adjoint de Pierre
Schaeffer, Chef du Groupe de Recherches Musicales (G. R. M.), poste qu'il
quittera en 1961 pour devenir Adjoint d'Henri Barraud à la Direction de
France-Culture. Son action au sein de l'O. R. T. F. le voit successivement
devenir Chef du Service des Créations Musicales et de la Musicologie (1963),
Sous-directeur de la Radiodiffusion et des Productions et Émissions Musicales
(1964) puis responsable de ce dernier secteur (1967) et enfin Conseiller
Scientifique auprès du Directeur Général (1972). En 1975 il entre à l'I.N.A.
comme conseiller auprès du président, chargé de la coordination des recherches
techniques et de la création radiophonique, puis conseiller scientifique 1983),
poste auquel s'ajoutera (en 1989) l'organisation et la direction des formations
supérieurs aux métiers du son.
PUBLICATIONS
Auteur de nombreux articles tant dans des
revues musicales que scientifiques, dans lesquels s'expriment son aisance
pédagogique et sa rigueur d'homme de science, il a également dirigé la rubrique
"Musique" de l'Encyclopédia Universalis et participé à la rédaction de nombreux dictionnaires (Groves, Riemann, Encyclopédies Larousse, Fasquelle,
etc... ). Son Igor Stravinsky
(Éditions Seghers) sera suivi
d'un ouvrage sur les Variations Diabelli de Beethoven (Éditions Novas Metas, Sao Paulo) dont on espère une prochaine
traduction. Publiée dans une coproduction INA-ADES, son Histoire de la musique
française retrace en quatre disques compacts et un livret de 90 pages l'évolution
de notre musique des origines à nos jours.
TÉMOIN FIDÈLE
Toujours rester en retrait. Il l'a prouvé
dans toute son action, et certainement plus visiblement en pédagogie où il a su
montrer à ses élèves les moyens de leur propre réalisation, plutôt que de
donner de vagues recettes. Témoin fidèle et plein d'humour de cinquante ans de
la vie artistique et scientifique, mais aussi acteur passionnément actif, il
prévoit de rédiger ses mémoires. Sa réserve ne le poussera pas à les publier,
mais comme sa modestie n'a d'égale que sa générosité...
Philippe
Manoury
Il est des esprits chez qui l'on sent que
l'Idée gouverne la vie. L'Idée plutôt que sa manifestation voire même sa
réalisation. Non que la réalité soit absente de leur pensée mais elle est
subordonnée à une volonté de relier les choses dans un concept plus général,
dans un principe unificateur qui les relie entre elles. Pour ces esprits,
l'art, les sciences, la littérature, voire l'engagement social et politique se
retrouvent sur des points communs. Leur démarche, essentiellement fondée sur la
recherche de l'abstraction, est gouvernée autant par une volonté intellectuelle
que par une éthique morale, ces deux choses étant le plus souvent deux reflets
d'une même pensée. Chez eux, l'éthique prédomine sur l'esthétique. C'est dans
cette perspective, héritée de celle des humanistes de la Renaissance tout comme
de celle du siècle des Lumières, que m'apparaît Michel Philippot.
Je l'ai rencontré lorsque je devais avoir
dix-neuf ans lors d'une conférence qu'il donna, sur l'invitation de Max
Deutsch, à l'École Normale de Musique de Paris. Je me souviens qu'il nous a
parlé de Bach, de Beethoven, de Schonberg, mais aussi de Diderot, de Claude
Shannon et de John Pierce, de la théorie de l'information, de la cybernétique
et de cette branche, encore balbutiante dans les années 70, qui était
l'informatique musicale. Je me souviens qu'il préférait Schonberg à Stravinsky
de la même manière qu'il préférait Max Planck à Albert Einstein car les
premiers avaient innovés "par déduction et réflexion" tandis que les
seconds, dont il ne sous-estimait pas le génie, avaient oeuvré "avec un
certain culot !". Je suis entré dans sa classe au Conservatoire
principalement pour en savoir plus sur ces disciplines et le rôle qu'elles
pouvaient jouer dans la musique. Ses cours, qui se prolongeaient souvent au
café, n'avaient rien de "magistraux" dans la forme, mais
ressemblaient beaucoup plus à un brassage d'idées, à ce que les anglo-saxons
appellent de manière très humoristique le "brain storming".
Sa solide formation scientifique, ses
connaissances en mathématiques, son passé de musicien metteur en ondes à l'ORTF
et en Allemagne lui faisait aborder la musique sous un angle principalement
rationnel. Son goût pour la formalisation mathématique, qu'il n'imposait à
personne, voire même déconseillait si cela ne provoquait pas l'imagination de
celui qui l'utilisait, l'avait amené très tôt à utiliser des modèles
mathématiques en musique. La théorie de l'information, celle des cribles, celle
des collections, le calcul des probabilités, les mécanismes de la perception,
les principes de la cybernétique ou de l'acoustique, tout cela était invoqué
lorsque survenait un problème quelconque, qu'il soit issu d'une de nos
partitions, d'une _uvre de Bach ou de Beethoven ou encore de Xenakis. Si la
discussion, comme cela s'est produit une fois, venait à dévier sur la vieille
théorie des sphères et de l'harmonie céleste de Keppler, le cours suivant était
alors en grande partie consacré aux principes de base de l'astronomie.
Il est clair que pour quiconque était à la
recherche d'une opinion basée sur la subjectivité ou la critique
impressionniste, un tel enseignement ne pouvait être que déroutant. Mais,
lorsque je me souviens du vide qui entourait la réflexion théorique aux
lendemains de 68, avec ses dérives politico-sociales, ses condamnations de tout
enseignement relevant d'un caractère structuré ainsi que cette volonté de
"libérer la musique" de son joug théorique pour lui substituer la
recherche d'une créativité spontanée (que de mots d'ordre n'a-t-on pas entendus
!), le regard sceptique et réfléchi d'un homme tel que Philippot m'apparaissait
comme une bouffée d'air frais dans la confusion intellectuelle ambiante. Cette
volonté de formalisation, qui désormais, par delà les esthétiques, connaît un
grand engouement grâce à son accessibilité sur les ordinateurs personnels,
n'était pas en odeur de sainteté à cette période. Il faut dire que Michel Philippot
était à l'époque une des rares personnes à en faire état.
On ne peut certes pas dire qu'il
"entrait" dans nos travaux, comme peut-être le faisait Olivier
Messiaen dont j'assistais également à quelques cours. Il restait, au contraire,
très en retrait de nos motivations esthétiques. Il recherchait avant tout,
citant Schonberg, s'il y avait de "la logique et de la cohérence"
dans nos travaux. C'était moins nos musiques en tant que telles qui lui
importait que de déceler s'il existait une cohérence qui guidait notre
démarche. Il avait, en quelque manière, une sorte d'esprit très"
cybernétique" suivant la définition qu'il nous en fit un jour : "
étude des systèmes régulant la relation entre plusieurs objets quelle que soit
la nature de ceux-ci" (Je cite de mémoire). C'était cela qui le
préoccupait : comment s'articule notre pensée musicale avec les techniques que
nous employons pour la réaliser. S'il intervenait peu dans le débat esthétique,
il se montrait particulièrement réticent lorsqu'il décelait certaines
faiblesses dans l'organisation interne d'une partition comme dans la soumission
à telle ou telle coquetterie due à une mode passagère. Notre idée musicale lui
importait moins que le souci que notre écriture soit en phase avec elle.
Sa connaissance est réputée pour être
immense. Ce n'est pas un vain mot. Mais si une chose, chez lui, égale cette
érudition, c'est sa modestie. Jamais de vaines pédanteries chez cet homme qui
peut, avec la même simplicité, montrer ce qu'il connaît comme avouer ce qu'il ignore.
Il ne nous parlait que très rarement de sa propre musique et la seule réflexion
que je me souviens d'avoir entendu à ce propos est qu'il n'écrivait pas encore
la musique dont il rêvait. Lorsque je lui demandais à quoi il faisait allusion,
il me répondit qu'il pensait à une qualité d'abstraction qu'il ne semblait pas
avoir encore atteint. L'abstraction, voila quelque chose qui le définit bien.
Je me souviens d'un projet qu'il voulait réaliser, et dont je ne sais ce qu'il
en est advenu : écrire une histoire, non de la musique, mais des systèmes
musicaux, sans citer le moindre nom de compositeur. Car si une chose lui tient
également particulièrement à cœur, c'est bien la compréhension de l'histoire,
et si une autre l'irrite c'est bien l'anecdote. Cela lui ressemble bien,
comprendre comment se sont effectuées les mutations dans les systèmes musicaux
depuis le Moyen Âge jusqu'à aujourd'hui sans que l'histoire personnelle de tel
ou tel compositeur ne vienne interférer dans ce parcours.
Mais qu'on n'aille pas croire, à partir de
cette vision très désincarnée de l'histoire, qu'il s'agit d'un homme qui soit
incapable de s'exprimer avec emportement et force de conviction. Je suis
probablement une des rares personnes ayant lu son ouvrage, malheureusement
resté encore inédit, sur les Variations Diabelli de Beethoven. J'ai lu ce livre, pourtant long, complexe et
détaillé, en une après-midi. Je n'ai aucune gloire personnelle à tirer de ce
fait. La passion de celui qui l'a écrit emporte l'adhésion du lecteur. Je me souviens
particulièrement du chapitre intitulé "l'incroyable modulation"
traitant d'un fameux enchaînement d'accords introduisant le menuet final. Sous
l'analyste démontrant avec mesure et pondération les faces cachées de cette œuvre
géniale, se cache quelqu'un qui a également le sens du théâtre. On voit, dans
cette alliance de la réflexion pure et de la passion, quel est le maître à
penser de Michel Philippot : assurément Diderot. Car s'il me fallait trouver
encore une chose caractérisant sa personne comme sa famille d'esprit, c'est
bien l'esprit de tolérance que je choisirais.
Entretien inédit (avec Georges Léon)
Michel
Philippot
[
Le 29 juin 1976, sur France Culture, dans l'émission "Musique de notre temps", Georges Léon
recevait Michel Philippot. ]
G.Léon : Michel Philippot, vous êtes aujourd'hui l'hôte d'une
maison que vous connaissez bien. C'est bien sûr au compositeur que je
m'adresserai essentiellement, mais, connaissant votre forme d'esprit, je ne me
priverai pas d'envisager quelquefois la musique de manière globale.
Compositeur, vous appartenez à l'une des générations les plus riches de ce
temps. Comment êtes-vous devenu l'artiste et l'homme que vous êtes aujourd'hui,
par quel chemin ?
M. Philippot : Par l'unique chemin. Je pense en effet que pour être un
artiste, il faut être un homme global. Pour prendre une comparaison qui n'est
pas de moi, je ne crois pas à l'artiste qui produirait des œuvres comme le
pommier produit des pommes. Je pense que l'artiste est un homme complet qui
exprime à la fois son époque, un héritage du passé et des espoirs pour les
époques futures. Au risque de paraître un peu trop ambitieux pour moi-même, je
pense qu'un artiste doit être en même temps un savant, ce qui explique que je
sois affligé d'une curiosité irrépressible. Disons que pour moi l'idéal de
l'artiste est un personnage dans le genre de Léonard de Vinci. Mais Léonard de
Vinci n'est pas tout à fait un archétype d'artiste à l'époque où nous vivons.
Aujourd'hui, il existe en effet de nombreuses tendances qui sont à l'opposé de
celle que je viens de définir, tendances reposant sur la créativité spontanée
et sur l'illusion d'une capacité de l'auditeur à imaginer sa propre musique,
quoique ce soit qu'on lui propose. C'est pourquoi je n'hésite pas à dire que je
ne me sens pas en parfaite concordance avec les mouvements de la mode actuelle.
G.L. : Lorsqu'on est informé de vos activités et qu'on remonte
le cours de votre biographie, on voit qu'il y a longtemps que, parmi les
musiciens, vous vous êtes singularisé par votre esprit de recherche. Vous avez
toujours affirmé la conviction que la musique est avant tout cette discipline
scientifique à laquelle vous faisiez allusion tout l'heure. Sentiez vous le
risque de l'impasse si vous aviez agi autrement ?
M.P. : Non pas risque d'impasse, mais nécessité de sortir d'une
impasse, et ceci est en liaison profonde à l'histoire de la musique de l'Europe
occidentale. Je sais qu'en ce moment la mode est d'aller chercher des
pseudo-solutions dans les musiques extra-européennes. Ce son évidemment des
cultures que j'admire profondément, mais je ne suis pas sûr de les comprendre
aussi profondément que je les admire, et je ne suis pas sûr que ceux qui
veulent à tout prix injecter dans notre musique occidentale des disciplines
extra-européennes les comprennent tellement mieux que moi. Nous avons des
structures mentales qui nous viennent du fond des âges, de notre civilisation,
de notre tradition, et l'on ne s'en débarrasse pas si facilement. Il est
évident que certains apports, venant d'autres traditions, peuvent nous
enrichir, mais il m'est insupportable d'entendre démolir la musique occidentale
sous prétexte que les autres ont fait mieux que nous. Sauf pendant un court
entracte, l'époque romantique, toutes nos disciplines occidentales sont sous le
signe d'une coordination des efforts entre les scientifiques et les musiciens.
Depuis la naissance de la polyphonie, vers le dixième siècle, la musique est un
acte de réflexion en même temps que de sensibilité. Je ne voudrais pas marcher
sur les brisées de mon ami Pierre Barbaud et de son ouvrage "Musique,
discipline scientifique", mais je prétends qu'il faut aller vers une sorte
de richesse totale. Je dois préciser que par "scientifique" je
n'entends surtout pas ni "technologie" ni "ingénierie",
mais un désir de connaissance, une soif de chercher un ordre supérieur de
l'esprit et de la sensibilité.
G.L. : Votre génération a été essentiellement marquée par la
découverte de l'École de Vienne. Est-ce l'esprit de rigueur que le sérialisme
vous proposait qui vous a séduit avant tout ?
M.P. : Indiscutablement oui. Vers 1945, la génération à
laquelle j'appartiens a ressenti un immense besoin de rigueur face à un certain
laisser-aller de nos prédécesseurs. Nous nous posions notamment des problèmes de
langage musical, et le système sériel représentait précisément une très grande
rigueur dans la réflexion purement musicale. Entre 1945 et 1955 environ,
l'École de Vienne a été pour nous quelque chose d'extraordinaire, mais nous
savions qu'un jour ou l'autre il faudrait songer à dépasser ces techniques; il
s'agit là d'une toute autre question.
G.L. : C'est à cette époque, Michel Philippot, que vous écrivez
votre Opus 1 cette Sonate pour piano que Claude Helffer, toujours au service de
ses contemporains les plus immédiats, avait créée puis enregistrée.
M.P. : Cette œuvre a été écrite en 1946 et Claude Helffer l'a
jouée précisément en 1947, ce qui représentait de sa part un acte de courage
car cette Sonate qui me semble aujourd'hui facile, avait paru à l'époque
incompréhensible. D'ailleurs, je tiens à dire ici que cette petite Sonate ne
peut pas être mise sur le même rang que la grande Sonate que mon ami Jean
Barraqué écrivait au même moment et que je considère peut être comme l'œuvre
dominante de cette époque.
G.L. : On constate d'ailleurs qu'il y a 25 bonnes années entre
votre première Sonate et la seconde, et cette fois ce fut Anna-Stella Schic qui
en assura la première audition.
M.P. : Je dois aussi faire l'éloge d'Anna-Stella Schic, car
elle m'a étonnamment prouvé qu'il y a quelquefois une communauté entre un
interprète et le compositeur. La compréhension a été immédiate, pour preuve
c'est que j'approuve entièrement son enregistrement à la Radiodiffusion Suisse
romande alors qu'il a été réalise avant même que j'aie pu en discuter avec
elle.
G.L. : Les précisions biographiques que vous nous donniez quant
à la découverte de l'École de Vienne en 1945 me laissent à penser que, comme un
certain nombre de vos contemporains, vous y avez été initié, entre autre, par
René Leibowitz.
M.P. : Bien sûr. A cette époque, et je n'étais pas le seul dans
ce cas, je me sentais tellement perdu dans une crise du langage musical,
qu'ayant entendu parler de Schoenberg et de l'École de Vienne, j'ai pensé qu'il
devait y avoir là quelque chose à connaître. J'ai alors envoyé une lettre assez
timide à Leibowitz, qui m'a répondu fort gentiment en m'invitant à venir le
voir. C'est ainsi que j'ai travaillé avec lui, en même temps que beaucoup de
jeunes compositeurs dont une grande partie s'est brouillée avec lui par la
suite, pour des raisons assez étranges d'ailleurs. En toute justice et en toute
honnêteté, il faut dire qu'à cette époque deux personnages ont eu une
importance considérable dans l'enseignement musical : René Leibowitz et Olivier
Messiaen. Parmi les compositeurs qui ont maintenant mon âge, il est difficile
de trouver quelqu'un qui n'ait pas été l'élève de l'un, de l'autre, ou des
deux.
G.L. : Vous disiez tout à l'heure que la décennie 19451955 fut
pour vous considérable. Est-ce à dire, qu'en 1955, vous avez pris conscience de
devoir réfléchir sur ces dix années passées pour vous diriger ailleurs ?
M.P. : Oui. Et pour le comprendre il faut avoir conscience,
qu'avant 1945, il y a eu en France la terrible parenthèse de la guerre durant
laquelle l'École de Vienne est passée presque totalement inaperçue. Entre 1945
et 1955, cette École de Vienne a été pour beaucoup d'entre nous une sorte de
panacée universelle. Schoenberg avait dit qu'il allait donner à la musique des
bases pour cent ans, et nous avions effectivement l'impression que cela pouvait
durer longtemps. Puis nous nous sommes aperçus que l'adoption de ces techniques
de pensée impliquaient un dépassement, car le danger se révélait être celui
d'un académisme sériel. À cette époque, il a effectivement existé un académisme
dodécaphonique, des œuvres que l'on ne joue plus. Il fallait à tout prix
s'évader de ce danger, et c'est autour de 1955 que nous nous sommes aperçus
qu'il fallait faire quelque chose de plus ou quelque chose d'autre, car le
temps passait très vite.
G.L. : A vous écouter, je pense tout à coup à votre œuvre la
plus récente qui n'est donc pas, pardonnez moi, mise en situation à cet instant
de notre conversation : "La, toute la, rien que la". Derrière ce
titre, l'idée sous-jacente ne serait-ce pas la musique ?
M.P. : Non. Le titre est tout simplement celui choisi par
François Le Lionnais, l'auteur du texte. C'est un ami très cher parce que c'est
un de ces esprits universels dont nous parlions tout à l'heure. Au sein de
l'OULIP0 - "l'Ouvroir de littérature potentielle" - il a voulu, à
titre de gageure, écrire un sonnet dans lequel il n'y ait aucun verbe, aucun
substantif et aucun adjectif. Dans "La, toute la, rien que la" il
pensait évidemment à "la vérité". Pour ma part, j'ai voulu construire
une musique qui soit également une gageure puisque tout le début est une sorte
de divertissement autour de la note "la". Plus sérieusement, je tente
aussi de résoudre le problème, important aujourd'hui, de l'association des sons
électroacoustiques et des sons instrumentaux traditionnels, en l'occurrence une
clarinette, un percussionniste et une chanteuse à la voix d'ailleurs admirable,
qui est Christiane Legrand. Avec cette _uvre, nous sommes bien au-delà de
l'école dodécaphonique de 1955, et pourtant je puis dire qu' elle participe
d'un certain esprit sériel.
G.L. : J'en viens maintenant à votre fonction d'enseignant,
celle de Professeur de Composition au Conservatoire National Supérieur de
Paris. J'aimerais savoir si vos élèves agissent par rapport aux hommes de votre
génération comme vous agissiez vous-même, à leur âge, face aux musiciens de la
génération qui vous précédait. Par rapport à la musique d'aujourd'hui, quelle
est l'attitude de ces jeunes gens ?
M.P. : Il faut d'abord préciser qu'au C.N.S.M. il y a trois
classes de composition et que les élèves choisissent avec quel professeur ils
vont travailler. D'autre part chaque classe n'a droit qu'à un nombre très
limité d'élèves; c'est normal, on ne peut pas enseigner la composition à une
classe de quarante élèves. J'ai donc peu d'élèves et je dis parfois, cela
semble une boutade mais c'est une profonde vérité, que dans l'ensemble j'en ai
de moins en moins mais qu'ils me paraissent être de plus en plus forts. Ils ont
un très grand esprit de rigueur et j'ai parfois l'impression de me retrouver
aux environs des années 1950 où, pour prendre une expression déjà vieille
"les jeunes hommes en colère se rebellaient contre une certaine facilité".
Cette facilité, quelle est-elle ? Eh bien, il faut être franc, ce sont par
exemple les dernières œuvres de Stockhausen ou de Cage qui montrent une
certaine complaisance vis-à-vis de soi-même. Mes élèves réagissent contre cela
avec énormément de vigueur et de sérieux, ils sont d'ailleurs beaucoup plus
sévères que moi et je n'ose pas citer d'autres compositeurs qu'ils examinent
avec l'intransigeance de la jeunesse. Cette sévérité peut être parfois un peu
dure, mais je dois reconnaître qu'il y a souvent là beaucoup de perspicacité.
Je n'ose d'ailleurs pas prétendre que mes élèves approuvent ma musique, mais je
pense qu'ils approuvent une certaine démarche et un certain sérieux vis à vis
de la pensée musicale. L'enfer musical étant pavé de bonnes intentions, ils
approuvent au moins les intentions.
G.L. : Pour vous, Michel Philippot, qu'est-ce que la musique ?
M.P. : C'est une question à laquelle je suis autant heureux
qu'embarrassé pour répondre. Mais je peux dire, pour me faire un peu
comprendre, que la musique représente pour moi l'une des activités les plus
extraordinaires de l'être humain. Elle implique à la fois une activité de
l'esprit et de ce qu'il est convenu d'appeler "le cœur ", la
sensibilité. La musique est une discipline globale. D'une part elle met en jeu
les facultés les plus intellectuelles; contre ceux qui voudraient m'attaquer
sur ce point, j'appelle comme témoins à décharge les dernières œuvres de
Beethoven dont je peux démontrer qu'elles sont extrêmement intellectuelles.
D'autre part, la musique remue profondément ce que nous avons de plus essentiel
en nous sur le plan de la sensibilité et même de l'affectif. La musique est
donc pour moi une activité pour laquelle je nourris les plus grandes ambitions
dans le sens où l'entendait le mathématicien Jacobi lorsqu'il disait que l'on
devait "travailler pour l'honneur de l'esprit humain".
G.L. : Vous venez de faire appel à Beethoven. Alors, quel est
l'impératif premier auquel doit se plier un compositeur d'aujourd'hui s'il veut
donner à la musique qu'il réalise cette raison d'être ? Que faut-il faire pour
ne pas redire ce qui a déjà été fait ?
M.P. : Ne pas redire c'est assez facile : on peut faire
n'importe quoi et dire que cela ne s'est jamais fait; excluons tout cela. Ce
qui est essentiel c'est d'être aussi conscient que possible de sa propre
tradition. Permettez-moi une citation de Jaurès qui peut s'appliquer à
l'esthétique de la même manière qu'à la politique : "Un peu
d'internationalisme éloigne de sa patrie, beaucoup d'internationalisme en
rapproche". Je veux dire qu'il faut se défier de la mode des musiques
extra-européennes, nous devons évidemment les accepter avec la plus grande
ouverture d'esprit mais, en même temps nous devons rester conscients de notre
propre tradition que je fais remonter sans aucune hésitation à Pythagore et au
Pythagorisme. L'Histoire, avec un grand H, nous apprend comment nos grands
prédécesseurs ont agi en leur temps, face aux problèmes qui étaient les leurs.
Aujourd'hui, nos problèmes ne sont évidemment plus les mêmes et les méthodes
d'autrefois ne peuvent donc plus être appliquées. Mais, en revanche, en
regardant l'attitude d'esprit de nos prédécesseurs nous pouvons peut-être
apprendre comment résoudre les questions actuelles. Je pense donc qu'il faut connaître
le maximum de choses sur la musique, de façon à continuer dans le sens d'une
tradition dans laquelle il faut aller plus loin. S'imaginer que l'on peut faire
quelque chose de nouveau en faisant un pas à côté de la tradition, c'est tout
simplement quitter un sentier pour aller s'enfoncer dans quelque marécage. Ce
marécage peut certainement être provisoirement moelleux, on peut s'y plaire,
mais je ne crois pas que ce soit la bonne méthode. A tout moment de l'histoire
de la musique, on a l'impression de se trouver dans une impasse au fond de
laquelle permettez-moi d'être imagé il y a un mur. Il faut abattre ce mur et se
servir de ses pierres pour construire le chemin qui ira plus loin. Il ne faut
surtout pas croire que l'on peut sortir d'une impasse en allant à côté ou en
dehors d'une certaine tradition.
G.L. : C'est cela la rigueur de l'architecte musicien que vous
êtes. Les pierres, I'une après l'autre assemblées donneront peut-être ce que
vous espérez tout à la fois de semblable et de différent à ce qui a été fait
auparavant, de juste et de reconnu.
M.P. : Je ne prétends pas du tout y parvenir moi-même, mais je
suis persuadé que quelqu'un y parviendra. Je suis sûr que cette tradition
humaine, au sens planétaire, continuera. J'ai la plus grande confiance dans les
ressources de l'esprit et du cœur humains.
G.L. : J'en viens à un autre aspect de votre curiosité
polyvalente : vous avez été lié aux tentatives de musique concrète et
électroacoustique. Dans ce domaine, les technologies ne cessent de se transformer,
de se perfectionner, à un rythme tel que je crains fort que ceux qui y ont
accès n'aient pas le temps d'appréhender les outils parce que continuellement
sollicités par d'autres. Ne pensez-vous pas qu'on en arrive à une course folle
risquant d'aboutir à une totale absence de rigueur ?
M.P. : Ce danger existe effectivement, mais il n'est tout de
même pas sans remède. Prenons la comparaison du cinéma : il est étonnant de
constater la quantité d'excellents films des premières années, ceci parce que
les auteurs avaient à se battre avec une technique insuffisante relativement à
leurs ambitions. Lorsqu'est apparu le cinémascope, on a vu fleurir une énorme
quantité de "navets" parce que les réalisateurs ne saisissaient pas
encore l'ensemble de cette technique, ce qu'elle supposait comme changements;
même dans leurs conceptions esthétiques, leurs ambitions étaient en-dessous de
la technique. C'est la même chose dans le domaine de la musique : lorsque de
nouvelles matières sonores nous sont livrées à profusion par les artifices
électroacoustiques, on a tendance à croire qu'une belle sonorité est déjà de la
musique, ce qui n'est malheureusement pas vrai. Relativement à la pensée du
compositeur, il faut que les moyens électroacoustiques soient aussi
insuffisants que l'étaient les instruments traditionnels. L'ambition doit
rester musicale, orientée vers l'exigence d'une organisation sonore et non pas
se contenter d'une simple exposition des sons.
G.L. : Pour conclure, Michel Philippot, que pensez-vous de la
place et du rôle tenus par le compositeur dans la société ? Que pensez-vous
surtout de l'attitude des pouvoirs, et j'insiste sur le pluriel, vis à vis du
créateur ?
M.P. : Je crois que qui dit pouvoir dit un certain conformisme.
Par définition un pouvoir est à tendance conservatrice, il est rarement quelque
chose de très dynamique, même lorsqu'il se déguise derrière une agressivité
concernant les affaires étrangères ou un certain impérialisme extérieur. Devant
l'avancée de l'homme, et j'entends bien l'esprit de l'homme, le pouvoir est
généralement conservateur. Or, un créateur est précisément le contraire d'un
conformiste et d'un conservateur, et je ne pense pas qu'il puisse se sentir
tellement à l'aise aussi longtemps qu'il y aura des pouvoirs. Je ne voudrais
pas passer pour anarchiste, et je comprends bien qu'un certain équilibre
économique est indispensable, mais ce qui doit être préservé c'est une certaine
attitude non conformiste du créateur vis-à-vis des idées reçues qui sont
généralement celles des pouvoirs. D'ailleurs, les dictateurs qui ont voulu
prendre le pouvoir absolu ne s'y sont guère trompés, on n'a jamais condamné les
musiques soi-disant révolutionnaires. La pop music en est à l'heure actuelle un
exemple frappant : elle n'est jamais attaquée par les pouvoirs alors qu'elle
est une des plus grandes entreprises capitalistes faisant d'énormes bénéfices.
En revanche, Hitler a organisé des expositions d'art dégénéré, il a condamné
Schoenberg, Mendelssohn, Bartok, Paul Klee etc... A la regrettable époque
stalinienne, Jdanov avait précisément condamné ce qu'il y avait de meilleur
dans la musique soviétique. Donc les dictateurs, eux ne s'y trompent pas, alors
il serait dommage que les gens qui souhaitent un certain progrès de l'esprit
humain s'y trompent.
Transcription
(réaménagée) de François Leclère.
Michel
Philippot
SUR LE SÉRIALISME
Il y a une grande différence entre le
dodécaphonisme et le sérialisme, entre la technique sérielle et le principe
sériel auquel je reste tout à fait fidèle. Cela peut paraître une boutade mais
je peux démontrer que toute musique est sérielle ou mauvaise, il suffit de
penser au "Clavier bien tempéré" de Bach. Dans son "Introduction
à la méthode" de Léonard de Vinci", Paul Valéry a écrit un excellent
texte dans lequel, sans le savoir, il expose ce qu'est ce principe sériel.
C'est étonnant, il y emploie même le mot "série" :
<< À un point de cette
observation ou de cette double vie mentale, qui réduit la pensée ordinaire à
être le rêve d'un dormeur éveillé, il apparaît que la série de ce rêve, la nue
de combinaisons, de contrastes, de perceptions, qui se groupe autour d'une
recherche ou qui file, indéterminée, selon le plaisir, se développe avec une
régularité perceptible, une continuité évidente de machine. L'idée surgit
alors, (ou le désir), de précipiter le cours de cette suite, d'en porter les
termes à leur limite, à celle de leurs expressions imaginables, après laquelle
tout sera changé. Et si ce mode d'être conscient devient habituel, on en
viendra, par exemple, à examiner d'emblée tous les résultats possibles d'un
acte envisagé, tous les rapports d'un objet conçu, pour arriver de suite à s'en
défaire, à la faculté de deviner toujours une chose plus intense ou plus exacte
que la chose donnée, ou pouvoir se réveiller hors d'une pensée qui durait trop. >>
SUR LES MODÈLES MATHÉMATIQUES
Relativement à l'utilisation de modèles
mathématiques, il y a deux attitudes d'esprit. La première, qui correspond à ce
que fait Xénakis, consiste à prendre un modèle mathématique et à le transposer
dans le domaine de la musique. Si l'on se réfère à la théorie de l'information,
ceci pose un difficile problème général : un niveau d'ordre dans un domaine
déterminé reste-t-il pertinent une fois transposé dans un autre domaine ? La
seconde attitude correspond beaucoup plus à la mienne : je me pose d'abord un
problème musical et je recherche ensuite quels sont les modèles mathématiques
qui peuvent me permettre de le résoudre. Parfois, je peux réutiliser des modèles
déjà existants comme, par exemple, les lois de probabilités dans la
"Composition pour orchestre n·4"(1980) ou, comme dans mon deuxième
quatuor à cordes (1982) la théorie des graphes. Mais il peut s'agir aussi de
modèles arithmétiques beaucoup plus anciens comme ceux des grands Maîtres de la
polyphonie du XVIème siècle, en particulier la fameuse "Tabula mirifica
arcanae contrapunctis revelant"
de Athanasius Kircher. Mais, le plus souvent, ces modèles mathématiques
n'existent pas et il me faut les inventer. J'essaie alors de voir ce qui est
formalisable ou non, je recherche des lois sur les proportions, des règles sur
les rythmes, des manières d'utiliser le principe sériel, des rapports
mathématiques dont l'application serait susceptible de déterminer une émotion
esthétique. Il s'agit parfois d'une recherche très abstraite qui peut déborder
le domaine de la musique, c'est ainsi qu'il m'arrive d'aller vers la peinture.
Pour moi, l'utilisation de modèles mathématiques est une continuation directe
de la pensée sérielle, au sens très large du terme.
COMPOSITION ET INFORMATIQUE
Une étape importante dans mon évolution a
été marquée par les premières utilisations de l'informatique, ceci dans le sens
d'une recherche d'une cohérence du langage musical lui-même, et non en vue d'un
travail sur le son. Cela date de 1960 avec la "Composition pour double
orchestre". Dans le même esprit, mais mieux réussi je crois, j'ai écrit,
trois ans après, un hommage à Pascal pour le troisième centenaire de sa mort.
Cette _uvre s'appelle "Transformations triangulaires" parce qu'elle
est évidemment fondée sur le triangle de Pascal.
LA THÉORIE DE L'INFORMATION
La théorie de l'information m'a beaucoup
influencé à un point tel que, lorsqu'aujourd'hui j'écris une pièce, j'en tiens
compte mais sans en être vraiment conscient. Il y a d'ailleurs une seule œuvre
pour laquelle j'ai utilisé cette théorie assez rigoureusement : la
"Pièce" pour dix instruments qui date de 1961, il s'agissait d'une
commande de I.B.M. J'y avais vraiment planifié les moments où il y aurait
beaucoup d'information et ceux où il y en aurait moins; j'avais également fixé
un débit maximum d'information à ne jamais dépasser. A la sortie du concert de
création, j'ai alors été confronté à une situation très drôle : alors que cette
_uvre, je dois le reconnaître, fut composée assez froidement, Antoine Goléa est
venu me trouver et m'a dit : "Mon cher, bravo! Vous vous humanisez !"
SUR LA MUSIQUE CONCRÈTE ET
ÉLECTROACOUSTIQUE
D'une part, j'ai écrit trois
"Études" de musique concrète, en 1951, 1958 et 1962, et, d'autre
part, deux pièces intitulées "Ambiance" n·1 et n·2, respectivement
réalisées en 1959 et 1960 (la première était une commande de Michel Guy pour
sonoriser un grand salon d'horticulture). Pour moi, il n'y a pas, d'un côté la
musique concrète ou électroacoustique et, de l'autre côté, la musique
instrumentale. Les matériaux électroacoustiques n'appartiennent qu'au domaine
de la lutherie, ils sont tout simplement des sons; il s'agit donc de les
organiser. Cette exigence d'organisation doit pour moi être aussi grande que
pour une œuvre d'orchestre. Je sais qu'aujourd'hui la confusion entre son et
musique est largement répandue, mais je me suis toujours opposé à Pierre
Schaeffer quand il disait "qu'un beau son c'est déjà de la musique".
Je considère que l'organisation prime sur le matériau, comme le disait Boris de
Schloezer "la musique est un langage qui n'exprime que lui-même". La
cohérence d'une grammaire est indispensable et je suis sur ce point en total
accord avec Schoenberg quand il affirmait que "la forme est ce qui donne
sa logique et sa cohérence au langage musical".
SUR L'UNITÉ ET LA DIVERSITÉ
Il y a là deux problèmes symétriques que
j'image en prenant deux exemples anciens. La Fugue était une forme monothématique
fondée sur son sujet (ce n'est d'ailleurs pas tout à fait vrai puisqu'il y
avait aussi, toujours, un contre-sujet). Avec ce peu de matériaux, la
difficulté était de ne pas être ennuyeux, d'obtenir une certaine variété.
Symétriquement, il y avait la forme Sonate, en principe bithématique (en
réalité, la transition avait aussi une fonction très importante). Cette fois,
la difficulté était de réaliser une unité. Sur ce point, la Symphonie en sol
mineur de Mozart est un exemple extraordinaire : a priori, le premier et le
second thème n'ont rien à voir l'un avec l'autre, mais, par la transition qui
les relie, ils deviennent inséparables et provoquent ainsi un étonnant
sentiment d'unité. Donc, avec le polythématisme, la difficulté c'est d'obtenir
une unité, et avec le monothématisme c'est d'obtenir la variété. Mais il y a
d'autres méthodes : celle, par exemple, qui consiste à donner beaucoup
d'information dès le début (certaines œuvres de Debussy sont ainsi conçues)
pour ensuite répéter des éléments, en diluer d'autres, l'auditeur comprenant
après. Ce qui est très important c'est l'économie de moyens, à ne pas
confondre, évidemment, avec le "minimalisme" qui me fait à la fois
sourire et me mettre en colère. Pour moi, la composition c'est mettre le maximum
d'information dans le minimum de notes, alors que les "minimalistes"
mettent le minimum d'information dans le maximum de notes.
SUR LES CONSÉQUENCES D'UNE IDÉE
Quand on a écrit la première page d'une œuvre
et qu'on l'analyse, on s'aperçoit que les relations qu'on a créées entre les
événements impliquent des obligations pour la suite. La deuxième page doit se
justifier par rapport à la première. Mais on peut aussi, comme Haydn, passer
brusquement à autre chose, avoir l'air de transgresser brutalement ce que l'on
vient de faire pour provoquer de nouvelles relations dont les fonctions
s'éclairciront dans la suite. Mais on ne peut pas continuellement ajouter de
nouvelles relations sans tomber dans l'incohérence.
SUR LES QUATUORS À CORDES
J'ai écrit plusieurs quatuors à cordes que
j'ai laissés assez longtemps dans mes tiroirs avant d'en laisser sortir un; on
ne peut composer pour cette formation sans penser à Beethoven. J'ai aussi
énormément d'admiration pour le quatuor de Debussy qui est beaucoup plus
complexe que celui de Ravel. La manière dont les mêmes éléments sont utilisés
dans les quatre mouvements crée une grande originalité de la forme.
SUR LES TITRES DES ŒUVRES
Beaucoup de mes œuvres portent simplement
le titre de "Composition". C'est difficile à expliquer mais, par
tempérament, je suis très attaché, même presque prisonnier, de la "musique
pure", notion qui n'existe que dans la civilisation occidentale et qui est
née avec l'invention de la polyphonie. J'ai donc une certaine répugnance à
donner des titres. Ceci n'est pas sans importance quand on sait, par exemple,
qu'une des implications de la révolution culturelle Chinoise est de ne pas
jouer la musique sans titre. D'ailleurs, dans notre civilisation occidentale
même, il y a eu énormément de conflits entre les musiciens et la hiérarchie
catholique romaine, simplement parce que les musiques étaient faites de telle
sorte qu'on ne comprenait pas les paroles. Il y a eu, à l'époque de l'École
Notre-Dame, des évêques de Paris qui ont condamné les orchestres. Il faut se
souvenir aussi de Jean XXII et de l'encyclique de Pie X. Mais les protestants
ne furent pas en reste, Calvin fit refaire le psautier huguenot à Goudimel de
manière à ce qu'on puisse comprendre les paroles.
SUR LES "HOMMAGES" ET SUR LES
POÈTES UTILISÉS
La liste de mes _uvres est assez
régulièrement jalonnée par des pièces rendant hommage à ceux que je considère
comme mes pères et mes frères intellectuels : Pascal (1963), Jean Barraqué
(1973), Newton (1977), Evariste Gallois (1983). Quant aux poètes, j'ai d'abord
utilisé du Guillaume Apollinaire, c'est très ancien puisque c'était en 1948,
j'étais encore élève de Leibowitz. Puis il y a eu François Le Lionnais qui
m'avait demandé d'écrire sur un de ses poèmes (1976). Quant à la "Cantate
du café" (1978), elle est le résultat de l'amitié avec le très grand
écrivain brésilien Guillerme Figueiredo.
SUR LE SILENCE DES ANNÉES 1965-1971
Ce silence compositionnel s'explique
simplement par mes autres activités, et non pas par des problèmes théoriques
liés à la musique. Pendant cette période, j'ai cumulé les fonctions de
sous-directeur de la Radiodiffusion (responsable de toutes les émissions sauf
des informations) et de directeur de la musique de l'O.R.T.F. (pour la radio et
la télévision). Ces dernières années, depuis 1990, j'ai également moins composé
parce que j'ai été chargé d'organiser un tout nouvel enseignement aux métiers
du son. Ce qui me passionne c'est de créer, et pas seulement dans le domaine de
la composition. En 1976, j'ai aussi été très heureux d'être appelé au Brésil
pour y fonder et y diriger le Département de Musique de l'Université d'État de
Sao Polo.
Propos
recueillis en Janvier 1994 par François Leclère et Nicolas Papadimitriou.
ESPACE ET MOUVEMENT MUSICAL : La technique
compositionnelle de Michel Philippot
(à
propos du Deuxième Quatuor à cordes et de Contrapunctus X)
Nicolas
Papadimitriou
La technique compositionnelle de Michel
Philippot, très variée d'une œuvre à l'autre, montre tout de même sa principale
préoccupation : celle de la création d'une musique bâtie sur une multitude de
niveaux, en d'autres termes d'une musique polyphonique, opposée aux musiques
monodiques (même avec plusieurs voix) ou encore aux musiques sans réelle
perspective sonore.
Se situant par ses œuvres et par ses
écrits théoriques dans la tradition occidentale de musique pure (Absolut
Musik), il compose des œuvres où
l'on peut détecter deux axes : l'écriture contrapuntique et la variation
thématique.
Ces deux axes, autour desquels s'articule
son œuvre, sont les deux éléments principaux d'une pensée musicale très claire
: il faut créer une multitude de niveaux (écriture contrapuntique) définissant
ainsi un espace (et non pas une surface) dans lequel le matériau musical se
transforme, oscillant entre la Cohérence (les éléments musicaux se suivent dans une relation de
ressemblance, donnant ainsi l'impression de la continuité) et la Variation (les mêmes éléments se différencient subtilement,
dans un processus d'éloignement progressif, renouvellent ainsi l'intérêt de
l'auditeur).
C'est ainsi que Michel Philippot arrive à
composer des œuvres dont la thématique se fond avec la forme (Osmose entre thématique et forme) et la bidirectionnalité
contrapuntique avec le mouvement musical.
L'Osmose
entre Thématique et Forme : Deuxième Quatuor à cordes
Arnold Schönberg a pendant longtemps
cherché "le principe qui puisse servir de règle". S'il est arrivé, au
début des années vingt, à élaborer son "système de composition avec les
douze sons de la gamme chromatique", il n'a pas cessé de rêver à une forme
où tout serait à la fois thème et développement. La série des douze sons était
conçue dans ce but, mais les œuvres de la période néoclassique (c'est Charles
Rosen qui le caractérise ainsi) et surtout de la fin de sa vie, montrent bien
que Schönberg était trop lié à la tradition thématique. Son Troisième
quatuor à cordes en est la preuve.
Comme il a été souvent dit, je pense que
la forme la plus originale de Schönberg est celle du monodrame Erwartung , en pleine période expressionniste, où il
approche plus que jamais cet idéal de fusion entre l'exposition thématique et
son développement. Cela peut paraître curieux mais quand il a inventé le
dodécaphonisme, il s'est éloigné de cette conception d'une forme où
l'horizontal serait en parfait équilibre avec le vertical, conception que
justement la série de douze sons aurait pu lui permettre.
Michel Philippot a adopté dans ses débuts
la technique sérielle (la Sonate pour piano de 1947) mais très vite il cherche à réaliser ce rêve
schönbergien. Dans l'analyse qui suit, de son Deuxième Quatuor à cordes, j'essaierai de montrer de quelle façon il
parvient à construire une forme où tout est à la fois thème et développement.
ANALYSE (1)
L'œuvre comporte 321 mesures. Elle est
divisée en dix parties de longueurs et de tempi différents, séparées par des
doubles barres de mesure :
I· Partie : mes. 1-70
II· Partie : mes. 72-96
III· Partie : mes. 97-128
IV· Partie : mes. 129-158
V· Partie : mes. 159-181
VI· Partie : mes. 182-205
VII· Partie : mes. 207-221
VIII· Partie : mes. 222-261
IX· Partie : mes. 262-299
X· Partie : mes. 300-321
Un groupe de notes (39) est exposé sur 3
mesures (mes. 1-3. Voir ex. 1). La valeur de ces notes (à l'exception de la
dernière : ré#) est exclusivement la croche. Ce groupe sera repris plusieurs
fois dans le déroulement de l'œuvre, chaque fois modifié, mais néanmoins
reconnaissable. Une note pivot, le ré#, est omniprésente, seule ou à l'unisson
:
- la première fois au troisième temps de
la mesure 3, jouée par le Violon 1 (blanche)
- à la fin de la mesure 18 (unisson)
- à la mesure 19 par le Violon 2
- à la fin de la mesure 41 par le Violon 1
- à la fin de la mesure 82 par le Violon 1
- aux mesures 95-96 par le Violon 1
- à la mesure 129 par le Violon 1
- à la mesure 155 par le Violon 2
- à l'unisson : mesure 156
- aux mesures 180-181 par le Violon 2
- à la mesure 207 par le Violon 1
- à la mesure 215 par le Violon 2
- à la mesure 290 par l'alto
- dernière apparition du ré# à la mesure 320
au violoncelle puis à l'unisson sur le quatrième temps.
On pourrait parler d'un développement en
variation continuelle du groupe de notes du départ, qui n'a pas le caractère
d'un thème articulé, mais qui sera à la fin mémorisé malgré ces transformations
continues.
Le style de l'écriture est très
contrapuntique, dans le sens véritable du contrepoint (Punctus contra
punctum). Les imitations ne sont
pas strictes, pour garder une atmosphère de fluidité où tout se ressemble sans
jamais être la même chose.
La présence du ré#, seul ou à l'unisson,
marque parfois l'apparition du dit groupe de notes (ou sa fin), parfois les
changements des tempi (et par conséquent les parties distinctes).
Le compositeur évite la forme "thème
et variation" avec une technique remarquable et très originale :
- En effet son "thème" n'est pas
un thème. Il n'a rien d'une phrase motivique, articulée, qui puisse être
mémorisée tout de suite. Son uniformité du point de vue des valeurs de notes et
de leurs hauteurs qui ne suivent aucune organisation évidente, me fait
l'appeler situation musicale. Il est remarquable tout de même de voir
l'orchestration chercher à donner un minimum de forme et une valeur musicale à
cette situation.
- Il n'y a pas de véritables variations
(puisqu'il n'y a pas de thème) mais un processus de transformation continue.
- Ce groupe de notes voyage, en se
transformant tout au long de l'œuvre, de façon discrète. Pourtant, le ré#
demeure, comme point de repère - et de départ - assez perceptible.
- C'est à la fin que l'on s'aperçoit du
caractère spécifique de la forme de l'œuvre. L'originalité de cette forme nous
pose un sérieux problème de classification. La cohérence obtenue avec un
maximum de variation n'est tout à fait évidente qu'à la fin, quand la mémoire
profonde est mise en marche. A la réécoute de cette œuvre, on s'aperçoit que le
processus de sa composition ressemble à une série de variations en écho à un
thème, qui est omniprésent mais sans jamais apparaître véritablement !
Comme conclusion à cette analyse je
présente quelques procédés de composition du Deuxième quatuor à cordes de M. Philippot, qui m'ont été communiqués à
l'occasion de mes cours avec le compositeur, alors mon maître :
- Les trente-neuf notes du groupe exposé
dans les mesures 1-3 sont tirées au sort de façon non exhaustive jusqu'à ce que
le total chromatique soit présent. La dernière note ainsi sortie est le ré#
(mes.3, Violon 1).
- Ce groupe de 39 notes est transformé
petit à petit selon les lois de Ressemblance (R), Distance (D) et les
possibilités de relations entre les différentes notes sont exploitées dans un
"graphe orienté", à l'aide des "chemins hamiltoniens".
Je donne ici quelques définitions, les
explications et le développement de ces procédures ayant été présentées dans un
article de M. Philippot (2).
Ressemblance [R]
1- a R a ([a] ressemble à [a])
2- si a R b _ b R a (si [a] ressemble à
[b], cela implique que [b] ressemble à [a]
3- si a R b et b R c a R c (si [a]
ressemble à [b] et [b] ressemble à [c], cela n'implique pas que [a] ressemble à
[c]).
Distance D
1- a D a = O (la distance entre [a] et [a]
est nulle)
2- a D b = b D a (la distance entre [a] et
[b] est égale à la distance entre [b] et [a])
3- a D c + c D d _ a D d (la distance
entre [a] et [c] ajoutée à la distance entre [c] et [d] est supérieure ou égale
à la distance entre [a] et [d]).
O1O111 / O111O1 : Distance de Hamming = 2
Le Chemin Hamiltonien est le chemin qui, dans un graphe orienté, passe
une fois et une seule par chacun des points du graphe.
Pour rechercher un chemin hamiltonien, il
faut utiliser un algorithme spécial qui porte le nom de Little.
Sur quoi se fonde le mouvement musical de
ce Deuxième Quatuor à cordes ?
Ce qui est certain est l'absence d'une
dialectique entre consonance et dissonance traditionnelles. Elle a été
remplacée par une dialectique de dosage d'informations autour d'un point de
repère : le ré#, qui sert de pôle d'attraction, non plus comme une
"tonique", mais comme indicateur de changement dans le flot de notes
; changement qui est perçu comme une nouvelle direction du mouvement.
Dans ce processus, la définition d'une
dissonance, donc d'un axe de tension autour duquel s'articule le temps musical
(tension - résolution) est très subtile. En effet, ce qui pourrait être perçu
comme dissonance une fois pourrait bien devenir une consonance aussitôt après.
La technique est bien connue depuis Erwartung : dosage graduel d'information (évolution vers le
complexe), saturation (trop d'informations, donc immobilité - stabilité),
apparition du ré#, changement de direction et de la quantité / qualité
d'informations).
Le Deuxième Quatuor à cordes de Michel Philippot représente bien, à mon avis,
les limites dans l'emploi d'une dissonance globale, au delà desquelles il
serait très risqué de s'avancer. C'est pour cela que je le présente ici,
exemple typique d'une nouvelle définition de la dissonance comme facteur de
mouvement dans le processus compositionnel.
Symétries
et mouvement musical : Contrapunctus X
Contrapunctus X (composé pour le bicentenaire de l'École
Polytechnique) est une œuvre pour orchestre de chambre (flûte, hautbois,
clarinette, basson / cor, trompette, trombone / quintette à cordes). Elle est
l'exemple typique d'une écriture contrapuntique, comportant des symétries
parfois cachées, parfois évidentes. Son titre, outre la référence à l'École
Polytechnique (X), indique justement son caractère symétrique (bâti sur deux
axes et un point), avec des lignes articulées en contrepoint renversable,
rétrogradé, en miroir etc...
Contrapunctus X comporte trois parties :
A : mes. 1 à 67 (la noire à 72)
B : mes. 68 à 94 (la noire à 6O)
Coda : mes. 95 à 112 (la noire à 72)
La phrase initiale (une série de douze
sons) jouée par le hautbois aux mesures 1 et 2 est superposée à sa rétrograde à
la clarinette (cf. ex. 2), donnant tout de suite le caractère de l'œuvre. Cette
double exposition du total chromatique (2 x 12 = 24) est suivie par une
vertigineuse démonstration de toutes les possibilités de l'écriture
contrapuntique. Il faut signaler la fin de l'œuvre, où le total chromatique se
présente verticalement, en forme d'accord.
Contrapunctus X rappelle aussi Erwartung et son mouvement musical bâti sur l'opposition
entre parties opaques et parties transparentes.
Consciemment ou non, Michel Philippot
"filtre" le total chromatique par bandes de registre et / ou couleurs
orchestrales, créant un mouvement lui-même articulé autour de zones d'une
grande densité :
[a]- mes. 23-24
[b]- mes. 46-48
[c]- mes. 95-97
[d]- mes. 103-105
Alors que les deux premiers zones (a et b)
montrent une symétrie (mes. 23/46 ; 24/48), les deux autres (c et d) sont à
l'origine d'une accélération de plus en plus évidente, produite par l'effet
psychologique de densification de la texture musicale. Cette accélération est plutôt
perçue comme l'annonce d'une conclusion globale de l'œuvre qui arrive en effet
5 mesures après la zone [d] et freine le mouvement musical sur l'accord du
total chromatique de la mesure 111, sorte de point d'orgue culminant.
Ces courtes analyses ne prétend en révéler
ni l'œuvre de Michel Philippot, ni sa technique compositionnelle, d'ailleurs
très variée d'une œuvre à l'autre. J'ai plutôt essayer de montrer quelques
préoccupations esthétiques de l'auteur et son attachement à cette source de
rigueur et de perfection dont parle Léonard De Vinci : "Qui méconnaît la
suprême certitude des mathématiques se repaît de confusion, et ne réduira
jamais au silence les bavardages des sophistes qui font un bruit
perpétuel".
Commentaires
des oeuvres
(Michel
Philippot)
1947
: SONATE POUR PIANO N·1
J'étais encore élève de Leibowitz quand,
en 1947, j'écrivis cette Sonate.
Le mouvement unique contient, en résumé, les mouvements traditionnels, y
compris un petit scherzo qui est fait à partir des éléments du deuxième thème.
Toujours traditionnellement, le premier mouvement commence avec deux thèmes
séparés par une transition. La forme est donc tout à fait classique. L'écriture
est dodécaphonique sérielle. La première audition de cette Sonate fut donnée par
Claude Helffer en 1948.
1951-1982
: ÉTUDES N· 1, 2, 3 ET 4 DE MUSIQUE ÉLECTROACOUSTIQUE (CONCRÈTE).
En 1951, cette musique appelée encore
"concrète" en France, "music for tape" par les
anglo-saxons, avant de s'appeler "musique électroacoustique" puis,
"acousmatique" pouvait encore figurer dans les recherches dites
d'avant-garde... ; les choses ont donc bien changé... Ce qui sépare
rigoureusement mes quatre Études
de ce qu'étaient, à l'époque, les conceptions de Pierre Schæffer est le fait
que la partition (ou, si l'on préfère, le plan d'architecture) était d'abord
écrite, composée, avant que commence la réalisation du travail en studio. Il
s'agit donc de musiques qui furent pensées d'abord, exécutées ensuite. C'est
ainsi que l'on peut, dans l'Étude N·1, retrouver une forme qui s'apparenterait
à celle de la fugue. Dans l'Étude N·2, la recherche purement acoustique est
plus poussée mais toujours en relation avec le projet de construction
strictement musicale. Il ne s'y trouve que des sons de synthèse, réalisés avec
des moyens qui étaient encore rudimentaires (nous sommes encore en 1957)
lesquels sont conçus uniquement en fonction de la place qu'ils doivent occuper
et du rôle qu'ils doivent tenir dans la composition. L'Étude N·3
s'apparenterait plutôt (de loin) à une forme Sonate parce qu'il s'y trouve une
opposition entre deux thèmes. Enfin, l'Étude N·4, la plus récente (1982),
expose une sorte de développement continu.
1959
: AMBIANCE N·1
En 1959, Michel Guy n'était pas encore le Ministre
de la Culture qu'il allait devenir sous le septennat de Giscard d'Estaing. À
l'occasion d'une exposition botanique et florale organisée au CNIT, il me
commanda une musique d'ambiance pour le stand où étaient représentées les
productions de sa famille. C'est ainsi que s'explique le titre. Il s'agit donc
d'une musique de circonstance. J'imaginais à la fois le bruit des pas des
visiteurs sur le gravier, celui des gouttes d'eau qui venaient vivifier les
plantes et celui, purement imaginaire, de la croissance des dites plantes. Le
matériau acoustique de base est celui du verre qui se brise "au
ralenti". Grâce à un microphone ultra-sensible, j'avais pu enregistrer le
bruit du verre qui "craque" avant de se briser vraiment. Le rythme de
ces craquements étant ensuite repris par montage, j'avais pu parvenir à une
relative cohérence de l'œuvre.
1960
: COMPOSITION POUR DOUBLE ORCHESTRE
Écrite en 1959, cette œuvre fut créée en
1960 par l'Orchestre National de la RTF placé sous la direction de Hermann
Scherchen à qui elle est dédiée. A cette époque, j'étais fasciné par Anton
Webern et je subissais donc fortement son influence. Je crois que, à l'écoute,
cette influence se discerne clairement. Mais c'est aussi une des premières œuvres
dans lesquelles j'utilisais des techniques inspirées par l'informatique. C'est
pourquoi le diagramme de sa composition a été présenté par mon ami Iannis
Xenakis dans l'édition anglaise de son ouvrage "Musiques Formelles".
Le titre peut paraître trompeur car l'exécution de l'œuvre ne nécessite pas
l'effectif de deux orchestre mais seulement celui d'un seul divisé en deux. Mon
intention était de profiter de la technique stéréophonique (encore jeune !)
pour arriver à une meilleure définition de la polyphonie. Quelques années
auparavant, en 1954, j'avais, en tant qu'ingénieur du son, procédé à la
première diffusion en stéréophonie de l'Orchestre National qui, comme par
hasard, était ce jour là déjà dirigé par Hermann Scherchen.
1960
: AMBIANCE N·2 (Toast Funèbre)
Un jour, une très excellente comédienne,
Nelly Delmas, me fit part de l'admiration qu'elle éprouvait pour le poème de
Stéphane Mallarmé "Toast Funèbre" écrit à la mémoire de Théophile
Gautier. J'enregistrais donc ce poème tel qu'elle le récitait ; puis, reprenant
les consonnes et voyelles du texte, je tentais d'en faire les matériaux sonores
d'une construction musicale dans laquelle le texte serait, en quelque sorte,
accompagné par lui-même. Comme le résultat était celui d'une ambiance poétique
"musicalisée" et que je venais de réaliser l'"Ambiance
N·1", je ne fis pas un très grand effort pour trouver un nouveau titre.
1965-1973
: PIÈCES POUR VIOLON SEUL
Lorsque j'étais enfant, je voulais
apprendre le violon.Mes parents ne me donnèrent que des professeurs de piano
que j'arrivais d'ailleurs à décourager rapidement. Il me reste de cela un
tempérament de violoniste refoulé. C'est ce qui explique que, pour des raisons
différentes par ailleurs, j'éprouve à la fois de l'admiration et de la
fascination pour les Sonates et Partitas de Bach comme pour les Caprices de
Paganini. Dans chacune de ces pièces, j'ai donc voulu utiliser pleinement les
possibilités du violon, y compris lorsqu'on s'efforce d'en faire un instrument
polyphonique. Chacune de ces pièces fait donc appel à la virtuosité de l'interprète.
Elles sont dédiées aux artistes qui en firent la création : la première à
Michèle Boussinot, la deuxième à Lola Benda, la troisième à Devy Erlih et la
quatrième à Igal Shamir.
1973
: PASSACAILLE
A
la mémoire de Jean Barraqué
En 1973, Paul Mefano qui est le chef et
l'animateur de l'ensemble 2E2M, organisa un concert à la mémoire de Jean
Barraqué. À cette occasion, il me demanda d'écrire une œuvre. Jean Barraqué et
moi étions amis. Combien de fois n'avions-nous pas eu des discussions qui, plus
que tard dans la nuit, se prolongeaient parfois jusqu'au matin ! Contrairement
à certaines apparences, il était beaucoup plus romantique que moi. Il me
reprochait, par exemple, de n'être pas assez envoûté par ce qu'il appelait le
"délire" de Schumann. Mais nous goûtions en commun la rigueur de
Jean-Sébastien Bach. Rien d'étonnant alors que l'hommage que j'ai voulu rendre
à cet ami soit une Passacaille.
1974
: COMPOSITION N·2 POUR ORCHESTRE à CORDES, PIANO ET HARPE
C'est en 1973 que fut donnée la première
audition de cette _uvre par l'Orchestre de Chambre de l'ORTF (tragiquement
détruit peu de temps après) dirigé par le regretté André Girard et avec, comme
solistes, Anna-Stella Schic au piano et Alice Lautmann à la harpe. Cette
audition mettait fin à un silence de dix ans. En effet, lorsque j'étais
directeur de la musique de l'ORTF, j'avais interdit qu'aucune de mes œuvres
soit jouée ou diffusée par cet organisme. Je considérais que je n'avais pas le
droit d'utiliser l'argent des contribuables, dont j'étais responsable, pour
servir ma propre musique. Devenu fin 1972 conseiller scientifique, je me
retrouvais donc être un compositeur comme les autres. L'écriture de cette œuvre
est pensée en fonction de l'effectif de l'Orchestre de Chambre auquel elle est
dédiée : huit premiers violons, six seconds, quatre alti, quatre violoncelles
et deux contrebasses. L'écriture est donc celle d'un contrepoint très dense
puisque, dans certains passages, il existe vingt quatre voix réelles. Cette
particularité fit que, ultérieurement, cette œuvre fut parfois programmée avec
les Métamorphoses de Richard
Strauss où il existe des passages à vingt trois voix réelles. Je me suis
toujours senti très honoré par ce voisinage.
1976
: LA, RIEN QUE LA, TOUTE LA.
Christiane Legrand est mieux qu'une
chanteuse : c'est une musicienne. Et sa voix possède à la fois la justesse et
la souplesse d'un instrument dont la facture aurait atteint la perfection. Elle
m'avait demandé d'écrire quelque chose pour elle. Par ailleurs, François Le
Lionnais qui, en plus de ses très vastes connaissances scientifiques, aimait
pratiquer la poésie au sein de l'OULIPO (Ouvroir de Littérature Potentielle),
avait écrit un sonnet dans lequel il s'était interdit l'emploi de tout
substantif. Par exemple, il manque, dans le titre, le mot "vérité".
Il m'avait demandé de mettre ce sonnet en musique. Je le fis donc, ce qui me
permit de faire plaisir à deux amis à la fois : Christiane Legrand et François
Le Lionnais. Avec un tel titre, il était trop tentant de faire une sorte d'invention
autour de la note LA. Ce que je fis.
1976
: PIÈCE POUR VIOLONCELLE SEUL (Hommage à Watteau).
Cette œuvre me fut demandée pour être
exécutée au cours d'une exposition Watteau qui avait lieu à l'Hôtel de la
Monnaie de Paris en 1977. Tout ce qu'on peut en dire a déjà été dit au sujet
des Pièces pour violon seul : vénération pour les Suites de Bach, respect de
l'instrument, confiance en la virtuosité de l'interprète etc... L'œuvre est
dédiée à Jacques Wiederkehr qui en donna la première audition.
1976
: COMPOSITION POUR PIANO N·5
Claude Helffer avait aussi donné la
première audition de trois pièces pour piano intitulées Compositions N·1, 2 et
3. Peu de temps après (ce devait être en 1953) je reniais ces pièces parce que
je me rendais compte qu'elles manquaient d'authenticité : je m'étais laissé
influencer par certaines modes de l'époque. En un mot, je m'étais montré
faible. En 1977, à la demande des Éditions Ricordi Brésil, j'écrivis trois
nouvelles Compositions pour piano. La forme qui peut paraître la moins éloignée
de celle de la Composition N·5 serait peut-être celle d'un thème et variations
; encore que, après avoir été exposé une première fois, le thème ne serait pas
terminé et la suite serait exposée plus tard. L'impression générale est celle
d'une alternance entre des parties "harmoniques", c'est-à-dire dont
l'écriture est très verticale, et des parties plus mélodiques. Cette pièce est
dédiée à Claude Helffer.
1977
: RHAPSODIE POUR FLÛTE ET CLAVECIN
Cette pièce fut écrite pour Jean Noël
Saghaart qui était en 1978 (et qui est resté, je pense) le très excellent
flûtiste solo de l'Orchestre de l'État de Sao Paulo, et dont l'épouse est
claveciniste. On sait qu'il n'existe pas de règles pour ce qui s'appelle
rhapsodie, sinon de donner libre cours à son imagination, de ne craindre ni la
variété ni les contrastes et, si possible, de ne pas ennuyer l'éventuel
auditeur. Ce dernier est le seul qui puisse juger de la réussite ou de l'échec
de ce genre d'œuvre.
1978
: CANTATE DU CAFÉ
En 1979, j'étais professeur et expert
pédagogique à l'Université Fédérale UNIRIO de Rio de Janeiro et j'avais comme
recteur le grand écrivain, théâtrologue et poète brésilien Guilherme
Figueiredo. Nous avions décidé de faire quelque chose ensemble et, un jour, il
dicta à mon épouse, par téléphone, un petit poème qu'il venait d'écrire, qui
était rédigé moitié en français et moitié en portugais et qui relatait
l'histoire de l'implantation du café au Brésil. Reposant sur une base historiquement
vraie, cette histoire met en scène une marquise française, Madame d'Orvilliers,
et un portugais, le sergent Palheta. Il est amusant de savoir que, encore
aujourd'hui, il existe deux marques de café aux noms de d'Orvilliers et de
Palheta... On venait de m'offrir une flûte de Pan bolivienne et j'étais séduit
par la gamme assez étrange qui était la sienne. Je décidais donc d'utiliser
cette gamme pour construire cette petite cantate dont la seule prétention est
d'être, sinon amusante, du moins aussi peu ennuyeuse que possible. Il ne s'agit
pas du tout d'un "retour à la tonalité" mais seulement de
l'utilisation d'un mode indien de Bolivie.
1978
: DOUZE PARAPHRASES VARIATIONS sur une mélodie d'Erik Satie, en forme
d'exercices de style.
1979
: DOUZE PARAPHRASES VARIATIONS sur un thème brésilien, en forme d'exercices de
style.
Lorsque j'enseignais au Brésil, en 1978
(comme cela m'arriva aussi ensuite en France), j'avais à faire à une résistance
de certains étudiants face à la difficulté d'apprendre l'ensemble des
techniques d'écriture musicale sous prétexte qu'il était inutile de savoir ce
qui ne se faisait plus, et avec l'illusion que la "créativité" (terme
qui avait été récemment mis à la mode) pouvait remplacer le savoir. J'étais et
reste personnellement d'accord avec l'opinion de Grétry lorsqu'il disait :
"Pour faire un chef d'œuvre il faut de la science et du génie. Celui qui
n'a que la science n'a rien. Celui qui n'a que le génie a tout mais, sans la
science, il ne pourra jamais s'en servir". J'expliquais donc à mes élèves
qu'un compositeur digne de ce nom devait être LIBRE, et que la liberté ne
s'acquerrait qu'avec la connaissance de toutes les techniques d'écriture
puisque seule cette connaissance permettait ensuite le libre choix. L'idéal de
la liberté est en effet de pouvoir dire : "je peux faire ce que je
veux" au lieu de dire : "je veux faire ce que je peux". Déjà au
XVIe siècle, Luther disait en parlant de Josquin des Prés : "Josquin avec
les notes fait ce qu'il veut, les autres font ce qu'ils peuvent". Je
disais donc à mes élèves : "connaissez tous les styles. Vous pourrez
ensuite, en toute liberté, imaginer le vôtre". Et, tout naturellement, mes
élèves me répondaient : "connaître tous les styles, ce n'est pas
possible". Je leur ai donc répondu : "pour vous montrer que c'est
possible, je vais vous le faire".
Le Gouverneur de l'État de Sao Paulo qui
avait créé l'Université dont il m'avait demandé d'organiser le Département de
Musique et qui fut, par ailleurs, l'un des artisans de la redémocratisation du
Brésil, qui m'honorait de son amitié, aimait beaucoup la première Gymnopédie d'Erik Satie. C'est donc la mélodie de cette
dernière que je choisis pour écrire des variations qui lui rendraient hommage.
Je lui offris la partition à l'occasion de l'un de ses anniversaires.
Étant revenu passer quelques mois en
France, je reçus les critiques auxquelles il faut toujours s'attendre de la
part de ses compatriotes : "vous n'avez pas traité tel ou tel
compositeur..." et, surtout : "vous n'avez pas osé imiter l'inimitable
Fauré" (je tiens à préciser que Fauré est loin d'être difficilement
imitable mais il a existé en France une véritable idolâtrie fauréenne qui fit,
en réalité, beaucoup de tort à ce grand musicien victime de ses trop stupides
adorateurs). À partir d'un thème populaire brésilien, recueilli par Villa
Lobos, j'écrivis donc douze nouvelles variations dont l'une, bien sûr, dans le
style de Fauré. Les styles utilisés sont, pour les variations sur un thème
d'Erik Satie : Guillaume de Machaut, Roland de Lassus, Frescobaldi, J.S. Bach,
Mozart, Beethoven, Chopin, Liszt, Wagner, Debussy, moi-même (le plus
difficile), et Duke Ellington ; et pour les variations sur un thème populaire
brésilien : Perotinus magnus, Gesualdo, Rameau, Scarlatti, Haydn, Schubert, Schumann,
Brahms, Fauré, Schönberg, moi-même, et Johann Strauss.
Si, à l'origine, mon intention avait été
seulement pédagogique, il se révéla très vite que le résultat se trouvait être
également humoristique. Finalement, le public s'amusait...
1980
: COMPOSITION POUR ORCHESTRE N·4
Il s'agit d'une commande de l'État. Cette
Composition fut créée en 1980 par l'Orchestre de l'État de Sao Paulo sous la
direction du compositeur grâce à l'amabilité et à la gentillesse du chef
titulaire Eleazar de Carvalhao. Comme pour la plupart de mes œuvres, j'ai
choisi de ne lui donner aucun titre. Cela traduit la première de mes
préoccupations qui est de respecter la musique dite "pure" (absolute
Musik) laquelle doit exister pour
elle-même et non au travers des rêveries subjectives qui auraient été
provoquées par un titre plus ou moins poétique. Une deuxième préoccupation, et
non des moindres, était de parvenir à écrire une musique dans laquelle, selon
l'expression de Schönberg, "tout serait thème et tout serait développement".
Ce genre d'idéal n'est pas facile à approcher si l'on veut conserver à son
discours un minimum de cohérence. J'estime n'avoir, dans cette Composition, pas
totalement réussi à l'atteindre (je ferai mieux, plus tard, avec mon deuxième
Quatuor à Cordes) mais m'être tout de même suffisamment avancé sur son chemin.
Après tout, il est sans doute plus important de marcher que d'arriver.
1982
: QUATUOR À CORDES N·2
Dès que j'eus conscience de ma vocation de
compositeur, c'est-à-dire vers l'âge de dix huit ans, j'eus l'ambition d'écrire
un quatuor à cordes car je sentais qu'il s'agissait de l'une des formes les
plus élevées de la musique occidentale. Mais comment avoir cette audace
lorsqu'on connaît les quatuors de Beethoven. Je fis trois tentatives, la
première en 1948... et je rangeais aussi pudiquement que possible ces dites
tentatives dans un tiroir dans lequel je les laisserai jusqu'à ce que j'aie le
temps de les retravailler entièrement. En 1976, j'eus, peut-être à tort,
l'impression que le quatrième quatuor que je venais d'écrire pouvait ne pas me
faire trop rougir de honte. Ce quatrième quatuor devint donc le premier. Dans
le Quatuor N·2 qui est donc, en réalité le cinquième, j'ai essayé de réaliser
ce qui était une des idées de Schönberg à savoir : parvenir à une forme dans
laquelle tout serait thème et tout serait développement. Ce genre d'ambition
implique, évidemment, qu'il n'y ait qu'un seul mouvement. En ce qui concerne
l'écriture, j'ai utilisé certains modèles mathématiques qu'il serait superflu
d'expliquer ici (on n'a pas besoin d'expliquer un traité d'harmonie pour faire
entendre du Mozart) et dont, par ailleurs, l'explication serait ennuyeuse pour
tous ceux qui sont d'honnêtes auditeurs et non des techniciens. Je tiens
toutefois ces explications à la disposition de qui souhaiterait les entendre
(prévoir environ quatre heures de conversation...). L'œuvre est dédiée à la
mémoire de Jean Claude Bernède.
1983
: CARRéS MAGIQUES (HOMMAGE à ÉVARISTE GALLOIS)
L'année 1982 était celle du cent
cinquantième anniversaire de l'assassinat (déguisé en duel) de ce génie
mathématique que fut Évariste Gallois, créateur avec le jeune norvégien Niels
Henrik Abel de la théorie des groupes (3
). Pour honorer sa mémoire, Radio France
passa commande d'une œuvre à quelques compositeurs. Il se trouve que, au cours
des années soixante, Pierre Barbaud avait montré d'une manière très simple que
l'ensemble des notes de la gamme chromatique muni de l'opération que nous
appelons habituellement "transposition" constituait un groupe au sens
mathématique du terme. L'idée pouvait donc être exploitée pour cet hommage à Évariste
Gallois. Il est facile de comprendre qu'une transposition peut être représentée
par un nombre: celui des demi-tons dont est transposée la note originale. Par
exemple, une transposition à la quinte supérieure sera représentée par 7 (il y
a sept demi-tons entre do et sol) et l'unisson sera représenté par zéro. Les
diverses transformations des lignes mélodiques ou des accords, des thèmes ou
des motifs peuvent donc être représentées par des suites de nombres sur
lesquels on peut procéder à des opérations. Il se trouve que, lorsqu'on dispose
ces suites de nombres en tableaux comparables, par exemple, à la table dite de
Pythagore, ces tableaux ont toutes les propriétés de carrés magiques. D'où la
justification du titre, et la satisfaction du devoir de respect dû à Évariste
Gallois.
1984
: CONCERTO POUR VIOLON, ALTO ET ORCHESTRE
En 1984, le remarquable altiste qu'est
Michel Laléouse m'avait demandé d'écrire pour lui un concerto dans lequel il
pourrait jouer de l'alto et du violon. Il souhaitait montrer sa virtuosité pour
les deux instruments. Je conçus aussitôt après une nouvelle version dans
laquelle le rôle du violon était augmenté. Cette nouvelle version demande donc
la présence de deux solistes. C'est à eux que l'œuvre est dédiée. D'abord
Jean-Claude Bernède à qui je rends hommage et qui, hélas, devait nous quitter
quelques années plus tard et Michel Laléouse lui-même. La forme de ce Concerto
est moins originale que celles d'autres de mes œuvres ; sans qu'il s'agisse le
moins du monde d'un retour à la classique forme sonate, la recherche du
"panthématisme" y est moins poussée. Plusieurs motifs
mélodico-harmoniques peuvent éventuellement être perçus comme étant des thèmes.
L'orchestre n'a pas vraiment un rôle d'accompagnement : on peut le considérer
lui aussi comme un soliste. Disons un soliste polycéphale. La création de ce
Concerto avec Jean Claude Bernède et Michel Laléouse comme solistes eut lieu en
1987. Le nouvel Orchestre Philharmonique de Radio France était placé sous la
direction du chef brésilien Flavio Chamiss.
1984
: QUINTETTE POUR FLÛTE, CLARINETTE, VIOLON, VIOLONCELLE ET PIANO.
Ce Quintette fut écrit à la demande de l'Atelier
Musique de Ville d'Avray. Une fois
de plus, je me mettais à la recherche d'une forme dans laquelle il deviendrait
impossible de dissocier ce qui serait thème et ce qui serait développement.
Mais il est impossible d'obtenir un discours logique et cohérent si, quelque
part, quelque chose ne se répète pas : il ne peut y avoir de logique sans
mémoire. Le problème (qui est posé depuis bien longtemps) reste donc de savoir
comment on peut dire toujours la même chose sans jamais se répéter... Cela, en
musique, est loin d'être un paradoxe. Regardez donc le deuxième mouvement de
l'op. 111 de Beethoven et vous comprendrez ce que je veux dire. Mais en citant
Beethoven, je ne veux faire aucune comparaison. Je désigne seulement un idéal.
1986
: CONCERTO DE CHAMBRE POUR PIANO ET SIX INSTRUMENTS (flûte, clarinette, basson,
violon, alto et violoncelle).
Il fut écrit pour l'ensemble de musique de
chambre que Jean Claude Bernède dirigeait à Evreux et pour Anna Stella Schic
comme pianiste. Il y est recherchée la fusion la plus totale entre le piano
soliste et les autres instruments, ce qui veut dire que le piano est un soliste
mais que les six autres le sont également. A la mesure 159, on peut remarquer
(ce qui n'arrive pas souvent, y compris à moi-même) une courte, très courte,
citation de l'Ode à Napoléon de
Schönberg. J'aime ainsi, souvent, rendre hommage à ceux que je considère comme
mes maîtres. Car, comme le disait justement le dit Schönberg, le mieux qu'un
compositeur puisse espérer arriver à faire est de se montrer digne de ses
grands prédécesseurs.
1987
: COMPOSITION POUR CLAVECIN
C'est Béatrice Berstel qui m'avait demandé
cette pièce et qui l'a créée en 1987. Sur la forme en général, je ne puis rien
dire de plus que ce que j'ai déjà dit à propos d'autres œuvres au sujet d'une
sorte de dialectique thème-développement. En revanche, en ce qui concerne
l'écriture, je peux dire que ce fut passionnant pour moi d'adapter à
l'instrument la polyphonie que je souhaitais. En effet, un intervalle donné, et
surtout une quinte, ne sonne pas du tout sur un clavecin comme sur un piano. Et
quand je parle de la quinte, je devrais dire "les" quintes, car un
clavecin n'est jamais et ne doit pas être accordé selon le tempérament
strictement égal. Il y a là, si l'on écoute bien, la source d'une certaine délectation
auriculaire.
1988
: COMPOSITION POUR BASSON ET PIANO
Il s'agit tout simplement d'une commande
du Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris pour le concours de
basson. Il fallait donc utiliser au mieux les possibilités instrumentales en
dosant, au fil des notes, ce qui était relativement facile et ce qui était
difficile. Je pense que le résultat ne fut pas trop mauvais puisque, à ce jour,
je n'ai encore été agressé par aucune des candidats de ce concours de basson,
ni même par leur professeur.
1994
: CONTRAPUNCTUS X
Il s'agissait d'honorer le deuxième
centenaire de l'École Polytechnique. La lettre X en est le symbole. Mais cette
lettre a d'autres particularités. Si elle partage avec H et O le fait de rester
semblable à elle même lorsque lui est appliquée une transformation symétrique
par rapport à un axe horizontal, vertical, ou par rapport à un point situé en
son centre, elle est la seule à rester inchangée après une rotation de 90·
(/2). De là, la tentation de rendre hommage à l'École Polytechnique en
pratiquant toutes formes de contrepoint et notamment des canons par mouvement
contraire et rétrograde dans lesquels existent aussi ces types de symétrie.
Certains me diront que ce genre d'exercice intellectuel est opposé à ce qu'ils
appellent musique. J'en conviens. Mais je préfère placer mon idéal, aussi
modestement que ce soit, dans l'Offrande Musicale, l'Art de la Fugue, la Sonate
op. 106, les Variations Diabelli etc...plutôt que dans la soif d'un succès
immédiat dont je laisse profiter mettez les noms que vous voulez
1994
: MÉDITATION pour douze instruments.
Cette œuvre, qui est la dernière que j'ai
écrite, est une commande de Radio France. Le titre "Méditation" doit
être compris dans son sens rigoureusement et authentiquement bouddhiste. Ce qui
veut dire que l'on doit être loin des rêveries vaseuses et des contemplations
fumeuses. C'est donc à l'opposé de ce que la plupart des occidentaux imaginent
sur le bouddhisme. Je cite, pour me faire comprendre, un court passage de
l'excellent livre que Alexandra David-Néel (une de mes cousines éloignées) a
consacré à ce sujet 4
: "Le mysticisme de la doctrine
orthodoxe est étayé par une éducation de l'esprit conçue dans un sens
absolument rationnel... Certes, il n'a pas manqué de gens plus tentés par les
faciles rêveries et le mystérieux apparent des états hypnotiques que par la
sévérité, l'aridité peut-on dire de la culture en conformité avec les préceptes
primitifs... Il n'en demeure pas moins que le système de méditation inspiré par
la doctrine originelle tend à faire, avant tout, des esprits clairvoyants, en
pleine possession de moyens de perception au fonctionnement
irréprochable." D'où mon effort en direction d'une écriture de plus en
plus rigoureuse. "L'expression, disait Zarlino en 1558, est la récompense
de la perfection". Mais qui peut prétendre y atteindre facilement ?
*
JEAN-SÉBASTIEN
BACH : LES HUIT CANONS DE L'OFFRANDE MUSICALE.
Il m'est arrivé souvent d'être irrité en
entendant certaines versions de l'Offrande Musicale dans lesquelles on eut
tellement le souci de restituer une "vérité interprétative" (comme
disent certains cuistres) que se trouvait littéralement gommée la simple vérité
musicale. Par exemple, il faut avec ce genre de versions, dont circulent un
certain nombre d'enregistrements, faire un énorme effort d'attention pour
percevoir la beauté contrapunctique, tant cette dernière est masquée par les
crescendi-diminuendi et les instrumentations nuageuses. Je saisis ici
l'occasion de rendre hommage à Jean Guillou qui, dans sa transcription pour
orgue, a su garder tout l'intelligibilité du texte. C'est aussi vers ce maximum
d'intelligibilité que j'ai voulu me diriger. Pour faire différemment, plus et
mieux, il faut le génie de Webern et tout le monde ne l'a pas.
Pietro
LOCATELLI : Sonata XII opera sesta a violono solo e basso.
En 1944, après la libération, deux de mes
amis avaient organisé, à Reims, une société de concerts dont le but était de
faire connaître et aimer les musiciens du XVIIIe siècle (bien avant, comme on
le voit, la mode des baroqueux). Eux et moi allions copier de nombreuses
partitions à la Bibliothèque Nationale ou à celle du Conservatoire. Souvent, il
me revenait l'agréable tâche d'avoir à réaliser les basses continues. C'est
ainsi que je restais un jour ébloui devant l'extraordinaire originalité
harmonique d'un concerto de Locatelli "A l'imitazione da corni da
caccia". Enthousiasmé, je
copiais ensuite douze sonates du même compositeur et fis la réalisation de leur
basse. Montrant ces sonates à Igal Shamir, il fut particulièrement séduit par
la douzième. Je révisais donc ma réalisation et la trouvais mauvaise. Je
l'avais faite quand je n'avais encore que dix neuf ans et aucune expérience. Je
repris donc tout du début et Igal Shamir, accompagné par Anna-Stella Schic, en
donna une première exécution dans un concert dont le bénéfice était destiné à
l'Université israëlienne Bar Ilan. Que les baroqueux me pardonnent : j'ai
respecté l'esprit de la partition sans essayer de retrouver ce qu'ils appellent
une "vérité interprétative" au sujet de laquelle, d'ailleurs,
personne ne possède aucune preuve véritable puisque l'enregistrement n'existait
pas. De plus, comme le dit très pertinemment Pierre Boulez, les gens qui
veulent absolument une interprétation "d'époque" devraient être en
mesure de fournir aussi un public également "d'époque". Je me suis
donc permis de donner au seul piano ce qui était partagé entre le violoncelle
et le clavecin (basse et continuo). J'estime n'avoir pas trahi l'esprit de l'_uvre,
bien au contraire. Et si quelque baroqueux vient me chercher querelle, je lui
conseillerai d'essayer de devenir lui-même compositeur pour mieux comprendre
ses collègues d'hier et même, peut-être, ceux d'aujourd'hui.
Œuvres
(à l'exclusion
des oeuvres pédagogiques et des musiques de scène ou de film)
1947 : Sonate pour piano n·1 (Éd.
Billaudot)
1948 : Quatre mélodies sur des poèmes de
Guillaume Apollinaire pour soprano et piano (inédit)
1949 : Ouverture pour orchestre de chambre
(Éd. Bœlke & Bomart, New York)
1951 : Étude de musique concrète n·1
(G.R.M. - I.N.A.)
1957 : Variation pour 10 instruments (Éd.
Bœlke & Bomart, NY)
1958 : Étude de musique concrète n·2
(G.R.M. - I.N.A.)
1959 : Ambiance n·1, musique concrète (G.R.M. - I.N.A.)
Composition n·1 pour orchestre à cordes
(Éd. Billaudot)
1960 : Composition pour double orchestre
(Éd. Billaudot)
Ambiance n·2, musique concrète (G.R.M. - I.N.A.)
1961 : Pièce pour 10 instruments (Éd. Bœlke
1 Bomart, NY)
1962 : Étude de musique concrète n·3
(G.R.M. - I.N.A.)
1963 : Transformations triangulaires - Hommage à Pascal pour 12 instruments (Éd.
Billaudot)
1965 : Composition pour violon seul n·1
(Éd. Billaudot)
1971 : Sonate pour orgue (Éd. Salabert)
1973 : Sonate pour piano n·2 (Éd.
Salabert)
Passacaille pour 12 instruments - Hommage
à Jean Barraqué (Éd. Billaudot)
1974 : Composition n·2 pour orchestre à
cordes, piano et harpe (Éd. Billaudot)
1975 : Composition pour piano n·4 (Éd.
Ricordi-Brésil)
Octuor (Éd. Salabert)
Composition pour violon seul n·2 (Éd. Bœlke
& Bomart NY)
1976 : Composition pour violon seul n·3
(Éd. Bœlke & Bomart NY)
"La, rien que la, toute la" sur
un poème de François le Lionnais. Partition inédite, bande magnétique
G.R.M.-I.N.A.
Composition pour violoncelle seul n·1 (Éd.
Bœlke & Bomart NY)
Composition pour piano n·5 (Éd. Ricordi
Brésil)
Quatuor à cordes n·1 (Éd. Bœlke &
Bomart NY)
1977 : Composition pour piano n·6 (Éd.
Ricordi Brésil)
Septuor. Hommage à Newton (Éd. Billaudot)
Rapsodie pour flûte et clavecin ou piano
(inédit)
1978 : Cantate du café sur un poème de Guillerme Figueiredo. (inédit)
Douze paraphrases-variations sur une
mélodie d'E. Satie, en forme d'exercices de style, pour piano (Éd. Salabert)
1979 : Douze paraphrases-variations sur un
thème populaire brésilien en forme d'exercices de style, pour piano (Éd. Novas
Metas Sao Paulo)
1980 : Composition pour orchestre n·4 (Éd.
Salabert)
1982 : Quatuor à cordes n·2 (Éd. Salabert)
1983 : Carrés magiques, pour orchestre.
Hommage à Évariste Gallois (Éd. Salabert)
1984 : Concerto pour violon, alto et
orchestre (Éd. Salabert)
Quintette pour flûte, clarinette, violon, violoncelle
et piano (Éd. Salabert)
1985 : Quatuor à cordes n·3 (Éd. Salabert)
1986 : Quintette pour quatuor à cordes et
piano (Éd. Salabert)
Concerto de chambre pour piano et six
instruments (Éd. Salabert)
1987 : Composition pour clavecin (Éd.
Salabert)
1988 : Quatuor à cordes n·4 (Éd. Salabert)
Composition pour violon seul n·4 (Éd.
Salabert)
Composition pour basson et piano (Éd.
Salabert)
Quintette de cuivres (inédit)
1989 : Ludus Sonoritatis (pour 8 instruments) (Éd. Salabert)
1990 : Composition pour violon et piano
(inédit)
1994 : Contrapunctus X (pour 10 instruments) (inédit)
Méditation (pour 12 instruments) (Éd. Billaudot)
Discographie
Musique électroacoustique :
Étude n·1 Disque Ducretet-Thomson
(Collection UNESCO) 320 C 102
(réalisé en 1952)
Ambiance n·1 Disque BAM (La Boîte à Musique) 070
(réalisé en 1959)
Ambiance n·2 - Texte "Toast Funèbre" de Stéphane Mallarmé
- récitante Nelly Delmas.
Disque BAM 071
(réalisé en 1960)
Étude n·3 Disque CANDIDE 31025
(réalisé en 1962)
Musique de Chambre, Musique instrumentale
:
Sonate pour orgue - Jean Guillou.
Disque Philips 6504 039
(réalisé en 1971)
Pièce pour violon seul n·2 - Lola Benda.
Ministère de l'Éducation et de la Culture du Brésil.
Disque MEC FJA 95
(réalisé en 1978)
Douze Paraphrases-Variations sur une
mélodie d'Erik Satie et douze Paraphrases-Variations sur un thème populaire
brésilien, en forme d'exercices de style - Anna Stella Schic (piano).
Disque RGE (Brésil) 303 1020
Quatuor à Cordes n·2 - Quatuor ENESCO.
Disque REM 311060
(réalisé en 1988)
Quintette pour flûte, clarinette, violon,
violoncelle et piano - Atelier Musique Ville d'Avray.
Disque AVA 881
(réalisé en 1988)
Bibliographie
Cette bibliographie ne contient pas :
1) Les articles uniquement circonstanciels
2) Les critiques et comptes-rendus de concert ou de disques
3) Les émissions radiophoniques
4) Les textes uniquement pédagogiques
5) les simples transcriptions de conférences
1950 : Possibilités d'une Dynamique Musicale. Cahiers d'Étude de Radio Télévision - Flammarion
1952 : L'École de Vienne - Revue du CDMI (Centre de Documentation Musicale Internationale)
1953 : Les prophéties imprudentes - Revue Belge de Musicologie
1954 : Musique et Acoustique - Cahiers de la Compagnie Renaud Barrault - Julliard
1954 : Liberté sous condition - Domaine Musical n·1
1955 : Histoire et perspective de la réverbération - Cahiers d'Étude de Radio Télévision - Flammarion
1956 : Électronique et techniques compositionnelles - Entretiens d'Arras, Visages perspectives de l'art moderne - CNRS
1956 : Problèmes de la réverbération - Cahiers d'Étude de Radio Télévision - Flammarion
1956 : Anton Webern - Journal des Jeunesses Musicales de Belgique
1957 : Vers une musique expérimentale - Revue Musicale Éd. Richard Masse
1958 : Acoustique - Cahiers d'Étude de Radio Télévision
1960 : Le devoir d'humanité - Gravesaner Blätter - Lugano
1960 : La musique et les machines - Cahiers du Festival de la Recherche 1960, Éd. RTF
1961 : Ordre, désordre et composition musicale - Médiations n·1
1961 : Contemporains et modernes - Médiations n·2
1961 : La recherche musicale à la RTF - Journal des Jeunesses musicales
1961 : Où allons nous - Itinéraires Éd. Harmonia Mundi
1961 : Un machine imaginaire - Gravesaner Blätter - Lugano
1962 : Stéréophonie et perception musicale - L'Onde Electrique n·420
1962 : Métamorphoses phénoménologiques (à propos des "Fondements de la musique dans la conscience humaine" d'Ernest Ansermet) - Critique.
1962 : Le jazz, la musique concrète et le culte de la personnalité - Les Cahiers du Jazz
1963 : Le Monde comme représentation sans volonté - Revue d'Esthétique
1963 : Beaucoup de bruit pour quoi ? - Critique
1963 : Le rôle ambivalent de l'audience "cultivée" - Actes du colloque du Centre d'Études des Communications de Masse in Communication
1964 : Pierre Boulez aujourd'hui, entre hier et demain - Critique
1964 : A la recherche de la haute-fidélité - La Revue du Son
1964 : Aspects psycho-sociologiques de la haute-fidélité - Conférences du Festival International du Son
1965 : Igor Stravinsky - Éd. Seghers
1965 : La Musique et la Radiodiffusion - in "Un siècle de radio et de télévision" Éd. ORTF et Oroductions de Paris
1966 : L'illusoire expression (à propos de Stravinsky) - Réalités
1966 : A propos des mécanismes de création esthétique - IVe Congrès International de médecine cybernétique. Cybernetica, Namur
1966 Indestructible nouveauté - Revue belge de Musicologie
1967 : Quelques questions à propos de la radiodiffusion et de la haute-fidélité en stéréophonie - Revue du Son n· 172, 173
1967 : Vingt ans de musique (1947 - 1967) - Revue d'Esthétique
1967 : La musique et les musiciens - Harmonie
1967 : Musique et cybernétique - in Dossier de la Cybernétique Éd. Marabout Université
1968 : La créativité musicale et le sentiment religieux - Encyclopédie des Musiques Sacrées Éd. Labergerie
1969 : La musique et l'électricité - Encyclopédie de l'Électricité Éd. Larousse
1969 : Poésie et vérité - Conférence du Festival International du Son
1970 : Muss es sein - L'Arc, numéro Beethoven
1972 (-1994) : Contribution à l'Encyclopaedia Universalis. Rédaction et tenue à jour des articles suivants : Air (musique), Arrangement, Atonalité, Composition musicale, Gamme, Musique (consommation musicale), Orchestre, Polyphonie, Ravel, Satie, Sonate, Stravinsky, Xenakis
1973 : La lucidité de René Leibowitz - Critique n· 317
1975 : Arnold Schönberg and the language of music - Perspectives of new music
1976 : Entretien avec Georges Léon (édité en ce volume)
1976 : Ear, Heart and Brain (A critical celebration of Milton Babbitt) - Perspectives of new music
1976 : La radio comme moyen de création et d'expression - Union Européenne de Radiodiffusion, Rencontre de Teneriffe
1979 : Diabelli Diabolico (en portugais) - Éd. Novas Mestas, Sao Paulo
1981 : Vingt ans avant, vingt ans après (à propos de Iannis Xenakis) - in "Xenakis" Éd. Stock
1981 : De quelques anomalies contemporaines, ou : la raison du plus fort est rarement la plus juste - Publication de Radio France
1982 : Défense et illustration du langage musical - Communication à l'Académie des Beaux Arts
1983 : A propos d'une recherche d'algorithmes en composition musicale - IRCAM, séminaire sur le concept de recherche en musique
1983 : Autour de l'année Rameau - Universalia (Encyclopaedia Universalis)
1983 : A propos des cahiers de terminologie. N'oublions pas l'essentiel - Medias et Langage n·18
1983 : Des musiques de jazz - Préface pour le livre de Lucien Malson - Éd. Parenthèses
1983 : Les musiques méconnues du Brésil - Conférences du Festival International du Son
1984 : La musique dite "atonale" - in Précis de Musicologie Éd. Presses Universitaires de France
1987 : A propos d'algorithmes en composition musicale (Compte rendu d'une expérience) - Colloque international de Marseille "Structures musicales et assistance informatique"
1989 : Lumières et chimères. L'œuvre scientifique de la Révolution Française - Revue de l'Association des Écrivains Scientifiques en France
1990 : Technique d'artiste et art de technicien - Préface pour "Les techniques du son" Tome 3 Éd. Fréquences
1990 : La musique après la guerre (de 1945 à 1985) - in Cours d'histoire de la musique Tome 4 Éd. Leduc
1991 : Participation au Vocabulaire des Musiques de notre temps Éd. Minerve. Articles suivants : Aléatoire, Algorithmique, Hasard, Irractionnel, Paramètre, Périodicité, Stochastique
1992 : Hommage à François le Lionnais - Revue de l'Association des Écrivains Scientifiques de France
1994 : Essai d'une réponse (non stupide) à une question intelligente - Actes du colloque "Les différents arts face aux sciences" Laboratoire Musique et Informatique de Marseille
1994 : À bâtons rompus - Propos recueillis édités en ce
volume
2 "À propos d'algorithmes en composition musicale.
Compte-rendu d'une expérience". Colloque international Structure
musicale et assistance informatique, 4
juin 1988.
3 Essayons d'expliquer simplement et en quelques mots ce
qu'est un groupe. Il faut pour cela un ensemble et une opération. Prenons, par
exemple, l'ensemble des nombres entiers positifs et négatifs et pour opération
l'addition. Nous devrons constater les propriétés suivantes :
1/ Lorsqu'on
effectue l'opération, le résultat sera toujours un élément de l'ensemble. En
effet, un nombre entier + un nombre entier = un nombre entier (observons que
c'est vrai pour l'addition et la multiplication mais faux pour la division).
2/ Il existe un
élément neutre. Pour l'addition, c'est zéro. Il est évident que 3 + 0 = 3.
3/ Chaque
élément a son symétrique. Le symétrique de 3 est -3. On a évidemment: 3 + (-3)
= 0.
4/ Le fait que
l'on réunisse différemment les éléments auxquels on applique l'opération ne
change pas le résultat. Cela s'appelle l'associativité. Par exemple: 3 + (4 +
7) = (3 + 4) + 7.
5/ Enfin, mais
ce n'est pas obligatoire, l'ordre dans lequel on effectue l'opération peut être
indifférent. C'est la commutativité. Par exemple; 3 + 4 = 4 + 3. Cette
propriété existe bien pour l'addition et la multiplication mais pas pour la
division.