De diffrents rgimes dÕhistoricit en matire
de musique
Journe consacre au premier volume Ē Musiques du XX” sicle Č de lÕEncyclopdie Musiques dÕActes-Sud
6 mai
2004, Ens
On se demandera de quel partage des temps (pass | prsent | futur) relve, au seuil dÕune encyclopdie dclare Ē pour le XXI” sicle Č, ce volume consacr aux Ē musiques du XX” sicle Č.
Examinant pour ce faire les contributions de Jean-Jacques Nattiez qui encadrent ce volume, et dialoguant avec la catgorie de Ē rgime dÕhistoricit Č (cf. Franois Hartog et Jacques Rancire), on proposera de distinguer en matire musicale quatre rgimes : le rgime musicologiste-historien, le rgime musicologiste-encyclopdiste, le rgime musicien et le rgime musical.
Exemples
lÕappui, on tentera ainsi dÕorienter les dcisions aujourdÕhui prendre en
matire dÕhritage musical.
––––––––
Ē Dis-moi comment tu traites le prsent et je te dirai quelle philosophie tu es. Č
Charles
Pguy (Note conjointe sur M. Descartes)
Ē Notre hritage nÕest prcd dÕaucun testament. Č
Ren Char
(62” feuillet dÕHypnos)
Il sÕagira ici pour moi de lire ce volume en
mÕinterrogeant sur lÕhistoricit en matire de musique : non pas lÕhistoriographie
— conue comme criture de lÕhistoire, comme
construction de lÕhistoire en la racontant — mais lÕhistoricit conue comme pense dÕune insertion historique de la musique, pense
des dimensions historiques de la musique, pense de la manire dont la musique
a voir avec lÕhistoire.
Cette journe dÕtude sÕinsre en effet dans notre sminaire annuel et prolonge donc notre vaste question : Ē Peut-on penser la musique avec/sans/contre lÕhistoire ? Č. Comment cette encyclopdie relance-t-elle notre question ? Comment plus prcisment cette encyclopdie relance-t-elle la question sur laquelle jÕavais termin mon intervention en novembre dernier : celle des rgimes dÕhistoricit ?
JÕavais clos mon intervention sur la notion de rgime dÕhistoricit chez Franois Hartog qui nommait ainsi une sorte dÕexprience du temps en amont de toute manire de faire lÕhistoire, une condition de possibilit pour lÕhistoire tenant un mode de conception du temps (premire caractristique) avec cette caractristique supplmentaire que cette conception se dclarait prioritairement dans un rapport au prsent. Un rgime dÕhistoricit, ici, cÕest une manire dÕadosser lÕHistoire une conception du temps dont le foyer est une conception du prsent.
Notre sminaire, depuis, a accueilli une intervention de Jacques Rancire qui a rpondu mon intervention en dployant une autre conception du rgime dÕhistoricit. JÕen rappelle le principe car cÕest cette acception du rgime dÕhistoricit que je me rfrerai ici (de prfrence celle de Franois Hartog).
Un rgime dÕhistoricit, pour Jacques Rancire, cÕest le nĻud dÕun partage des temps et dÕune distribution possible/impossible. CÕest donc trois choses :
1. une distinction pass/prsent/futur, distinction qui, en gnral, nÕa pas ncessit de se constituer, comme chez Franois Hartog, partir du prsent ;
2. une distinction possible/impossible ;
3. une articulation des deux au sens o la sparation possible/impossible non seulement nÕest pas la mme au pass, au prsent et au futur mais au sens o le partage des temps est pens comme distribution des possibles.
En fait un rgime dÕhistoricit, cÕest une logique de pense qui gnre la fois un partage des temps et une distribution des possibles — par exemple si lÕon considre que le pass se diffrencie du prsent par le fait quÕil ne serait plus possible de le modifier —.
Une autre caractristique intressante des rgimes dÕhistoricit chez Jacques Rancire, cÕest quÕils ne sont plus eux-mmes historiciss. Jacques Rancire dshistoricise les rgimes dÕhistoricit de Franois Hartog lesquels sont, pour ce dernier, rattachables tel ou tel moment (en particulier ce quÕil appelle aujourdÕhui le prsentisme). Pour Jacques Rancire au contraire, un rgime dÕhistoricit nÕest pas exactement un rgime Ē historique Č au sens chronologiquement assignable une priode : par exemple son rgime Ē moderne Č ne dsigne pas une squence chronologiquement isolable mais un mode transversal diffrentes squences chronologiques, pouvant coexister avec dÕautres (le postmodernisme, pourquoi pasÉ).
DÕo ma question : ce concept de rgime dÕhistoricit peut-il nous aider penser les diffrents types de rapports de la musique lÕhistoire non pas comme succession mais comme coexistence simultane ? DÕo ma lecture de ce premier volume la lumire de cette question.
*
Ma lecture ne sera pas systmatique mais diagonale, et symptomale. Le genre Ē encyclopdie Č de lÕouvrage y incite : par dfinition, une encyclopdie est une rcapitulation des savoirs, et donc ce titre une totalisation inconsistante, non parce que chaque savoir le serait sparment mais parce que leur assemblage lÕest forcment : une encyclopdie doit recenser sur toute question des figures de savoirs incompatibles entre elles (recenser par exemple la totalit de ce qui sÕest dit de John Cage ne peut quÕempiler des contradictions). Il nÕy a donc pas de sens exiger dÕune encyclopdie quÕelle assure une consistance des savoirs rcollects. La seule chose quÕon puisse lui demander est une consistance formelle dans le choix des savoirs retenus, dans la qualit formelle plutt que dans le fond ou le contenu.
Ė ce titre, cette encyclopdie assure une relative homognit dans la qualit des propos soutenus et on ne peut que saluer ce parti. Mais on ne saurait exiger dÕelle une cohrence de ces propos ce qui contraint toute lecture en tre une coupe.
Ma coupe aujourdÕhui sera celle des crits de notre invit, Jean-Jacques Nattiez. CÕest donc partir de ses trois articles que je vais interroger les diffrents rgimes dÕhistoricit quÕil est possible de thmatiser en matire de musique.
Commenons par une lecture trs lmentaire.
La couverture du volume articule trois signifiants :
— Ē encyclopdie Č, qui dsigne un prsent index par des savoirs ;
— Ē pour le XXI” sicle Č, qui dsigne un futur ;
— Ē musique du XX” sicle Č, qui dsigne un pass.
DÕo une premire configuration o le prsent est thmatis comme lieu du savoir (il sÕagit dans ce livre dÕun tat actuel des savoirs), savoir sur le pass (XX” sicle) en vue du futur (XXI” sicle). Le prsent est ici une transition entre pass (XX”) et futur (XXI”), un instant mobile o il y a lieu de se demander : que peut-on y savoir ? Il y a donc une continuit pass — prsent — futur qui passe par un prsent du savoir.
Se dessine l un croisement dÕun partage des temps et dÕune distribution du possible qui se fait sous le thme du savoir puisquÕil sÕagit de se demander : que peut-on savoir aujourdÕhui (au prsent donc) sur le pass, ventuellement sur le prsent (mais si le prsent est un instant plutt quÕun moment, cela nÕa gure de sens), et srement pas sur le futur (on peut le deviner, le pressentir, pas le savoir). Un tel nĻud constitue un rgime dÕhistoricit que jÕappellerai encyclopdiste, dans notre cas musicologiste-encyclopdiste. Son dessein propre — constituer un savoir actuel (au sens de lÕinstant prsent) sur le pass et sans prise vritable sur le futur — peut tre figur ainsi :
––––––––––]< ] ?
passs] savoir actuel] futur connaissable
Ceci dit, les diffrentes contributions de Jean-Jacques Nattiez vont thmatiser un peu autre chose que ce strict rgime encyclopdiste. Ses trois articles mettent en effet au travail trois nouvelles questions :
1. Comment situer cette encyclopdie par rapport aux histoires du genre encyclopdique ?
2. Comment raconter lÕhistoire (en lÕoccurrence celle du XX” sicle) ?
3. Peut-on raconter le futur (en lÕoccurrence celui de la premire moiti du XXI” sicle) ?
La transformation par rapport au mode encyclopdiste tient aux points suivants :
1. Le pass a dsormais pour enjeu dÕtre moins objet dÕun savoir que sujet dÕun rcit. La cible est ici moins la production de savoirs que la construction dÕun rcit.
2. Le futur est considr dsormais moins comme destination des savoirs actuels (encyclopdie Ē pour Č le XXI” sicle) que comme lieu o se racontera notre prsent : cf. un certain Hans-Jakob Zanetti, en fin de volume, racontant au prsent de 2045, notre futur procheÉ
3. Le prsent dsormais est le lieu moins de rcollection des savoirs que dÕlaboration des rcits.
On a donc ici un nouveau mode de partage des temps dont une des caractristiques, par rapport au mode encyclopdiste prcdent, est que le prsent sÕy articule diffremment au futur puisque le rcit au prsent peut dsormais sÕtendre — en prdiction — jusquÕau futur.
Ce nouveau partage des temps sÕarticule une nouvelle distribution du possible quant la possibilit mme de raconter chacun des temps distingus : le pass est racontable selon un critre de vraisemblance alors que le prsent est irracontable (puisque sans paisseur propre) tandis que tout rcit du futur se dispose sous un principe dÕirralit. De plus, un interdit pse sur ce type Ē historien Č de rcit, lÕinterdit majeur de lÕhistorien, son pch capital : lÕanachronisme.
Ce nouveau rgime dÕhistoricit, je lÕappellerai historien, en lÕoccurrence musicologiste-historien et jÕen figurerai ainsi le dessein propre :
––––––––––>] >[----- >
pass simple] instant prsent [futur simple
JÕai ainsi dress le rapide portrait de deux rgimes dÕhistoricit auxquels jÕai donn en partage le nom de musicologiste. QuÕont-ils en vrit en partage ?
1. Le prsent est dans les deux cas un instant mobile, sans le dploiement temporel immanent un moment.
2. Ce prsent instantan est dlimit par le pass.
Ces deux aspects sont figurs dans les deux schmas prcdents
1. par lÕtroitesse de lÕintervalle du prsent ;
2. par lÕexistence dÕun crochet tourn vers la gauche — Ē] Č — clturant le pass et dlimitant par l le prsent.
En fait ces deux rgimes partagent dÕtre en extriorit par rapport la musique (ce point va sÕclairer par contraste avec les deux rgimes dÕhistoricit qui vont suivre). Cela sÕindique dÕores et dj dans le fait que savoirs comme rcits, sÕils se font bien ici au prsent, portent cependant essentiellement sur le pass, sur un pass spar de lÕinstant prsent en ceci que le pass est connaissable ou racontable quand le prsent ne lÕest pas. Dans les deux cas, la musique quÕil sÕagit de savoir ou de raconter est Ē du pass Č : tant objet de savoir ou matire rcit, elle est constitue en extriorit par rapport qui produit savoirs et rcits.
Je voudrais partir de l montrer que ces deux rgimes dÕhistoricit ne sont pas en matire de musique les seuls. Ces deux rgimes dÕhistoricit ont bien sr leur lgitimit, leurs propres raisons dÕtre. Mais on peut galement en pratiquer dÕautres.
Je voudrais y introduire par les deux autres questions kantiennes qui viennent complter le Ē Que puis-je savoir ? Č du rgime encyclopdiste et qui sont : Ē Que mÕest-il possible dÕesprer ? Č, Ē Que dois-je faire ? Č
La rponse ces deux questions dans le champ de la musique va me conduire caractriser deux autres rgimes dÕhistoricit qui, cette fois, seront en intriorit et que jÕappellerai respectivement rgime musicien et rgime musical.
Ces deux rgimes en intriorit ont en partage :
1. que le prsent y devient un moment ;
2. que le prsent y devient le centre : non seulement lÕorigine de lÕinvestigation mais sa cible mme.
Au total, lÕenjeu de ces rgimes devient dsormais la constitution dÕun moment prsent sous lÕhypothse quÕun instant actuel (comme dans les deux rgimes en extriorit) nÕy suffit pas : Ē Un prsent fait dfaut, faute que la foule ne dclare. Č (Mallarm).
On a donc ici un retournement : ce nÕest plus le pass qui configure le prsent, qui le prdispose, qui lui donne sens mais cÕest un prsent qui dcide son pass. La maxime de ce retournement est fournie par le 62” feuillet dÕHypnos (Ren Char) : Ē Notre hritage nÕest prcd dÕaucun testament. Č. Le pass ne lgue nul hritage, et tout hritage est dcid au prsent, Ē hritage Č voulant ici dire : conditions sur le prsent, conditionnement agissant sur ce quÕil y a faire. DÕo une transformation radicale dans le partage des temps pass/prsent/futur.
Examinons ce nouveau partage des temps dans le rgime que jÕappellerai musicien car il concerne le musicien plus que lÕĻuvre, lÕintellectualit musicale plus que la pense musicale lÕĻuvre.
Le pass nÕest plus ce qui conditionne le prsent (car ce qui conditionne le prsent est au prsent, dans la situation prsente) mais ce qui est tenu — au prsent — comme impuissant, satur, inactif.
On a donc ici une conception non chronologique du pass :
„ Par exemple, dans la conception musicienne que jÕai du prsent musical, Schoenberg appartient ce prsent quand Cage relve de son pass (en raison de la strilit de sa sophistique).
„ Autre exemple : pour le prsent de lÕintellectualit musicale, Jean-Sbastien Bach et son Ē Soli Deo Gloria Č [1][1] me semble au prsent quand la conception romantique de la Ē musique absolue Č me semble au pass.
1. Le prsent est un moment qui se dploie chronologiquement si bien que le moment contemporain conjoint ici trois couches :
— un prsent antrieur (qui nÕest pas le Ē prsent du pass Č de St Augustin),
— un prsent actuel,
— un prsent postrieur.
2. Le prsent, dans ce rgime musicien, est indexable au projet de forcer un impossible : ce nÕest pas la ralisation, le dploiement dÕune possibilit lgue par le pass ; le prsent est constitu par le projet de rendre possible ce qui ne lÕest pas (par exemple, pour Schoenberg, le projet de faire de la musique avec une srie de douze sons, ce qui nÕavait alors rien dÕvident).
Ce forage sÕaccompagne alors dÕinterdits (qui ne sont pas des impossibles) puisque le prsent dclare ici des interdits (lÕinterdit du ton, ou du thmatisme, ou de la carrure rythmique, etc.).
Le futur est dsormais scind :
— Pour partie, le futur appartient au prsent (comme prsent postrieur) — demain est du futur chronologique mais pas du futur spar du moment prsent car demain est embrass dans lÕimmdiat de mon projet prsent —. Le futur simple est donc incorpor au prsent.
— Le Ē vrai Č futur devient le futur antrieur : ce qui pourra se dire de ce moment prsent non pas demain mais quand ce projet (qui fait moment prsent) aura t accompli, quand ce prsent aura satur ses hypothses de travail.
Cette transformation du futur peut tre assigne une diffrence entre espoir et esprance :
— lÕespoir est rapport de lÕinstant prsent au futur simple : il est Ē espoir Č quÕun demain apporte ce que lÕinstant prsent nÕapporte pas ;
— lÕesprance est la conviction que le
moment prsent dploie ce qui est dj l, le Ē pas dj gagn Č
(Rimbaud), la victoire singulire mais valeur universelle (St Paul), lÕaction
restreinte (Mallarm).
Dtaillons un peu le rgime musicien en prenant pour exemple le sminaire sur le prsent de la musique contemporaine coorganis cette anne lÕEns avec le CNSMDP et lÕIrcam.
Le prsent de la musique contemporaine est rflchi comme convergence (mais nullement congruence) de trois questions dÕampleur chronologique trs diffrentes :
— un cycle cinquantenaire (celui de lÕaprs-guerre) affrent la question du srialisme et maintenant clos au titre de ce que le srialisme est dsormais du pass ;
— un cycle sculaire (celui du XX” sicle) en gros marqu par la question : comment composer une musique qui soit la fois atonale, athmatique et amtrique ? ; ce cycle peut tre tenu, la diffrence du prcdent, comme non clos, non satur et donc poursuivre au prsent ;
— un cycle millnaire (celui du second millnaire) en gros marqu par la constitution dÕun monde de la musique bas sur une criture musicale singulire (solfge) ; ce cycle est-il satur ou convient-il de le continuer en inventant de nouvelles modalits dÕcriture musicale ? La question est ici : quel prsent dlimite ici quel pass ?
Mes propres rponses sont ici celles-ci :
1. Tenir le srialisme comme dsormais un pass pour la composition.
2. Continuer de tenir que thme, ton et carrure sont du pass pour la composition.
3. Continuer de tenir quÕcriture musicale et autonomie du monde de la musique sont du prsent pour lÕintellectualit musicale.
Je ne prtends pas faire consensus avec ces rponses personnelles. Je veux seulement relever que de tels types de rponses font torsion chronologique du partage des temps pass/prsent/futur puisque du pass chronologique lointain peut tre tenu pour du prsent toujours actif quand du pass chronologique beaucoup plus proche peut tre tenu pour dpass.
Je voudrais illustrer ces torsions chronologiques propres au rgime musicien et donc aux intellectualits musicales par le tableau suivant qui inscrit lÕcart entre lÕordre chronologique Ē historique Č — en lÕoccurrence celui dÕapparition des grandes intellectualits musicales partir de Rameau — et lÕordre chronologique interne une intellectualit musicale singulire (la mienne en lÕoccurrence) —. O lÕontogense dÕun musicien pensif diffre de la phylogense du genre Ē intellectualit musicale ČÉ
En gras : les antcdents musiciens qui apparaissent galement dans la gnalogie musicale (voir plus loin)
Je figurerai ainsi le rgime musicien dÕhistoricit :
-------- < [–––––––––––
[<ÉÉ
pass compos] moment prsent] futur antrieur
) antrieur – actuel – postrieur (
contemporains
Au total, lÕHistoire apparat, dans ce rgime dÕhistoricit, comme une double contextualisation : contemporanit des penses (historicit) et conditionnement matriel du monde de la musique par un tat gnral des socits humaines (historialit).
Il sÕagit ici plutt dÕun nouveau mode de rapport lÕhistoire (que dÕun rgime dÕhistoricit proprement parler) car ce mode concerne avant tout le prsent : ce mode ne connat pas en effet un vritable partage des temps car il est le mode propre des Ļuvres musicales, donc de la pense musicale proprement dite. Ici pas de pass car les Ļuvres nÕont pas vraiment de pense du pass, mais seulement dÕun prsent antrieur, dÕun prsent actuel et dÕun prsent postrieur. Les Ļuvres nÕont donc pas de rapport vritable lÕhistoire (il nÕy a pas dÕhistoire musicale pour les Ļuvres). LÕĻuvre musicale se pose avant tout la question kantienne : Ē Que dois-je faire ? Č ; elle constitue au prsent une gnalogie.
Pour donner un exemple de gnalogie musicale, je prsenterai ci suit lÕarbre gnalogique de mes opus :
En gras : les opus charnires et les principales influences musicales
Les flches deux sens (Ē) indiquent lÕexistence de rtroactions : quand les influences clairent en retour lÕinfluenantÉ
Reste cet enracinement dÕordre historique que constitue lÕarchologie musicale cÕest--dire la manire dont les Ļuvres musicales sÕenracinent objectivement et subjectivement dans un tat matriel du monde de la musique en projetant par exemple de musicaliser tel ou tel type de sonorits (en particulier aujourdÕhui lectroacoustiques).
Je figurerai ainsi ce rgime proprement musical :
[–––<>–––]
pass [Prsent] futur
Au total, on a donc, en matire de musique,
les 3 (+1) rgimes dÕhistoricit suivants :
Rgime
musicologiste-encyclopdiste
––––––––––]< ] ?
passs] savoir actuel] futur connaissable
Rgime
musicologiste-historien
––––––––––>] >[----- >
pass simple] instant prsent [futur simple
Rgime
musicien
-------- < [–––––––––––
[<ÉÉ
pass compos] moment prsent] futur antrieur
) antrieur
– actuel – postrieur (
contemporains
Mode
musical
[–––<>–––]
pass [Prsent] futur
Et lÕon synthtisera leurs proprits selon le tableau suivant :
3
(+1) rgimes
|
Rgimes |
en extriorit |
en
intriorit |
||
|
musicologiste-historien |
musicologiste-encyclopdiste |
musicien |
[ musical] |
|
|
Acteur |
Le musicologiste |
Le musicologiste |
Le musicien (pensif de prfrence) |
LÕĻuvre |
|
Production |
de sens-rcit (cf. Ē intrigue Č) |
de savoirs |
dÕĻuvres |
de musique (cf. Ē beaut Č) |
|
Rapport lÕHistoire |
Ē Tout Č en relve. |
Elle est savoir sur le pass |
Elle relve dÕune contextualisation : historicit/historialit |
Elle transparat comme gnalogie et archologie |
Le partage des temps |
se fait partir du pass |
se fait partir du prsent |
nÕexiste pas |
||
Partage des temps |
Le pass est |
un pass simple |
la cible (savoir du pass) |
un pass compos |
une absence |
Le prsent est |
un instant (lÕinstant actuel) |
la base (savoir au prsent) |
un moment contemporain (antrieur-actuel-postrieur) |
la prsence (Ē une certaine gravitation des causes essentielles Č) |
|
Le futur est |
un futur simple (celui de lÕespoir) |
hors-champ (car hors-savoir) |
un futur antrieur (celui de lÕesprance) |
inexistant |
|
La distribution des possibles |
Elle se fait par la chronologie : — interdit de lÕanachronisme pour le pass, — impossibilit de raconter le prsent, — irralit de tout rcit du futurÉ |
Elle opre selon ce que lÕon peut ou non savoir (connaissables | inconnaissables) |
Elle joue : — au prsent comme forage dÕun impossible (et donc dplacement de la distribution Ē lgue Č) ; — comme conditions (archologiques et historiales) de possibilit ; — par distribution activable | inactivable (car satur) |
[ Elle nÕexiste pas] |
|
|
(Questions de Kant) |
[ QuÕest-ce que lÕhomme ?] |
Que puis-je savoir ? |
Que mÕest-il possible dÕesprer ? |
Que dois-je faire ? |
|
(Char) |
Le testament configure lÕhritage, le pass lgue un prsent. |
Il y a legs de savoirs |
Ē Notre hritage nÕest prcd dÕaucun testament. Č |
Ni hritage, ni testament |
Pour conclure, je ferai les trois remarques suivantes :
— Le volume quÕon examine aujourdÕhui croise un rgime encyclopdiste et un rgime historien. On pourrait dire quÕil croise une historiographie et une forme de mythologie (via la constitution en rcit de savoirsÉ). Ė ce titre, cette Ē encyclopdie historienne Č a peut-tre pour destin propre de devenir un mythe.
— Il nÕy a pas proprement parler de monographie concevable du prsent car une monographie se dploie ncessairement en extriorit (voir Ē le recul Č exig) or le prsent nÕexiste quÕen intriorit.
— la pierre de touche, ici comme dans bien dÕautres questions musicales, est le partage (subjectif) entre intrieur/extrieur.
––