Farben (notes d’un
exposé oral…)
(École mamuphi de musique – Ens, 27 novembre 2010)
François Nicolas
Méthode 1
Une œuvre, pas une simple pièce 1
Historicité musicale 1
Premières écoutes 1
Interprètes 1
Durée ? 2
Écouter d’abord 2
Situation dans l’Œuvre-Schoenberg 2
Points de vue sur Farben 2
Ce qui s’y passe… 2
Accord + motif ⇒
Choral (5 voix) + canon (horizontalité) 3
Ponctuations 5
Écouter Farben ? 5
Perception 5
Audition ⇒ Forme 6
Le moment-faveur 7
Son enjeu 9
Sa constitution 9
Ses interprétations musicales 9
Généalogie 10
Méthode 10
Généalogie ascendante 11
Au même moment 11
Généalogie descendante 11
Archéologie 12
Historicité esthétique 12
La question de la couleur, du qualitatif… 12
La question du quelconque, du générique… 12
Le paradoxe d’« un quelconque » 12
— Importance de l’écriture et de ses enjeux propres : la partition comme proposition, projet…
— Interprétations, et pas seulement exécutions
— Écoute, et pas seulement audition
—
généalogique :
avec quelles œuvres musicales cette œuvre dialogue-t-elle ?
—
archéologique :
comment cette œuvre rétroagit-elle sur l’état du monde de la musique dans
lequel elle s’enracine ?
— esthétique : de quelle époque de pensée cette œuvre musicale se veut-elle contemporaine ?
— Pierre Boulez :
— Daniel Barenboïm (= notre référence)
— par Webern ⇒ 2 pianos (Duo de Prague)
— Laurence Equilbey ⇒ voix
Autour de 3 minutes : Boulez / 2 pianos (forcément plus rapide : cf. faibles résonances du piano)
Autour de 4 minutes : tous les autres
· Barenboïm
· Webern
1909 (1874-1951)
Précédé par « théorie » : cf. fin du Traité
d’harmonie
= opus 16 - dont précédemment un monument : les Gurrelieder… – sur 50 opus répertoriés (en gros 50 opus pour 50 ans - 1 par an [1] - avec coïncidence de dates pour les opus 23, 36, 42 [2] et 50)
C’est la période « atonale » de Schoenberg.
Cf. 4 périodes :
I. « tonale » ; cf. → 1909 : Pelléas (op. 1, 1903) – George-Lieder (Livre des jardins suspendus ; op. 15, 1909)
II. « atonale » ; cf. 1909-1913/1916 : Erwartung (op. 17, 1909) – 2 lieder avec orchestre (op. 22, 1914-1916)
III. « dodécaphonique » ; cf. 1923-1933 : 5 pièces pour piano (op. 23, 1923) – Moïse et Aaron (inachevé, 1933)
IV. dernière (aux États-Unis) ; cf. 1936-1950 : Concerto pour violon (op. 36, 1936) – Psaumes (op. 50 b et c, 1950)
Pièce orchestralement monumentale (vents par 4) mais très brève et traitée en quasi-musique de chambre…
La troisième de 5 : Pressentiments, Passé, Couleurs, Péripétie, Récitatif
Klanfarbenmelodie…
Aspect capital inaperçu !
Très forte construction
Voir points précédents…
Voir analyse filmée :
http://www.dailymotion.com/video/x5uebt_analyse-de-farben-schoenberg_music
http://www.youtube.com/watch?v=tFT6NIYMF1I&feature=related
Diagonaliser le grand orchestre en sorte de produire un orchestre de chambre générique = génériciser la Klangfarbenmelodie, la fondre dans un chuintement quelconque, dans une formation de chambre incognito…
Construction ordonnée !
La production de générique est affaire de construction précise, et même de combinatoire stricto sensu (cf. forcing de Cohen et production d’une aura poétique pour l’OMM)
Durée ?
Autour de 3 minutes
2 pianos (2’51”)
Equilbey (4’08”) : lent, éthéré…
Boulez (2’50”) : l’analytique y est mais le geste comme tel est fondu dans le decrescendo…
Kubelik (3’48”) : expressivité individuelle ⇒ enfoncement dans la grisaille
Barenboïm (3’58”) : plus lent ; le geste y apparaît bien comme tel, comme un geste spécifique…
Knussen (3’52”) : engloutissement
Rosbaud (3’55”) : accentuation de l’engloutissement !
Cf. influences entre morceaux (différentes de morphismes entre faisceaux car ces influences ne composent pas transitivement… [3]).
Composante d’objets par projection : choral (harmonie) + canon (mélodie) + précipitation (rythme) + série instrumentale (combinatoire de timbres) + profil d’extinction (transitoire du Timbre en soufflet).
Ces composantes d’objets deviennent disponibles pour d’autres morceaux.
Du point de sa généalogie descendante, Farben apparaît comme une limite projective.
Du point de sa composition immanente, Farben apparaît comme une colimite inductive.
Le Rythme est globalement projectif (on déduit à partir de lui), le Timbre inductif (on induit la fusion qui le constitue comme synthèse).
Wagner (Prélude de l’Or du Rhin, couleurs orchestrales dans Parsifal…)
Les Russes (Moussorgski…)
Debussy
— Sibelius
— Musique de film (d’ambiance)
— Ligeti ⇒ spectraux !
Cf. étendre la combinatoire aux timbres instrumentaux : dodécaphonisme → sérialisme…
Ceci dit, le repérage de la combinatoire instrumentale, quasi-sérielle, au cœur du moment-faveur, est à ma connaissance, très tardive : cf. étude de 1973 par Charles Burkhart (Perspectives of new music)
Je me tiens porteur d’un autre type de descendance. Voir mon
livre La singularité Schoenberg
Question du timbre et du Timbre
Questions d’écriture : le timbre/Timbre est ce qui ne saurait s’écrire mais seulement se noter.
Période de transformation du transcendantal du monde-Musique : son solfège, l’importance qu’y joue le ton, le thème, le mètre…
Farben intervient sur cette base et rétroagit sur elle : cf. son importance non seulement dans l’histoire musicale des œuvres mais aussi dans l’émergence de la question du timbre : comment le noter, l’écrire, etc.
2 dimensions, et pas qu’une ! Cf. enjeu du rapport aujourd’hui à Schoenberg, contre l’option constructiviste sous sa modalité boulézienne ou sous sa modalité américaine…
Transformation du transcendantal pour ordonner la perception à d’autres dimensions mal (non) paramétrables…
Comment le jeu sur la couleur comme telle (beaucoup plus que sur le quantitatif) pointe vers le quelconque, l’indiscernable, le générique.
Hypothèse : le qualitatif présente, dans l’ordre du sensible, l’idée d’infini ; mieux : l’idée d’une diversité des infinis, le fait que l’infini ne se présente pas comme un, unique, mais qu’il y a une diversité infinie des infinis, une diversité précisément abordée dans le sensible comme diversité qualitative.
Soit, en musique, par exemple, la diversité qualitative infinie des timbres et de leurs « couleurs » (Farben).
D’où cette corrélation intime entre couleur et quelconque : certes une couleur n’est pas quelconque, mais son mode de composition, étant non constructif, matérialise du quelconque, la dimension quelconque de son assemblage.
Cf. on peut identifier les composantes d’un timbre – son spectre, ses formants – mais ce qui fait qu’il apparaît comme timbre (non comme spectre ou accord ou harmonie) est qu’il y a fusion : il apparaît comme un, non comme multiple.
De ce point de vue, un timbre ressemble à une limite (ou co-limite). Il y a un côté d’émergence dans son mode d’apparition, qui fait basculer dans un autre monde possible : celui des limites et colimites…
Produire (composer, construire) « un quelconque » - quelque chose de quelconque qui soit susceptible d’être compté pour un tout en restant quelconque – engage un paradoxe et pointe donc vers la construction d’une singularité.
Rappel : la notion d’unité quelconque est rationnellement pensable. Plus encore, elle est rationnellement productible (tel est très précisément l’enjeu mathématique de la procédure du forcing de Paul Cohen). Elle se trouve au cœur de la philosophie d’Alain Badiou puisque son concept de vérité est très exactement l’idée suivante : une vérité d’une situation (ou d’un monde) est une partie quelconque de cette situation (ou de ce monde). Tout le point et la difficulté est évidemment de savoir ce que veut dire que produire une partie « quelconque » : c’est là affaire d’un processus très singulier – processus « sujet » - qui s’origine de quelque chose d’également très singulier – une supplémentation événementielle…
L’idée de Farben – conduire la nouvelle idée d’une mélodie de timbres jusqu’à la sensation de la mélodie d’un timbre quelconque (d’un orchestre de chambre générique) – est à ce point tout à fait « contemporaine ».
Voir La
singularité Schoenberg (F. Nicolas, éd.
L’Ircam-L’Harmattan, 1998)
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