Alliance musique & politique après 1968 ?
(École des Mines de Nancy, 10 juin 2008)
François Nicolas
Politisation en musique ?
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Politisation du musicien ? Mais le musicien politisé avant tout doit
faire de la politique, donc devenir militant. Et alors, il est militant comme
n’importe qui, non comme musicien… La politique, comme la musique, comme
l’amour, comme les mathématiques est de l’ordre du « faire », pas du
commentaire !
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Politisation d’un type donné de
musique ? Le risque est alors que cette musique, pour se politiser,
abdique d’une partie de sa puissance propre, en particulier de sa puissance
proprement artistique, et qu’elle se « culturalise ». Risque
équivalent du côté de la politique : cf. risque que la dimension politique
soit enfermée dans le « contre », dans la révolte, dans la
protestation alors que la politique se constitue vraiment comme pensée quand
elle devient affirmative, quand elle accède au « pour ».
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Politisation d’une œuvre musicale
particulière ? Dans ce cas, il vaut mieux concevoir le processus comme une
alliance.
Une alliance, c’est un rapport d’égalité entre
puissances autonomes.
De quelles alliances la musique est-elle
capable ?
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Du côté du pôle théorique, alliance avec
les sciences : dans mon cas, alliance privilégiée avec les mathématiques
(cf. prochaine journée
SMF « Mathématiques et musique »).
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Du côté du pôle critique, alliance avec
d’autres arts. Privilège de l’alliance avec la littérature et la poésie, avec
la danse. Pas vraiment d’alliance possible avec l’architecture ou le cinéma,
car le rapport de la musique à ces arts me semble trop inégal. Alliance pour
moi privilégiée aujourd’hui : avec la peinture (voir le travail de Daniel
Seret).
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Du côté du pôle esthétique, alliance avec
politique donc.
·
Reste la question de la philosophie. Le
rapport musique-philosophie ne me semble pas un rapport d’alliance car c’est un
rapport trop dissymétrique (s’il est vrai que la musique est en état de
conditionner la philosophie).
Alliance donc avec la politique : cf. la
politique est une école d’émancipation. Ainsi je ne serai pas devenu
compositeur si je n’étais pas devenu militant !
Émanciper : ne
plus être pris par la main (du latin « emancipare », affranchir un esclave du droit de
vente, venant de « e »
privatif et « manucapare »,
prendre par la main - l'achat des esclaves se faisait en les prenant par la
main).
Quelles œuvres musicales ont déjà entrepris de
faire alliance avec la politique ?
Il faudrait regarder dans les années 20 et 30.
Je propose aujourd’hui de regarder dans les années 60 et 70. Place ici singulière
du Requiem de Bernd Alois Zimmermann, car il compose un désastre subjectif, un échec de la musique à se mesurer
à la politique de son temps, mai
68 exemplairement compris…
D’où mon projet de relever ce défi en
composant Égalité ’68.
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