Les enjeux logiques des mutations en cours dans l’écriture musicale

(Colloque Mutations de l’écriture. Arts & sciences)

Ens, 19 octobre 2007

 

François Nicolas

 

écriture musicale/écriture de la musique

Commençons par préciser une distinction, au principe de cette intervention : deux expressions circulent qui, à mon sens, ne sont nullement équivalentes : « écriture de la musique », « écriture musicale ». Dans la première, la musique est en position d’objet pour l’écriture : il y s’agit d’écrire la musique ; dans la seconde, elle est en position de sujet (grammatical) : c’est la musique qui écrit, qui s’écrit.

Des écritures de musique, il y en a de différents types : pour n’en donner qu’un exemple caricatural, on peut enregistrer numériquement une pièce de musique ce qui revient à l’écrire avec les chiffres 0 et 1 mais ceci ne constitue nullement une écriture musicale – ce qui rappelle aussi que toute écriture de la musique n’est pas ipso facto une écriture musicale (il y a aussi une écriture informatique de la musique…) -.

De même qu’il y a des théories économiques, sociologiques, mathématiques, physiques, etc. et musicales de la musique, de même il y a des écritures de la musique de différents types.

 

Je voudrais déployer ici un plaidoyer pour cette écriture spécifique de la musique qu’est l’écriture musicale de la musique : comment orienter l’écriture musicale de la musique dans une période de mutation ? Quelles questions d’ordre logique soutendent cet aspect des choses ?

La crise dont je vais parler ici porte donc sur l’écriture musicale de la musique, précisément en tant qu’elle se trouve aujourd’hui confrontée à des écritures non musicales de la musique, singulièrement à l’écriture informatique de la musique qui se déploie sous deux formes : l’une par numérisation du son, l’autre par tablature de la genèse des sons (les « patchs » des logiciels).

D’où une tendance à techniciser la question de l’écriture de la musique en soutenant : à quoi bon une écriture musicale de la musique à une époque où nous disposons de très efficaces écritures informatiques, numériques, « sonagrammatiques », etc. du son et par là de la musique ?

Je voudrais précisément rehausser les enjeux proprement musicaux de ne pas céder aujourd’hui sur la question du solfège, non pas bien sûr en déniant l’intérêt et l’importance des nouveaux types d’écriture de la musique mais en examinant comment les intégrer à une écriture proprement musicale, en adoptant somme toute la même orientation de pensée que celle qu’indiquait Boulez quand il écrivait :

« La seule notation future logique sera celle qui englobe la précédente. » [1]

Thèses sur l’écriture musicale

La musique, seul art à s’être doté d’une écriture spécifique

La musique est le seul art (jusqu’à présent !) à s’être doté d’une écriture spécifique.

Un avènement historiquement situable

La constitution d’une telle écriture spécifique est un évènement historique au double sens suivant :

·       il est précisément datable, situable chronologiquement : cela commence vers le IX° siècle après J.-C. (la chose est importante : à proprement parler les Grecs ne disposaient pas à d’une écriture musicale spécifique, seulement de notations) et cela se stabilise à la Renaissance ;

·       son avènement est de première importance : il dote la musique d’une logique autonome, de lois qui lui sont propres, en particulier quant à ce qu’on peut appeler la musicalisation des sons ; il constitue la musique en monde, en monde-Musique.

Ensuite l’écriture et les notations musicales n’ont eu de cesse d’évoluer au fur et à mesure de l’évolution des catégories de la pensée musicale mais en conservant malgré tout le même noyau : celui de la note de musique (remarquons ainsi que le principe de la note de musique reste au cœur de la nouvelle norme informatique du MIDI : on y parle de « note in », de « note out », etc.).

Solfège comme mixte irréductible d’une écriture et de plusieurs notations

Le nom propre de cette écriture spécifique est solfège.

Le cœur de ce solfège est la note de musique.

La note comme composé

La note est déjà par elle-même un composé de signes de natures différentes.

Une note (l’unité minimale susceptible d’être jouée et donc projetée instrumentalement) est déjà par elle-même un ensemble disparate de 6 marques : 4 « lettres » et 2 « notations » musicales :

(hauteur) :           +            =  + [la = 440] soit une fréquence de 494 Hz…

 

Divertissement

Rameau, canon circulaire « Mes chers amis »

Une seule position « si » et 12 clés (12 hauteurs donc)

 

+

 

(durée) : +            =  [une seconde…]

 

+

 

(intensité) :

 

+

 

(timbre) :   

 

=

 

(Note) :    

Le solfège est ainsi, dès la note, un mixte très empirique d’une écriture et de notations de types divers.

On propose d’appeler écriture musicale stricto sensu la part de l’inscription du phénomène sonore sur une surface qui opère « à la lettre ». La lettre est un signe qui, par lui-même, ne signifie rien d’autre qu’un jeu différenciant des places ; sa figuration, son dessin, sa calligraphie est accessoire (peu importe qu’on marque la place par « a », « A », « » ou « »…) ; ce qui importe est sa différenciation d’avec une autre marque et d’avec le blanc de la page.

Dans le solfège traditionnel, la hauteur et la durée d’une note sont écrites (inscrites à la lettre) quand l’intensité est notée (d’un mot abrévié : « ƒ » pour forte, ou d’un dessin : le soufflet <) et le timbre désigné d’un mot (« hautbois », « pizz »…).

Différents types de notations

À plus grande échelle, on distinguera en première approximation trois types de notations :

·       tablatures (images du geste instrumental) :

 

·       figures (dessins plutôt que lettres) :

·       mots (et nombres) :

« Adagio »      la = 440

Attention : l’écriture musicale n’est pas ordonnée à une perception

Il est clair que la lettre de musique, comme toute lettre, ne renvoie à nulle perception pas plus qu’elle ne signifie un phénomène sonore. Elle est un trait différentiel dans un espace abstraitement structuré si bien que ce qui ultimement concentre l’abstraction de l’écriture musicale, ce serait une équation de ce type dont on voit bien combien elle se déploie à l’écart de toute signification perceptive :

En l’écrivant dans un registre plus strictement musical, cette « équation » s’inscrit ainsi :

On saisit bien comment cette écriture musicale de la musique n’a aucun équivalent perceptible, n’est nullement destinée à structurer une perception mais à structurer un espace musical de pensée…

Au total…

Au total, le solfège est un fatras de

·       lettres (écriture),

·       notations :

o      figures et dessins,

o      mots et nombres,

o      tablatures.

Musique/mathématiques

On peut proposer cette équivalence, faisant ressortir les affinités d’écriture entre musique et mathématiques :


 

 

de la musique

mathématique

d’un cercle

musicale

non musicale

Écriture

écriture numérisée du son :

01001101110101101110…

x2 + y2 = c

N

o

t

a

t

i

o

n

s

Figures

et

dessins

sonagramme :

Mots et nombres

« hautbois », « andante »

« 60 à la noire »

partitions verbales…

« un cercle », « de 5 cm de rayon »

Tablatures

fd

« patch » = écriture informatique de la procédure génératrice du son :

Classement plus diversifié des notations

Les notations sont ici classées selon la nature des signes utilisés.

On pourrait également les classer selon l’objectif visé [2] — selon le signifié plutôt que le signifiant - :

·       une disposition instrumentale à adopter (ex. : hautbois, ponticello)

·       un résultat sonore à obtenir (ex. : une intensité telle ƒƒ),

·       une inventivité de l’exécution (ex. : un tempo, une agogique).

On obtiendrait alors le tableau croisé suivant :

 

Geste à effectuer

Résultat sonore

À interpréter

Figures & dessins

Mots et nombres

hautbois

ponticello

(comme notation uniforme à l’orchestre)

Calmement, rubato

noire = 90

Tablatures

[doigtés : 1,2,3…]

c

° *

Thèse : l’écriture est au principe des affinités entre musique et mathématiques

Les mathématiques, de même, sont jusqu’à présent la seule science à s’être dotée d’une écriture spécifique.

Depuis Galilée, les sciences de la nature s’écrivent dans le cadre de l’écriture mathématique.

Cette spécificité de la musique dans les arts et de la mathématique dans les sciences, à mon sens, est au principe des affinités entre mathématiques et musique : il s’agit là de deux modes de pensée qui opèrent chacun à la lettre et selon leurs propres lettres, deux modes de pensée dont la logique est littérale.

Écriture à la lettre (note de musique)/Notations hétérogènes

Comme on le voit, la distinction à l’intérieur du solfège d’une écriture proprement dite (celle des hauteurs et des durées) et de notations diverses me semble centrale.

Une partition est un mixte hétérogène et toutes les tentatives de réduire cette hétérogénéité en homogénéisant ce fatras autour par exemple des chiffres (lettre mathématique !) s’est soldée par un échec.

Erkennung (F. Nicolas – Éd. Jobert)

Rousseau

Ce fut par exemple le projet explicite de Rousseau : la partition de chiffres à laquelle il arrivait était certes compactée, ayant drastiquement réduit les redondances propres au solfège traditionnel mais rendue ainsi indéchiffrable au fil d’un jeu instrumental c’est-à-dire selon la logique proprement musicale du « jeu » faisant passer une structure écrite dans la matière spécifique d’un corps-accord entre le corps physiologique d’un musicien et le corps mécanique d’un instrument.

Voir aussi les « tablatures » pour orgue qui ne sont pas des tablatures au sens précédent (inscription d’un geste instrumental) mais des partitions notées avec des lettres ordinaires et d’autres signes graphiques plutôt qu’avec les notes traditionnelles.

Qu’il y ait fatras, et fatras musicalement irréductible ne doit pas effacer la différence entre écriture (lettres musicales spécifiques) et notations (figures, dessins, mots et nombres), faute de quoi la tension conceptuelle au cœur du solfège – qu’est-ce qui relève d’une structuration spécifiquement musicale de l’apparaître sonore ?, qu’est-ce qui de cet apparaître relève de traits plus malléables — se trouve effacée et toutes nos questions deviennent rabattues en simples questions pragmatiques et purement techniques.

L’écriture musicale est un dispositif logique

Thèse intellectuellement capitale : l’écriture musicale est un dispositif logique (si logique désigne ici un régime de consistance de l’apparaître, ce qui fait consister le phénoménal [3]) et non pas simplement un dispositif technique (alors relativement neutre) d’inscription.

La logique musicale concerne alors proprement les lois de musicalisation des phénomènes sonores. Et la thèse ici soutenue consiste à poser que le solfège est un opérateur central de cette logique musicale.

Ainsi, l’écriture – et plus globalement le solfège dont elle constitue le noyau catégorique – matérialise une logique du musical, la logique de ce qui fait qu’un son est spécifiquement musical.

Essentiellement un son devient musical de deux manières, distinguables quoiqu’assez étroitement corrélées :

·       s’il est la trace d’un jeu instrumental (un son mécanique, à proprement parler n’est pas musical : tout instrument sonore n’est pas ipso facto un instrument de musique [4]) ;

·       s’il est musicalement écrit c’est-à-dire a minima mesuré rythmiquement, donc musicalement rythmé : il suffit par exemple de répéter un son trouvé sur le rythme du motif de V° de Beethoven pour projeter ce son dans le monde musical.

Que l’écriture musicale relève de la logique de la musique — de la logique du monde-Musique – induit que son histoire va être indissociable de l’histoire de la structuration du monde-Musique, de l’histoire des catégories logiques qui le structure. Autant dire que les crises et mutations de l’écriture musicale sont des crises et des mutations logiques et nullement de simples évolutions techniques.

Exemple : Schaeffer

Pour en donner un exemple fameux, lorsque Pierre Schaeffer entreprend dans les années 60 de bouleverser l’art musical traditionnel sur la base d’un renversement perceptif, postulat de l’acousmatique – laissons ici de côté la question de l’évaluation exacte de ce postulat -, il prend bien pour cible le solfège musical traditionnel et se donne comme objectif la constitution d’un nouveau solfège, le solfège acousmatique des objets sonores : pour lui, le solfège est bien au cœur de la question des orientations musicales, et nullement une question latérale et subordonnée.

Exemples historiques : logique technique, non l’inverse !

On pourrait de même montrer comment l’évolution du solfège et plus centralement de la note de musique est liée à l’évolution des grandes catégories structurant musicalement les sons, de la logique musicale e structuration spécifique du sonore.

Donnons-en ici quatre exemples historiques.

1. Ligne surface

Le passage d’une écriture linéaire (typiquement celle de l’écriture du canon [5]) à une écriture de surface (par superposition synchrone de plusieurs voix sur la même portée) est lié à une nouvelle catégorisation proprement harmonique (verticale donc) de la polyphonie qui opère au début du XVII°, à l’émergence donc de la catégorie d’harmonie devenant fonctionnelle.

Canon à deux voix :

soit la ligne plane suivante :

Réalisation du canon :

soit la surface plane (le ruban) suivante :

Voir les canons plus sophistiqués de Jean-Sébastien Bach, par exemple dans L’Offrande musicale :

2. Surface volume projeté

Le passage d’une écriture plane à une écriture implicitement en volume (par superposition de portées-surfaces) est lié à la constitution d’une pensée musicale proprement orchestrale puis symphonique (école de Mannheim…) et plus simplement instrumentale.

3. Ordre vertical des portées instrumentales de l’orchestre

tessitures familles instrumentales

L’ordre vertical selon lequel on superpose les portées de l’orchestre est variable et découle de logiques différentes : l’ordre de superposition des instruments est d’abord celui des tessitures puis, au cours du XVIII°, devient celui qu’on connaît aujourd’hui des familles instrumentales. Le passage historique d’un ordre à l’autre traduit la constitution progressive d’une logique proprement symphonique où la dimension timbre va s’émanciper de la seule dimension hauteur (harmonie et tessiture) : par exemple la flûte alto sera considérée comme plus proche de la flûte en do que de l’alto…

Exemple de classement vertical par tessiture : Rameau, ouverture d’Acante et Céphise (1751)

Trois niveaux

Par tessitures

(logique des hauteurs)

Par familles instrumentales

(logique des timbres)

Classement instrumental

Dessus

1. Flûtes

1. Flûtes

Bois

Vents

2. Violons 1

4. Clarinettes

3. Violons 2

7. Bassons

4. Clarinettes

5. Cors

Cuivres

Intermédiaires

5. Cors

2. Violons 1

Cordes

6. [Parties]

3. Violons 2

7. Bassons

6. [Parties]

Basses

8. Basses

8. Basses

 

4. Typographie gravure

Même le passage de la typographie à la gravure pour imprimer la musique relève d’une nécessité logique d’ordre musicale : les nécessités de préciser graphiquement l’expression musicale ont rendu nécessaire de diversifier les notations graphiques et par là de ne pas s’enfermer dans le cadre typographiquement rigide de « lettres » — caractères mobiles emboîtés comme dans un puzzle -. [6]

Voir par exemple la difficulté toute simple d’inscrire typographiquement les ligatures regroupant deux croches ou quatre doubles et, en quelque sorte, les métrant musicalement (tout en suggérant, surtout à l’ère baroque où ligatures et liaisons n’étaient pas distinguées, un phrasé) :

typographie :

gravure :

Là encore, c’est la catégorie de phrasé expressif qui va rendre musicalement nécessaire ces transformations techniques.

 

Ainsi les transformations de la conception même de la note sont étroitement articulées à des transformations conceptuelles.

Ce qui ne s’écrit pas, ce qui ne s’inscrit pas

Il y a au cœur de cette logique la grande question de ce qui ne s’écrit pas et, plus généralement, de ce qui ne s’inscrit pas.

Soit par exemple ce qu’on appelle parfois les antinotations [7], c’est-à-dire ce que l’on ne note pas car cela relève (à un moment donné) de l’évidence, du non-dit implicite et consensuel.

Soit un ensemble de questions relevant de l’exécution et de l’interprétation au sens musical des termes : comment interpréter un rubato, comment jouer des notes inégales, faut-il dans tel style baroque surpointer, etc. ?

Le partage entre

·       ce qui s’écrit à la lettre,

·       ce qui ne s’écrit pas à la lettre mais se note,

·       ce qui ne s’inscrit pas du tout

est encore une fois un partage logique : il en va de la conception même de ce qui structure la musique, de ce qui structure musicalement un phénomène sonore, et pas simplement de commodités technico-pragmatiques…

La logique musicale, comme toute logique, est ainsi un régime de décision sur ce qui ne doit pas compter ; elle objective le principe du compte, la manière dont opère un « ça compte un peu, beaucoup, guère… ».

Deux thèses

Sans trop m’étendre ici sur ce point, je poserais volontiers ceci :

·       il y a ce qui de la musique ne s’écrit pas musicalement, ne saurait s’écrire musicalement et ne peut que se noter : soit le Timbre (comme opérateur de synthèse globale) ;

·       par contre, il n’y a rien de la musique qui ne soit notable, ne serait-ce que par les mots ordinaires.

Il y a donc musicalement un impossible à écrire, mais pas d’impossible à noter. ? Autant dire que l’écriture musicale seule a un réel, constitue ce faisant une matière dotée d’un réel propre là où le régime des notations renvoie plutôt à l’imaginaire débridé.

Parti pris logiques de l’écriture musicale : objectivation de la chose sonore en objet musical

Il faut bien comprendre que l’écriture musicale organise une structuration de la chose sonore en soi, du phénomène sonore en soi, et non pas « pour un supposé sujet préexistant ». Elle objective la chose sonore en la constituant en objet musical.

Il n’y a donc pas au principe de l’écriture musicale l’hypothèse d’un sujet constituant qui préexisterait et qui ferait qu’il y aurait musique « pour lui » [8], selon la manière dont il l’écoute dans l’intimité de sa tête…

A contrario, il y a, au principe de l’écriture musicale, l’idée qu’un son se musicalise non pas en fonction des intentions individuelles de tel ou tel mais selon un protocole matérialiste qui saisit ce son selon les opérations de l’écriture : par exemple qui va le rythmer en le configurant selon une cellule rythmique telle que « 3 croches/une blanche »…

Il y a donc au principe de l’écriture musicale l’idée que la musique peut s’objectiver selon ses lois propres, selon sa logique propre et qu’elle n’est pas renvoyée à l’infinie dispersion des intentions, intuitions et perceptions des uns et des autres.

Bibliographie

Pour une histoire de tout cela, voir les deux volumes (éd. Minerve) :

Histoire de la notation,

·       du Moyen Âge à la Renaissance (M.-N. Colette, M. Popin, P. Vendrix)

·       de l’époque baroque à nos jours (S. Bouissou, C. Goubault, J.-Y. Bosseur)

Remarque : écriture n’est pas langage…

On présente parfois l’écriture musicale, plus généralement le solfège, comme une sorte de langage interne à la musique : le solfège serait la manière proprement musicale de « dire » les sons, l’exécution de la partition – qui, comme l’on sait depuis longtemps, peut être aussi purement mécanique et n’engager par là aucun corps physiologique de musicien – constituant alors le contenu propre du supposé « message » transmis par la partition du compositeur à l’exécutant.

Cette conception du solfège est à mon sens fausse : il est déjà clair que le compositeur écrivant sa partition ne transcrit rien du tout [9] mais construit, note à note, une œuvre qui ne préexiste nullement toute armée dans son cerveau. Il est non moins clair que la partition n’est nullement un réseau serré de simples tâches à exécuter : elle compose plutôt la structure – squelette, ossature… — de ce qui pour devenir musique doit être mis en sons selon le jeu spécifiquement musical d’un corps-accord projetant dans l’espace des traces sonores, et ce jeu n’est nullement une exécution [10].

L’écriture musicale ne dispose donc nullement la problématique du langage au cœur de la pensée musicale : à mon sens, la pensée musicale reste de part en part non-langagière, tant dans sa structure écrite que dans sa dimension sonore c’est-à-dire dans son apparaître sensible.

Écriture : distance logique matière musicale/matériau sonore

L’écriture permet d’installer la pensée musicale à distance du matériau sonore de la musique et d’instaurer un espace matérialiste spécifiquement musical, une matérialité musicale propre : la matière musicale de la lettre face au matériau sonore.

Composer avec ou sans écriture n’est pas sans conséquences musicales audibles, composer à partir d’une écriture ou avec une transcription a posteriori (songeons à ces improvisations ensuite transcrites), tout ceci au bout du compte s’entend fort bien.

L’écriture n’est pas un médium, moins encore un médium neutre et la partition musicale n’est pas une carte de géographie qu’on dresserait une fois la pièce réalisée. Les dispositifs d’inscription a posteriori (il y en a, et François Bayle va nous parler de ceux qu’il pratique) ne sont pas à proprement parler des dispositifs d’écriture musicale.

Bref, il en va en matière d’écriture musicale de logique car il en va d’une structuration proprement musicale du matériau sonore.

Sa « crise » au seuil du troisième millénaire

Il y a au principe de ce colloque l’hypothèse d’une crise de l’écriture musicale ainsi conçue.

Faire l’histoire de cette crise nous emmènerait ici trop loin. Contentons-nous d’en tracer quelques traits.

Échelle de temps historique

Prenons d’abord mesure que cette crise intervient au terme d’un millénaire d’écriture musicale : cela fixe a minima l’échelle de temps à laquelle nous sommes confrontés ; cela indique à tout le moins l’échelle à laquelle nous devons, nous musiciens du début du III° millénaire, travailler ; il ne s’agit pas de questions qui se régleront cette année, ni même cette décennie. Il s’agit de questions musicalement stratégiques et de très grande ampleur, questions encore une fois d’ordre logique [11] où se joue l’avenir de la musique…

On dira d’abord que cette crise est apparue au cours du XX° siècle, avec de significatifs bonds en avant après 1913, après guerre, à partir des années 60, puis avec l’informatisation des outils musicaux…

Traits frappants

Donnons trois traits patents de cette crise :

1. Complexification

Le plus frappant est la complexification quantitative de signes écrits et notés sur la partition (voir dans l’exemple ci-dessous la complexification rythmique - subdivisions invraisemblables [12], etc. – mais d’autres partitions présenteraient des exemples équivalents de complexification des hauteurs : 1/4 pis 1/8) de tons, etc.). Cette complexification n’est pas un simple maniérisme : elle procède d’une logique implacable qui déplace le curseur entre ce qui du son est musicalement accessoire ou structurel.

Brian Ferneyhough : 5° quatuor

Le point est que ce qui apparaissait précédemment comme détails, nuances, variantes, ornements, etc. devient de plus en plus conçu comme partie intégrante de la structure musicale elle-même et devant donc être comme le reste écrit et/ou noté. D’où un luxe proliférant de détails inscrits noir sur blanc car considérés comme fixant là où la musique se joue ; on sait qu’en musique contemporaine, une hauteur localement fausse – un bémol oublié par exemple – peut n’être pas grave (là où elle l’est le plus souvent par exemple chez Bach) mais que par contre une erreur de dynamique ou d’accentuation peut entièrement dénaturer le passage musical. Question encore une fois de logique musicale…

On comprend bien que cette accumulation a déjà rencontré sa limite : celle du déchiffrage musicien qui implique somme toute que l’on puisse lire la chose à la vitesse où cela doit être joué, en faisant donc passer la variété des signes dans les gestes physiques du corps physiologique : cette nécessité n’est pas purement empirique ; elle relève de la logique proprement musicale qui est que le son musical est – doit être — la trace projetée dans l’espace par un corps-accord.

Je sais bien que ce faisant, je distingue radicalement l’art musical du nouvel « art des sons fixés » que Michel Chion a eu le courage de fixer comme horizon à l’acousmatique et à l’électroacoustique pur. Je me doute que cette radicalité n’est pas forcément partagée par tous. Elle a au moins ici pour vertu de clarifier les enjeux de l’écriture musicale et des questions dont nous allons débattre ensemble.

2. Hétérogénéisation

Cf. pas seulement multiplication de signes d’une écriture homogène (quintuples croches, mesures composées, valeurs ajoutées…) mais surcharge de modes de jeux, donc de signes nouveaux, souvent très spécialisés, non uniformisés, etc.

Travail sur les modes de jeux (Hector Parra)

J’ai dû moi-même inventer de nouvelles lettres pour désigner dans Duelle le jeu de la Timée :

3. Schrizophrénisation tendancielle

Un autre trait frappant de cette crise est ce que j’appellerai sa schrizophrénisation : son partage en deux volets relevant tendanciellement de deux logiques hétérogènes. C’est typiquement le cas à mon sens dans les partitions d’œuvres mixtes c’est-à-dire mêlant instruments de musique joués live et instruments mécaniques (électroacoustiques – magnétophones… — et/ou informatiques).

En gros, la partition se trouve techniquement scindée en une partie classiquement notée pour les instrumentistes et une partie indiquant une sorte de tablature pour l’ordinateur lequel n’est pas à proprement parler un instrument de musique (car jusqu’à présent il ne relève pas d’un corps-accord) : on inscrit dans la partition le numéro du patch informatique à lancer, ou le bouton du synthétiseur sur lequel appuyer…

Dans la distance (F. Nicolas – Éd. Jobert)

La partition porte ainsi le stigmate d’un partage mal subsumé entre deux logiques hétérogènes : celle du jeu musical traditionnel et celle du matériau sonore diffusé par haut-parleurs… Ce traitement empirico-pragmatique est aujourd’hui inévitable – j’y ai moi-même eu recours dans mes œuvres mixtes – mais il est intellectuellement insatisfaisant : le mixte de la partition devient scission en deux logiques hétéronomes, ce qui est souvent thématisé comme dialectique entre deux mondes : le monde instrumental et le monde électroacoustique (une œuvre mixte serait ainsi composée comme dialogue entre ces deux mondes).

On voit bien que se joue là une partie logique essentielle : doit-on accepter que le monde de la musique ne sache musicaliser les nouveaux sons informatiques et doive dialoguer avec eux comme on le fait avec une puissance étrangère ou doit-on au contraire – c’est bien sûr ma thèse de musicien – s’attacher à l’unité du monde-Musique et entreprendre de musicaliser ces sons informatiques (pour ma part, c’est précisément la raison pour laquelle, après Dans la distance, il m’a paru nécessaire pour Duelle d’entreprendre de musicaliser les haut-parleurs et pour cela de travailler avec la Timée).

Tout ceci pourrait être intellectuellement consolidé par l’idée qu’il n’existe pas vraiment de dialectique concevable entre mondes différents (sauf à postuler un méta-monde, un Univers ou un Cosmos dont on sait bien aujourd’hui qu’il ne fait pas Tout, qu’il est un chaos, un chaosmos [13]).

Crise idéologique

Il y a aussi, en soubassement de cette crise, une crise qu’on peut dire proprement idéologique qui s’en prend directement à la nécessité d’une écriture musicale, sous la forme bien connue d’un relativisme et d’un subjectivisme individualiste, du type : « la musique, c’est ce qui du son est pour moi musique », « de la musique, je peux en décider individuellement » -.

Crise idéologique liée à la culturalisation de la musique, à sa communautarisation, à sa tribalisation : « à chacun sa musique, à chaque individu, à chaque communauté, à chaque tribu, à chaque couche sociale… » Bref l’idéologie des musiques (le fameux « s » de France-Musiques) qui barrerait toute possibilité de continuer à penser et pratiquer quelque chose comme « la musique ».

Crise de confiance dans la capacité qu’un monde-Musique puisse continuer d’exister de manière autonome, et alignement de la musique sur le régime marchand des échanges planétaires entre régions socio-économiques…

Nos tâches de musiciens (pensifs)

Enjeux : écrire les nouveaux matériaux sonores

Le point musicalement moteur est la nécessité proprement compositionnelle d’écrire musicalement les nouveaux matériaux sonores qu’apporte notre temps : si la musique forme bien un monde, ce monde a des frontières variables ; il y a une nouvelle frontière qui progresse au fur et à mesure que la musique est en état de coloniser (c’est-à-dire de musicaliser) de nouveaux territoires sonores ; il y a aussi des territoires qui sombrent dans la jachère et sont progressivement abandonnés par la musique (territoires sonores liés par exemple à d’anciens instruments, tel l’harmonium).

Concevoir nos tâches avec ampleur de vue et ambition

On ne saurait traiter ces questions logiques par de simples aménagements locaux, quoique de tels aménagements locaux soient aussi indispensables. J’y ai moi-même eu par exemple recours pour une œuvre mixte Duelle engageant la Timée en inventant un système de nouvelles lettres (Ω, K, ∆…) aptes à fixer les structures de rayonnement utilisées par la Timée…

Enjeux en terme de logique musicale

Je n’ai pas ici le temps de vraiment déployer la portée proprement logique de ces mutations musicales.

Indiquons simplement en deux mots qu’il en va ici à mon sens de la capacité de faire évoluer notre vieux monde de la musique en sorte de lui donner la capacité de rendre proprement musical les nouveaux territoires sonores que notre époque invente et découvre.

Musicaliser les sons de notre temps, ce temps d’une agitation frénétique sur-place et de replis identitaires indéfiniment morcelés, passe par le labeur patient d’une nouvelle écriture musicale.

On peut discuter du point : faut-il ou non garder, au cœur de cette écriture la vieille note de musique ou faut-il envisager d’en changer ? Ce n’est pas du tout la même question que : peut-on se passer de toute écriture musicale stricto sensu et se satisfaire des nouveaux modes d’inscription numérique, ou, pire encore, se limiter au pragmatisme des notations indéfiniment diversifiées ?

Mon hypothèse est que les musiciens doivent absolument tenir leur point : le point d’une écriture proprement musicale, refuser de la dissoudre dans une écriture numérique généralisée qui n’est plus qu’une codification indifférenciée, en vérité contemporaine du règne mondialisé de la marchandise où le numérique opère comme emblème du code-barres identifiant l’objet livré à la circulation marchande…

Autant dire que nos débats, forcément techniques sur l’écriture, ne sont pas à mon sens sans portée idéologique et politique.

C’est aussi en ce sens qu’il y va, dans toutes ces questions d’écriture musicale, proprement de logique, donc de consistance donnée à une figure spécifiquement musicale de certains phénomènes sonores.

La musique, qui pense par soi-même, ne pense pas seule…

Autonomie ≠ autarcie

Grande ampleur veut aussi dire qu’en cette affaire comme en bien d’autres, la musique ne doit pas penser seule. Ceci ne rature nullement la thèse d’une autonomie fondamentale de la pensée musicale, car être autonome (être la norme de sa pensée, ce qui peut tout aussi bien se dire penser par soi-même) ne veut nullement dire penser de manière autarcique.

Penser les mutations en jeu de l’écriture musical doit se penser avec d’autres, avant tout avec la mathématique (cette science qui a également inventé sa propre écriture, selon bien sûr une logique et une historicité non synchrones [14]) mais aussi avec les autres arts s’efforçant de se doter d’une écriture spécifique, ce qui passe sans doute, comme dans le cas de la musique (le neume a précédé la note), par un effort premier visant à noter le matériau spécifique convoqué par l’art en question — d’où la question de la chorégraphie -, mais aussi avec les autres sciences que mathématique – y a-t-il par exemple en biologie une tentative de se doter d’une écriture qui lui soit spécifique ? -.

Une série de questions adressées aux autres disciplines de pensée

D’où une série de questions, bien naïves j’en conviens, questions de néophyte, adressées aux autres modes de pensée.

À la mathématique

À la mathématique bien sûr : que s’y passe-t-il en matière d’écriture qui corresponde aux mutations en cours de la pensée mathématique ? Il est patent qu’il y a à la fois une nouvelle spatialisation (géométrisation ?) de l’écriture algébrique traditionnelle (engagée depuis bien longtemps par l’écriture des indices et des exposants…) et une nouvelle inscription à la lettre (algébrique) d’une géométrie traditionnellement redevable de la figure. Comment penser ce chiasme ? Que peut-il nous apprendre musicalement du chiasme spécifique entre notes (lettre musicale dont la disposition spatiale est de plus en plus variée) et simples notations (de plus en plus codifiées à la lettre) ?

À la chorégraphie

Comment travaille, au sein de la prolifération des notations, un éventuel besoin de lettres spécifiquement chorégraphiques ?

À la physique

Qu’en est-il d’une écriture essentiellement mathématique ? Comment s’inscrit spécifiquement la spécificité du matériau physique et de son protocole expérimental ? Somme toute, les physiciens se satisfont-ils d’un partage (schizophrénique ?) entre lettres mathématiques et notations physico-expérimentales (diagrammes, figures…) ou peut-on repérer des torsions des unes sur les autres susceptibles d’indiquer aux musiciens (pensifs !) quelque chemin ?

À la logique mathématisée

Qu’en est-il de ce côté du partage entre lettres mathématiques et figures spécifiquement logiques ? Est-ce en logique mathématisée une tension significative, éventuellement problématique ?

À la biologie

Peut-on identifier quelque chose comme une nouvelle écriture biologique qui dépasse l’usage somme toute traditionnel de l’alphabet ordinaire pour codifier l’ADN ? Comment se joue en biologie le rapport à l’écriture mathématique ? Quelles tendances se font jour qui tendent à la déborder, à l’envelopper de notations spécifiques ? Y a-t-il débord ? L’écriture mathématique se trouve-t-elle au contraire comme noyée sous un fatras de notations hétérogènes ? Y a-t-il homogénéisation de tout cela – et si oui selon quelle logique principale – ou plutôt acceptation d’une mixité qui n’est pas à réduire trop vite et trop « dogmatiquement » ?

etc.

Autant de questions que le musicien que je suis adresse à ceux qui ont eu l’amabilité de bien vouloir venir intervenir durant ces deux journées.

 

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Commençons nos échanges par une amicale confrontation entre musiciens :

·       avec François Bayle d’abord dont l’abord acousmatique de toutes ces questions le conduit à ce qu’il appelle un « simulacre de notation dans l’après-coup » du travail compositionnel, soit non pas une écriture musicale de la musique mais une notation acousmatique du son ;

·       avec Hugues Vinet ensuite qui travaille au cœur de l’Ircam à dégager ce qu’il appelle « les nouvelles écritures informatiques du temps », soit cette fois une écriture informatique du pré-compositionnel…

 

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Postlude : cinq motifs

Il ressort je crois de nos échanges cinq motifs qui configurent une contemporanéité possible des mutations en cours dans nos différentes écritures (artistiques et scientifiques) :

1. L’écriture, partie prenante d’un triangle dynamique

Il y a d’abord cette pulsation à trois termes dont a parlé René Guitart et qui résonne/raisonne directement en musique comme en bien d’autres domaines :

2. Dimension heuristique de l’écriture

Il y a ensuite que l’écriture n’est pas un dispositif visant simplement à fixer un état des choses, ouvrant par là la possibilité de reprise de ces états, mais tout autant à créer de nouvelles situations, à tester de nouvelles possibilités. Soit la fonction heuristique de l’écriture.

3. L’écriture comme espace de rêverie

À ce titre, l’écriture ouvre un espace certes de formalisation mais également et comme dualement un espace de rêverie, d’imagination débridé – Pierre Laszlo nous a bien montré comment l’imagination du chimiste se déchaîne devant une formule chimique qui, pour le profane, est aussi éloignée de tout espace sensible que l’écriture musicale peut l’être pour un non-musicien… -.

4. Coordonner une écriture stratifiée selon différentes échelles

Écrire, c’est aussi toujours peu ou prou inscrire une échelle phénoménale. D’où la nécessité de stratifier l’écriture selon différentes échelles emboîtées (musicalement : écrire le détail microscopique du son/écrire les enchaînements mésoscopiques/écrire-inscrire les parcours macroscopiques de l’œuvre). D’où des problèmes compliqués d’unité/diversité des écritures ainsi mobilisisées…

5. Un matérialisme de l’écriture

Il y a enfin que l’écriture ouvre l’espace d’une matière spécifique : la matière de la lettre, qui, comme Raoul Moati nous l’a rappelé, n’est pas d’essence phonologique (ou, comme je l’ai suggéré, d’ordre perceptivement sonore), tient à son réel, au point où quelque chose ne saurait s’écrire, réel diversifié bien sûr selon nos différentes disciplines.

 

Ces cinq thèmes traversent nos disciplines et constituent par là un premier espace de raisonance transdisciplinaire pour les mutations en cours dans les différentes écritures.

 

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[1] Temps, notation et code (Points de repère, p. 80)

[2] Voir mon article Huit thèses sur l’écriture musicale (Analyse musicale, n°24, juin 1991)

[3] Voir bien sûr le sens philosophique du mot « logique », tel que récemment déployé par Alain Badiou dans Logiques des mondes.

[4] Contrairement à ce que semblait penser Husserl… Ainsi une voiture ou un train qui démarrent ne sont pas des instruments de musique même s’ils sont bien des instruments sonores.

[5] « Le canon, forme par excellence de la polyphonie, est très rarement noté en partition. » Sylvie Bouissou (Histoire de la notation…, p. 19)

[6] Plus largement, la gravure permet un traitement global de la partition comme fatras hétérogène là où la typographie rigidifiait la chose en privilégiant la lettre séparée.

[7] Voir Sylvie Bouissou p. 35…

[8] Voir l’axiome d’un matérialisme très vulgaire : le regard ferait le tableau, et l’oreille la musique (le matérialisme de cet axiome est gagé sur l’assurance de la figure individuelle comme indépassable pour la pensée…), axiome qui suppose que l’individu constituerait la musique à partir de lui (en ce sens cet axiome s’avère adossé à une conception idéaliste du « sujet »…).

[9] C’est de la fiction hollywoodienne pour gogos que de faire croire que le compositeur prendrait en dictée les sons lui venant des cieux, pas plus somme toute qu’un écrivain ne rédige un roman sous la dictée de quelque  Muse…

[10] Pas plus que le rapport entre le squelette d’Ava Gardner et son corps ne serait intelligible comme l’instanciation d’une structure !

[11] si l’on continue de bien entendre par « logique », comme Badiou nous le suggère dans son dernier Logiques des mondes, ce qui fixe la consistance propre de l’apparaître, soit ce qui constitue en phénomènes musicaux stables l’être sonore volatile.

[12] un 8:6 dans un 7:4 dans un 13:12 pour une mesure à 3/8, suivi d’un 7:4 (avec localement un 8:6) pour une mesure à 4/8, etc. (au deuxième violon)…

[13] En vérité, la postulation d’une dialectique musicale entre mondes différents repose sans forcément le savoir sur le postulat d’une transcendance venant englober – de manière inaccessible ! – les deux mondes ainsi rapportés l’un à l’autre… Où l’on retrouve inconsciemment la figure du compositeur comme grand prêtre d’une religion de la musique…

[14] La synchronisation proposée par Xenakis (l’Hofstadter de la musicologie) est une pure et simple ânerie.