Logique interprétative générale
Notre interprétation de la théorie des distributions va reposer sur l’analogie générale suivante : une fonction mathématique ƒ formalise une action, une
décision ou une prise de position subjective ; sa dérivée ƒ’ formalise la subjectivation constituante de cette nouvelle disposition ; son intégrale F
formalise le procès subjectif qui en découle. Ainsi dérivée et intégrale d’une fonction formalisent les tenants et les aboutissants d’une prise de position
subjective, la source et les fins d’un acte, les mobiles en aval et les motifs en amont d’une décision (Sartre), l’intension et l’inspect (Hopkins) d’un
parti pris, l’enjeu intellectuel d’une telle interprétation étant alors de mieux comprendre ce que constitution subjective veut précisément dire.
Interprétation spécifique
Une décision « événementielle » prise au bord du vide
Dans notre logique interprétative, la formule ℋ’=∂ va venir formaliser les problèmes suivants :
Comment une mutation subjective durable (c’est là sa figure ℋeaviside) peut procéder d’une décision impulsive (c’est là son caractère ∂irac :
notons-la désormais ∂écision) ?
Inversement comment rendre raison d’une ∂écision impulsive qui ne se présente pas comme conclusion d’une délibération préalable, autant dire
d’une ∂écision « événementielle » surgissant soudainement, d’un acte émergeant subitement, d’une prise de position cristallisant (Stendhal) de
manière impromptue un magma indéfini de déterminations inconscientes, mais ∂écision qui pour autant n’est pas un simple caprice sans
lendemains puisqu’elle engage sans retour un nouveau procès subjectif selon un brusque saut, une discontinuité- ℋeaviside séparant
irrémédiablement l’après de l’avant ?
La perspective sartrienne
Face à une telle situation subjective créée par une ∂écision « événementielle », la voie exposée par Sartre dans L’être et le néant est d’investiguer un
tel type de position par ses aboutissants, par ses conséquences, par ses buts motivants (faute de pouvoir le faire par ses tenants, ses origines et ses
sources mobilisatrices). C’est ainsi qu’il écrit : « quand je délibère, les jeux sont faits » - autrement dit quand je délibère, c’est que la ∂écision a déjà
été prise, et que la délibération va alors porter sur son aval (pour en explorer la portée effective) et non pas sur son amont (pour mettre au jour le calcul
de ses constituants) en sorte que la ∂écision (toujours déjà prise) est reprise comme point de départ, comme source originelle, comme position
axiomatique constituante.
Trois voies
L’intérêt spécifique de la théorie des distributions va être de nous mettre sur la piste d’une autre voie, complémentaire (plutôt qu’alternative) de celle
de Sartre : il s’avère en effet possible d’explorer la constitution singulière d’une ∂écision déjà prise en examinant aussi la manière dont cette prise de
position se distribue sur les raisons bien établies de décider. On va alors pouvoir comprendre l’événement d’une ∂écision-∂irac :
non pas en tentant d’analyser et de mettre à plat ses « raisons » subconscientes (en sorte de calculer la ∂écision comme résultat nécessaire de
prémisses inconscients) - c’est-à-dire en remontant de ƒ à ƒ’ en sorte de rétroactivement calculer ƒ comme intégrale de sa dérivée : f=∫f’ ;
pas seulement en explorant ses conséquences à venir (donc ce que produit la mise au travail de cette ∂écision) - c’est-à-dire en descendant de ƒ à
son intégrale F en sorte de prospectivement calculer ƒ comme dérivée de son intégrale : ƒ=F’ ;
mais au niveau même de ƒ (donc au présent de la prise de position concernée) en mesurant comment les écarts, clinamens, déviations ou
déclinaisons de cette ∂écision par rapport aux décisions « réalistes » et « pragmatiques », aux prises de position « régulières » et « lisses », aux
actes « normaux » et « raisonnables », viennent synthétiquement « scanner », « radiographier » les manières d’agir strictement conformes aux
déterminations bien établies de la situation concernée : ƒ→𝒟ƒ[φ(x)].
Quatre perspectives
Nous examinerons alors en détail quatre perspectives engagées par notre interprétation de cette théorie : qu’est-ce exactement qu’une telle nouvelle
perspective vient distribuer, dualiser, contravarier et généraliser en matière subjective ?