En quoi une politique publique est-elle une évaluation ?

(lecture du rapport du Sénat « Drogue : l’autre cancer »)

 

(Groupe d’études des politiques publiques en matière de drogues)

École des Mines de Paris, 15 juin 2004

François Nicolas

 


Il s’agit ici de lire ce rapport sous l’angle de son évaluation de la situation actuelle en matière de toxicomanie.

À proprement parler, ce rapport n’est pas d’évaluation des politiques publiques : il vise plutôt à prendre mesure d’une nouvelle situation française en matière de drogues en vue de redéfinir ce qu’une politique publique pourrait/devrait être dans ce pays.

Ce rapport inclut certes des éléments propres d’évaluation (« Le périmètre de l’enquête […] portait sur l’évaluation des politiques publiques de lutte contre la toxicomanie » [1]) mais cette évaluation s’appuie en bonne part sur un travail restant secret : l’évaluation du plan triennal 1999-2002 réalisée par l’OFDT et toujours non publiée [2]. Le rapport du Sénat nous indique d’ailleurs [3] qu’un nouveau plan quinquennal, lui aussi non public, serait d’ores et déjà prêt.

En fait ce rapport évalue surtout le dispositif législatif et administratif français (en particulier la loi de 1970) en vue de sa modification.

Je vais donc me fixer pour aujourd’hui un objectif limité : réfléchir à la lumière de ce rapport ce que veut dire qu’évaluer politiquement une situation.

 

Je rappelle :

— Évaluer une politique, ce n’est pas tant quantifier (mesurer) des résultats que dégager les valeurs à l’œuvre dans cette politique, valeurs qui ne sont pas forcément les valeurs annoncées et déclarées aux principes de cette politique mais qui peuvent apparaître comme les véritables valeurs commandant pratiquement les moyens rendus disponibles, les actions concrètement engagées, les objectifs réellement soutenus et escomptés.

— Toute politique étant mise en œuvre de « valeurs » est par elle-même déjà une évaluation : évaluation de la situation qu’elle se propose de transformer. Évaluer une politique, c’est donc tout aussi bien évaluer une évaluation. Ceci implique de dégager les méthodes d’une évaluation, ce qui se fera le plus souvent en remontant des « résultats » d’une évaluation — par exemple des objectifs fixés à une politique — à la méthode implicite présidant à leur obtention. Ceci doit se faire de manière immanente c’est-à-dire en suivant de l’intérieur le fil du raisonnement évaluateur et pas uniquement en le confrontant de l’extérieur à d’autres schèmes évaluateurs possibles ou à d’autres « valeurs » politiques.

— Examiner une politique comme évaluation, c’est donc suivre son élaboration évaluante d’une situation donnée.

 

Ce rapport donne l’occasion d’approfondir en quoi une politique publique contre la drogue est par elle-même évaluation d’une situation.

Repartons pour cela des schémas duaux de l’évaluation qui nous ont servi, tout au long de cette année, pour articuler les différents strates de la pensée évaluatrice. Je les redonne ici, légèrement transformés pour les besoins de notre réflexion.


 

Schémas duaux de l’évaluation d’une politique

 

Dans notre cas — nous examinons l’évaluation politique d’une situation plutôt que l’évaluation d’une politique —, il faudrait se représenter cet enchaînement comme circulaire puisque les effets obtenus sont des transformations de la situation de départ :

 

Cercles duaux de l’évaluation d’une situation

 


L’idée va être d’examiner la politique préconisée par ce rapport comme évaluation d’une situation qu’il s’agit de transformer. Nous allons pour cela examiner comment ce rapport successivement :

— problématise, c’est-à-dire évalue comme problèmes telle ou telle caractéristique de la situation de référence ;

— adapte des objectifs aux problèmes retenus ;

— rapporte des moyens à ces objectifs en sorte d’établir une adéquation ;

— thématise l’articulation d’effets à des moyens en sorte d’en profiler l’efficience ;

— au total pense la manière dont ces effets peuvent transformer la situation de référence.

 

Le rapport proprement dit (Tome I) est organisé en trois parties :

La première — « Un constat très préoccupant » (une centaine de pages) — esquisse une évaluation de la situation des drogues en France en ce début de siècle.

La deuxième — « Une politique à la dérive » (plus de 300 pages) — concerne directement l’évaluation des politiques publiques.

La troisième — « Les deux piliers d’une nouvelle politique » (un peu plus de 100 pages) — indique ce qu’une politique publique ajustée à la nouvelle situation devrait être.

 

Résumons l’argumentaire global : la situation française est très préoccupante car elle connaît une explosion de drogues porteuses de nombreux dommages tant sanitaires que sociaux. Face à cela, la politique publique est aujourd’hui à la dérive, ne disposant que d’instruments de lutte vieillis et insuffisants (tant en matière judiciaire et répressif qu’en matière de prévention, de soins et de réduction des risques, et ce sans compter une coopération internationale devenant asthmatique). Il faut donc mettre en place une nouvelle politique déployant simultanément une réponse judiciaire systématique, une prévention digne de ce nom et un dispositif sanitaire et social à hauteur des nouveaux problèmes connus par ce pays.

 

Quel type d’évaluation est ici à l’œuvre ?

I.               Problématisation

Commençons par la problématisation à laquelle procède ce rapport.

Ce point fait l’objet de la première partie du tome I. Quelques remarques à ce sujet.

— L’explosion des drogues en France (« depuis une dizaine d’années » [4]) est constatée et détaillée (« le fait nouveau est sans doute l’extension de l’usage de drogues aux classes moyennes » [5], « la monoconsommation est devenue aujourd’hui rarissime » [6], « la frontière entre médicaments, drogue et produit dopant tend à se brouiller » [7], « les toxicomanes ne sont pas tous des marginaux. La drogue est une réalité du monde du travail » [8]) mais moins « expliquée » : les causes de cette explosion restent dans l’ombre. Il est vrai qu’elles relèvent de ce qu’il est convenu d’appeler « un phénomène de société » ce qui est à la fois beaucoup dire et rien dire. Le rapport écrit à ce sujet : « La question de la drogue concerne la société toute entière » [9].

— Les conséquences de cette explosion sont examinées sous l’angle des dommages qu’elles occasionnent : dommages sanitaires (dangerosité du produit) et dommages sociaux (désocialisation, délinquance, conduite automobile…) — cf. les « effets dévastateurs à long terme » de « déstabilisation de l’État […] et de la société civile » [10] —. C’est en partie au titre de ces dommages répertoriés que l’explosion des drogues est constituée en « problème ».

 

Au total, on aurait un schéma de ce type :

 

II.             Adaptation

Qu’en est-il de l’adaptation — c’est-à-dire de l’évaluation des objectifs susceptibles de traiter ces problèmes — ?

 

Remarque

De même que toute difficulté ou inconvénient d’une situation n’est pas ipso facto constituée en « problème », de même tout problème n’appelle pas ipso facto une « solution » ou une action des pouvoirs publics.

Deux citations à ce titre [11] :

·       L’une du Général de Gaulle : « On ne résout pas un problème, on l’entretient. » [12]

·       L’autre du président du Conseil Queuille (sous la Quatrième République) : « Il n’est pas de problème qu’une absence de solution ne puisse résoudre. » [13]

Deux plaisanteries qui rappellent qu’il n’y a d’enchaînements mécaniques d’un problème à son traitement par la puissance publique.

 

Ici, d’un côté le rapport critique une politique se contentant de limiter certains dommages sans s’attaquer aux phénomènes eux-mêmes (voir les critiques apportées [14] à la politique de réduction des risques en matière de prévention primaire et de sevrage).

 

Ayant à faire, en matière d’évaluation politique, à deux types d’enchaînement, l’un de type explicatif : {causes ® phénomènes ®conséquences}, l’autre de type actif : {problèmes ®objectifs}, on pourrait figurer ainsi cette politique de réduction des dommages :

 

Politique de réduction des dommages

 

car d’une part elle situe les problèmes des drogues au niveau des conséquences en matière de maladies infectieuses, non au niveau des phénomènes, et d’autre part elle fixe pour objectifs à la politique publique de réduire ces conséquences, non pas de modifier les phénomènes eux-mêmes qui sont pourtant à la source de ces conséquences.

 

Le rapport va pour sa part articuler une double problématique :

• La première consiste à tenir que si certains problèmes tiennent bien aux conséquences (conséquences ici étendues aux dommages sanitaires, mentaux et sociaux des drogues et pas seulement aux maladies infectieuses), alors l’objectif doit être de réduire le phénomène générant ces conséquences tenues pour néfastes. Soit le schème suivant :

 

Politique s’attaquant au phénomène (engendrant les conséquences tenues pour néfastes)

 

Ce schéma illustre le volet « soins » de la politique préconisée dans la mesure où il s’agit, par une politique de soins, de réduire la toxicomanie en permettant aux toxicomanes de se soigner de leur toxicomanie.

• La deuxième va prendre les problèmes plus à leur racine et poser que les conséquences tenues pour néfastes sont l’index d’un problème attenant au phénomène lui-même (l’explosion des drogues, décrite en cet énoncé saisissant : « La France se drogue ! » [15]), l’objectif devenant alors de réduire les causes générant ce phénomène. Soit le schéma suivant où le projet politique remonte d’un cran dans l’ordre causal et affiche plus d’ambition :

 

Politique s’attaquant aux causes (générant le phénomène-problème)

 

Ce schéma illustre le volet « prévention » de la politique préconisée dans la mesure où une prévention véridique (« primaire » !) doit par définition tenter de s’attaquer à la racine du mal, en amont de toute apparition du phénomène.

 

Si l’on suit ce type de schéma, on pourrait présenter les quatre axes d’une politique publique contre la drogue — la prévention, la répression, les soins [16] et les mesures de réduction des risques [17] — selon le schéma suivant.

J’y ai ajouté, à la racine des phénomènes, l’existence de conditions — conditions de possibilité, qui se distinguent de causes proprement dites — pour indiquer l’existence d’une offre de drogues : s’il est vrai qu’en matière de drogues, c’est bien la demande qui légitime l’offre plutôt que l’inverse, il faut cependant qu’existe une offre pour que le phénomène-drogue puisse se matérialiser.


Quatre axes d’une politique publique contre la drogue :

prévention, répression, soins et mesures de réduction des risques

 


Au total le rapport propose un objectif centré sur le phénomène lui-même, un objectif déclaré « réaliste » : « contenir le fléau puis tenter de le faire refluer » [18].

Cet objectif s’oppose à deux autres objectifs possibles :

— celui d’une « société sans drogues », objectif que s’est donné la Suède après un essai de politique laxiste [19] ;

— celui du « pas de société sans drogues » qu’avait fixé la politique de réduction des risques.

 

Remarque

Si toute politique publique en matière de drogues pratique bien simultanément répression, prévention, soins et réduction des dommages, les différentes politiques se distinguant par leur hiérarchie et dosage de ces quatre composantes, il semble plus précis de réserver le terme de « politique de réduction des risques » à cette politique qui s’inscrit sous la bannière du mot d’ordre « Pas de société sans drogues » et préconise la priorité donnée aux mesures de réduction des risques sur les soins, à la prévention secondaire et tertiaire sur la prévention primaire et qui, tendanciellement, préconise la fin des prohibitions répressives, de même qu’on réservera le terme de « politique répressive » à cette politique qui s’inscrit sous le mot d’ordre de « Guerre à la drogue »et qui, tendanciellement, préconise la priorité donnée à la répression sur la prévention, les soins et les mesures de réduction de risques.

Bref, il semble préférable de distinguer mesures de réduction des risques et politique de réduction des risques de même qu’on distinguera mesures de répression et politique répressive.

 

L’objectif avancé par le rapport semble en effet « réaliste » à mesure de ce que la politique préconisée met bien en effet l’accent sur les soins (qui agissent sur le phénomène considéré comme problème) et sur la prévention (qui agit, elle, sur les causes de ce phénomène) sans se limiter à la répression (qui agit sur les conditions de possibilité du phénomène, non sur ses causes) et à la réduction des risques (qui agit sur certaines conséquences dommageables du phénomène).

III.           Adéquation

Si l’on retourne, sur cette base, à nos schémas d’évaluation, qu’en est-il de la mise en adéquation de moyens à ces objectifs ?

Les moyens proposés par le rapport concernent les quatre axes politiques distingués :

— Concernant la réduction des risques, il est préconisé de poursuivre les mesures d’échange des seringues et de substitution de produits pour autant que ces mesures restent considérées comme moyens provisoires. Le rapport met l’accent sur l’importance de « donner un cadre juridique » à ces mesures [20] et fait [21] deux propositions visant à recadrer ces mesures.

— Concernant le volet répression, le rapport détaille les transformations à apporter au dispositif judiciaire (20 propositions [22]) comme à la coopération internationale qu’il s’agit de renforcer (7 propositions [23]).

— Concernant la logique de soins, le rapport préconise son développement [24] et assortit cette recommandation de toute une série de propositions concrètes (12 propositions [25]).

— Concernant enfin la prévention, le rapport propose d’en faire la priorité de la nouvelle politique  préconisée [26] en désignant l’école comme fer de lance de cet axe [27] — le rapport détaille 23 propositions allant dans ce sens [28] —.

Ainsi l’adéquation semble bien s’ajuster aux « valeurs » précédemment à l’œuvre dans le choix des objectifs adaptés aux problèmes dégagés. Autrement dit, l’adéquation semble bien cohérente avec l’adaptation et la problématisation.

III.1.  Effectivité

Le rapport cependant ne prolonge pas cette adéquation jusqu’à prendre en compte une effectivité véritable dans la mesure où il n’entre pas dans le détail du financement et de l’investissement requis pour que ces nouveaux moyens prévus puissent devenir effectifs.

On peut assigner ce défaut à la nature même de ce rapport : rapport d’étude et d’examen politique plutôt que configuration complète politico-administrative.

III.2.  64 propositions

Au total, les 64 propositions autour de 4 priorités [29] se répartissent ainsi :

·       Répression (propositions 38 à 64) : 27 (42%)

·       Prévention (propositions 1 à 23) : 23 (36%)

·       Soins (propositions 24 à 31 et 34 à 37) : 12 (19%)

·       Réduction des risques (propositions 32 et 33) : 2 (3%)

Il va de soi que ces statistiques ne sauraient « évaluer » la hiérarchie  à l’œuvre dans la politique préconisée : où l’on retrouve qu’évaluer n’est pas mesurer, et moins encore décompter les paragraphes…

IV.           Efficience

Bien sûr, cette nouvelle politique ne peut qu’escompter des effets bénéfiques sans à proprement parler pouvoir dessiner leur impact et leur efficience/efficacité.

V.             Transformation ?

Faute d’efficience appréhendable, il semble difficile d’évaluer la politique préconisée en termes de « transformation » c’est-à-dire de bouclage sur la situation de départ du dispositif politique proposé.

 

*

 

Retenons à tout le moins ce vaste rapport comme exemple de ceci : une politique publique se définit, s’explicite et se comprend comme évaluation (politique) d’une situation donnée.

Les valeurs explicitement déclarées par ce rapport pour la politique préconisée se présentent sous la double bannière de l’humanisme et de la responsabilité [30]. Le lieu n’est pas ici de discuter la pertinence de ces deux signifiants. Il m’a semblé surtout nécessaire, pour ce séminaire du moins, d’examiner la cohérence du rapport offert aujourd’hui à notre attention et d’en comprendre, de manière endogène, les lignes de force : les points de décision et les conséquences qu’il en tire.


Éléments de la discussion

 

Premières remarques de B. Plasait

• Manquent beaucoup d’études concernant les causes mêmes des phénomènes de drogues. L’ignorance des causes sur lesquelles agir rend difficile une intervention politique à un autre niveau que celui des phénomènes. Ceci concerne en particulier la prévention qui, pour ces raisons, reste le plus souvent purement informative.

• Nous manquons également d’études suffisamment sérieuses sur les effets du cannabis. La dangerosité du cannabis est bien établie sur certains points mais sur d’autres, on en reste au niveau d’interrogations (ex. la question du « relargage » du THC). Or, sans certitudes scientifiques, il est bien difficile de prendre des  mesures politiques.

• Le rapport utilise l’expression consacrée de « réduction des risques » mais il conviendrait plutôt de parler de réduction des dommages.

 

Discussion générale

• Les études sur les causes ont été abondantes il y a un certain temps mais elles ont été en bonne partie abandonnées depuis dix ans. Plus généralement, il faut sans doute nuancer le constat d’une absence d’études.

 

• Le second tome n’a pas été pris en compte dans l’exposé d’aujourd’hui. Or les nombreuses personnalités auditionnées diversifiaient l’analyse de la situation.

Il est vrai que ce travail de lecture du premier tome à la lumière du second tome n’a pas été fait. Il est également vrai que ce travail serait tout à fait utile : il permettrait d’éclairer la problématisation à l’œuvre dans ce rapport cette fois en creux, ou en négatif (au sens photographique du terme) ; une part essentielle de la problématisation consiste en effet à écarter tel ou tel fait ou phénomène, non pour en dénier l’existence mais pour l’écarter du « problème » à construire. Problématiser, c’est construire un problème à partir de faits, de phénomènes, de questions et cette construction s’éclaire non seulement de ce qu’elle retient mais tout autant de ce qu’elle écarte. À tous ces titres, il serait donc nécessaire de relire ce rapport en dégageant ce qu’il n’a pas retenu des problématisations alternatives suggérées par telle ou telle personnalité.

 

• Les schémas duaux proposés, restant très globaux, oublient les acteurs concrets qui interviennent sous les dénominations générales retenues. Une diversité voire une divergence s’établit pourtant sous ces noms, divergence qui doit précisément constituer une part importante de toute évaluation concrète : les différentes administrations concernées par tel ou tel volet politique ont souvent des conflits d’intérêt, des manières divergentes d’aborder le problème ; une évaluation concrète doit examiner tout cela, faute de quoi elle passera à côté des problèmes relatifs à la mise en œuvre d’une politique décidée à un plus haut niveau.

Cette remarque nous rappelle deux choses :

— Chaque acteur d’une politique n’est pas seulement un pion situable à tel ou tel étage mais également un intervenant qui porte une compréhension globale de la politique en question et qui par là se trouve donc pris dans l’intégralité du processus d’évaluation, et pas seulement à l’étage restreint de sa principale contribution.

— On doit se demander à quelles conditions un ensemble de mesures politico-institutionnelles peut ou non être compté comme constituant « une » politique. Ce qu’on schématise ici comme « une » politique (de lutte contre la drogue) recouvre le plus souvent un ensemble plus ou moins disparate de différentes politiques nullement convergentes. D’où que les schémas duaux proposés ne dessinent que l’esquisse d’une logique, et ne circonscrivent nullement le parcours concret d’une évaluation.

 

• Peut-il y avoir un politique de lutte contre la drogue qui soit indépendante d’autres politiques, en particulier d’une politique de la jeunesse ?

On voit bien qu’une politique visant à agir sur les « causes » du phénomène-drogue doit nécessairement élargir son champ d’intervention. D’où d’ailleurs la difficulté récurrente à cerner ce qu’une bonne prévention (primaire) pourrait être…

 

• L’école, « fer de lance » d’une politique de prévention, est-ce possible dans les conditions actuelles ?

On retrouve ici la dimension nommée « effectivité » (passage des moyens prévus aux moyens réels) à partir de laquelle ce rapport entre, il est vrai, dans un certain flou…

 

• La dimension de prévention est plus difficilement évaluable que celle de répression.

Ce qu’on a appelé « adaptation » (d’objectifs aux problèmes retenus) et « adéquation » (de moyens aux objectifs décidés) est à l’évidence plus difficile à évaluer pour la prévention que pour la répression mais sans doute également que pour les soins et pour la réduction des dommages.

 

Remarque générale

L’ordre d’exposition retenu pour présenter une évaluation donnée (problèmes, puis objectifs, puis moyens, puis effets) est le plus souvent à rebours de l’ordre parcouru par la réflexion concrète : le plus souvent celle-ci prend conscience d’une action à mener à partir d’effets jugés inacceptables et remonte ensuite de ces effets aux conditions qui les ont rendus possibles. De fil en aiguille, la réflexion remonte ainsi jusqu’à un phénomène qu’elle va expliciter comme problème et qu’elle va situer a posteriori à la source de toute la chaîne. La réflexion a donc remonté la chaîne (par induction dirions-nous) alors que son mode d’exposition, une fois intelligence prise de l’ensemble de la situation, sera plutôt déductif.

En ce sens, et conformément à l’hypothèse qu’une « valeur » fonctionne en politique comme un « axiome » en mathématiques, on retrouve cette logique de chiasme qui fait qu’en mathématiques les axiomes fondateurs d’une théorie apparaissent en général au terme du travail de réflexion du mathématicien mais interviennent en tête de l’exposition logique et didactique qu’il en fait a posteriori.



[1] Rapport p. 17

[2] p. 148, 220…

[3] p. 150

[4] p. 39

[5] p. 56

[6] p. 57

[7] p. 59

[8] p. 138

[9] p. 376

[10] p. 92-93

[11] Cf. Voulez-vous être évalué ? de Jacques-Alain Miller et Jean-Claude Milner (Grasset, 2004)

[12] op. cit. p. 34

[13] op. cit. p. 33

[14] Rapport p. 320

[15] p. 375

[16] p. 231

[17] p. 320, 398

[18] p. 375

[19] p. 23, 354

[20] p. 418

[21] p. 499

[22] p. 500

[23] p. 501

[24] p. 449

[25] p. 499

[26] p. 376

[27] p. 442

[28] p. 497

[29] p. 497-501

[30] p. 375