De la prévention dans les politiques publiques

en matière de drogues et de toxicomanie

(Séminaire Ensmp, 19 janvier 2006)

 

François Nicolas

 

Introduction

Quelques rappels

Deux volets…

Qu’est-ce que la prévention ?

Exemple du rapport du Sénat (2003)

Le rapport lui-même

Les priorités

Remarques

« Prévenir » ?

Risque ?

Dangers ?

Détourner ?

Évaluation de la prévention ?

Évaluer ?

Évaluer une évaluation…

Pentagones duaux

Comment situer la prévention dans ce cadre ?

Prévention primaire

Prévention secondaire

Prévention tertiaire

Exemple : évaluation des programmes départementaux de prévention

 

Introduction

Il s’agit de la troisième année d’un séminaire consacré à l’évaluation des politiques publiques en matière de drogues et de toxicomanie.

1.     2003-2004 : Qu’est-ce que l’évaluation ?

2.     2004-2005 : La dimension soins

3.     2005-2006 : La dimension prévention

 

Ce travail a déjà donné lieu à deux polycopiés ; il est par ailleurs rendu disponible à chacun par un site internet…

 

Ce séminaire a un statut tout à fait libre :  c’est un lieu d’échanges et de confrontations, sans enjeux institutionnels particulièrement délimités…

 

Le projet de cette nouvelle année sera d’évaluer la dimension de la prévention dans les politiques publiques en matière de drogues et de toxicomanie.

Aujourd’hui, je voudrais faire un exposé général, cadrant le thème de la prévention et par là de son évaluation.

Quelques rappels

Il existe pour une situation donnée différentes politiques publiques concevables en matière de drogues et de toxicomanie, pas une seule – et ce même si chaque politique publique se présente « naturellement » comme la meilleure dans une situation donnée, d’où tendanciellement comme la seule bénéfique dans cette situation… -.

Comment évaluer les résultats de chacune d’entre elles ? Comment ceci peut-il éclairer les choix que la puissance publique doit faire ?

Noter : la question politique des drogues ne se réduit nullement à la dimension publique de la politique, donc à la « politique publique ».

Il apparaît ainsi que l’intérêt des questions de drogues est d’être un bon analyseur des options sous-jacentes en matière de politiques. Ces questions mettent en évidence les conditions de possibilité de différentes positions (on pourrait dire ainsi, en termes philosophiques, que la drogue touche au transcendantal, c’est-à-dire à la logique d’une disposition subjective face à une situation donnée).

 

Comme l’on sait, on distingue quatre dimensions dans toute politique publique :

·       Répression

·       Soins

·       Prévention

·       Hygiène latérale (ou réduction des risques)

D’où une différences des politiques selon l’accent dynamique mis sur telle ou telle dimension…

Deux volets…

Le thème de notre séminaire cette année me semble alors devoir être divisé en deux volets :

1) quelle est – quelle doit être - la place de la prévention dans les politiques publiques ?

2) comment évaluer une action de prévention (sans limiter forcément celle-ci à une action de la puissance publique) ?

 

D’où deux grandes parties de mon exposé :

Qu’est-ce que la prévention ?

Je voudrais mettre au cœur de cette année une question : à quel titre la puissance publique est-elle apte à diriger la prévention en matière de toxicomanie, singulièrement la prévention primaire ?

On distingue en effet trois volets dans la prévention :

·       primaire

·       secondaire

·       tertiaire

Je pose alors cette question : l’idée que la prévention ferait partie intégrante d’une politique publique ne conduit-elle pas, plus ou moins explicitement, à faire prévaloir les préventions tertiaire et secondaire sur la prévention théoriquement la plus fondamentale : la prévention primaire ?

Exemple du rapport du Sénat (2003)

Le rapport lui-même

Les deux piliers d’une nouvelle politique :

 

I. UNE RÉPONSE JUDICIAIRE SYSTÉMATIQUE

 

II. POUR UNE PRÉVENTION DIGNE DE CE NOM

 

A. ASSURER L'INFORMATION ET LA FORMATION

1. Lancer des campagnes crédibles et ciblées

a) Des campagnes de communication jusqu'à présent contre-productives

b) La nécessité d'un message plus cohérent

c) Des supports et des publics mieux ciblés

2. Responsabiliser et former l'ensemble des acteurs

a) La société civile

(1) Faire des parents et de la famille des interlocuteurs privilégiés

(2) S'assurer de la crédibilité des acteurs associatifs

(3) Impliquer et former davantage les médecins

b) Les acteurs institutionnels

(1) Responsabiliser les élites et les politiques

(2) Informer les professionnels du droit sur la dimension humaine du problème des drogues

(3) Mieux former les acteurs de terrain

B. ÉRIGER L'ÉCOLE EN « FER DE LANCE DE LA PRÉVENTION »

1. Un lieu de prévention à privilégier

a) Le « flirt avec les drogues », expérience chronique à l'adolescence

b) Le milieu scolaire, une structure particulièrement adaptée pour une prévention précoce des conduites à risques

2. Une meilleure formation des personnels enseignants pour une meilleure information des élèves

a) La création d'une véritable culture commune sur les conduites à risques

b) L'intégration pérenne de la prévention des conduites à risques dans les programmes scolaires

3. Une réponse systématique aux comportements « déviants »

Les priorités

4 priorités. La première : « Priorité à une prévention totale ».

23 propositions (sur les 64) dans le cadre de cette priorité dont la troisième : « Ériger l’école en fer de lance de la prévention » (I.497)

64 PROPOSITIONS autour de 4 priorités DE LA COMMISSION D’ENQUÊTE

 

I. PRIORITÉ À UNE PRÉVENTION TOTALE

 

Prévention et information

 

1. Renforcer la coordination interministérielle et privilégier les actions d’information, de prévention et de formation à l’égard des conduites à risques.

2. Lancer une campagne d’information auprès des jeunes sur les dangers sanitaires et sociaux liés à la consommation et au trafic de cannabis, et sur les sanctions pénales encourues.

3. Ériger l’école en fer de lance de la prévention. Aborder les dangers de la drogue dans les programmes scolaires dès le cours moyen.

4. Diffuser des messages de prévention clairs et scientifiquement validés sur les dangers réels de chaque produit, en utilisant des supports adaptés à chaque public.

5. Lancer une campagne d’information auprès des parents afin de leur permettre de détecter des conduites à risques chez l’enfant, et de réagir.

6. Coordonner l’action des structures sanitaires et sociales intervenant en partenariat avec le milieu scolaire, et orienter leur action vers les parents d’élèves.

7. Réactiver les CESC et évaluer régulièrement leur action.

8. Rappeler systématiquement aux élèves les risques disciplinaires et judiciaires encourus en cas d’infraction à la législation sur les stupéfiants.

9. Renforcer les sanctions pénales pour les infractions à la législation sur les stupéfiants constatées dans un périmètre entourant les établissements scolaires.

 

Assurer une véritable formation des acteurs de la prévention en matière de drogue et de toxicomanie

 

 10. Dispenser une formation sur les conduites à risques dans les IUFM ainsi que dans les programmes de formation continue des enseignants.

11. S’assurer de la compétence professionnelle des acteurs associatifs.

12. Prévoir une formation pour les divers acteurs de terrain susceptibles d’être confrontés aux problèmes de dépendance aux drogues et de dopage : médecins, éducateurs sportifs, personnels pénitentiaires, éducateurs de la PJJ et avocats.

 

Développer la politique de recherche

 

13. Créer une structure de recherche sur les nouvelles drogues de synthèse en s’inspirant de l’expérience néerlandaise.

14. Associer la recherche publique et l’industrie pharmaceutique dans la lutte contre la toxicomanie.

15. Développer la recherche sur les causes de la toxicomanie et créer un établissement public centralisant et impulsant les études sur la toxicomanie, à l’image du National Institute on Drug Abuse américain.

16. Développer les outils statistiques de la chancellerie afin de suivre le parcours judiciaire des usagers de drogues.

 

Prévenir les dangers de toutes les drogues au volant

 

 17. Prendre en compte les effets des médicaments sur la conduite automobile.

18. Introduire dans le programme national de formation à la conduite une information sur les conséquences notamment pénales de l’usage de stupéfiants au volant.

19. Développer les tests comportementaux et cibler les contrôles.

 

Lutter contre la drogue en milieu professionnel

 

 20. Développer une campagne nationale sur les dangers liés à la toxicomanie en milieu professionnel, notamment dans les petites et moyennes entreprises.

21. Rappeler dans le règlement intérieur des entreprises l’interdiction stricte de consommation de stupéfiants pour l’ensemble des postes et non pas seulement les postes à risque.

22. Développer le rôle des médecins du travail dans le respect du secret médical.

23. Associer les partenaires sociaux aux actions de prévention dans les entreprises.

 

II. POUR UNE POLITIQUE DE SOINS PLUS EFFICACE

 

III. POUR UNE RÉPONSE JUDICIAIRE ET ÉDUCATIVE

 

IV. POUR UNE COOPÉRATION INTERNATIONALE RENFORCÉE

Remarques

Les maîtres-mots de ce rapport sont, en matière de prévention, ceux-ci : dangers et risques (en particulier judiciaires) / information.

Ceci induit une tonalité de prévention plutôt secondaire : le discours public ne sait trop comment débattre de la consommation des drogues en soi. Il ne sait trop comment agir si ce n’est par information, c’est-à-dire par instruction plutôt que par éducation.

« Prévenir » ?

Or, que veut exactement dire « prévenir » ?

Risque ?

Prévenir d’un risque ? Ceci implique – puisque risque désigne un danger incertain – qu’il y aurait possibilité d’éviter ce risque (sinon cela n’en serait pas un). C’est donc mettre l’accent non sur le caractère néfaste de l’acte lui-même mais sur telle ou telle de ses conséquences possibles.

Où l’on retrouve la réduction des risques comme une idéologie, parmi bien d’autres : thématiser le « risque » revient à rejeter dans l’ombre les dangers certains, les effets assurément néfastes.

On voit ainsi comment l’idéologie du risque conduit à ajuster la prévention à sa modalité secondaire.

Dangers ?

Prévenir des dangers en prônant des usages moins dangereux que d’autres ? Et dans ce cas, prévenir de quel danger ?

Questions : à quel titre l’action de prévenir devrait-elle consister à expliciter les dangers ? Ne devrait-elle  pas plutôt revenir à expliciter l’inintérêt des drogues ? Une prévention centrée sur les dangers n’est-elle pas déjà une prévention implicitement centrée sur la prévention secondaire ?

Détourner ?

Prévenir, c’est en effet agir avant qu’un dégât ne soit causé en sorte de l’éviter.

Ainsi prévenir de la délinquance, c’est éviter qu’il y ait délinquance. Cela consiste à détourner les jeunes de s’engager dans la voie de la délinquance.

À ce titre, prévenir la jeunesse de la délinquance, cela ne se fait pas tant en montrant aux jeunes les dangers (en particulier judiciaires) de la délinquance (non seulement ils les connaissent, mais précisément ces dangers font souvent le sel de l’affaire !), mais bien plutôt en proposant aux jeunes mieux à faire, en organisant des activités intenses susceptibles de les intéresser et de les détourner de la voie de la délinquance.

Détourner quelqu’un d’un chemin, c’est avant tout lui montrer l’existence et la possibilité d’autres chemins, plus intéressants et plus valorisants. C’est lui montrer que le champ des possibles ne se réduit nullement au seul chemin néfaste et qu’il y a donc possibilité réelle de l’éviter.

Pourquoi la prévention (primaire) de la toxicomanie n’aurait-elle pas la même logique : celle d’éviter l’entrée en toxicomanie non pas tant en montrant les dangers de la toxicomanie qu’en incitant le jeune à faire mieux ?

Une vraie prévention en matière de drogues ainsi devrait être un discours capable de parler d’autre chose que des drogues !

C’est à ce titre que la puissance publique ne semble pas forcément bien habilitée à prendre en charge une telle prévention : son travail propre n’implique guère d’entrer dans le détail des manières de vivre de ses sujets. Que son efficace propre porte sur les risques ne doit nullement conduire à centrer la prévention sur cette seule dimension, tout au contraire : elle doit inciter à considérer que la véritable prévention doit être encouragée par la puissance publique mais qu’elle ne saurait être dirigée par elle.

Évaluation de la prévention ?

Je rappelle le cadre catégorial établi les années précédentes.

Évaluer ?

Évaluer, c’est apprécier les « valeurs » à l’œuvre dans une action.

« Valeurs » doit ici s’entendre de manière dynamique et non pas de manière statique : c’est l’idée qu’une action (politique en l’occurrence) procède déjà par elle-même d’une évaluation (d’une situation donnée), une évaluation qui problématise cette situation en énonçant ce qui pour elle y constitue des problèmes, appelant en l’occurrence une intervention faite d’objectifs, de moyens en vue d’effets visés.

En ce sens l’évaluation d’une action est toujours ultimement l’évaluation d’une évaluation : l’évaluation de cette évaluation qui a légitimé l’action aujourd’hui à évaluer…

Évaluer une évaluation…

Trois points :

·       Une conséquence importante de cette manière de voir l’évaluation d’une action comme évaluation réflexive (a posteriori) d’une première évaluation spontanée (a priori) est que cette seconde évaluation (a posteriori) devra se mener de manière essentiellement intrinsèque (ou immanente) : elle visera à dégager les « valeurs » effectivement à l’œuvre dans l’action évaluée, en évaluant en particulier si ses « valeurs » déclarées ex ante sont bien les valeurs pratiquées ex post.

·       Il est vrai qu’une évaluation pourra s’éclairer de la mise en évidence d’autres « valeurs » possibles au même point, mais une évaluation véritable ne saurait être pour l’essentiel une confrontation « valeurs contre valeurs ». Une telle confrontation relève, pour sa part, de la politique proprement dite.

·       L’évaluation n’en relève pas directement, soit l’axiome suivant : l’évaluation d’une politique n’est pas à proprement parler une évaluation politique. Et c’est d’ailleurs à ce titre que notre séminaire a bien sa place dans une institution telle que l’École des Mines de Paris.

Pentagones duaux

Évaluer le travail effectif des « valeurs » à l’œuvre dans une action donnée, évaluer comment une action est une évaluation en acte, se fera au fil des deux pentagones duaux suivants :

Pentagones de l’évaluation

ou

Comment situer la prévention dans ce cadre ?

Il est clair qu’il faut ici distinguer les trois types de préventions, c’est-à-dire les trois types d’actions fort différentes se présentant, toutes les trois, sous le même nom de « prévention ».

Prévention primaire

Prévention secondaire

Prévention tertiaire

Exemple : évaluation des programmes départementaux de prévention

Cf. Rapport Ofdt de Frédéric Lefebvre-Naré, Fabien Devaugerme et Caroline Lioret (septembre 2003) : Prévention programmes départementaux.

Ce rapport  a pris place dans le cadre de l’évaluation du plan triennal 1999-2002

Dès la première page (p. 9) de ce rapport, une ambiguïté intervient sur les objectifs même de la prévention : « prévention des risques liés à la consommation » (prévention de type plutôt secondaire) ou « prévenir la consommation de drogues » (prévention primaire).

 

Plus loin (p. 12), les objectifs de cette évaluation sont ainsi présentés : « cette évaluation a pour but de confirmer, infirmer ou préciser les hypothèses constituant le cadre logique des Programmes départementaux de prévention “drogues et dépendances” (PDP) ». Il s’agit donc bien théoriquement d’évaluer ici ex post une évaluation ex ante.

D’où des interrogations sur la cohérence ou non de ce cadre, sur l’adéquation des moyens aux objectifs déclarés, sur l’effectivité de sa mise en œuvre, et finalement sur son impact.

Si l’on se reporte à notre schéma précédent (ci-dessous à gauche), le plan d’évaluation retenu semble vouloir donc adopter le parcours suivant (ci-dessous à droite) :

Deux points sont ainsi immédiatement frappants à la lecture de ce rapport :

·       D’une part la démarche d’évaluation privilégie l’avis donné par les acteurs même de la prévention - en l’occurrence les chefs de projet départementaux - sans véritablement se donner les moyens d’apprécier si leur vision des choses est ou non adaptée à la réalité. Il s’agit donc moins d’une évaluation argumentée que du point de vue des acteurs sur l’efficacité ou non de leur action.

·       D’autre part  ce qui est ici ultimement évalué, ce ne sont pas à proprement parler les résultats des actions menées (la transformation de la situation de départ), ni même en vérité l’impact exact des actions (leurs effets) mais bien plutôt une effectivité des actions programmées : il s’agit en fait d’évaluer si le programme d’actions a bien été réalisé plutôt que d’examiner s’il a bien servi à quelque chose.

Au total, le terme « évaluation » ne désigne ici que les comptes que les acteurs doivent rendre à leur tutelle sur l’effectivité des actions prévues.

Ainsi, l’accent est mis à différentes reprises (p. 40, 42…) sur l’effectivité ou non de la mise en place de la fameuse « culture commune » prônée par le plan triennal. Mais à quoi cette « culture commune » sert-elle exactement ? Au service de quels objectifs est-elle exactement ? A-t-elle rempli le rôle qui lui était dévolu ? L’évaluation ne s’empare guère de ces questions.

Un cynique pourrait dire ici : mais puisque cette « culture commune » (« en interne » précise-t-on page 40…) est destinée à fixer un cadre d’expression commun aux différents acteurs de la réduction des risques en sorte qu’ils arrivent à bien se comprendre au moyen d’un langage codé, d’une langue de bois opaque pour le profane mais opératoire pour les initiés, pourquoi l’évaluation devrait-elle dépasser ici le simple constat des initiés d’avoir su communiquer entre eux grâce à cette « culture commune », imperméable aux non-initiés ?

Il semble à de nombreuses reprises que cette évaluation de la prévention n’arrive guère ici à dépasser ce premier stade : ce qui avait été prévu a-t-il ou non été réalisé ?

Cette évaluation porte ainsi moins sur la prévention elle-même que sur l’action administrative : les directives nationales sont-elles mises en œuvre dans le cadre des départements ?

Il n’est donc pas étonnant que les conclusions de cette évaluation portent toutes sur le quantitatif des actions administratives prévues : les recommandations de ce rapport (page 102) visent ainsi à

·       « accroître le nombre global d’actions de prévention »  - on rappelle pourtant que le bien-fondé de cette prévention n’a pas pu être ici évalué… : on ne sait donc pas bien si ce que l’on a fait est vraiment utile et efficace mais on prône cependant de le faire à plus grande échelle… - ;

·       « mettre davantage l’accent sur les méthodes concrètes de prévention » - orientation qui semble difficilement contestable, mais en raison seulement de sa platitude… ;

·       « diffuser de manière plus proactive et réactive les outils et méthodes de prévention existants » - même remarque que précédemment : on ne sait si ces outils et méthodes sont efficaces, mais il faut quand même continuer de les utiliser, et avec plus d’intensité… ;

·       « réaliser à travers l’OFDT des évaluations… » - le rapport devient ici du Molière : l’évaluation aboutit à la nécessité d’évaluer, c’est-à-dire de réaliser dans l’avenir ce que le rapport n’a pas su mener à bien… ;

·       « introduire des “primes à la réussite” pour les chefs de projet » - ici, le rapport semble « vendre la mèche » : il y s’agit bien d’évaluer si les gens ont vraiment fait ce qu’on leur avait dit de faire (l’incitation par des primes vise à cela), et non pas, comme on pourrait s’y attendre, d’évaluer si leur travail a été vraiment utile ;

·      

Au total, il est patent que nous sommes ici bien loin de ce qu’une évaluation de la prévention, non de l’activisme d’une administration, devrait être.

*

Restons-en là pour l’instant.

Je propose donc de mettre à l’ordre du jour de notre séminaire les questions suivantes :

·       Qu’est-ce qu’une prévention, singulièrement une prévention en matière de drogues et de toxicomanie ? S’agit-il essentiellement d’instruire des dangers, des risques ? S’agit-il plutôt de logique éducative, conduisant à concevoir qu’une bonne prévention (primaire) en matière de drogues devrait en vérité ne parler qu’assez peu  des drogues elles-mêmes (de même, somme toute qu’une prévention de la délinquance ne parle qu’assez peu de délinquance) ?

·       À quel titre un telle prévention concerne-t-elle la puissance publique ? Au titre d’acteur ? Au titre plutôt de simple financeur ? Au titre plus vague d’encouragements (favoriser la possibilité d’une prévention primaire par des acteurs non publics) sans pour autant interférer de trop près dans son effectuation pratique ?

·       Comment évaluer une action de prévention, qu’elle soit menée par des acteurs publics ou par des acteurs privés ? De quels outils faudrait-il se doter pour organiser ici une évaluation rigoureuse ? Ce travail a-t-il déjà été mené quelque part dans le monde ? Existe-t-il par exemple des comparaisons entre évolutions de lieux comparables selon que tel ou tel type  d’action de prévention y a été mené ?

 

En résumé trois questions :

1.     Qu’est-ce qu’une prévention primaire c’est-à-dire une prévention de la consommation de drogues (et pas seulement le passage d’un usage à un abus, ou le risque de maladies opportunistes) ?

2.     Qui doit le faire prioritairement ? Qui est le mieux à même de le faire efficacement ?

3.     Comment évaluer des actions de prévention ?

 

Proposition de textes à étudier :

·       La partie du rapport Plasait (Drogue : l’autre cancer) qui concerne la prévention

·       Le rapport OFDT présenté plus haut.

·       La thèse de Gérard Pradelle Prévenir la toxicomanie : un combat mythique (Lyon II, septembre 1996)

·       Repères pour une formation à la prévention (Mildt, novembre 2001)

·       Certaines interventions aux premières Assises Nationales de la Fédération Française d’Addictologie (29-30 septembre 2005) La Prévention : Quelle politique ?  Quelles actions ?

·       Expérimentation d'un guide de prévention sur les conduites addictives (Ofdt, septembre 2005)

·       Marie Choquet et Christophe Lagadic : Évaluation en milieu scolaire d’un programme de prévention primaire en matière de toxicomanie (Ofdt, février 1999)

 

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