Où preuve est donnée qu’une prévention
primaire peut être (très) efficace…
Sur l’étude de Marie
Choquet et Christophe Lagadic : « Évaluation en milieu scolaire
d’un programme de prévention
primaire en matière de toxicomanie »
(Ofdt, 1999)
(Séminaire Ensmp, 27 avril 2006)
François Nicolas
Les valeurs de la
prévention primaire
Un problème de « banalisation »
Deux objectifs
Quels moyens ?
Sept traits de la prévention primaire
Les enjeux de l’évaluation
Évaluer quelle action ?
Valeurs à l’œuvre pour les acteurs de l’action évaluée
Problématisation ?
Adaptation ?
Adéquation ?
Les résultats de l’évaluation de cette action
Avis des jeunes
Une utilité peu discernée…
… ce qui semble naturel pour une action de type éducatif et
pas informatif !
La peur comme mauvaise conseillère en matière d’éduction…
Résultats propres de l’enquête
Pas de différence en matière d’alcool et de tabac
Une très importante différence en matière de cannabis
Une preuve de l’efficacité de la prévention primaire
Le risque de consommer…
L’enchaînement
Dernier résultat notable de la prévention primaire
Conclusions
Importance d’intégrer l’évaluation
Caractère ouvert de la prévention primaire
Efficacité d’une prévention primaire intelligemment conçue
Cette étude est l’une des très rares qui tente d’évaluer
précisément un programme de prévention primaire.
Comme on va le voir, cette évaluation aboutit à des
conclusions précises, qui dégage l’efficacité et l’intérêt d’une prévention
primaire. À ce titre, cette étude constitue un heureux encouragement à
recentrer la prévention en matière de toxicomanie sur sa dimension primaire.
Pour rapporter sur cette étude, le plus simple me semble ici
de restituer son parcours, en se concentrant sur ce qui y est le plus
susceptible d’intéresser ce séminaire, centré cette année sur l’évaluation de
la dimension prévention des politiques
publiques en matière de toxicomanie.
Les auteurs commencent par dégager ce qu’on pourrait appeler
« les valeurs de la prévention primaire » - ils écrivent « les
enjeux de la prévention » [1]
-, s’entend : les valeurs à l’œuvre dans une prévention s’attaquant à la
racine des problèmes et non pas à telle ou telle de ses conséquences néfastes.
Une « valeur », qu’est-ce exactement ?
C’est ce qui va animer
· une
problématisation,
· une
adaptation,
· une
adéquation,
· une
efficience/efficacité,
· et
enfin une transformation.
Je vous rappelle le schéma proposé en matière de prévention
primaire, schéma constituant notre cadre d’analyse :
Pour Choquet & Lagadic, le problème tient à la
banalisation de la consommation et à son extension.
Les chiffres avancés sont les suivants [2] :
· un
expérimentateur sur trois devient un consommateur régulier, donc un
« usager » ;
· un
« usager » sur vingt devient un dépendant, donc un toxicomane ;
· au
total donc, un expérimentateur sur soixante devient un toxicomane.
Il est clair qu’il n’y a là nulle mécanique
d’enchaînement ; il convient cependant de rappeler que tout toxicomane a
bien dû commencer par être un simple expérimentateur…
Un des aspects de la dimension primaire est de vouloir agir
sur le numérateur de l’équation :
quand la prévention secondaire va viser plutôt le
dénominateur.
Bien sûr numérateur et dénominateur ne sont pas
indépendants. Mais on discerne ici une différence de logique selon qu’on
circonscrira le problème dans le nombre de toxicomanes ou qu’on le situera dans
le nombre de consommateurs.
Ici une différence de « valeur » (donc
d’évaluation) est déjà à l’œuvre :
· si
la seule valeur est de type « santé publique », alors le problème
tiendra essentiellement au nombre de toxicomanes ;
· si
la valeur est de type « aliénation » - comme le rapport examiné le
retient, j’y reviendrai -, alors le problème tient à la consommation de drogues
en soi et donc s’attache directement au nombre de consommateurs et plus
seulement au nombre de toxicomanes…
Où l’on retrouve ce point : là où il y a une valeur à
l’œuvre, il y en forcément une autre possible. De même qu’il n’y a pas de sens
à parler de politique s’il n’y a pas le choix entre plusieurs politiques (quand
il n’y a plus de choix, c’est que le problème est devenu un problème calculable
de gestion), de même il n’y a pas de sens à parler d’une valeur s’il n’y a pas
en ce point choix possible entre plusieurs valeurs « concurrentes ».
Les auteurs fixent alors deux objectifs à la prévention
primaire [3] :
· éviter
la première consommation ;
· éviter
la répétition.
On remarque tout de suite que pour les auteurs du rapport,
éviter de devenir expérimentateur est un objectif en soi d’une prévention
primaire bien comprise. Il ne s’agit donc nullement d’orienter la prévention
par l’idée que le vrai problème serait celui posé par l’existence de toxicomanes.
Pour la prévention primaire, il y a problème dès qu’il y a expérimentateur, et
a fortiori dès qu’il y a consommateur.
Ou encore, le problème posé au pays par la drogue ne tient
pas au terme possible du parcours de consommation (l’existence – rare au regard
du nombre d’expérimentateurs - de
toxicomanes) mais bien au principe même de l’expérimentation puis de cette
consommation, et c’est à ce niveau que la prévention primaire propose d’agir.
Ou encore : c’est en manifestant son intérêt pour une
baisse de l’expérimentation que la prévention primaire met au jour ses valeurs,
quand, inversement, l’idéologie de la réduction des risques met au jour ses
propres valeurs quand elle montre que ce qui l’inquiète vraiment, c’est
seulement que des « usagers » courent le risque de devenir malades du
sida… -.
Quels moyens une prévention primaire ainsi conçue doit-elle
mettre en œuvre ?
Le premier point remarquable relevé au principe même de
cette étude, c’est qu’il ne saurait s’agir là essentiellement d’information. Le
rapport écrit :
« Pour ce faire [éviter
la première consommation et sa répétition], il ne suffit pas de
transmettre des connaissances à propos des dangers des produits » [4].
Première démarcation donc, qui sert de test pour les
véritables valeurs à l’œuvre – s’entend les valeurs qui s’inscrivent dans les
actes et pas seulement dans les discours a priori des intervenants - : le
moyen principal de la prévention primaire ne saurait être l’information.
A contrario, on comprend facilement qu’une prévention qui se
déploie sous le signe de l’information – « Savoir plus… » - est une
prévention qui, quoi qu’elle puisse en dire, met au poste de commandement ses dimensions
secondaire et tertiaire.
Quels sont les moyens d’une prévention primaire cohérente ?
Le rapport en propose quatre [5] :
· une
diminution de l’offre atteignant le public visé, en l’occurrence les
adolescents ;
· une
augmentation de la capacité de résistance de ces adolescents à l’offre de
drogues ;
· un
accroissement de ce que le rapport appelle le « bien-être » de ce
public ;
· enfin
la mise en avant de résolutions, alternatives à la drogue, face aux problèmes
quotidiens rencontrés par ces jeunes.
Il est clair que le rapport indique ici que les moyens d’une
prévention primaire doivent être d’ordre essentiellement éducatifs et non pas
relever d’une instruction et d’une information. Comme on va le voir, cette
conviction est cohérente avec ce qui apparaîtra comme une des conclusions de ce
travail : la prévention primaire ne doit pas tant relever de l’école –
lieu ultimement d’instruction – que des parents et des adultes en général qui
sont en rapport avec les adolescents concernés.
D’où sept traits caractérisant selon le rapport une
prévention primaire ainsi comprise :
1.
elle doit commencer au collège ;
2.
elle doit être globale c’est-à-dire porter sur les différentes
drogues ;
3.
elle doit être intégrée (le mot est de moi) c’est-à-dire remonter
de l’intérêt porté aux drogues à la question des malaises que cet intérêt traduit ;
4.
elle doit être différenciée selon les sexes ;
5.
elle doit être engagée en étroite collaboration avec les
parents ;
6.
elle doit concerner plus généralement tous les adultes de
l’entourage des adolescents concernés (maxime qu’on dira de
l’anti-expertise) ;
7.
enfin elle doit avoir pour base l’écoute et l’échange et doit
donc simultanément encourager les adultes à mieux s’intéresser aux jeunes et
encourager ceux-ci à mieux prendre appui subjectif sur les adultes de leur
entourage.
Comme on le perçoit, ces orientations ne constituent
nullement la doxa en matière de prévention et organisent le champ d’une
prévention très éloignée de l’idéologie de la réduction des risques. Qu’il
suffise pour cela d’indiquer ce qu’une prévention primaire ainsi comprise n’est
pas :
· il
n’y s’agit pas d’information mais d’éducation ;
· il
n’y s’agit pas de détailler les dangers de chaque produit ;
· il
n’y s’agit pas d’état des connaissances techniques sur le produit ;
· il
n’y s’agit pas d’un travail d’experts ;
· il
n’y s’agit pas pour l’essentiel d’un travail d’institutions.
Il y s’agit d’un travail de tout le monde, de tous les gens,
travail éducatif en direction des adolescents pour les encourager à traiter
autrement leur malaise que par le recours aux drogues, travail prenant en
compte la singularité des adolescents, en particulier leur singularité sexuelle
(ce n’est pas du tout pareil d’apprendre à vivre quand on est un adolescent ou
une adolescente), etc.
C’est dire l’intérêt de cette approche, et son caractère à
contre-courant des approches actuelles plus volontiers scientistes.
Le rapport ensuite dégage les enjeux propres de l’évaluation
et non plus principalement de la prévention.
On saisit cependant bien dans cette démarche le lien qu’il y
a entre valeurs à l’œuvre dans la prévention et possibilité même de
l’évaluation : celle-ci vise précisément à dégager les valeurs
effectivement à l’œuvre dans telle ou telle action de prévention. Il est
possible d’évaluer une action de prévention, précisément car celle-ci, au lieu
de se présenter comme une simple opération de gestion n’appelant pas à
discussion, relève d’une série de valeurs, discutées, décidées et qu’il s’agit
précisément par l’évaluation de rediscuter a posteriori.
Les enjeux de l’évaluation vont, selon le rapport,
s’attacher particulièrement à une mesure de « l’efficacité » [6]
de l’action menée c’est-à-dire à l’appréciation de « l’adéquation entre le
projet de prévention et la réalité de l’action » et à « la mesure des
effets produits (évaluation des résultats) ».
On reconnaît là cette partie de notre pentagone qui circule
des objectifs aux moyens et aux effets et qui se donne, en un vocabulaire
canonique, ainsi :
adéquation = moyens / objectifs
efficience = effets / moyens
efficacité = effets / objectifs = adéquation * efficience
Comme on le voit, une évaluation concrète se concentre sur
la partie Sud-Est du pentagone car elle a à faire à une action concrète (saisie
comme moyens spécifiques mobilisés en vue d’effets particuliers). Concentrer
l’évaluation sur deux côtés (sur cinq) du pentagone n’implique pas d’ignorer sa
dynamique d’ensemble mais seulement de l’attraper prioritairement par ce bout.
Le propos de ce rapport est d’évaluer une action de
prévention primaire menée dans les différents collèges de la ville de
Saint-Herblain [7]
(banlieue de Nantes, 43 000 habitants [8]).
Succinctement, cette action concerne trois types de
classes :
· les
classes de sixième, au moyen d’un jeu de l’oie visant à sensibiliser les élèves
à leur « capital-santé » [9] ;
· les
classes de quatrième, au moyen d’actions théâtrales ouvrant à un forum de
discussion ;
· les
classes de troisième, au moyen de l’intervention d’un « professionnel de
la santé ».
Le principe de cette évaluation va être de mesurer les
effets de ce programme en comparant la situation à St-Herblain à celle d’une
ville-témoin de nature comparable (celle de Rezé).
La mesure va prendre la forme d’un questionnaire adressé aux
élèves des deux villes. Au total l’évaluation portera sur 441 réponses dans la
ville-cible et 335 dans la ville –témoin. Remarquons l’excellent taux de
réponse : respectivement 83% et 92% des collégiens concernés.
Le rapport examine alors quelles sont les valeurs déclarées au
principe même des actions de prévention primaire engagées à St-Herblain. Une
chose, en effet, sont les valeurs de la prévention primaire telles qu’exposées
par nos deux auteurs et profilant ce travail d’évaluation, autre chose sont les
valeurs de la prévention primaire telles que mises au principe de l’action
scolaire qu’il va s’agir d’évaluer.
Quelles sont donc les valeurs de la prévention primaire pour
les acteurs de St-Herblain, les valeurs qui ont été mises au principe du
programme de prévention engagé dans cette ville ?
On doit pour cela parcourir à nouveau notre pentagone selon
ce qu’en disent cette fois les responsables municipaux du programme concerné.
Ce qui est considéré par ces acteurs comme problème tient
d’abord à ce qu’ils appellent une aliénation :
« la prise de produit est aliénante […] pour la personne. Aliénante pour son
autonomie psychologique. » [10]
Ensuite il y a ce qu’ils appellent un danger :
« la prise de produit est […] dangereuse pour la
personne. […] Dangereuse parce qu’elle fait côtoyer à la personne des réseaux
délictueux. » [11]
Donc le problème tient à la conjonction (pas à la
connexion [12]) d’une
aliénation et d’une marginalisation délictueuse.
Les objectifs vont être considérés comme relevant essentiellement
d’une éducation, éducation en vérité double – c’est ce qui est ici intéressant
– car éducation certes des jeunes à « un comportement responsable face au
problème de toxicomanie » [13]
mais également éducation des adultes à l’attention portée à ces jeunes en sorte
de repérer assez tôt leurs difficultés, « les signes de mal-être avant
l’apparition de symptômes toxicomanies » [14].
On discerne la particularité des valeurs ici à l’œuvre : l’objectif n’est pas neutre. Il
indexe le « problème toxicomanie » comme « symptôme », ce
qui a pour conséquence que son apparition suppose un travail de ceux qui se
rapportent à ces jeunes pour comprendre ce dont il y a là symptôme. On se tient
ici au plus loin de l’approche scientiste et techniciste consistant à ne considérer
comme « problème toxicomanie » que ce qui aboutirait à des troubles
physiologiques manifestes.
Les moyens mobilisés pour remplir ces objectifs consisteront
dans les initiatives rappelées précédemment (en classes de sixième, quatrième
et troisième).
Les initiateurs insistent en ce point sur les principaux
traits d’une prévention primaire ainsi conçue [15] :
· elle
est massive (elle touche tous les élèves d’une même classe d’âge) ;
· elle
est globale (elle touche tous les gens concernés, pas seulement les
élèves) ;
· elle
est continue (elle dure dans le temps, et suit les élèves dans leur parcours
scolaire) ;
· elle
est une expérience transférable (ce qui va avec le fait, pour nous très
important, que le souci de l’évaluation y est incorporé à son principe, à la
fois a priori et de manière endogène [16]…) ;
· elle
est enfin collective (elle mise en effet sur les échanges entre participants,
jeunes et intervenants).
Venons-en aux résultats de l’évaluation de cette action
particulière.
Ce qui est frappant, c’est un contraste entre l’avis des
jeunes sur l’utilité de cette action et ce qu’il ressort pourtant comme son
utilité indubitable.
« L’utilité des actions n’est reconnue que par moins
d’un jeune sur deux » ; « plus l’action est éloignée dans le
temps, moins elle est jugée utile aujourd’hui » [17].
Au passage, l’idée de prévenir efficacement en faisant peur
est récusée par la majorité, surtout chez les filles [18].
Ceci semble en partie explicable comme la perception
nécessairement biaiséed’une action éducative réussie, qui ne saurait en effet
être perçue distinctement comme peut l’être une simple action
d’information : par définition l’information est la transmission d’un
savoir ; ici « savoir » et « transmission » sont techniquement
identifiables. Par contre l’éduction est encouragement à une attitude, à une
manière de vivre, et « encouragement » comme « manière de
vivre » ne sont plus techniquement identifiables.
Plus encore, si éduquer, c’est encourager quelqu’un à
l’autonomie, une éducation réussie tend ipso facto à n’être pas relevée comme
telle car elle met naturellement l’accent non pas sur elle (l’action
d’éducation) mais précisément sur son effacement au profit de l’action même de
la personne éduquée.
Il semble clair de même que la peur – fut-ce la peur du
gendarme - n’est jamais très bonne
conseillère en matière d’autonomie et de désaliénation : se désintéresser
des drogues n’est guère affaire de double négation (craindre la déchéance) mais
affaire d’affirmation conquise (conquérir ses bonnes raisons de vivre
autrement).
L’enquête apporte d’autres résultats, fort intéressants.
Le partage entre consommation ou non-consommation d’alcool
et de tabac semble indépendant du fait de savoir si le jeune a ou non suivi
l’action de prévention.
Cette action n’aurait donc eu aucun effet notable sur la
consommation d’alcool et de tabac.
Par contre en matière de cannabis, le résultat apparaît
exemplaire puisque ce que le rapport appelle « le risque de consommer du
cannabis » [19]
est divisé par deux grâce au programme de prévention primaire !
Faisons ressortir ici deux choses :
Cette étude fait la preuve qu’une action de prévention
primaire peut être tout à fait efficace au sens où elle réduit de moitié le
risque qu’un collégien consomme du cannabis.
Encore faut-il pour cela considérer que le risque à éviter
est bien celui de fumer le cannabis, et non pas un risque entraîné par le fait
de fumer.
Rappelons : un risque désigne un danger possible et pas
nécessaire. Si le danger est assuré, il s’agit de dommages ou de dégâts, mais
pas de risque.
S’il y a bien lieu de parler – comme le fait ce rapport -
d’un « risque de consommer » qu’il s’agit d’éviter, c’est bien parce
que consommer est tenu pour être en soi un dégât qu’il conviendra précisément
de prévenir.
Et tenir que la consommation de cannabis constitue en soi un
dégât, un dommage, ne peut se comprendre qu’à l’aune non de la santé physiologique
(il est clair qu’une cigarette prise isolément n’entraîne aucun dégât
physiologique significatif) mais bien de valeurs psychologiques (dégâts pour
l’esprit : dommages en matière d’« aliénation » et de
« déresponsabilisation »).
L’étude montre également que ceux qui en classe de troisième
prennent régulièrement du cannabis sont déjà subjectivement dépendants, ce qui
se traduit ici dans le fait qu’ils ne déclarent nulle intention de
s’arrêter [20].
Bref, la toxicomanie au sens subjectif (sens qui, en la
matière comme en bien d’autres, est décisif) se joue dès l’horizon de la classe
de troisième.
D’où l’importance d’une prévention primaire qui accroisse
les chances d’éviter le risque de consommer dès l’époque du collège.
Dernier résultat notable de la prévention primaire :
s’il y a eu une prévention primaire, plus de consommateurs occasionnels
déclarent leur intention de ne pas continuer dans le futur [21].
Bien sûr, il s’agit là d’intentions, et l’étude en question
n’a pu aborder la chronique des consommations chez ces adolescents : les
auteurs regrettent [22]
d’avoir dû se contenter d’une évaluation « ici-ailleurs » (mais c’est
déjà beaucoup) et de n’avoir pu mener une évaluation « avant-après ».
Mais il semble clair qu’il vaut mieux qu’un jeune déclare une telle intention
plutôt qu’il n’affiche une indifférence à un tel objectif.
Les conclusions du rapport tiennent alors aux points
suivants :
Importance d’intégrer l’évaluation [23]
à toute démarche de prévention, et ce a priori.
Par ailleurs, toute prévention primaire doit donner de
l’importance [24]
· aux
parents
· à
la vie familiale,
· aux
acteurs extra-scolaires
· à
la différence des sexes.
On reconnaît là des principes dont toute prévention primaire
aurait avantage à s’inspirer :
· elle
est l’affaire des tous les adultes, nullement d’un personnel spécialisé ou
d’experts de la prévention ;
· elle
est l’affaire de tous les lieux,
nullement une spécialité de l’école ;
· elle
est affaire d’éducation, nullement prioritairement d’information.
Bref, une prévention primaire judicieuse n’est pas affaire
close, de spécialistes ou d’experts mais ne peut exister sans la mobilisation
de tous. La puissance publique peut encourager cette mobilisation, la favoriser ;
elle ne saurait y substituer ses propres institutions.
Comme on l’a vu, une prévention primaire intelligemment
conçue a fait la preuve de son efficacité en termes de prévenir le risque de
consommer.
Encore faut-il bien sûr que la politique en question
considère la consommation de drogues comme un dégât en soi qu’il s’agit
d’éviter par une judicieuse prévention primaire, et non pas qu’elle ne
s’intéresse qu’à former des consommateurs avertis au moyen de préventions
secondaire et tertiaire.
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[1] p. 12
[2] p. 12
[3] p. 12
[4] p. 12
[5] p. 12 et 13
[6] p. 21
[7] P. 24
[8] p. 48
[9] p. 49
[10] p. 47
[11] p. 47
[12] S’il s’agissait de connexion, il suffirait de déconnecter les deux pour « résoudre le problème ». On reconnaît là les axiomes de la réduction des risques : supprimons la marginalisation en supprimant le délit et le problème sera réglé (sous-entendu : l’aliénation n’est pas pour nous un vrai problème).
[13] p. 47
[14] p. 47
[15] p. 47
[16] p. 48
[17] p. 52
[18] p. 54
[19] p. 62
[20] p. 66
[21] p. 70, 82
[22] p. 76
[23] p. 76
[24] p. 80