William BURROUGHS
(écrivain américain ayant longtemps pratiqué la drogue)

 

EXTRAITS

Junky
(10/18)

" On devient drogué parce qu'on n'a pas de fortes motivations dans aucune direction. La came l'emporte par défaut. " 16
" On ne décide pas d'être drogué. Un matin, on se réveille malade et on est drogué. " 16
" La came n'est pas, comme l'alcool ou l'herbe, un moyen de jouir davantage de la vie. La came n'est pas un plaisir. C'est un mode de vie. " 17
" Les fumeurs sont différents des camés. " 37 " Il est absolument impossible de s'intoxiquer avec la marijuana. " " L'herbe crée moins d'accoutumance que le tabac. " 38
" Se désintoxiquer implique au sens le plus littéral la mort des cellules intoxiquées et leur remplacement par des cellules exemptes du besoin de came. " 44
" Un ivrogne endormi attire à lui toute la hiérarchie des vautours. " 54
" Les douleurs causées par la privation sont l'inverse du plaisir qu'on tire de la came. Le fait qu'on en ait besoin est le plaisir en soi. " " Le plaisir qu'on tire de la came est de vivre sous sa loi. " 126
" Un drogué peut bien ne plus toucher à la came pendant dix ans, mais il peut redevenir intoxiqué en moins d'une semaine. " 148 " Camé un jour, camé pour toujours. " 149
" Le camé passe la moitié de sa vie à attendre. " 156
" La came prend tout et n'apporte rien. " 158
" Si j'avais pu prendre ne fût-ce qu'une seule décision, celle-ci aurait été : plus de came, jamais plus. " 159
" Quand on arrête, tout paraît terne, mais on ne peut oublier le rituel de la piqûre, l'horreur passive de la came qui semble concentrer toute vie dans le bras, trois fois par jour. " 175

Le festin nu
(Gallimard - L'imaginaire)

« Ceux qui ont survécu au Mal, ce Mal qu'on appelle la toxicomanie et j'en ai été la proie quinze années durant. » (1)
« Toxicomane, c'est-à-dire prisonnier » (2)
« Ce n'est pas par hasard que les "pontes" de la drogue sont toujours gros et gras alors que le "camé de la rue" est maigre comme un clou. » (2)
« La came est le produit idéal, la marchandise par excellence. » (3)
« Le trafiquant ne vend pas son produit au consommateur, il vend le consommateur au produit. » (3)
« Au-delà d'une certaine fréquence, le besoin de drogue ne peut plus être freiné et ne connaît plus aucune limite. » (3) « On n'en a jamais assez. » (5)
« Les drogués sont des malades totalement incapables de changer leur comportement. » (3)
« Quand il n'y aura plus de malades pour en acheter, le trafic de la drogue cessera aussitôt de lui-même. Inversement, aussi longtemps que le besoin existera, on trouvera quelqu'un pour le satisfaire. » (4)
« Toujours les mêmes histoires, et on les a racontées des millions de fois, mais il n'y a rien à dire parce qu'il n'arrive jamais rien dans l'univers de la drogue. » (8)
« Nous n'avons rien ni personne à perdre. » (11)
« le drogué a besoin d'une dose de plus en plus forte pour conserver forme humaine pour se délivrer du singe qui lui ronge la nuque. » (2) « L'algèbre du Besoin » (3) « Le singe monstrueux du besoin » (11)

 

COMMENTAIRES

· La drogue vue par un drogué : moins un plaisir physique inouï que ce qui donne sens à sa vie, en l'ordonnant à tout instant à un sens (celui du produit) et en intensifiant l'existence autour de différents moments : celui du manque, celui du shoot, celui de la déprime qui suit La drogue procure un sens à la vie du drogué en l'installant sous la tutelle implacable d'une loi : celle du produit.
· L'intensification de l'existence par le sordide. La couleur de l'abject contre le terne de l'existence ordinaire.
· La quête d'un sens à sa vie est compatible avec le nihilisme, lequel n'est pas un refus du sens mais la loi d'un sens « vide », d'un sens pour un sens. Le nihilisme, ce n'est pas ne rien vouloir mais vouloir le rien