Point de vue d'une habitante (16 septembre 2001)

Vous dites que la police ne fait pas son travail au regard des vendeurs et usagers de crack. Il faut savoir que ces individus sont ramenés au poste de police, qu'une procédure judiciaire est diligentée à leur encontre. A la suite de cela, il faut, en tout état de cause, rendre compte au Parquet de Paris. Et là, on les libère, sur instructions du Procureur. la police ne fait pas ce qu'elle veut quand elle veut. Avant d'accuser les policiers, demandez vous pourquoi les drogués reviennent. Ils reviennent car ils n'ont rien à craindre de la justice, ou presque. Il y a des vendeurs car il y a avant tout des consommateurs de crack. Et le simple usager ne fait pas l'objet de répression de la part des tribunaux.
Et le rôle du citoyen dans tout ça ? Avant de manifester, il faudrait apprendre à ne pas se dérober. En effet, combien d'entre vous ne veulent pas témoigner car ils ne veulent pas que leur identité apparaisse dans les procédures pénales et ont peur des représailles. Les représailles, c'est dans moins d'un pourcent des affaires.
Et, suis-je là seule à voir des cars de CRS tous les soirs depuis un mois au moins aux abords de Stalingrad et dans les sous sols du métro?
Pour faire disparaître la présence des drogués agressifs et de leurs fournisseurs: une présence policière est certes indispensable, mais les résidents du quartiers, comme moi, doivent agir AVEC et non pas à l'encontre de la police. Et, dernière chose: parlez en au Procureur de la République et à tous nos ministres qui proclament des lois sans venir voir ce qui se passe dehors. On veut des lois REPRESSIVES.

 

Notre réponse

- Cette manifestation n'est pas précisément contre la police. Elle n'est pas non plus avec. Le problème est à notre sens qu'il faut chasser le trafic de crack du quartier. Le faire n'est pas très compliqué: il ne s'agit pas forcément d'arrêter des tas de gens. Il s'agit surtout de ne plus assurer la tranquillité du trafic.
- Ce trafic est venu là car il est assuré de pouvoir s'y dérouler tranquillement. La contrepartie de la tranquillité pour les dealers: l'insécurité pour les habitants. Si les dealers reviennent ici, ce n'est pas seulement parce qu'ils ne sont pas en prison! C'est surtout parcequ'ils savent qu'ils seront ici au calme pour mener leurs affaires!
- Pour faire cesser la tranquillité assurée au trafic, il faut patrouiller jour et nuit aux lieux mêmes du trafic. Il est clair que 10 hommes de police tournant sans arrêt rue du département, rue d'Aubervilliers et rue de Tanger empêcheraient, par leur seule présence et avec des contrôles d'identité tout à fait ordinaires, que le trafic se maintienne. Ceci, prolongé pendant 15 jours et associé à un cadenassage des terrains vagues, obligerait le trafic à aller trouver fortune ailleurs.
- Les différentes forces de police ont sans doute sur cette affaire des intérêts différents: il est clair que la brigade des stupéfiants tire avantage pour mener ses enquêtes d'avoir un lieu stable de trafic permettant de l'observer, ce qu'elle fait actuellement des toits environnants. Mais, nous habitants, n'avons pas à rentrer dans ces considérations: nous ne sommes pas commissaire de police et n'avons pas la responsabilité de l'affectation des forces de l'ordre. De même les rapports entre Parquet et Police judiciaire ne sont pas de notre ressort. Nous faisons ce qui est de notre ressort. Et nous ne pensons pas qu'on puisse dire de nous que nous nous déroboins à nos responsabilités, tout au contraire!
- Faire cesser le trafic dans le quartier est simplement affaire de volonté et de décision.
Notre méthode: manifester nous-mêmes sur la voie publique
1) pour redonner confiance aux gens du quartier,
2) pour montrer aux dealers que le vent est en train de tourner contre eux,
3) pour contraindre la police à se déplacer sur les lieux en espérant qu'elle prendra ainsi l'habitude de venir sur les lieux non plus contre les habitants mais contre les dealers.
Quant à savoir ce qui se passera après (où se reportera le trafic? Faut-il arrêter, juger les dealers?), ce sont de tout autres questions. Nous ne disons pas qu'elles ne sont pas importantes mais nous pensons qu'il faut les dissocier des premières, ne serait-ce que par ce que nous pouvons quelque chose pour le quartier, nous ne povons pas grand chose pour le problème de la drogue en général.
Et la responsabilité des pères de famille est en priorité de protéger femmes et enfants à charge.