Dans le magazine Rolling Stone (numéro Spécial Paris 2003-2004), au registre Pariscame (pp. 78-81), on peut découvrir d'intéressants propos des responsables de Coordination Toxicomanie 18. À l'heure où Roger Madec envisage d'étendre au 19° le « modèle » de Coordination Toxicomanie 18, les déclarations de Pierre Leyrit et de ses « médiateurs » sont instructifs. Nous les citerons donc dans le texte.
« Il s'agit de bien comprendre la situation pour pouvoir
l'aménager » analyse Pierre Leyrit, responsable
de l'association Coordination Toxicomanie 18.
Aménager, vous avez dit aménager ?
Le journaliste met les points sur les i : « L'association
pratique une politique de réduction des risques. Pas question
ici de prétendre éradiquer la consommation de drogues
ou faire décrocher les plus accros. Pas de discours simpliste
et populiste. » Ainsi vouloir faire décrocher les
plus accros constitue pour notre journaliste un discours populiste.
Pourtant un peu plus loin, un toxicomane déclare au même
journaliste : « Moi, ça fait quinze ans que je suis
dedans. Faut que je décroche avant de déconnecter
complètement. Je ne fais plus que quelques "extras",
mais c'est déjà trop. Il faut que je déménage
du quartier. » Tiens, se dit alors le lecteur, voilà
donc un toxicomane simpliste et populiste ; notre journaliste
ne doit pas l'aimer
Sur ces entrefaites, les « médiateurs » de
Coordination Toxicomanie 18 précisent le contenu
de leur mission d'« aménagement » : «
Ici, on organise des réunions avec le syndic pour sensibiliser
les habitants ». Le lecteur comprend qu'il ne s'agit
pas pour Coordination Toxicomanie 18 de sensibiliser les
toxicomanes aux nuisances qu'ils peuvent provoquer - cela serait
un discours simpliste et populiste - mais plutôt de sensibiliser
les habitants. Et le lecteur de se demander alors : mais à
quoi donc faut-il, selon Coordination Toxicomanie 18, sensibiliser
les habitants ? Les « médiateurs » détaillent
: « Par le contact, nous essayons de changer les représentations
de la toxicomanie. Une habitante balançait des seaux d'eau
tous les matins sur les usagers. Maintenant, elle comprend mieux
leur situation d'exclusion. » Et le journaliste de féliciter
ces « médiateurs » de « faire ainsi retomber
la pression » dans le quartier de la Goutte d'Or.
Le lecteur a ce faisant compris que la « médiation
» de Coordination Toxicomanie revient à «
aménager » la vie du 18° en sorte que les toxicomanes
- les « usagers », plus exactement - ne soient plus
exclus des cages d'escalier et des cours d'immeubles par des habitants
simplistes et populistes. Et Pierre Leyrit de conclure : «
Mais il y a des limites à l'action. Il faut pouvoir
encaisser tout ce qu'on prend dans la figure de la part des habitants
». Ainsi, pour Coordination Toxicomanie 18, la difficulté
d'« aménager » le quartier vient des habitants,
nullement des toxicomanes, ces « usagers » que les
« médiateurs » de Coordination Toxicomanie
« tentent d'épauler » (c'est ce qu'écrit
le journaliste).
Décidément, à prendre modèle sur Coordination Toxicomanie 18, le 19° risque d'avoir de beaux jours devant lui... dans Pariscame.
Lionel Bonhouvrier (18°), Daniel Dalbéra
(19°), Jamal Faouzi (10°), François Nicolas (10°)
et Christian Poitou (19°)
de l'ex-Collectif anti-crack de Stalingrad (novembre 2003)