20 minutes (17 septembre 2002)

Pas de société sans lutte contre la drogue !

Lutter contre le crack ne saurait être l'affaire simplement de la police. Certes c'est à la police et à personne d'autre de réprimer les dealers : de les interdire d'action, de les conduire en prison. Le trafic de crack est criminel - il ne s'agit pas de simple délinquance - et les truands doivent être pourchassés et neutralisés par l'État.
Mais si le trafic de crack se développe, ce n'est pas parce qu'il y a plus de dealers qu'avant ; c'est parce qu'il y a plus de gens qu'avant pour demander du crack. Ainsi, en cette affaire et sur le long terme, c'est la demande qui fait l'offre. Lutter stratégiquement contre le crack - et non plus seulement dans l'urgence, au coup par coup - implique alors de réduire la demande ce qui ne saurait être une simple affaire de police : emprisonner un toxicomane au seul motif qu'il se drogue n'est guère productif ; les raisons que peut avoir le toxicomane de se droguer restent en général intactes à sa sortie de prison. En même temps qu'on réprime sévèrement l'offre, il faut donc aussi s'attaquer à ces raisons. Quelles sont-elles ?
La demande croissante de drogue matérialise la montée d'un nihilisme contemporain dont la maxime a été donnée par Nietzsche : «Plutôt vouloir le rien que ne rien vouloir!», ce qui se dit ainsi pour le toxicomane : «Plutôt vouloir ma drogue que ne rien vouloir!». Extraire de la drogue ceux qui y sont englués, détourner ceux qui seraient tentés d'y recourir implique de leur proposer d'autres volontés que celles de mort, de destruction et d'anéantissement. L'énergie de chacun est requise pour opposer au nihilisme de la drogue l'intensité de projets positifs d'existence car ceci est moins affaire d'écoles, d'hôpitaux ou d'institutions que de parents, de frères, d'amis, d'amants En ce point, l'État ne suffit pas et une mobilisation de l'ensemble des forces sociales est nécessaire : « Pas de société sans lutte contre la drogue ! ». Mobiliser comment?
Il faut d'abord prévenir les jeunes, les encourager à se détourner du nihilisme de la drogue, moins en leur faisant peur qu'en développant leur mépris contre cette servitude volontaire et leur appétit pour une liberté agissante.
Il faut aussi aider les toxicomanes, piégés dans leur dépendance, à vouloir autre chose que le crack. Pour ce faire le Collectif anti-crack propose la création d'un Samu-toxicomanie qui irait à la rencontre des crackés et autres toxicomanes en leur proposant les soins adaptés à leur état et en leur offrant la possibilité de s'écarter quelque temps de la scène de la drogue sous forme de nuitées et courts séjours loin de toute tentation, leur permettant ainsi de se reconstituer et de réfléchir tranquillement à des propositions durables de désintoxication.

François Nicolas (Collectif anti-crack de Stalingrad, Paris)