Le Parisien (18 avril 2002)

 

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Toxicomanie/ Stalingrad
Les pères combattent la drogue sans relâche

QUARTIER DE STALINGRAD (X e , XVIII e , XIX e ), MARDI. Depuis six semaines, des pères de famille sillonnent les rues touchées par le trafic de crack.   (DR.)

TOUT COMMENCE par une réunion hebdomadaire au bar-tabac de la place Stalingrad (X e ). Thème abordé : le trafic de crack et ses conséquences sur la vie des habitants. Chaque mardi, les riverains concernés venus des X e , XVIII e et XIX e arrondissements échangent leurs impressions et s'organisent. Depuis six semaines, les pères de famille, membres du collectif anti-crack de Stalingrad, ont décidé de sillonner ensemble, sans agressivité, les rues touchées par le trafic. A la fin de l'été dernier, ils étaient plusieurs centaines à manifester leur colère face au trafic de drogue et à l'insécurité qui en découlait. Six mois plus tard, le trafic semble s'être dispersé mais reste très présent. « En septembre 2001, nous manifestions notre colère pour que la police agisse contre les dealers qui envahissaient Stalingrad. Il s'agissait d'actions offensives, un coup de poing sur la table. Aujourd'hui, le trafic est sur la défensive mais il est latent. La situation s'est très nettement améliorée. Avec le retour des beaux jours nous savons que la drogue va recommencer à circuler plus fortement. Avec les tournées, nous nous organisons de façon plus durable et à un niveau préventif », explique François Nicolas, avant le départ.
Les mères aussi pourraient agir à l'avenir Après avoir défini le périmètre de la tournée, les huit pères présents ce mardi partent vers la rue d'Aubervilliers, coeur du trafic, salués par quelques « bon courage » qui reviendront comme un leitmotiv au cours de la soirée. Tous vont, pendant plus de deux heures, munis d'un tract rédigé en français, arabe et chinois, à la rencontre des habitants, des commerçants et des toxicomanes ; jamais vers les dealers. Sekou, Jean-Luc, François, Abdelhamid et quatre autres pères de famille, venus de toutes les communautés, abordent tous les passants et prennent le temps d'expliquer leur démarche. « Nous sommes des parents du quartier. Nous essayons de lutter avec nos moyens contre la drogue et le trafic. Nous rencontrons les jeunes pour parler avec eux de la vie collective dans le quartier et pour les prévenir de se tenir à l'écart du trafic. Il y a aujourd'hui mieux à faire... » Ce discours sera répété des dizaines de fois, et à chaque fois des encouragements et des témoignages viendront les conforter du bien-fondé de leur initiative. Leur marche les mènera ce soir-là à Abdoulaye, accro au crack. Sa silhouette fantomatique s'explique par quatorze ans de toxicomanie et un parcours jalonné de plusieurs cures de désintoxication et de passages en prison. Le dialogue s'instaure en français, en peul, dialecte guinéen. « Qu'est-ce que des gens comme nous peuvent faire pour vous aider ? » demande François Nicolas. « Je dois m'en sortir seul mais je suis trop faible pour ça », répond Abdoulaye. Le groupe restera une vingtaine de minutes avant de poursuivre la tournée. Tous savent qu'ils recroiseront Abdoulaye un autre jour, une autre nuit. Au métro la Chapelle, une jeune mère du quartier souhaite participer à l'action du collectif. Un local ouvert aux femmes pourrait voir le jour prochainement près de la place de Stalingrad. La tournée s'achève rue d'Aubervilliers sous les insultes de très jeunes dealers perturbés, une fois de plus, dans leurs habitudes.

Le collectif anti-crack tient une permanence chaque mardi, de 19 heures à 20 h 30 au café le Rallye, place de Stalingrad (X e ). Renseignements : www.entre-temps.asso.fr/stalingrad.


Marie Ottavi
Le Parisien , jeudi 18 avril 2002