Bulletin de l'AFP du 26 juin 2002

 
AFP Général - Mercredi 26 Juin 2002 - 13:40 GMT - 15:40 Heure Paris

Drogue-Paris

Pères de famille et squatters africains alliés contre le trafic de drogue

par Martine NOUAILLE.

PARIS, 26 juin (AFP). "Il pourrait être le José Bové de la toxicomanie" : sur un trottoir du quartier Stalingrad à Paris, le Dr Francis Curtet, un pionnier de la lutte anti-drogue, observe avec intérêt François Nicolas, animateur du "collectif anti-crack", sympathiser avec les squatters africains des taudis.

A la veille des vacances, c'est la dernière tournée hebdomadaire du collectif dans les rues où sévit le trafic. Au 13 rue d'Aubervilliers (XVIIIe arr.), la plus touchée par le trafic, un immeuble-poubelle est squatté par des familles africaines dont les parties communes sont devenues un repaire pour les vendeurs et les consommateurs de crack.
En neuf mois de mobilisation dans cet îlot déshérité du nord de Paris, en pleine rénovation urbaine, les "pères de Stalingrad", autre nom du collectif, ont fait reculer le "trafic ouvert" en pleine rue.
Ils ont aussi réalisé qu'il s'est réfugié dans des cours d'immeubles, des cages d'escalier, des chambres abandonnées. Et c'est là que leurs intérêts ont rejoint ceux des squatters.
"Ici, ce n'est pas une vie", raconte Hadji Camara, électricien, qui montre son logement sans eau, les fils électriques dénudés, les cages d'escalier nauséabondes hantées par des ombres décharnées. Il vit là depuis 1989, avec sa femme et ses trois enfants dont le plus petit est atteint de saturnisme, désespérant d'obtenir un logement décent.
M. Touré, qui loge avec sa femme et sa fille adolescente dans l'appentis de la cour, désigne le plafond défoncé à force d'être piétiné par les toxicomanes fuyant les descentes de police. Le propriétaire de l'immeuble voisin a mis des barbelés et même un fil électrifié pour les empêcher de passer dans sa cour, mais rien n'y fait.
La solution passe donc par la destruction de ces taudis, et par voie de conséquence par le relogement des habitants, estime le collectif. La mairie de Paris dit y travailler, mais le temps presse : à la rentrée va s'ouvrir rue d'Aubervilliers, une nouvelle école maternelle.
Dans leur combat les neuf "pères de Stalingrad" - cinq Français, deux Algériens, un Marocain, un Malien - se heurtent aux militants d'Act-Up. L'association de lutte contre le sida, qui milite pour la légalisation de la vente des drogues et l'ouverture de centres d'accueil pour les "usagers", les a comparés à une "milice privée". "Que les usagers des drogues se rassurent: ils sont les bienvenus", concluait un tract d'Act-Up diffusé dans le quartier.
"C'est un discours complètement pervers", accuse Lionel Bonhouvrier, l'un des "pères". "Nous n'avons rien contre les toxicomanes, mais le but doit tout de même être de les sortir de la drogue". Francis Curtet approuve : "apprendre à +se droguer propre+, ça ne m'emballe pas".
Avec le collectif, le psychiatre met en cause la politique de "réduction des risques" qui dominerait aujourd'hui face à la toxicomanie. Il voudrait bien convaincre François Nicolas de prendre la tête d'une association nationale "de lutte contre la banalisation de la drogue".
Pour l'heure, le collectif avance une revendication : la création d'un "SAMU toxicomanie", à l'image du SAMU social pour les SDF.

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