En un mois, quatre manifestations. Pas de doute, les habitants
de Stalingrad sont déterminés à se réapproprier
leur quartier victime du crack. Déterminés à
en finir avec ce triste ballet quotidien entre dealers et usagers
dans les cours d'immeubles. A chaque manifestation du mardi soir,
les mêmes slogans et la même question : «Que
fait la police ?» «Nous demandons simplement à
la police de dissoudre les rassemblements mafieux qui vivent grâce
et pour le crack», réclame François Nicolas
à la tête du collectif de riverains.
Mais pas si simple de faire le ménage. «Arrêtons
de dire que la police se tourne les pouces», s'énerve
Roland Maucourant, commissaire principal des 10e, 18e et 19e arrondissements.
Une présence en uniforme supplémentaire ne réglera
rien. Elle ne fera que déplacer le problème dans
un autre quartier. L'inquiétude des riverains est légitime,
mais la toxicomanie est un phénomène de société.
Les toxicomanes méritent un traitement médical.
Nous arrêtons régulièrement quelques dealers
pour diluer le phénomène et le rendre supportable.»
En clair, le premier flic du nord de Paris n'est pas favorable
à une politique ultrarépressive façon New
York. Un point de vue partagé par les associations de prévention
comme Coordination 18. «Lorsqu'on discute dans la rue, on
s'aperçoit que le sentiment de rejet s'atténue quand
les habitants connaissent les usagers, des membres de leur famille
parfois», explique Pierre Leyrit, directeur de l'association.
Hervé Rossignol responsable du sleep-in (accueil de nuit)
de la rue Pajol (18e) est plus pragmatique. Depuis sept ans, son
havre de paix au milieu de la jungle de la Chapelle apporte une
aide d'urgence aux toxicomanes. «Au moins, lorsqu'ils sont
ici, ils n'emmerdent pas les riverains», lâche-t-il
crûment. La solution passe peut-être provisoirement
par ce type de structure. En octobre 2000, Bertrand Delanoë,
alors en route pour l'Hôtel de Ville, avait reconnu que
Paris était très en retard dans ce domaine. Les
chiffres lui donnent malheureusement raison. Paris compte un seul
sleep-in, celui de la rue Pajol justement, qui peut héberger
30 toxicomanes maximum, et une poignée de lieux d'accueil
et d'écoute.
Grégoire Queinnec