Le quartier Stalingrad n'en peut plus du crack

 

ABORDS DE LA PLACE DE STALINGRAD, JUILLET DERNIER.

Les habitants du quartier Stalingrad, situé à la frontière des Xe , XVIIIe et XIXe arrondissements , subissent depuis plusieurs mois les violences liées au trafic de crack. Aujourd'hi, ils entendent manifester pour dénoncer cette situation.

IMMEUBLES ABANDONNÉS et squattés, magasins fermés, et des dizaines de revendeurs de crack dans les rues, le paysage est sombre aux abords de la place de Stalingrad. Envahi par le trafic de crack depuis plusieurs mois, ce quartier situé à la frontière des X e , XVIII eet XIX e arrondissements a des allures de ghetto. Frédéric habite le X e depuis quinze ans et assure que le quartier n'a jamais été aussi dangereux. « Les toxicos se défoncent dans nos halls d'immeuble et même dans la rue, sous les yeux des enfants. Ils errent nuit et jour les yeux perdus dans le vide comme des fantômes. Le crack les rend très violents. On se fait agresser tous les jours sans raison et la police ne fait pas son travail. Les gens ont peur de sortir de chez eux », confie-t-il. Ereinté par l'agressivité des consommateurs de crack, Frédéric manifestera ce soir avec d'autres habitants place de Stalingrad pour que des mesures soient prises contre le trafic de drogue. En six mois, le trafic s'est déporté du quartier de Château-Rouge (XVIII e ) à la rue d'Aubervilliers (XIX e ) et autour de la rue Louis-Blanc dans le X e arrondissement. Cette complexité géographique arrange les trafiquants et rend le travail de la police difficile. « Une patrouille de police du XIX e arrondissement n'a pas le droit d'intervenir sur le X e , par exemple. Les dealers n'ont qu'à traverser la rue pour continuer leur trafic tranquillement », souligne Frédéric.

Une complexité géographique qui profite aux dealers

Le crack a un effet fulgurant sur celui qui le consomme, entre quelques secondes et une minute, obligeant les toxicomanes à venir s'approvisionner plusieurs fois par jour. Violence et paranoïa aiguë suivent vite avec le manque. Gérant d'un café du quartier, Antoine est un témoin « privilégié » de ce quotidien sordide. Cambriolé six fois en cinq ans, il veut quitter Paris au plus vite. « En un an, mon chiffre d'affaires a chuté de 50 %. Avant je fermais à 2 heures du matin, maintenant c'est 23 heures maximum. Tous les jours, je vois des vols et des bagarres », explique-t-il consterné. « Ici, c'est un supermarché, ajoute un client. Vous avez besoin de faux papiers, d'une arme à feu ou d'un portable ? Tout est à portée de main, il suffit de sortir les billets. » A l'extérieur, les revendeurs sont bien organisés. Il y a toujours quelqu'un posté au coin de la rue pour prévenir de l'arrivée de la police. Jour et nuit, les trafiquants font le mur en attendant le client. Ils ont entre 13 et 20 ans. Un simple regard suffit pour provoquer le clash. « Tu veux fumer une galette ou mon poing dans ta tête ? » Ambiance...

Manifestation contre le trafic de crack, ce soir à 17 heures, sous la rotonde de la place de Stalingrad (X e ).


Marie Ottavi
Le Parisien , mardi 18 septembre 2001