« Accueillir et prendre en charge les toxicomanes »
ROGER MADEC, maire PS du XIXe arrondissement

(Le Parisien, samedi 20 octobre 2001)

 

STALINGRAD, la Chapelle, la Goutte-d'Or, depuis trois semaines, les habitants de ces quartiers manifestent ensemble contre les revendeurs de crack. Contre les ravages de cette drogue - et des autres - sur leur quotidien, leur sécurité et leur cadre de vie. Chaque mardi soir, de plus en plus nombreux, ils appellent les élus à agir enfin contre ce fléau. Nous avons rencontré Roger Madec, le maire du XIXe. Pour lui, les solutions ne passent pas simplement par une répression policière.

Le début du chantier du secteur du passage Goix devrait, selon vous, réduire le trafic de drogue dans ce quartier.

Roger Madec. En effet, le trafic de drogues dures s'organise dans les poches d'insalubrité. Pas dans l'Ouest parisien ou autour des Buttes-Chaumont. Les chantiers vont déranger ce commerce. Un permis de construire a déjà été délivré, et deux autres sont en passe de l'être. Les travaux commenceront donc entre janvier et mars 2002.

Les habitants de la place Stalingrad reprochent à la ville de ne rien faire contre les dealers de crack. Qu'en pensez-vous ?

Non, les policiers interviennent. Leurs feuilles de routes l'attestent : il n'est pas un soir sans qu'un trafiquant soit interpellé. Nous aussi, nous travaillons. Par exemple, nous avons supprimé les palissades, pour mettre des grillages il y a un mois et demi. Cette installation, qui a tout de même pesé à hauteur de 300 000 F (45 734,71 euros) sur le budget, a dérangé le trafic. Je comprends le mal-vivre exprimé par les riverains. Il est inadmissible de laisser se développer des zones de non-droit. Cependant, je regrette que leur mécontentement soit exploité, voire instrumentalisé, pour des raisons politiciennes. La semaine dernière, lors de la manifestation, on a vu fleurir pancartes et slogans contre Bertrand Delanoë.

Comment peut-on résoudre ou réduire le problème ?

Il faut travailler dans trois directions. Tout d'abord, sévir. Nous avons obtenu du renfort dans les Xe, XVIIIe et XIXe arrondissements, et des trafiquants sont régulièrement arrêtés. Mais, seule, la répression ne fera que repousser les toxicomanes vers d'autres quartiers. Il faut donc réhabiliter les immeubles insalubres. Enfin, il faut accueillir et prendre en charge les toxicomanes, en amont et en aval.

En mai dernier, lors d'une visite à la coordination Toxicomanies XVIIIe, Bertrand Delanoë parlait d'étendre ce dispositif à d'autres arrondissements. Qu'en est-il ?

Il faut installer des structures dans chaque arrondissement : la ville ne peut pas faire l'économie d'une politique en profondeur. Mais cela prend du temps : nous préférons perdre trois mois plutôt que faire n'importe quoi.

Les riverains vivent mal l'installation de ces centres. Faut-il les imposer ?

Le centre de la rue Beaurepaire (Xe) est un échec parce qu'il a été ouvert à la sauvette. Tandis que la médiation faite par les personnels de la coordination Toxicomanies XVIIIe a facilité son installation. Je suis tout prêt à accueillir un centre Toxicomanies XIXe, coordonné par des spécialistes. Et nous dialoguerons avec les habitants.

Pensez-vous, alors, qu'il faille dépénaliser les drogues dites douces ?

Oui, il faut avoir le courage d'envisager la dépénalisation du cannabis. Et peut-être même d'en organiser la vente. Cela me semble préférable à la vente actuelle qui entretient richement des mafias.


Propos recueillis par Julie Cloris