Confronté aux diffamations d’ActUp, le Collectif anti-crack réaffirme ses positions

 

 

 

Nous redisons face à ActUp ce que nous avons dit face à Le Pen le 25 avril dernier.

 

• Nous refusons les amalgames qui tétanisent toute pensée et entravent les pratiques émancipatrices. Nous contredisons ainsi et déqualifions les fausses équations suivantes : « Squats = drogue », « Sans papiers = dealers », « Immigrés = drogue + voyous », « Toxicomanes = dealers », « Séropositifs = toxicomanes » « Contre la drogue = pro Le Pen ». Tous ces énoncés sont infâmes et nous les combattons.

 

• Nous refusons l’inversion des positions abjectes précédentes, comme s’il suffisait de retourner des mots d’ordre crapuleux pour disposer d’idées praticables. Nous contredisons ainsi les amalgames symétriques : « Contre la drogue = fachos », « Contre la drogue = contre les drogués », « Contre la drogue = délire sécuritaire », « Contre la drogue = bourgeois » (comme si le toxicomane constituait aujourd’hui l’emblème du peuple !), « Contre le sida = s’arranger avec la drogue ». Tous ces énoncés sont également faux.

 

• Nous refusons qu’on assure la tranquillité des habitants en parquant les toxicomanes dans des centres de shoot, fussent-ils en lointaine banlieue (rappelons-nous : Le Pen proposait de créer des « sidatoriums » où parquer les séropositifs…).

 

• Nous réaffirmons qu’il faut en France lutter à la fois sur deux fronts, contre le sida et contre la drogue, et non pas abandonner la seconde lutte au nom de la première.

 

• Nous réclamons que se mette en place sur toute la France une politique de soins (qui se batte contre la drogue et aide les toxicomanes à conquérir l’abstinence) et non plus la désastreuse « politique de réduction des risques » actuelle (qui traite en fins, et non en moyens, l’échange des seringues et les produits de substitution).

 

• Nous réitérons que le trafic de crack relève du crime, non de la délinquance. Les problèmes que pose ce trafic, venu occuper le quartier Stalingrad, ne sont pas du même ordre que les questions de délinquance sécrétées par les cités de banlieue. Contre le crime, contre les truands, contre les dealers, c’est à la police d’agir.

 

• Pour notre compte, nous agissons pour reconquérir l’espace public, habitants et commerçants réunis. Nous agissons pour organiser les jeunes contre la drogue. Nous agissons pour convaincre les toxicomanes de respecter les règles de vie commune et sortir du piège dans lequel ils se sont enfermés (nous soutenons ainsi le travail des Narcotiques Anonymes).

 

• Nous agissons là où nous sommes (à ceux qui ne le feraient pas, on objecterait à raison qu’ils devraient d’abord agir chez eux plutôt que de donner des leçons au voisin). Nous ne limitons cependant pas notre horizon à notre quartier : nous encourageons les autres quartiers, en particulier limitrophes, à faire comme nous. Nous nous organisons avec eux contre la drogue. Nous appelons à reprendre le combat contre la drogue dans tout le pays et pas seulement dans notre quartier. Nous exigeons des municipalités et ministères qu’ils fassent le travail qui leur revient dans le nécessaire combat de ce pays contre la drogue.

 

• Nous concentrons aujourd’hui nos forces autour des habitants du quartier les plus démunis : les familles africaines qui habitent les repaires du crack et ont besoin d’un relogement immédiat. Pour cela, nous nous coordonnons désormais avec Droit au logement.

 

 

 

Notre lecture de l’affiche d’ActUp

 


Pourquoi alors ces calomnies d’ActUp ? Pourquoi dresser du Collectif cette image de traqueurs de toxicomanes, de chasseurs de drogués quand tous nos actes et tous nos propos, tous les compte rendus qui en ont été faits (et ils ont été nombreux dans la presse : qu’ActUp lise entre autres l’article qui nous a été consacré dans le dernier Nouvel Observateur) la déqualifient ?

 

Il est vrai que le papier d’ActUp manie les images sans trop se soucier de leur cohérence. Voilà des Pères blancs qui font la chasse à l’homme, une Église missionnaire qui traque des boucs émissaires, des procès qu’on situerait à Moscou plus volontiers qu’à Vichy, et jusqu’au nom de Stalingrad dont on ne sait plus bien si c’est celui de la plus grande des batailles ou d’un petit village gaulois pris dans des querelles de voisinage. Décidément, ActUp semble mélanger les pages de son manuel d’histoire…

ActUp, qui n’en est pas à une balourdise près, souhaite la bienvenue aux gens de son quartier : « Que les usagers de drogues du quartier se rassurent : ils sont les bienvenus parmi nous. » Là où tout un chacun souhaite la bienvenue au visiteur venu de loin, à l’étranger qui arrive, ActUp prend la pose prudhommesque et déclare « Bienvenue ! » à ses voisins déjà installés dans le quartier, à son boulanger, à sa gardienne, à son « usager de drogue »… Sans doute ActUp a-t-il mélangé les mots de son lexique et confondu « Bienvenue ! » et « Bonjour ! »…

Relevons au passage : s’adressant dans ces conditions insolites à « l’usager de drogue du quartier », ActUp pratique ce faisant un tri entre qui est du quartier et qui n’en est pas… Comme quoi, n’est pas égalitaire qui le prétend…

 

ActUp déclare que ce qui poserait problème à Stalingrad, ce ne serait pas le trafic de crack mais les habitants du quartier à mesure de ce que ceux-ci seraient « inhospitaliers ». Ainsi les familles africaines, harcelées dans leurs taudis par le trafic, et qui selon ActUp ne connaîtraient qu’un « sentiment d’insécurité », non une « insécurité réelle », feraient preuve d’inhospitalité en refusant que leurs enfants soient plus longtemps perdus dans ce chaos ! Ainsi les habitants qui demandent aux toxicomanes de respecter les règles élémentaires de la vie commune (ne pas dormir dans les escaliers, ne pas se shooter devant les enfants, ne pas faire ses besoins dans les caves, ne pas forcer les portes…) manqueraient d’hospitalité.

 

ActUp, peu économe des formules toutes faites et du prêt-à-dénigrer, s’en prend aux commerçants du quartier en déclarant qu’ils seraient « gênés dans leurs affaires » : c’est sans doute que pour ActUp un boulanger ou un épicier ne devrait plus se soucier de vendre son pain ou ses fruits… — on découvrira plus loin le seul commerce dont ActUp se préoccupe…

 

ActUp dévoile progressivement sa cause véritable. « Faire la chasse aux dealers, en l’état de la législation, n’a pas d’autre effet que compliquer encore un peu plus la vie des usagers de drogue. » ActUp veut entraver « la chasse aux dealers » (notons-le : il ne parle déjà plus d’une supposée chasse aux toxicomanes) car cette chasse dérange le commerce du crack dont le toxicomane est un client. Tout à l’heure ActUp s’en prenait aux commerçants du quartier, « gênés dans leurs affaires ». C’est maintenant pour défendre le commerçant de drogue (le mot dealer n’a pas d’autre sens) et éviter qu’il soit gêné dans ses propres affaires, dans son commerce du crack.

ActUp poursuit : les « usagers de drogue » sont « mis en danger par les produits frelatés que la prohibition met en circulation ». Comprenez : c’est la prohibition qui fait le danger du crack. Légalisez-le et le produit n’offrira plus de danger ! À ce compte, ActUp devrait demander la légalisation de l’absinthe puisque le seul danger de cet alcool ne tient, c’est bien connu, qu’à son interdiction. Et d’ailleurs, qui ne sait que l’absinthe ne faisait aucun tort avant son interdiction et que les morts ont suivi, et non précédé, cette interdiction !

 

La sophistique d’ActUp met en œuvre des opérations bien répertoriées. Deux d’entre elles, par exemple.

• Il y a l’inversion de la cause et de l’effet : dites que l’effet crée la cause, et vous aurez donné apparence rationnelle à votre propos en même temps que vous aurez semé un trouble dans la pensée dont pourra profiter une cause indéfendable. Affirmez haut et fort que le crack n’est pas interdit parce qu’il est dangereux mais qu’il est dangereux parce qu’il est interdit, et vous aurez créé un tournis, un soudain vertige qui paralysera un instant la conscience de qui vous lit et vous permettra d’avancer vos pions. Affirmez en menaçant de surcroît — de préférence inscrivez tout cela sur des affiches noires en sorte de mieux frapper les esprits par une couleur lugubre tétanisant la pensée —, que les dealers ne font pas de tort mais que c’est les contrarier qui fait du tort et vous aurez généré une confusion des esprits apte à imposer votre cause.

• Il y a la double négation qui permet de faire l’économie d’une affirmation trop claire risquant de vous démasquer. Ainsi, quand le Collectif soutient que dealers et toxicomanes ne sont pas les mêmes, niez cette négation (dites par exemple : « il est démagogique d’opposer les pauvres toxicomanes à leurs méchants dealers »). Vous pourrez toujours rétorquer que vous n’avez jamais dit que dealers et toxicomanes sont les mêmes mais vous aurez cependant induit qu’ils sont indiscernables. L’enjeu pour ActUp est ici transparent : cela lui permet de passer de l’énoncé vrai « Le Collectif dénonce les dealers » à l’énoncé faux « Le Collectif dénonce les toxicomanes » puisque ces derniers ne seraient pas discernables des premiers…

 

 

La nouvelle cause poujadiste d’ActUp

 

Si l’on éponge ce texte de sa rhétorique convenue, quelle cause se dessine-t-elle ?

Celle-ci : il s’agit pour ActUp de légaliser le crack à l’égal de toutes les drogues, de donner patente déclarée aux dealers plutôt que de les pourchasser, d’officialiser et multiplier les crackhouses.

ActUp semble désormais vouloir promouvoir un véritable lobby du crack. ActUp, qui n’a jamais été en manque de poujadisme, ouvre le front d’un nouveau corporatisme et souhaite à Stalingrad la bienvenue aux acteurs du trafic de crack. ActUp encourage ainsi de fait, à l’orée de l’été 2002, la reconstitution de la criminelle « scène ouverte » du crack que la rue du Département a connue l’été dernier. On lui laissera la tâche de convaincre les enfants fréquentant la bibliothèque Hergé d’avoir à souhaiter la bienvenue aux dealers et toxicomanes qui les ont traumatisés tout au long de l’été 2001 ! On laissera également à ActUp le soin de convaincre les parents de la crèche Rebuffat d’avoir à souhaiter la bienvenue aux gens qui agressaient mères et puéricultrices en juin 2001…

 

Si ActUp a ainsi choisi d’apporter son nom, son logo et sa couleur macabre en caution d’un nouveau lobby du crack, grand bien lui fasse !

Pour entraver l’offensive actuelle du quartier contre le crack, ActUp a besoin de nous menacer : « Que le Collectif se le tienne pour dit : l’indésirable, à Stalingrad, c’est lui ». Nous verrons bien les actes qui découleront de ces petits coups de menton et nous y ferons tranquillement face. Depuis le début, le Collectif anti-crack a choisi de ne pas aller affronter les dealers. De même, le Collectif a mieux à faire que d’aller à la rencontre des avocats des dealers et des publicitaires du crack. Le Collectif, qui ne s’en laisse pas conter par les dealers, s’en laissera moins encore conter par ActUp et continuera son combat dans le quartier contre le crack, sur les bases rappelées plus haut.

Il consacre actuellement ses forces à obtenir la fermeture des repaires du crack et le relogement des familles qui y vivent. Telle est l’urgence. Tel reste notre objectif avant l’été. À ce titre, le Collectif appelle avec les familles africaines concernées à un troisième rassemblement pour la fermeture des repaires du crack et le relogement des familles qui y logent :

 

Mardi 18 juin 2002 à 19 h 30

devant le 13 rue d’Aubervilliers (18°-19°)


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Collectif anti-crack

84, rue de l’Aqueduc — 75010

Tél. : 06 76 58 18 27      Fax : 01 46 07 27 58

mailto:Stalingrad@noos.fr     http://www.entretemps.asso.fr/Stalingrad

 

 

Texte et affiche d’ActUp

 

NON À LA TRAQUE DES USAGERS DE DROGUES

 

Depuis septembre 2001, un “Collectif anti-crack” sévit dans notre quartier. Une alliance de riverains inhospitaliers et de commerçants gênés dans leurs affaires s'est mis en tête de faire la loi à Stalingrad et de décider qui avait le droit d'y vivre, et comment. Des escouades de “pères de famille” font la morale depuis des semaines aux usagers qu'ils trouvent dans la rue. Et s'en prennent maintenant aux lieux privés dans lesquels les drogues sont échangées puis consommées, instrumentalisant l'inquiétude des familles qui y vivent. La “chasse aux dealers” s'organise. Nous ne l'acceptons pas.

Nous n'acceptons pas qu'une sorte de police privée remette au goût du jour des pratiques qui rappellent davantage Vichy que Stalingrad : on mène l'enquête, on instruit le procès, on juge et on dénonce publiquement, on s'échange des informations et des noms entre “victimes de l'insécurité”, on fait le tri entre bons et mauvais voisins, on se cherche des boucs émissaires.

Nous n'acceptons pas qu'une sorte d'église missionnaire se permette, depuis une ignorance à peu près complète de la réalité vécue par les usagers de drogues, de leur prêcher l'abstinence, en les tutoyant. Nos “pères de famille” se comporte en Pères blancs : ils voudraient eux aussi que leurs indigènes oublient qu'ils sont ici chez eux.

Nous n'acceptons pas la démagogie qui consiste à opposer les pauvres toxicomanes à leurs méchants dealers. Le rêve simpliste d'une “chasse aux dealers” escamote le vrai problème : il y aura des trafiquants et des lieux de vente clandestins tant que les drogues seront prohibées, c'est-à-dire tant que ceux qui en consomment n'auront pas d'autres possibilités d'approvisionnement. Faire la chasse aux dealers, en l'état de la législation, n'a pas d'autre effet que compliquer encore un peu plus la vie des usagers de drogues.

Nous n'acceptons pas le réflexe qui consiste à chasser hors de sa vue un problème dont on ne veut pas la solution, mais le simple éloignement. La fermeture de ce qu'ils appellent des “crackhouses” ne fera que déplacer les difficultés dans d'autres quartiers, sans les résoudre. Pour qu'il n'y ait plus d'usage ni dans les rues, ni dans les cages d'escalier, il faut ouvrir d'autres lieux : des lieux officiels et protégés où les usagers de drogues pourraient trouver les informations, l'aide sociale, le soutien médical et - pourquoi pas? - les produits dont ils ont besoin, s'ils le souhaitent.

En somme, nous n'acceptons pas que le sentiment d'insécurité qui s'est emparé d'une partie des riverains accroisse l'angoisse de tous les habitants et l'insécurité réelle vécue par les usagers de drogues, déjà contraints à la clandestinité, harcelés par la police et la justice, exposés au risque de contamination par le sida ou l'hépatite, mis en danger par les produits frelatés que la prohibition met en circulation.

 

Nous exigeons donc des pouvoirs publics qu'ils fassent cesser cette chasse à l'homme, et des candidats aux législatives dans notre circonscription qu'ils s'en démarquent clairement. Nous invitons les habitants du quartier à ne pas laisser le champ libre au simplisme et à l'inhospitalité.

 

Que le Collectif anti-crack se le tienne pour dit : l'indésirable, à Stalingrad, c'est lui. Que les usagers de drogues du quartier se rassurent : ils sont les bienvenus parmi nous.

 

COLLECTIF STALINGRAD, PAS VICHY

 

Le Collectif “Stalingrad, pas Vichy” est un collectif d'habitants des 10ème, 18ème et 19ème arrondissements, hébergé par ActUp-Paris.

 

(cliquez sur l’affiche pour l’agrandir)