13 mai 2004
Aux gens du quartier Stalingrad qui ont lutté contre
le crack
NOTRE TRAVAIL DEPUIS SEPTEMBRE 2002 POUR UN
SAMU-TOXICOMANIE,
pour une politique de soins contre la politique de réduction des risques
Notre expérience du Collectif anti-crack nous a conduits à faire la
proposition suivante : créer un Samu-toxicomanie qui aille dans la rue à la
rencontre des toxicomanes en leur offrant la possibilité de s'éloigner quelques
jours de la scène de la drogue.
De petites équipes de rue iraient proposer aux toxicomanes d'aller dormir deux
ou trois nuits à l'écart du trafic, dans des lieux prévus à cet effet qui leur
permettraient de se reposer, de se reconstituer physiquement et d'y rencontrer
un personnel les encourageant à s'engager dans cette longue aventure qu'est une
sortie de la drogue.
De telles possibilités pour le moment n'existent pas.
· Il existe des lieux où les toxicomanes peuvent venir dormir gratuitement mais
ces lieux (Sleeping) sont à proximité
immédiate des scènes de la drogue. Si cette proximité facilite l'accès à ces
lieux de repos, elle facilite tout autant la reprise de la consommation de
drogues à la sortie de la nuit dès les forces reconstituées.
· Il existe des équipes allant dans la rue à la rencontre des toxicomanes mais
ces équipes sont au service de la politique de réduction des risques
c'est-à-dire qu'elles conseillent aux toxicomanes de se droguer propre (en
particulier en changeant régulièrement leurs seringues) mais ne les incitent
guère à se retirer du trafic
Bref, nul ne va à la rencontre des toxicomanes pour les encourager à cesser
leur auto-empoisonnement, à sortir de leur servitude volontaire.
Un Samu-toxicomanie nous semble pouvoir répondre à ce manque criant.
D'où nous vient cette idée ? De l'expérience du quartier constituée dans sa
lutte contre le crack. Rappelez-vous : nous avons dû organiser une série de
manifestations locales pour obtenir que la scène ouverte du crack soit
dispersée par la police. Nous avons ensuite été la nuit à la rencontre des
toxicomanes pour mieux comprendre d'où procédait la dégradation connue par
notre quartier. Nous avons enfin organisé des rassemblements pour obtenir la
fermeture des repaires du crack dans le quartier.
Le détail écrit de notre histoire se trouve désormais disponible :
- sur notre site web : www.entretemps.asso.fr/Stalingrad
- aux pages 180 à 183 (tome I) du rapport du Sénat (2002-2003) Drogue :
L'autre cancer.
- dans le livre que l'un d'entre nous (Christian Poitou) vient de publier : Ca
« crack » à Stalingrad ! L'histoire d'un groupe de pères contre la drogue (Éd. Le Manuscrit, 2004 : www.manuscrit.com). Vous
pouvez aussi nous commander cet ouvrage (17,90 euros).
Faisant cela, nous avons découvert qu'au principe de ce relâchement du combat
collectif contre la drogue se trouvait la politique de réduction des risques
qui nous est apparue comme une démission collective dans la lutte contre la
toxicomanie au prétexte de concentrer toutes les forces contre le sida.
Convaincus que notre pays pouvait et devait mener la lutte sur deux fronts à la
fois, nous avons travaillé à dégager la possibilité d'une politique de soins
qui ne s'aligne ni sur la politique strictement répressive des États-Unis, ni
sur la politique de réduction des risques de la Suisse et des Pays-Bas.
C'est dans ce cadre général qu'il nous a semblé pertinent de proposer la
création d'un Samu-toxicomanie.
Il est clair qu'une telle initiative ne peut venir que des pouvoirs publics.
Nous sommes cinq pères de famille du quartier, tous engagés dans des activités
professionnelles diverses. Nous ne sommes pas candidats à organiser un tel
Samu-toxicomanie et notre proposition est donc entièrement désintéressée : il
s'agit que notre pays se donne les moyens de combattre la drogue en allant à la
rencontre des toxicomanes les plus égarés pour les encourager à s'en sortir.
Il est clair qu'un toxicomane ne peut s'en sortir que s'il le veut bien et que,
même dans ce cas, le chemin pour lui sera long et semé d'embûches. Raison de
plus, pour lui, de s'y mettre au plus vite ; raison de plus, pour nous, de lui
fournir au plus tôt des occasions à saisir pour s'y engager. C'est à ce titre
qu'un Samu-toxicomanie nous semble nécessaire.
Pratiquement, une telle initiative pourrait commencer d'être testée à Paris
par une petite équipe mobile de trois personnes, circulant de préférence la
nuit tombée.
Il serait bien sûr de la plus haute importance que le personnel d'un tel
Samu-toxicomanie (équipes de rue comme structures d'accueil) soit fermement
convaincu de la nécessité d'aider les toxicomanes à sortir de leur dépendance
et ne soit pas, comme le personnel des structures dites « à bas seuil », à
simplement conseiller au toxicomane de se shooter propre et de substituer une
drogue « médicalisée » à une drogue illégale - Freud écrivait déjà en 1887 : « La
cocaïnomanie prend la place de la morphinomanie - voici les tristes résultats qu'on a obtenus en voulant
faire sortir le diable à l'aide de Belzébuth. ».
À ce titre, nous vous signalons que l'un d'entre nous (François Nicolas) a
entrepris d'étudier de près le bilan de la politique de réduction des risques.
Vous pouvez prendre connaissance de son travail sur le site
www.entretemps.asso.fr/drogues ou commander une version papier de son travail (Six
études pour évaluer les politiques publiques en matière de drogues - 3 euros).
Nous avons voulu tester notre proposition de Samu-toxicomanie directement
auprès des toxicomanes. Pour cela, nous avons été à leur rencontre lors de six
soirées (d'octobre 2003 à mars 2004) pour leur présenter notre projet et
recueillir leur avis. Nous avons rédigé sur la base de ces entretiens un
rapport que nous allons remettre durant le mois de juin aux pouvoirs publics :
Présidence de la République, gouvernement, élus locaux, assemblées et partis
Vous pouvez consulter ce rapport sur notre site web ou nous en commander une
version papier (2 euros).
Comme vous le voyez, la dissolution du Collectif en septembre 2002, une fois
obtenues la dispersion de la scène ouverte du crack (rue du Département) en
octobre 2001 et la fermeture des repaires du crack (13 rue d'Aubervilliers et
13 rue Bellot) en juin 2002, n'a pas entraîné l'arrêt du travail pour relancer,
à Paris comme en France, le nécessaire combat politique contre la drogue.
Restons tous ensemble vigilants sur le quartier en sorte de pouvoir reconstituer
le Collectif anti-crack si la nécessité s'en faisait sentir !
Lionel Bonhouvrier, Daniel Dalbéra,
Jamal Faouzi, François Nicolas et Christian Poitou
de l'ex-Collectif anti-crack de
Stalingrad (Paris 10°-18°-19°)
84, rue de l'Aqueduc (75010) - Tél. : 06 76 58 18 27
Stalingrad [at] noos.fr - www.entretemps.asso.fr/Stalingrad