Compte-rendu
Plusieurs dizaines de personnes se sont réunies à l'Espace Saint-Martin pour discuter samedi 8 des propositions faites dans l'appel indiqué sur ce site.
Le papier suivant a d'abord été lu et commenté par les organisateurs de la réunion :
Qui sommes-nous ?
Des habitants du 10ème, riverains de la place
Stalingrad. Nous avons pris contact avec les commerçants
du quartier (déjà organisés en juin contre
ce trafic), les associations et familles du 19ème mobilisées
en juillet autour de la crèche Gaston Rebuffat.
Notre position
Le trafic de crack doit cesser.
Le crack, responsable de l'agressivité inouïe
des drogués, est une calamité que personne ne saurait
contester. En cette affaire, il n'y a pas lieu de débattre
sur la législation actuelle : vu sa dangerosité,
le crack ne peut qu'être interdit, comme l'absinthe l'est
depuis un siècle alors même que la majorité
des alcools sont autorisés.
Ce trafic doit quitter le quartier.
Nous agissons immédiatement là où nous sommes
responsables, là où nous pouvons et devons agir.
Ce que deviendra ce trafic une fois chassé du quartier
ne relève pas de notre responsabilité mais de celles
des drogués et des pouvoirs publics. Quand on chasse un
voleur de sa maison, on n'est pas tenu de le pourchasser, ou de
l'éliminer ; on n'est pas non plus requis de le remettre
sur le droit chemin ! On le met dehors et on en informe la police
pour qu'elle fasse ce qui relève de sa responsabilité
propre. Nous informons ainsi les pouvoirs publics de notre initiative.
S'ils veulent en discuter avec nous, qu'ils viennent sur les lieux
et surtout qu'ils fassent leur propre travail.
Ce trafic doit cesser immédiatement.
Il doit quitter le quartier tout de suite, non au terme d'une
rénovation à venir. Les femmes et les enfants sont
tous les jours menacés et agressés. Ceci doit cesser
immédiatement. Il n'y a nulle nécessité pour
cela de créer des commissions, de rédiger des rapports,
etc. Il suffit que chacun prenne les décisions qui lui
reviennent. Pour notre part, notre décision est prise :
nous manifesterons régulièrement jusqu'à
ce que ce trafic ait cessé dans le quartier.
Nous ne voulons pas créer une milice privée.
C'est à la police de chasser le trafic du quartier en patrouillant
régulièrement dans le secteur, en particulier la
nuit. Elle ne le fait pas. Il nous faut donc l'y contraindre.
Pour tout cela, nous proposons de manifester tous les mardi soir
aux abords du lieu du trafic jusqu'à sa disparition.
Ensuite la discussion s'est engagée. Chacun a pu prendre la parole à tour de rôle pour exposer son point de vue.
Situation
Tous les participants à la réunion (venant du X°
ou du XIX° mais aussi parfois du XVIII°) ont renchéri
sur le "ras-le-bol" général face au trafic
dans le quartier. Les agressions se multiplient, à toute
heure, dans les rues, dans les cours d'immeuble, dans les escaliers
et même parfois chez les gens eux-mêmes.
Apparemment la masse de drogués évolue assez vite,
on ne sait trop pour quelles raisons. Elle se fixe bien sûr
autour des deux sanisettes du quartier: face à l'espace
Euro-beauté de la place Stalingrad et au croisement de
la rue du Faubourg-Saint-Martin et de la rue Lafayette.
L'épicentre du trafic est situé dans les terrains
vagues du périmètre de la rue d'Aubervilliers, de
la rue du Département, de la rue de Tanger et du boulevard
de la Villette mais il apparaît que le trafic atteint également
la rue Chaudron où un dealer officie à partir d'un
appartement.
Bref, tout le quartier se trouve gangrené par le trafic
et plus personne n'est à l'abri. Les immeubles qui se sont
barricadés derrière des codes et portes renforcées
n'empêchent nullement les agressions dans les rues, les
circulations par les toits, etc.
Bref la situation est devenue intenable pour les habitants comme
pour les commerçants. Il faut donc contraindre la police
à faire son travail en patrouillant jour et nuit
au coeur du trafic. Ceci devrait suffire à faire déguerpir
les dealers et drogués car eux-ci ne font que profiter
d'une tranquillité qui leur est généreusement
offerte par l'inaction des policiers. S'ils sont dérangés
dans leur trafic, ils iront le mener ailleurs.
Action locale et ponctuelle et d'autant plus forte et efficace
D'où, bien sûr, une nouvelle discussion sur la logique de cette action: chasser le trafic du quartier.
Certains, en particulier élus des arrondissements concernés,
tiennent qu'il faut insérer notre action dans un cadre
plus général, faire bouger les pouvoirs publics,
intervenir pour mieux coordonner les différents services
officiels concernés, compléter notre initiative
par une mobilisation des travailleurs sociaux, etc.
Nous avons répondu que notre initiative était, il
est vrai, locale et ponctuelle, qu'elle ne prétendait nullement
à l'exclusivité, qu'elle n'était nullement
incompatible avec d'autres initiatives venant d'associations,
d'élus, d'éducateurs, de travailleurs sociaux. Mais
nous intervenons dans l'urgence : la rentrée scolaire met
des tas d'enfants dans les rues et c'est tout de suite qu'il faut
traiter cette situation. Et comme l'ajoutait une vieille dame,
"c'est aujourd'hui qu'il faut modifier quelque chose car
dans deux ans, on ne sait pas, nous les vieux, si on sera toujours
là pour en profiter."
Par ailleurs, notre initiative est celle d'habitants et commerçants,
brefs de gens qui vivent dans ce quartier. Il n'est pas dans notre
pouvoir de modifier le planning des policiers dans les commissariats.
Il n'est pas dans nos prérogatives de construire tel ou
tel centre d'accueil. Il n'est pas dans nos moyens de bâtir
dès maintenant sur le terrain vague une école, une
crèche, des logements décents. Il est par contre
en notre pouvoir, en notre prérogative, en nos moyens de
descendre dans la rue, de bloquer les rues s'il le faut pour dénoncer
ce trafic, d'indiquer ainsi aux gens du quartier qu'on veut que
les choses changent tout de suite, de signifier notre détermination
à ne plus accepter l'inactivité de la police. Aux
pouvoirs publics ensuite, comme à tous les acteurs de la
vie publique, de se déterminer face à notre action.
Si cela les fait bouger, tant mieux ! Mais ils ne bougeront (peut-être)
qu'après qu'on ait bougé nous. La preuve : tout
ce trafic est bien connu d'eux, et ils ne bougent toujours pas!
Polices?
Prenons un autre exemple. Un participant faisait valoir la diversité des polices intervenant sur cette affaire et donc la complexité de la situation, nous recommandant de prendre en compte cette difficile coordination. Il est vrai que la brigade des stupéfiants n'a sans doute pas exactement les mêmes intérêts que le service de police juidiciaire ou celui de la voie publique. La brigade des stupéfiants tente peut-être de repérer les "gros bonnets"et a pour cela intérêt à ce que le trafic reste stable et inais plus facilemnt observable. Mais en quoi ces intérêts particuliers nous concernent-ils? A quel titre serions-nous responsables d'une meilleure coordination entre services de police? Et pourquoi devrions-nous laisser les enfants agresser en attendant que ces messieurs s'accordent entre eux? Que nous sachions, la police est là pour servir l'ordre public, et non pas les gens pour servir la police!
Chasser le trafic du quartier
Par ailleurs si une fois chassé du quartier ce trafic se
reporte en un autre quartier, comme il est probable, cela ne relève
pas de notre responsabilité mais encore une fois de celle
des drogués eux-mêmes d'abord, qui ne sont pas des
enfants mais des adultes responsables, ensuite des pouvoirs publics
et donc de la police. Nous n'avons pas à subir ces agressions
sous prétexte que si ce n'est pas nous qui sommes agressés,
ce seront d'autres qui le seront à notre place ! Pire encore,
nous n'avons pas à laisser les enfants du quartier menacés
sous prétexte qu'ainsi ils éviteraient à
d'autres de l'être à leur place. Quel père
de famille oserait tenir un tel discours à des enfants
!
Savoir si les drogués et dealers doivent être emprisonnés
ou laissés libres de poursuivre leurs méfaits est
affaire de police et de tribunal, non la nôtre. Et nous
accuser d'irresponsabilité à cette occasion est
pur et simple sophisme. On ne saurait être responsable de
tout et tous. Lorsqu'on se tient pour responsable, c'est toujours
de telle ou telle situation, non de la totalité du monde.
Notre démarche est précisément responsable,
responsable de ce qui se passe dans le quartier, responsable de
ce qui nous revient, de ce qu'il nous est possible de faire, nous
qui ne sommes ni policiers, ni responsables publics. Nous sommes
responsables devant les enfants de ce que nous faisons ou ne faisons
pas, non devant les pouvoirs publics de ce qu'ils ne font pas!
Notre cible est claire, délimitée dans le temps
comme dans l'espace, et nous n'acceptons pas de la noyer dans
la confusion générale, de la diluer dans des commissions,
réunions, concertations, études, rapports, examens,
médiations, etc.
Ceux qui nous objectent: "Ne vous occupez pas de votre cas
particulier sans vous occuper de ce qui se passe ailleurs !"
pourraient tout aussi bien dire: "Avant de parler en général
pour ce qui se passe ailleurs, occupez-vous d'abord de ce qui
se passe chez vous!" Tout ceci pour dire que ce type d'arguments
révesibles, ce type d'objecions de séance faites
à grands coups de manche comme dans les prétoires,
ne vise à chaque fois qu'à noyer le poisson, démobiliser
les gens, tenter de défaire ce qui commence à se
faire.
Manifester sur la voie publique tant que le trafic ne sera pas éradiqué
Nous prenons en charge un point précis, délimité:
contraindre l'Etat et la police à faire son travail pour
interdire le trafic de crack dans le quartier Stalingrad. Notre
méthode est également précise et délimitée:
nous manifesterons sur la voie publique, perturberons s'il le
faut la circulation, tant que la police ne fera pas son travail
pour stopper ce trafic qui est, faut-il encore le rappeler, entièrement
illégal et considéré comme particulièrement
dangereux.
Donc rendez-vous le mardi 18 septembre place de Stalingrad
pour se rendre ensuite à l'entrée de le rue d'Aubervilliers
et rendez-vous dès maintenant le mardi suivant 25
septembre au même endroit, même heure, soit
pour fêter notre victoire, soit, plus probablement, pour
continuer notre action.