Nous avons un objectif précis, immédiat et réaliste
: la dispersion des bandes de trafiquants du crack dans les rues
du quartier Stalingrad et singulièrement en son coeur :
les voies publiques autour de la rue du département, de
la rue de Tanger, de la rue du Maroc et de la rue d'Aubervilliers.
Depuis des mois, des concentrations de dealers, rabatteurs, hommes
de main et voyous de toutes espèces se rassemblent jours
et nuits dans ces rues, au vu et au su de tout le monde, y compris
des municipalités, pouvoirs publics et autorités
de police. Ces groupes ne se cantonnent plus dans des espaces
privés (squats, terrains vagues) mais prennent possession
de l'espace public : ils occupent la rue, constituent des barrages,
organisent des patrouilles de surveillance, inspectent les alentours.
Les commerçants vivent constamment sous leur menace. Les
habitants, calfeutrés chez eux, ne peuvent circuler dans
ces rues sans être inspectés du regard par ces voyous.
Les enfants ne peuvent se rendre à leur bibliothèque
sans devoir franchir un rideau d'individus patibulaires. Les parents
ne peuvent emmener leurs enfants à l'école ou à
la crèche sans rencontrer ces mêmes hommes de main.
Les personnes âgées sont livrées aux drogués
les assaillants pour voler leur sac.
Cette prise de pouvoir sur des rues entières du quartier
par une mafia est intolérable. Il est proprement scandaleux
que depuis des mois aucun responsable de l'ordre public n'ait
jugé nécessaire d'y remédier sérieusement.
Pourtant lorsqu'un groupe de personnes, pour une raison ou pour
une autre, bloque la circulation d'un carrefour, aussitôt
la police se rend sur les lieux, enquête et procède
à la remise en ordre de la circulation. Bref elle intervient
et ceci relève bien de son travail ordinaire. Pourquoi
alors laisser ces rassemblements mafieux s'installer pendant plusieurs
mois dans les rues et parader avec arrogance ? Pourquoi les municipalités
concernées n'ont-elles rien fait ? Et si les pouvoirs de
police ne leur appartiennent pas, pourquoi n'ont-elles pas pris
l'initiative d'une campagne publique pour dénoncer ce scandale
? Ces lieux publics relèvent pourtant bien de leur responsabilité
d'élus ! Quand nous disons : « la police doit
faire son travail ! », nous disons : la police doit
disperser ces concentrations de dealers ayant pris possession
des rues dans le périmètre indiqué.
Nous savons pertinemment que le trafic de crack ne pourra être
éradiqué par cette simple dispersion. Nous savons
bien que ce trafic se base sur des lieux privés (squats)
que la police ne peut investir aussi facilement. Nous savons bien
que ce trafic a des racines plus profondes (sociales, économiques)
et que son éventuelle suppression est affaire de longue
haleine, engageant des forces très diverses qui ne sont
pas que de répression (prévention, santé,
assistance, rénovation). Tout cela, quel habitant du quartier
ne le saurait ? Mais qu'il y ait une telle dimension globale du
problème ne saurait en aucun cas excuser qu'un travail
élémentaire de police sur la voie publique ne soit
pas effectué quotidiennement, que ces rassemblements mafieux
ne soient pas régulièrement dispersés. Car
il en va là de choses non moins élémentaires
pour la vie collective dans le quartier : que les personnes âgées
puissent aller acheter leur pain à la boulangerie et leurs
médicaments à la pharmacie du coin sans être
menacées, que les enfants et les femmes puissent circuler
tranquillement sans croiser des bandits et être constamment
sur leurs gardes, que les commerçants puissent faire leur
travail sans être harcelés par des bandes arrogantes
et sures d'elles.
Ce qui en effet est proprement intolérable, c'est
que ces bandes mafieuses se croient les maîtres du quartier,
se sentent chez elles dans les rues et non plus seulement dans
leurs tanières, qu'elles se croient tout permis (insultes,
menaces, agressions), étant encouragées par le fait
qu'il n'y ait personne pour oser se dresser contre elles ! Et
en effet, pendant plusieurs mois leur arrogance n'a fait que croître
puisque même la police du quartier n'apparaissait plus,
que les municipalités laissaient faire, condamnant la population
à vivre au milieu des hors-la-lois.
Puisqu'aucun responsable public ne prenait ses responsabilités,
nous avons décidé de nous dresser contre les dealers,
nous habitants et commerçants du quartier ensemble. Nous
avons décidé de reprendre l'initiative dans les
rues du quartier, de contester publiquement la loi de la mafia,
de manifester dans les rues même où les dealers paradent.
Mais nous ne pouvons le faire que certains jours, pas la nuit,
et nous voulons le faire pacifiquement. Nous ne voulons pas constituer
de milices privées venant affronter ces bandes mafieuses
car c'est à la police et à elle seule de faire ce
travail de voie publique.
Les commissaires de police Maucourant et Maigret sont venus, très
courtoisement tenons-nous à préciser, nous expliquer
la position de la police du quartier. Nous avons bien compris
que la police ne se tournait pas les pouces dans les commissariats.
Elle procède à enquêtes, filatures, perquisitions,
arrestations, dépôts ; elle le fait bien sûr
dans le cadre de la législation actuelle et sous contrôle
étroit du pouvoir judiciaire. Mais nous avons compris également
qu'en ce qui concerne l'ordre sur la voie publique, la police
opère par priorités, constamment modifiées.
Il s'avère que pendant plusieurs mois la police n'a pas
jugé que maintenir l'ordre dans les rues du quar-tier était
vraiment prioritaire ! Nous le déplorons. Il nous revient
donc de lui rappeler la priorité absolue de cette tâche
! À quoi servirait en effet une rénovation réussie
du quartier dans 2 ou 3 ans si pendant ces 2 ou 3 ans les vieux,
les enfants et les femmes continuaient d'être agressés
? Un enfant agressé porte ensuite cette blessure toute
sa vie ! Il serait donc irresponsable de laisser la mafia
parader et manoeuvrer dans les rues en escomptant que cela se
tassera dans 2 ans !
Il nous faut reprendre pied dans les rues du quartier. Nous le
faisons, avec constance et détermination. Ceci redonne
confiance dans le quartier, dans sa population. La mafia du crack
n'est qu'une toute petite minorité qui mise sur la terreur
pour sortir de ses repères et parader dans les rues : nous
sommes en train d'étouffer cette terreur. Mais la chasser
durablement des rues, disperser durablement les
attroupements stables de dealers, dissoudre durablement
les rassemblements d'hommes de main sur la voie publique est affaire
de police. Celle-ci a commencé de le faire à la
suite de nos premières manifestations. Elle doit continuer
son travail. Ceci doit rester « sa » priorité.
Voilà pourquoi nous continuons de manifester.
Nous sommes conscients que cette tâche de police concerne
également les arrondissements voisins. La position que
nous soutenons peut être élargie aux autres quartiers
si les habitants de ces autres quartiers engagent eux-mêmes
leur propre mouvement. Nous proposons donc à ces habitants
des autres quartiers de faire comme nous puis de manifester ensemble
contre le trafic de crack dans nos quartiers. Pour cela, en coordination
étroite avec les associations des 10ème, 18ème
et 19ème arrondissements, nous appelons mardi 9 octobre
à plusieurs manifestations convergeant en un grand rassemblement
à 19 heures au métro La Chapelle. Notre manifestation
partira du métro Stalingrad à 18 heures.
Des habitants du quartier Stalingrad