Analyse des assurances obtenues par notre Collectif

 

Lors d’une réunion organisée le jeudi 17 novembre 2005 par la Préfecture de Paris en présence de la Mairie de Paris, de la Mairie du 18° et d’EGO, des assurances formelles ont été publiquement données qu’il n’y avait pas, au jour d’aujourd’hui, de projet en cours concernant la création d’une salle de shoot, que ce soit dans les nouveaux locaux qu’EGO tente d’acquérir rue St-Jérôme/St-Mathieu, dans ses locaux actuels rue St-Luc ou à tout autre endroit de Paris.

La Préfecture de Paris, en la personne de Jean Benet, nous a certifié qu’il n’était pas question pour l’État de créer à Paris une salle de shoot.

EGO a confirmé qu’elle souhaitait simplement se transformer en centre de soins spécialisés en toxicomanie et que cette transformation découlait d’un constat d’impasse de son action : EGO déclarait en effet prendre mesure de ce que les crackés sont pour une bonne part d’entre eux des malades qu’il faut trouver le moyen de soigner médicalement, sans plus se contenter d’en prendre socialement soin.

 

Nous prenons acte de ces diverses déclarations, qui indiquent, en effet, que les projets nourris par EGO de salles de shoot ont fait (provisoirement ?) long feu.

 

Il se confirme qu’un tel projet de salle de shoot a bien été prêt d’aboutir en deux circonstances :

- d’une part à l’automne 2004 quand l’évacuation des squats (cracks house) du bd Ney et de St-Denis a couvert le projet d’installation de salles de shoot, encadrées par les militants de la réduction des risques, dans des préfabriqués. La Préfecture de Paris semble alors (tout ceci, bien sûr, reste une histoire dissimulée et non publiquement assumée par les différents acteurs) avoir mis le holà sur un tel projet, trop précaire, trop « crasseux » et par là trop politiquement dangereux ;

- d’autre part à l’hiver 2004-2005 quand EGO s’est porté candidate à une version plus « clean » de ce même projet mais tout aussi « clandestine » en déposant ses projets de salles rue St-Jérôme/St-Mathieu sans en avertir la population du quartier et même les habitants de l’immeuble concerné. La Mairie du 18° a elle-même décidé de faire avancer clandestinement ce projet qui, heureusement, a été éventé par un heureux hasard (le fait qu’habitait dans l’immeuble concerné un habitant particulièrement vigilant…). Devant l’indignation des habitants et commerçants du quartier, EGO a dû changer les plans (furtivement déposés pour cette extension en mars 2005) et revoir sa copie : d’où son nouveau projet (concentrer l’accueil des crackés rue St-Luc en y libérant de la place grâce aux déplacements de son administration rue St-Jérôme/St-Mathieu) combinant ainsi une extension et une création (celle d’un nouveau Centre de soins) dans le même périmètre…

 

Aujourd’hui, le recul est donc général sur le projet spécifique de salle de shoot. Notre Collectif s’en félicite.

 

Il ne se fait cependant aucune illusion : la détermination des militants de la réduction des risques de passer à la phase (sordide : lisez ce qu’en dit très honnêtement Fabrice Olivet d’Asud…) des salles de shoot est intacte. Elle est, il est vrai, une prolongation « logique » et « naturelle » de leur idéologie et de leurs pratiques incessantes depuis dix ans (lisez les textes instructifs de Bernard Bertrand, leur « expert »…). Ils comptent, pour la plupart, avancer clandestinement : en créant en catimini une telle salle pour miser ensuite sur une pérennisation des « avantages acquis ».

 

« Toute consommation de produit reste officiellement interdite dans ces lieux [boutiques…]. Toutefois, comme l’a dit Malika Tagounit lors de la première journée-débat nationale organisée sur les salles d’injection à moindre risque, “il existe une tolérance sous-jacente dans les boutiques. Il s’agit pour les usagers de drogues de le faire le plus discrètement possible” ».

(B. Bertrand, op. cit., p. 12)

« Si nous donnons des seringues stériles, c’est bien parce qu’elles vont être utilisées. Alors pourquoi ne pas aller jusqu’au bout de la logique et éviter qu’ils aillent se cacher dans des lieux dépourvus de toute hygiène pour faire leurs injections ? »

(B. Bertrand, op. cit., p. 15)

« Aménagement d’une SCMR dans un squat (nous tiendrons secret le nom de la ville où s’était déroulée cette action, l’association qui l’a menée et les références documentaires). Cette action a eu lieu pendant plus d’un an entre 1999 et 2000 dans un bâtiment désaffecté d’une ville moyenne. Celle-ci était encadrée par une équipe de réduction des risques intervenante en rue. »

(B. Bertrand, op. cit., p. 28)

 

Toujours est-il que, pour le moment, le vent a tourné en leur défaveur, en raison – entre autres, mais pas seulement : il est clair qu’un « climat politique général » intervient ici également – de la mobilisation convergente des gens opposés à une telle perspective.

 

Notre Collectif sait bien que la politique de réduction des risques va tenter de gagner à sa cause les gens de ce pays en mettant en avant le thème des « nuisances », selon l’abject argumentaire suivant : « vous, habitants et commerçants, avez raison de vous opposer aux nuisances du trafic ! La seule solution, pour supprimer ces nuisances insupportables, pour assurer la tranquillité de vos affaires et la propreté de vos paillassons, est de séparer les espaces (voir ce que font les Pays-Bas) en réservant un petit espace à l’intoxication de ceux qui de toutes les façons sont irrécupérables. » Bref une politique hypocrite d’apartheid (n’est-ce pas le nom adéquat pour toute politique visant à la ségrégation de l’espace public ?) avec des droguatoriums (ou « hangars à pauvres ») pour y parquer les toxicomanes que la politique de réduction des risques n’arrive plus à légitimer comme « usagers citoyens »…

Nous savons donc parfaitement que la question politique des salles de shoot dans ce pays reste entièrement ouverte.

Nous savons également que rien de tout ceci n’aurait transparu si nous et d’autres ne nous étions publiquement dressés contre tout cela pour dire à notre tour : « Non ! »

Sans cette mobilisation, EGO aurait installé en catimini ses salles rues St-Jérôme/St-Mathieu, la Mairie du 18° n’aurait jamais rendu compte du projet de création d’un CSST dans un périmètre déjà saturé, la Préfecture de Paris n’aurait pas organisé une réunion comme celle de ce jeudi 17 novembre. On peut le déplorer et s’interroger sur les raisons pour lesquelles ces gens, qui ont sans cesse le mot démocratie à la bouche, préfèrent économiser le moment du débat public pour dicter leurs mesures à une population considérée sans doute comme inéclairée et obtuse…

 

Prenant acte des assurances précédentes, notre Collectif se met en état de veille, restant extrêmement vigilant sur la politique que va désormais mener tant la Préfecture et la Mairie de Paris (« plan crack ») qu’EGO.

Il est clair qu’EGO n’a jusqu’à présent guère fait la preuve de sa compétence en matière de soins médicaux (lisez son « expertise » sur « la pipe idéale » pour fumer le crack !), et moins encore attesté de sa détermination à orienter les toxicomanes vers une sortie de la drogue (c’est le moins qu’on puisse dire !). Son projet de Centre de soins spécialisés en matière de crack semble donc plutôt étrange…

 

« La pipe idéale [il s’agit bien de la pipe pour fumer du crack…] devrait être droite, longue et en verre. Droite pour faciliter le grattage du résidu et ainsi diminuer le risque de coupure aux doigts. Longue pour que la fumée qui passe par la gorge et entre dans les poumons ne soit pas trop chaude. En verre, car les autres matériaux (plastique par exemple), grattés lors de la récupération du reste d’huile, pourraient générer des particules qui seraient alors fumées avec le résidu. Afin de produire une telle pipe, des souffleurs de verre ont été contactés. Malheureusement, le prix estimé à quatre euros la pipe était trop élevé. En outre la fabrication d’un grand nombre de pipes aurait dépassé leur capacité de production. »

Rapport d’évaluation du Kit-Base, EGO-STEP (novembre 2004, p. 17)

 

On ne peut d’ailleurs que s’étonner qu’un tel programme pilote et expérimental ne soit pas plutôt mené par des gens compétents, c’est-à-dire a priori par des médecins opérant au sein des hôpitaux, institutions qui, à notre  connaissance, sont encore les mieux armées pour expérimenter sérieusement dans ce domaine. Autant dire qu’indépendamment de la question particulière « salle de shoot ou non ? », la soudaine conversion d’EGO aux bienfaits d’une clinique de la crackomanie nous semble pour le moins suspecte.

Nous allons donc nous donner les moyens de juger, une fois de plus, sur pièces et nous employer à éclairer les enjeux de la nouvelle situation.

Nous comptons présenter régulièrement les résultats de notre travail en organisant, une fois par trimestre, une rencontre publique d’études et de travail. Le premier  Mardi de Stalingrad de ce type se tiendra le mardi 17 janvier 2006.

 

Le Collectif Stalingrad contre les salles de shoot (18 novembre 2005)