Notre analyse & nos orientations

 

(15 novembre 2005)

 

Collectif Stalingrad contre les salles de shoot

 

Notre analyse

Une vaste campagne

Une vaste campagne de propagande est engagée à Paris, depuis plus d’un an, pour l’ouverture d’une salle de shoot spécialisée dans le crack :

·          Le coup d’envoi de cette campagne en fut donné par la Ville de Paris elle-même à l’occasion de son « Forum parisien » des 7 & 8 octobre 2004 où une large publicité fut faite à « l’expérience pionnière, audacieuse et citoyenne » de Quai 9 à Genève, expérience qu’EGO avait déjà promue dans son journal Alter Ego en date du 1° trimestre 2004 (n° 43).

·          EGO et Coordination Toxicomanies 18ème profitèrent ensuite de la fermeture d’une « crack house » parisienne pour réclamer la création de lieux de consommation de crack à Paris (voir l’appel publié dans le n° 45 d’Alter Ego du 3° trimestre 2004)

·          EGO intensifia dans son journal sa propagande en faveur des salles de shoot (propagande ouverte fin 2003) par une nouvelle promotion de la salle de shoot genevoise Quai 9 (n° 46 d’Alter Ego au 4° trimestre 2004).

·          Au printemps 2005 (20 avril), EGO modifia ses statuts pour y inclure la possibilité d’engager des « programmes pilotes à caractère expérimental » en matière de « consommation » de drogues, au moment même où elle déposait les plans de son extension rue St Jérôme – sans en avertir, bien sûr ni les habitants ni les riverains -, plans prévoyant la « visite de 10 000 toxicomanes par an », dans des locaux incluant une bien étrange « salle de relaxation ». EGO décidait à cette occasion de passer à une nouvelle étape de son activité, déclarant vouloir ajouter à sa fonction traditionnelle d’assistanat social une nouvelle fonction de « soins » visant spécifiquement les crackés. Comme on sait, les soins médicaux en matière de crackomanie sont notoirement inexistants, ce qui conduit précisément les militants de la réduction des risques, prenant prétexte de ce vide, à réclamer l’ouverture de salles de shoot : le nouveau but d’EGO est transparent, quoique, comme toujours, clandestinement dissimulé sous la phraséologie hypocrite de la réduction des risques.

·          Le 14 avril 2005 était publié un décret (n° 2005-347) complétant la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, précisant le nouveau cadre légal de la politique de réduction des risques et « approuvant le référentiel national des actions de réduction des risques en direction des usagers de drogue et complétant le code de la santé publique ». Ce décret précise d’une part que « les acteurs, professionnels de santé ou du travail social ou membres d’associations, comme les personnes auxquelles s’adressent ces activités, doivent être protégés des incriminations d’usage ou d’incitation à l’usage au cours de ces interventions », d’autre part que dans le cadre de « l’expérimentation de nouveaux outils ou stratégies de prévention », « les équipes de réduction des risques peuvent participer à l’évaluation de nouveaux outils ou stratégies de prévention contribuant à améliorer la prévention et à l’adapter à l’évolution des usages, des substances consommées et de leurs associations ou de la population des consommateurs. » Autant dire qu’il suffit désormais de baptiser les salles de shoot en « programme expérimental de prévention en matière de consommation » (voir précisément le nouvel article des statuts d’EGO !) pour qu’elles puissent être légalement tolérées.

·          Entre-temps la MILDT avait officiellement dégagé, dans le cadre de son nouveau plan quadriennal 2004-2008, les crédits pour « expérimenter des méthodes de prise en charge innovantes face au problème du crack en région parisienne ».

·          Le 14 juin 2005, la Mairie du 18° organisait des « États généraux » du crack où parole était longuement donnée à des représentants autoproclamés des « habitants » — toujours les mêmes militants multipliant les casquettes et masques… — prônant l’ouverture la plus rapide possible de salles de shoot (voir pages 21, 22, 28 et 34 du document publié).

·          Le 14 septembre 2005, Act Up qui, depuis deux ou trois ans, s’est infiltré dans EGO pour en prendre les rênes, a publié un communiqué réclamant enfin l’ouverture de cette salle de shoot à Paris, qu’ils attendent depuis longtemps.

·          En octobre 2005, enfin, une série de quatre émissions sur France-Culture consacrait quatre heures d’antenne, sous le titre inénarrable « On est tous dans le brouillard ! », à la promotion du nouveau projet d’EGO.

 

Bref, la campagne de narco-marketing est largement déployée. Les moyens tant légaux qu’institutionnels sont rassemblés. Le nouvel EGO se porte candidat : on sait en effet qu’une telle salle de shoot, pour être fréquentée, doit être installée à proximité immédiate des lieux de deal, autant dire dans le 18°.

Bien sûr, les acteurs de ce projet avancent, comme toujours, clandestinement. Mme Coppel l’a rappelé : c’est toujours ainsi qu’ont procédé les militants de la réduction des risques, hypocritement, par usage pervers de mots comme « prévention », « soins », vidés de leur signification et détournées de leur sens.

Il est donc clair que ces acteurs ne déclareront jamais à l’avance : « nous projetons d’ouvrir une salle de shoot à tel endroit. Qu’en pensez-vous ? ». Comme le rappelle B. Bertrand dans son dernier opuscule (vanté par Act Up) en faveur des salles de shoot, ils créeront la chose en cachette, espérant ensuite faire entériner une situation acquise. EGO a ainsi procédé cette année rue St-Jérôme, acquérant le bail, déposant ses projets de « salles de soins » sans en prévenir les habitants et riverains pour faire ensuite marche arrière et jouer la vierge effarouchée une fois le projet éventé et publiquement dénoncé.

Une nécessité pour la politique de réduction des risques

On sait que la logique de la désastreuse politique de réduction des risques (prévalant depuis dix ans en France en matière de drogues) bute sur le crack et les crackés.

En effet cette politique, utilisant les risques en matière de sida comme Cheval de Troie pour démanteler la lutte publique contre la drogue, dispose de deux mesures-phares : l’échange des seringues et les produits de substitution (Méthadone et Subutex). Or aucune de ces deux mesures ne leur permet de prendre le contrôle des crackés puisque d’une part ceux-ci n’utilisent guère les seringues pour inhaler le crack et que d’autre part les produits de substitution n’existent pas encore en matière de crack.

D’où deux tâches, qu’ils se sont logiquement fixées :

·          Mettre en place un kit de consommation, équivalent en matière de crack à la seringue pour l’héroïne. C’est ce qu’EGO, une fois de plus, vient de réaliser avec son « kit-base ». On présentera tout à l’heure son « rapport d’évaluation » d’une telle « innovation » — c’est comme cela qu’ils parlent d’eux-mêmes ! -.

·          Promouvoir les salles de shoot pour rendre la consommation de crack plus « hygiénique » (comme ils disent…) c’est-à-dire pour simplement éviter que les crackés n’attrapent à l’occasion de leur empoisonnement des infections opportunistes.

Les militants de la réduction des risques ne cessent de proclamer que la salle de shoot est le prolongement logique de l’échange des seringues : « Pourquoi – disent-ils, distribuer des seringues si ce n’est pour que les toxicomanes se shootent propre ? Pourquoi alors s’arrêter à mi-parcours et ne pas offrir aux toxicomanes la tranquillité pour réaliser ce shoot qu’on leur a déjà facilité ? ». Tel est l’argumentaire principal mis en avant par leur « expert » actuel : B. Bertrand (on va revenir sur l’analyse de son « rapport d’expertise »…).

 

*

 

À tous ces titres, la question de l’ouverture prochaine d’une salle de shoot dans le Nord de Paris, plus spécifiquement dans le 18°, nous apparaît engagée.

Comme rappelé, nous ne pouvons aucunement faire confiance à tous ces acteurs pour avancer ouvertement et déclarer publiquement leurs objectifs, leurs projets, leurs moyens.

Soyons ici précis. Deux acteurs font exception à cette loi de la clandestinité : Act Up et Asud qui ont le courage politique de déclarer leurs objectifs. Tous les autres, EGO et Coordination Toxicomanies 18ème en tête, passent leur temps à dissimuler et mentir, à avancer masqués sous des mots pervertis (« prévention », « soins »…) et sous une langue de bois (véritable nov’langue) consciencieusement rodée depuis dix ans…

Il nous a semblé nécessaire de nous dresser contre cette perspective.


Nos orientations

Pour un Samu-toxicomanie !

Pas de quartiers libres aux drogues, aux dealers et aux salles de shoot !

 

Qui sommes-nous ?

Nous sommes un groupe de gens habitant les trois arrondissements du Nord de Paris : six en l’occurrence, deux du 10° (Jamal Faouzi et François Nicolas), deux du 18° (Guy Chevalier et Lionel Bonhouvrier) et deux du 19° (Daniel Dalbéra et Christian Poitou). Nous nous sommes rencontrés à l’occasion de la mobilisation du Collectif anti-crack. Nous promouvons depuis longtemps la création d’un Samu-toxicomanie et la mise en place d’une véritable politique publique de soins.

Nous avons décidé aujourd’hui de nous dresser contre la perspective des salles de shoot.

Nous agissons ainsi non en riverains mais en habitants de ce pays, la France : la question des salles de shoot est pour nous de principe et ne tient pas à la localisation exacte d’un tel droguatorium.

Six principes

Nous nous dressons contre les salles de shoot au nom des principes suivants :

1.        Pas de société sans lutte contre la drogue !

Résistons à l’intoxication croissante du pays, en particulier pour les jeunes !

2.        La lutte contre la drogue doit être l’affaire de tous, et non pas l’exclusivité de la politique dite publique c’est-à-dire de l’État.

Organisons-nous donc pour résister !

3.        Pas de lutte contre la drogue sans une véritable prévention !

Prévenir, c’est avant tout dissuader les jeunes de se droguer en leur montrant qu’il y a beaucoup mieux à faire dans ce pays.

4.        Pour une politique publique de soins en matière de toxicomanie ayant comme fer de lance un Samu-toxicomanie !

Il faut encourager les toxicomanes à sortir de leur servitude volontaire, en soignant médicalement ceux qui relèvent de la toxicomanie comme maladie. De véritables soins médicaux, qui dépassent la simple assistance sociale, doivent être dispensés dans des centres thérapeutiques rattachés aux structures hospitalières.

5.        Pas de lutte contre la drogue sans une police empêchant les dealers de nuire !

Ni milices, ni quartier libre au trafic et aux dealers !

6.        Les mesures de réduction des risques, visant à limiter les dommages collatéraux (infections…), ne doivent pas servir à démanteler la lutte contre la drogue.

 

Ces six principes indiquent que les politiques envisageables contre la drogue ne se limitent pas à l’alternative d’une politique brutale (de type américain), unilatéralement répressive, et d’une politique libérale (de type suisse), réduisant unilatéralement les risques latéraux.

Nos propositions

Un Samu-toxicomanie et pas de salles de shoot !

Une campagne

Nous avons décidé de commencer en engageant — à notre mesure — une campagne publique contre les salles de shoot.

Nous sommes, pour l’instant, les seuls à Paris et en France à pouvoir soutenir un tel discours, à désenclaver le débat de l’alternative convenue : répression ou réduction des risques ?, guerre à la drogue ou faire avec la drogue ?

Nous vous appelons à nous rejoindre dans ce combat contre l’idéologie libérale de la réduction des risques.

Il faut étudier les textes en faveur de ces salles de shoot en sorte de démonter leur rhétorique. Il suffit d’ailleurs de lire attentivement cette production – ce n’est pas forcément drôle, mais c’est assez instructif – pour prendre mesure du caractère néo-libéral de leur projet, caractère hypocritement dissimulé (en France du moins : ailleurs la logique est exposée avec plus de cynisme) derrière un voile humanitaire, une morale de la victime, etc.

Il faut répondre du tac au tac à cette propagande, à ces écrits à dire vrai d’une assez affligeante tenue :

·          Voyez l’enquête d’évaluation ouvertement truquée publiée par Coordination Toxicomanies 18ème et EGO (qu’on a examinée au printemps 2004) : une escroquerie intellectuelle qui en dit long sur ce dont ces gens sont capables

·          Voyez le mémoire rédigé par Bernard Bertrand sur les salles de shoot dont l’inconsistance est dissimulée sous un vague titre universitaire.

·          Voyez les travaux de leur économiste de service – Pierre Kopp – dont toute la consistance tient à une idéologie néo-libérale (techniquement dit : néo-classique) de la baisse des coûts. L’argument principal avancé en faveur de la politique de réduction des risques y est martelé : elle ne coûte pas cher aux finances publiques (logique que Michel Foucauld avait dégagée dès 1976) ce qui délivre le fin mot du misérable mot d’ordre avancé en 1993 pour promouvoir la réduction des risques « limiter la casse » puisque Pierre Kopp nous explique consciencieusement qu’il veut simplement dire « minimiser le coût social des drogues »…

On trouvera l’analyse menée par l’un d’entre nous sur ces travaux de Pierre Kopp à l’adresse suivante :

 

·          Etc…

 

Il faut donc, dans un premier temps nous organiser pour contrer cette propagande en lui opposant d’autres principes.

Les Mardis de Stalingrad

Nous comptons pour cela vous proposer de nous rencontrer, une fois par trimestre, lors de séances de travail et d’études prolongeant celles déjà tenues l’année dernière et que nous proposons d’appeler Les Mardis de Stalingrad.

Étape suivante ?

Il nous faut également prévoir la prochaine étape : lorsque la création d’une salle de shoot en viendra à sa phase de réalisation.

Il faudra sans doute passer alors à l’étape des manifestations, dans la rue, sur les lieux mêmes du forfait.

 

Bien sûr, tout ceci ne concerne pas seulement les habitants du Nord de Paris. Cela concerne également au premier chef les professionnels intervenant sur le front des drogues :

·          les médecins en premier lieu, tout autant les généralistes que les spécialistes en addictologie et que les psychiatres ;

·          les assistantes sociales et intervenants divers auprès des toxicomanes ;

Plus globalement, cela concerne à notre sens tout le monde dans ce pays.

Il nous faudra donc prévoir, en temps utile, une extension nationale.

 

*

 

Nous n’en sommes qu’à la toute première étape.

Faisons avec sérieux la tâche qui nous revient (nos premières initiatives ont déjà trouvé quelque écho et eu quelque effet : dévoiler le projet embarrasse ses acteurs qui préfèrent avancés hypocritement et clandestinement) et discutons, au fur et à mesure de l’évolution de la situation, les nouvelles tâches qui devront être les nôtres.

 

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Annexes

·          Lecture et analyse du « Rapport d’évaluation du Kit-Base » publié par EGO en novembre 2004

·          Lecture du texte «… on peut franchir le pas, faire en essai. » de Bernard Bertrand (septembre 2005)

 

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