Réponse au journal Libération

(juin 2001)

 

Votre contribution du lundi 25 juin intitulée Divisions sur le front antisida appelle plusieurs remarques.

L'article de Pascal Riché indique que, parmi les grands pays donateurs , seuls La France et les Etats-Unis se sont manifestés pour le financement du fonds proposé par Kofi Annan, et il ajoute : " Et les sommes promises restent maigres. Le gouvernement américain, par exemple, n'a promis que 200 millions de dollars, une somme jugée " pathétique " par les associations militantes ". Il ne nous dit pas à combien s'est montée la proposition française : par crainte peut-être de ne trouver dans son vocabulaire le qualificatif qui pourrait lui convenir ?

 

Mais deux colonnes plus loin, nous apprenons de M. Bernard Kouchner, présenté en héros de la lutte antisida dans le monde, que ce qui compte, ce ne sont pas les discours, mais les faits, et qu'à cet égard, l'essentiel est l'engagement des deux pays qui se sont proposés de donner de l'argent, les Etats-Unis et la France.

 

Le président Bush ont proposé de donner 200 millions de dollars, soit 2,5% de la somme demandée par Kofi Annan

La France, par la bouche de Jospin, a proposé de verser 15O millions d'euros sur trois ans, soit 5O millions d'euros par an, c'est-à-dire O,5% de la somme demandée par Kofi Annan.

Si la France et les Etats-Unis contribuent ensemble pour 2,5% au fonds antisida de l'ONU, qui versera les 97,5% restants ?

Autrement dit, avant même que ne s'ouvre la session extraordinaire de l'ONU consacrée au sida, les Etats-Unis et la France avaient déjà de concert torpillé son initiative.

Tel est ,bien certainement, l'essentiel.

 

Si tout le reste n'est que discours, attardons-nous cependant sur la petite différence franco-américaine qui se fait jour dans vos colonnes. Aux USA, vous avez les butors conservateurs qui ne prennent pas de gants : les pauvres n'ont qu'à crever puisqu'ils sont pauvres. En regard cependant, la photo des courageux militants qui réclament de leur gouvernement des traitements maintenant. En France, par contre, nous avons le héros Kouchner, qui " s'énerve ", qui trouve la position américaine " grotesque ". Et que nous propose-t-il ? Il est confiant, il a une grande initiative dans son chapeau. " Il s'agit de mettre en place une coopération d'hôpitaux du Nord avec ceux du Sud. Pour faire ainsi transiter (sic ! ".) les médicaments antisida, mais aussi (certes !) pour s'occuper du diagnostic, du suivi et de toute la prise en charge du patient .

 

Aurions-nous l'outrecuidance de demander ce que sont et d'où vont provenir ces fameux médicaments antiviraux en transit ?

 

Car de deux choses l'une. Ou bien la France, par la bouche de son ministre de la santé, annonce qu'elle s'engage à produire, ou acheter, en tous cas à fournir, les médicaments antiviraux nécessaires à la lutte contre le VIH en Afrique. C'est dans ce cas une excellente nouvelle : pourquoi alors ne pas la dire directement ?

 

Ou bien M. Kouchner nous annonce qu'il propose de traiter le Sida en Afrique avec les restes non utilisés des pharmacies hospitalières françaises.

 

En ce cas, butor pour butor, chacun peut décider lequel il trouve le plus nauséabond : l'américain repu qui sort de table en éructant : les pauvres n'ont qu'à crever, ou le français cireux qui vous propose de récolter les reliefs du repas pour soulager la faim des miséreux.

 

Pour ce qui nous concerne, nous appelons à militer, à manifester, pour que notre pays fournisse effectivement les traitements anti-viraux, avec la logistique qui va avec bien entendu. Que M. Kouchner nous l'annonce, qu'il le mette en pratique. Sans doute les gens de notre pays sauront alors soutenir son effort, et la communauté hospitalière y contribuer du mieux qu'elle le pourra.

 

Dr. Cécile Winter

Pour Campagne Sida en Afrique : la France doit fournir les traitements