Campagne Sida en Afrique : la France doit fournir les traitements !

FICHE D'INFORMATIONS n°1 - 5 juillet 2001


1. ONU
La session extraordinaire de l'assemblée générale de l'ONU (25 à 27 juin à New York) a beaucoup discuté de l'affaire du Fonds mondial proposée par Kofi Annan. Mais étant donnés à la fois le faible montant des contributions annoncées et les divisions entre les pays, nul ne sait ce qui va se mettre en place, ni quand, ni pour quoi faire, ni dirigé par qui. En tout cas, l'opinion moyenne exprimée lors de cette conférence ne va pas du tout dans le sens d'un Fonds consacré en grande partie à un achat massif de traitements en gros ! Et ce d'autant plus que les Etats ne se sont pas engagés à contribuer à un financement sur le long terme. Or un malade qui commence à recevoir des anti-rétroviraux doit avoir l'assurance qu'il continuera à être traité sans limite de durée

Dans le texte final de la résolution, la question du Fonds occupe deux paragraphes. Il est précisé qu'il s'agira « d'un fonds global VIH/sida et santé », il est question d'une « approche intégrée comprenant prévention, soins, soutien et traitement » et d'assistance aux gouvernements les plus concernés dans leurs efforts pour combattre le VIH/sida. Il est prévu que les contributions viennent « de sources publiques et privées avec un appel spécial aux pays donateurs, aux fondations, au milieu des affaires y compris les firmes pharmaceutiques, au secteur privé, aux philanthropes et aux individus fortunés ». En outre, en 2002, l'ONUSIDA lancera une collecte en faveur de ce fonds et s'adressera pour cela au public en général et au secteur privé.

Comme c'était déjà le cas dans le projet initial, la version finale de la résolution ne fixe aucun objectif financier pour le Fonds. Kofi Annan, lorsqu'il avait lancé l'idée de Fonds mondial, avait fixé un objectif de 7 à 10 milliards de dollars. Cette somme apparaît dans la résolution de l'ONU comme le montant global qui, en 2005, devra être dépensé pour combattre le VIH/sida dans les pays à faible revenu ou revenu intermédiaire (et dans ceux qui connaissent une extension rapide de la maladie). Cette somme comprend aussi bien l'argent dépensé par ces pays que celui venant de pays donateurs.

Concernant le Fonds mondial, les engagements financiers pris au moment de la fin de la session de l'ONU avoisinaient le milliard de dollars. Mais il ne s'agit même pas d'un milliard par an. En effet, la somme que certains pays ont avancée correspond à ce qu'ils vont verser sur plusieurs années (la France : 3 ans !) et non pour une année. Par ailleurs, la plupart n'ont pas pris d'engagement pour au delà de 2002. En outre, les sommes annoncées par certains pays ne sont même pas destinées au Fonds mondial (mais à l'ONUSIDA pour la Finlande) !

Arrivent « en tête » : les Etats-Unis avec 200 millions de dollars (une somme qualifiée de « honteuse » par le Washington Post, mais Colin Powell a déclaré que c'était seulement un « acompte »), la Grande-Bretagne avec 200 millions de dollars également (mais la plus grande partie provient d'une somme déjà prévue pour l'aide au développement), la France avec 127 millions de dollars (pour trois ans !), la Norvège avec 110 millions, la Fondation humanitaire créée par Bill Gates (Microsoft) avec 100 millions de dollars. Après la fin de la conférence de l'ONU, le premier ministre du Japon s'est engagé auprès de George W. Bush pour 200 millions de dollars. Quelques pays africains ont pris des engagements : Nigeria (10 millions), Ouganda, Zimbabwe.

Certains pays industrialisés ont fait savoir qu'ils attendaient la réunion du G7, qui se tiendra dans deux semaines à Gênes, pour annoncer leur contribution.

2. FRANCE

Bernard Kouchner a donné de la voix à New York pour plaider en faveur du traitement des malades. Une attitude qui tranchait avec celle des représentants de bien des pays, notamment d'Europe du Nord (cette dernière était reflétée par l'intervention du représentant de l'Union européenne). Malheureusement, les discours servent souvent à dissimuler l'inaction. La contribution de la France au Fond mondial (330 millions de francs pour une année) rapportée à son PIB est équivalent au maigre montant consenti la Maison Blanche, qui a été très critiqué aux Etats-Unis. Le gouvernement français a laissé entendre que pour 2002, 100 autres millions de francs seraient attribués à la lutte contre le sida dans le tiers monde. C'est la somme qui y était déjà consacrée cette année. En outre, Lionel Jospin avait annoncé en Afrique du Sud que 10% des sommes qui devaient être consacrées à l'allègement de la dette des pays pauvres seraient - au lieu de cela (même s'il ne le disait pas ainsi) - utilisées pour combattre le VIH-sida. Cela représenterait en moyenne environ 660 millions de francs par an (qui ne coûteront rien à la France puisque cette somme est prise sur un autre poste du budget). Qu'en sera-t-il fait ? Il semble que pour le moment rien de concret ne soit prévu pour 2002. La contribution de la France à la lutte pour le sida n'est décidemment à la hauteur ni de ses possibilités, ni des enjeux, ni de la place que la France occupe en Afrique.

Lancé par Bernard Kouchner, le projet de jumelage entre hôpitaux du tiers monde (Afrique et Caraïbes) et hôpitaux européens (pour le moment France, Italie, Luxembourg, Portugal, Espagne) dans le cadre de la lutte anti sida a fait l'objet de nombreuses déclarations et d'une conférence de presse à New York. Mais il semble que ce soit une affaire totalement improvisée. Au moment de la conférence de l'ONU, aucun responsable n'était en mesure de s'avancer sur les moyens qui seront mis en uvre bien que Bernard Kouchner ait annoncé que tout sera en place à la fin de l'année (ou au début 2002) et que trente opérations de jumelage sont déjà planifiées...

La France organisera les 30 novembre et 1er décembre à Dakar une réunion qui, aux dernières nouvelles (déclaration de Charles Josselin à New York), aura pour objectif de « dégager un consensus politique » au sujet des méthodes à mettre en uvre quand il s'agira de prendre en charge plusieurs milliers de malades porteurs du VIH dans un pays pauvre, notamment dans les zones rurales. Cette conférence associerait à ses débats des Etats, des ONG et des sociétés pharmaceutiques. Là aussi, l'improvisation semble entière au niveau du ministère de la Santé.

 

3. ETATS-UNIS

Le 26 juin, la commission des relations internationales à la Chambre des représentants a approuvé une proposition de loi débloquant 1,36 milliard de dollars pour la lutte contre le sida dans le monde. Elle devra être entérinée par la Chambre en session plénière puis par le Sénat. Les parlementaires ont notamment proposé de débloquer dès la prochaine année fiscale (qui commence le 1er octobre) 750 millions de dollars pour alimenter le Fonds mondial. Bush n'a promis que 200 millions jusqu'à présent. 560 millions sont prévus sous forme d'aides bilatérales alors que Bush n'avait demandé que 369 millions. 50 millions iront à un programme pilote d'achats de traitements. Ce vote est en grande partie le résultat des pressions exercées par le mouvement associatif.

Le samedi 23 juin, deux jours avant l'ouverture de la session de l'ONU, une manifestation a rassemblé au moins 1500 personnes (un participant avance le chiffre de 4000) dans les rues de New York. 500 étaient venus dans des cars loués par Act Up Philadelphie. Elle a été organisée par Act Up, Jubilee USA Network, African Services Committee, Health Gap Coalition, Global Aids Alliance, American Jewish World Service, Africa Action. De nombreuses organisations l'ont soutenue, notamment deux organisations sud-africaines (Treatment Action Campaign (TAC) et National Association of People with Aids in South Africa). Elle s'est terminée par des prises de parole auxquelles ont pris part plusieurs intervenants étrangers. Malgré la pluie qui s'est abattue sur la manifestation, un des participants l'a décrite comme « très stimulante ». Les revendications tournaient autour de trois questions :

« DOLLARS : que les Etats-Unis et le pays du G7 fournissent des milliards de dollars au Fonds mondial ainsi qu'aux plans nationaux anti sida et aux projets de développement d'infrastructures sociales dans les pays en développement.

DEBT : que les Etats-Unis et le pays du G7 fassent en sorte que le FMI et la Banque mondiale annulent les dettes des pays pauvres gravement frappés par le VIH/sida.

DRUGS : que les pays riches investissent dans des stratégies d'accès aux traitements, des infrastructures pour les soins, y compris les systèmes de distribution de vaccins. Ces stratégies devraient comprendre les importations parallèles, la production de génériques et un système d'achat global en gros de médicaments génériques.»

Il a été rappelé que les pays africains payent annuellement 13 milliards de dollars pour le service de la dette, c'est-à-dire beaucoup plus que l'objectif initialement fixé pour le Fonds mondial (7 à 10 milliards). Tim Atwater (Jubilee USA) a ainsi déclaré : « Les 200 millions de dollars que Bush a promis pour le Fonds sont l'équivalent de ce que l'Afrique subsaharienne paye pour la dette en moins d'une semaine. Le Congrès rédige un chèque un lundi. Et le vendredi, l'Afrique paye le même montant en retour ».

4. BRESIL

Les Etats-Unis ont abandonné la plainte déposée le 1er février contre le Brésil auprès de l'OMC (Organisation mondiale du commerce). Les Etats-Unis contestaient la loi brésilienne sur les brevets. Le Brésil fabrique sept anti rétroviraux génériques et les fournit gratuitement à ses malades. Cinq autres sont achetés par l'Etat aux détenteurs de brevet.

Un accord a été signé par les deux pays quelques jours avant l'ouverture de la session extraordinaire de l'ONU. Le Brésil devra consulter les autorités nord-américaines avant d'émettre des licences obligatoires pour la production de médicaments. « Obligatoire » signifie que, sans l'autorisation du détenteur du brevet, le gouvernement autorise la fabrication, la vente et l'importation d'un produit pour lequel un brevet a été déposé dans le pays. La loi brésilienne permet l'émission d'une licence obligatoire dans plusieurs cas.

Le Brésil menace actuellement la société suisse Roche d'émettre une licence obligatoire pour fabriquer des copies de Viracept, un antirétroviral vendu $1,08 la pilule et pouvant être fabriqué au prix de $0,60 selon le Ministère de la Santé. Le gouvernement brésilien espère que cette menace conduira Roche à baisser ses prix.

5. ACTION !

Les 7 et 8 juillet, Solidays attirera de nombreux jeunes à l'hippodrome de Longchamp. Une bonne occasion pour faire signer la pétition : « Sida en Afrique : la France doit fournir les traitements ! ». Rendez-vous pour les volontaires dimanche à 15 heures, porte Maillot, à l'endroit d'où partiront les navettes pour Solidays (devant le Palais des Congrès). Nous ne savons pas encore où nous ferons signer la pétition (porte Maillot ? entrée de l'hippodrome ?).