L’ARTICLE DU MOIS Janvier 2003

 

« Time to act : global apathy towards HIV/AIDS is a crime against humanity »,

Lancet vol.360 30 novembre 2002

 

En voilà une inconséquence ! Le mois dernier, nous décernions à Robert Feecham du Fonds Mondial, et à ses hôtes de « Libération » le titre de plus vilains du mois  pour le même énoncé semble-t-il, ce mois-ci nous voulons saluer l’article  du Lancet. Et bien oui, il y a l’énoncé et il y a la situation dans laquelle il se trouve prononcé. Dans le premier cas, parole de collabo, c’est un crime contre l’humanité j’y participe ! (comme nous l’a précisé le premier décembre le Pr. Kazatchkine, où l’on reconnaîtra le cri princeps du collabo : « si on ne le faisait pas, çà serait pire »). Dans  le cas présent, c’est un crime contre l’humanité, je le dénonce, on est dans le cadre d’une discussion « au sein du peuple », ne craignons pas de le dire, qui porterait sur témoignage ou bien action , dénonciation ou politique.

 

En l’occurrence l’article a le double intérêt, et le double mérite, d’être signé par un groupe de médecins connus dans le domaine (c’est peut-être bien la première fois) et de tenir une proposition sur le monde –un seul monde, et pas deux-.

 

Le groupe des signataires est déjà mondial : argentin, canadien, hollandais, indien,  italien, ougandais, québecquois .(Nous remarquons bien sûr  l’absence de tout français : est-ce parce que, comme le disait l’autre jour plaisamment un très jeune ami, «  bien sûr, bobo, çà vient de collabo » ?). Les chiffres et les considérations qu’il propose sont aussi délibérément mondiaux, et placés sous la dédicace d’un paysan du Malawi, Fred Minandi , traité dans le cadre d’un des programmes de Médecins Sans Frontières , venu à Barcelone avec cette organisation pour y intervenir sur les traitements.

Les chiffres :

L’ONUSIDA estime que plus de 60 millions de personnes ont été infectées par le VIH : un tiers de ces personnes sont mortes.

Sur les 40 millions de personnes atteintes aujourd’hui par le VIH, 28 millions vivent en Afrique sub-saharienne, 6 millions en Asie du sud et du sud-est, 1,5 million en Amérique latine, 500 000 dans les Caraïbes, 1 million en Europe de l’est et Asie centrale, 1 million en Extrême-Orient et dans le Pacifique, 500 000 en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, 500 000 en Europe de l’ouest et 1 million en Amérique du  nord.

L’espérance de vie est aujourd’hui de 47 ans en Afrique sub-saharienne : elle serait de 62 ans sans le  VIH/SIDA.

Le Fonds Mondial  créé sur les instances de Kofi Annan était supposé disposer de 10 billions de dollars par an, fournis par les différents pays du monde au prorata de leur produit national. Il ne dispose que de 2,1 billion pour les cinq prochaines années, soit 4% de ce que Kofi Annan demandait pour l’année dernière.

Les considérations :

 Sont cités cinq pays importants par leur population, le développement de l’épidémie,  les choix qu’ils ont à faire et l’insuffisance de leur réponse : la Russie, le Nigeria, l’Inde, l’Ethiopie et la Chine. Considérer le monde comme multiplicité de pays et donc de possibles nous paraît une bonne chose. La même considération prévaut lorsqu’il s’agit d’exemplifier le fait que « l’argent existe » : Canada, Chine, Etats-Unis.

Finalement, ce texte parle au présent , considère qu’il y a un monde et déclare que toute vie compte : « The fate of people like Fred Minandi rests on our actions and the actions of ours leaders. The time to act is now », telle est la phrase finale.

 

Après quoi les militants que nous sommes peuvent demander quelle est l’action envisagée, et remarquer que les phrases qui précèdent immédiatement la conclusion sont les suivantes : « Inaction against HIV/AIDS today is a crime against humanity that cannot be tolerated any longer. Immediate action is needed to move this issue forward and must start by ensuring  that political leaders fulfil their commitments on a local, regional and global basis  without further delay ».

Nous remarquions lors de la réunion du  10 janvier que pays et action vont de pair (l’absence des pays au moment de conclure est ce qui jette le doute sur l’action). Entre les deux termes, il y a réciprocité. Nous proposons une maxime sur pays et monde. La France peut fournir les traitements, elle doit le faire. Le pays existe de ce qu’il peut mettre en œuvre et ce qu’il peut mettre en œuvre fait qu’il existe. C’est pourquoi notre déclaration est coextensive à la proposition militante, et personne ne n’y trompe. La réaction d’apathie qui lui est opposée se formule toujours comme : il n’ y pas la France c’est l’Europe, pas l’Europe c’est l’Amérique et ainsi de suite.[1]

 

En ce début d’année, nos saluts et nos vœux les plus chaleureux à l’hétéroclite petite internationale des militants qui mènent à leur façon dans leurs pays l’universelle bataille pour l’accès aux traitements Nous sommes heureux de pouvoir désormais nous y compter.

 

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[1] Ce « ainsi de suite » fait l’objet de l’annexe 3 de notre livre